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Full text of "Revue archéologique"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


REVUE 


ARCHÉOLOGIQUE 


JANVIER-JUIN  1916 


Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


ANORRS.    IMP.  OMINTALE  A.   BDRDIN  BT  G'«,  4,  RDI  fiARNlBR. 


REVUE 


ARCHÉOLOGIQUE 


PUBLIÉE  JSOUS   LA  DIRECTIiON 


DE   MM. 


E.  POÏTIER  ET  S.  REINACH 


MEMBRES    DE    L  INSTITUT 


CINQUIÈME  SÉRIE.  —    TOME  III 


JANVIER-JUIN  1916 


PARIS 
ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

28,  RUE  BONAPARTE,  28 

1916 


9011002 


ASTUOLOGICA 


Les  célèbres  «  Heures  du  duc  de  Berry  )),  conservées  à  Chan- 
tilly, contiennent  une  grande  miniature  hors  texte,  page  d'une 
étrange  beauté,  où,  comme  le  remarque  M.  Paul  Durrieu*, 
interprète  érudit  de  ce  manuscrit  précieux,  «  l'artiste  a  su 
ennoblir  et  rendre  séduisante  une  représentation  ingrate  en 
elle  même  »  :  un  personnage  le  corps  couvert  des  signes  du 
zodiaque  (fig.  1).  M.  Durrieu  se  demande  dans  son  commentaire 
comment  cette  image,  qui  ne  se  trouve  dans  aucun  autre  livre 
d'heures  antérieur  à  l'invention  de  l'imprimerie,  a  pu  se  glisser 
dans  celui  que  les  plus  habiles  miniaturistes  du  temps  illus- 
traient pour  le  duc  de  Berry  quand  celui-ci  mourut  en  1416; 
il  suppose  qu'elle  a  dû  être  empruntée  à  quelque  traité  d'astro- 
logie judiciaire. 

Il  n'est  pas  douteux  que  cette  hypothèse  soit  exacte.  L'as- 
trologie étant  aujourd'hui  une  science  un  peu  délaissée,  peut- 
être  ne  sera-t-il  pas  superflu  d'expliquer  ce  qu'a  voulu  repré- 
senter l'auteur  de  cette  composition  et  quels  éléments 
traditionnels  il  a  mis  en  œuvre,  en  leur  prêtant  un  charme 
inconnu  avant  lui. 

Au  centre,  sur  un  fond  bleu  pâle,  où  se  détachent  de  petits 
nuages  dorés  et  argentés,  est  figuré  un  jeune  homme,  debout  en 
pleine  lumière  ;  sur  son  corps  nu  sont  disposés  les  douze 
signes  du  zodiaque.  Derrière  lui  se  tient  un  personnage  sem- 
blable, vu  de  dos.  Le  fond  représentant  évidemment  la  voûte 
céleste,  on  pourrait  supposer  que  le  cristal  de  la  sphère  reflète 
comme  un  miroir  la  première  figure,  mais  celle-ci  a  les  che- 

\.  Paul  Durrieu,  Us  Très  Hiches  Heures  de  Jean  de  france^  duc  de  Herry, 
Paris,  1904,  pi.  XIII  et  p.  29. 

V*'  .SÉRIE,    Ti    ill  i 


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2  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

veux  blonds,  l'autre  les  cheveux  bruns,  et  la  position  du  bras 
droit  est  différente.  Il  semble  donc  que  l'addition  du  second 
jeune  homme  soit  un  simple  embellissement  de  la  composition, 
dû  au  désir  du  peintre  de  montrer  son  habileté  à  modeler  le 
nu,  de  dos  comme  de  face. 

La  bordure,  qui  dessine  deux  arcs  s'entrecoupant,  est  com- 
posée de  trois  bandes  concentriques.  La  plus  large,  au  milieu, 
est  occupée  par  une  nouvelle  représentation  du  zodiaque.  Les 
douze  signes,  délicatement  dessinés,  occupent  des  écussons,  à 
côté  desquels  une  banderole  porte  leurs  noms.  A  l'extérieur, 
sont  indiquées  les  subdivisions  de  chaque  signe  en  trente 
degrés;  à  l'intérieur,  les  mois  durant  lesquels  le  soleil  par- 
court successivement  chacun  d'eux,  ces  mois  étant  partagés  en 
vingt-huit,  trente  ou  trente  et  un  jours. 

Enfin,  dans  les  angles  de  la  page,  près  des  armoiries  du  duc 
de  Berry  ou  de  son  chiffre,  VE  enlacés,  se  lisent  les  inscriptions  : 

Aries,  Léo,  Sagittarius  siint  calida  et  sicca,  collerica,  mascu- 
lina,  orientalia. 

TauriiSy  Virgo,  Capriconiiis  sunt  frigida  et  sicca,  melanco' 
7iica,  feminina,  occidentalia. 

Gemini,  Aquarius,  Libra  sunt  calida  et  hiimida,  masculina, 
sanguinea,  meridionalia. 

Cancer,  Scorpius,  Pisces  sunt  frigida  et  humida,  flemmatica , 
feminina,  septentrionalia. 

Ces  légendes  suffiraient,  à  elles  seules,  à  nous  indiquer  le 
caractère  astrologique  de  toute  la  composition.  Les  signes  qui 
sont  «  en  aspect  trigone  »,  c'est-à-dire,  qui  forment  sur  la  sphère 
les  sommets  d'un  triangle  équilatéral,  y  sont  groupés  trois  par 
trois  et,  suivant  une  doctrine  héritée  des  mathematici  anti- 
ques*, chacun  de  ces  quatre  trigones  est  considéré  comme 


1;  Ptolémée,  Tétrabible,  î,  c.  16;  Vettius  Valens,  lî,  1;  Antioôhus  dans 
Cat.  codd.  astroL,  I  (Florentini),  p.  146,  etc.  ;  cf.  Bouché-Leclercq ,  Astrologie 
grecque,  1899,  p;  199,  202.  —  C'était  aussi  une  doctrine  courante  à  la  Renais* 


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Fig.  1.  —  Le  Zodiaque  des  Très  Riches  Heures  du  duc  de  Berry.  Musée  Couaé. 


4  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

possédant  certaines  propriétés  :  il  est  chaud  ou  froid,  sec  ou 
humide,  masculin  ou  féminin,  et  il  est  mis  en  rapport  avec  un  des 
quatre  points  cardinaux  et  avec  un  tempérament  de  l'homme, 
hïVieux  (cholericus),  mélancolique,  sanguin  ou  phlegmatique. 

L'opinion,  émise  par  M.  Durrieu,  que  cette  image  astrolo- 
gique n'a  pas  la  même  origine  que  les  miniatures  précédentes, 
ornant  les  mois  du  calendrier,  est  confirmée  par  un  détail  qui 
paraît  lui  avoir  échappé.  Le  procédé  de  marquer  la  correspon- 
dance des  mois  et  des  signes  du  zodiaque  par  deux  cercles  con- 
centriques, divisés  l'un  en  jours,  l'autre  en  degrés,  est  fréquem- 
ment employé  dans  les  ouvrages  d'astronomie  ou  d'astrologie  ', 
et  il  a  été  adopté  pour  les  illustrations  du  calendrier  comme  pour 
notre  composition.  Seulement  cette  correspondance  n'est  pas 
la  même  des  deux  côtés.  Tandis  que  le  calendrier  indique  avec 
une  certaine  précision,  pour  l'entrée  du  soleil  dans  les  divers 
signes,  une  date  qui  varie  de  mois  en  mois  du  10  au  16  *,  et  qu'il 
tient  compte  par  conséquent,  en  l'exagérant,  de  l'inégalité  de 
vitesse  dans  la  marche  apparente  du  soleil  aux  différents 
moments  de  l'année',  l'auteur  de  la  miniature  astrologique 
place  tout  uniment  le  premier  degré  de  chaque  signe  en  face  du 
15  de  chaque  mois.  Cette  indication  grossière  in  medio  mense 


âànce;  cf.  par  éxeniple  Gregfôr.  fteisch,  Màrgarita  phitosophica  (Strasbourg, 
15b4),  lib.  VII,  tract.  II,  cap.  2. 

1.  On  en  trouvera  un  exemple  dans  le  Paris,  latin.  "7351,  f.  13*^. 

2.  Plus  précisément  :  entrée  du  Soleil  dans  les  Poissons  le  10  février,  dans 
le  Bélier  le  12  mars,  dans  le  Taureau  le  12  avril,  dans  les  Gémeaux  le  13  mai, 
dans  le  Cancer  le  14  juin^  dans  le  Lion  le  15  juillet,  dans  la  Vierge  le  16  août, 
dans  la  Balance  le  15  septembre,  dans  le  Scorpion  le  15  octobre,  dans  le  Sagit- 
taire le  14  novembre,  dans  le  Capricorne  le  14  décembre.  Si  l'on  pouvait  tirer 
argument  d'indications  aussi  imprécises  et  qu'on  considérât  comme  exacte  la 
date  donnée  pour  le  Bélier  (équinoxe  du  printsmps),  c'est-à-dire  le  12  mars, 
l'original  reproduit  par  le  copiste  daterait  du  xm"  siècle  ;  cf.  infra. 

3.  D'après  l'Annuaire  du  bureau  des  longitudes  pour  1913,  l'entrée  du  Soleil 
dans  les  signes  du  zodiaque  a  lieu  aux  dates  suivantes  :  Verseau,  21  janvier; 
Poissons,  19  février;  Bélier,  21  mars  ;  Taureau,  21  avril  ;  Gémeaux,  22  mai; 
Cancer,  22  juin;  Lion,  23  juillet;  Vier^^e,  24  août;  Balance,  24  septembre; 
Scorpion,  24  octobre,  Sagittaire,  23  novembre;  Capricorne,  22  décembre  (je 
néglige  l'indication  des  heures). 


ASTROLOGICA  3 

est  donnée  dans  le  De  temporum  ralione  de  Bède  le  Vénérable  ', 
ouvrage  qui  jouit,  on  le  sait,  d'une  grande  autorité  au  moyen 
âge,  et  les  astrologues,  qui  étaient  souvent  plus  devins  qu'astro- 
nomes, ont  pu  s'en  contenter  *,  bien  que  la  légère  inexacti- 
tude du  calendrier  Julien,  qui  mettait  celui-ci  en  retard  d'un 
jour  tous  les  128  ans,  rendît  cette  approximation  de  plus  en 
plus  erronée.  Au  commencement  du  xv^  siècle,  quand  furent 
peintes  les  «  Très  Riches  Heures  ))  du  duc  de  Berry,  l'entrée  du 
soleil  dans  le  Bélier  se  produisait,  en  réalité,  non  le  15,  mais  le 
11  mars. 

L'interprétation  de  la  figure  étrange  qui  forme  le  centre  de 
la  composition,  n'est  pas  douteuse.  Les  astrologues  grecs  met- 
taient déjà  chaque  signe  du  zodiaque  en  relation  avec  une  par- 
tie du  corps  humain  ^  Cette  doctrine  avait  surtout  une  applica- 
tion médicale,  les  planètes  malfaisantes  ou  la  Lune  menaçant 
tel  ou  tel  membre  ou  organe  lorsqu'elles  se  trouvaient  dans  le 
signe  correspondant.  Il  règne  un  accord  assez  général  sur  la 
répartition  des  influences  astrales  entre  les  divers  membres; 
Manilius*  a  déjà  sur  ce  sujet  des  vers  qui  pourraient  presque 
servir  de  commentaire  à  la  page  de  notre  manuscrit  de  Chan- 
tilly, et  l'on  peut  suivre  la  tradition  de  cette  «  mélothésie  »  zodia- 
cale, pour  lui  donner  son  nom  technique,  jusqu'à  la  fin  de  l'an- 
tiquité'. C'était  encore  une  des  croyances  de  la  secte  des  Pris- 


1.  Bède,  De  lemp.  rat.^  c.  16,  dans  Migne,  Tair.  lat.t  CXVl,  p.  360. 

2.  Georges  Midiatès  indique  de  même  la  date  uniforme  du  11  pour  tous  les 
mois.  Cf.  infra. 

3.  BouchéLeclercq,  op.  cit.^  p.  319  ss. 

4.  Astronom.,  II,  454  sqq.  : 

Aries  caput  est  ante  omnia  princeps 
SorlituSy  censusque  sui  pulcherrima  colla 
Taurus,  et  in  G^minos  aequali  brachia  sorte 
Scribuntur  connexa  humeris,  peclusque  locatum 
Hub  Cancro  est,  lateru/n  regnum  scapulaeque  Leonis  ; 
Virginis  in  propriam  descendunt  ilia  sortem  ; 
Libra  régit  dunes,  et  Scorpios  inguine  gaudel  ; 
Centauro  femina  accedunl,  Capricornus  utrisque 
imperitat  genibus,  crurum  fundentix  Aquari 
arbitrium  est,  Piscesque  pedum  sibi  iura  reposcunt. 

5.  VeUius  Valens,  H,  36,  p.  109  Kroll  ;  Sextus  Empiricus,  Adv.  Astrol.  21 


6  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

cillianistes,  condamnées  par  l'orthodoxie  *,  et,  en  563,  le 
concile  de  Braga  lança  contre  elle  un  anathème'  :  Si  gui 
duodecim  signa,  guae  malhemalici  observare  soient,  per  sin- 
gula  animae  vel  corporis  membra  disposita  credvnt  et  nomini- 
bus  patriarcharum  adscripta  diciint,  anathema  sit.  Mais  les 
foudres  de  l'Église  ne  parvinrent  pas  à  détruire  une  vieille 
superstition,  qui  reprit  un  ascendant  nouveau  sur  les  esprits 
quand,  au  xiii®  siècle,  l'astrologie  recommença  à  être  cultivée 
en  Europe. 

Suivant  cette  théorie,  qui  se  justifie  par  des  associations 
d'idées  plus  ou  moins  forcées',  au  Bélier,  chef  du  zodiaque, 
appartient  la  tête,  au  Taureau,  le  cou  —  un  «  cou  de  taureau  »  est 
encore  proverbial  —  ;  les  épaules  et  les  bras,  membres  géminés, 
sont  soumis  aux  Gémeaux;  la  poitrine  dépend  du  Cancer,  dont 
la  carapace  rappelle  la  forme  de  la  caisse  thoracique;  les  flancs 
sont  attribués  au  Lion  à  la  robuste  musculature,  auquel  on 
donnait  aussi  le  cœur;  la  Vierge,  conçue  comme  féconde, 
règne  sur  le  ventre,  siège  de  la  maternité  ;  les  hanches  et  les 
fesses,  qui  se  font  équilibre,  sont  réservées  à  la  Balance  — Tau- 
teur  de  notre  peinture,  s'écartant  de  la  doctrine  traditionnelle, 
a  placé  la  Balance  sur  le  bas  ventre  — .  Le  Scorpion  est  le 
maître  des  parties  génitales,  et  le  Sagittaire,  coursier  rapide, 
des  cuisses  ;  le  Capricorne,  qu'on  figurait  agenouillé,  a  le  patro- 
nage des  genoux  et  le  Verseau  des  jambes  pour  une  raison  mys- 
térieuse. Enfin,  les  deux  pieds  sont  sous  l'influence  des  Poissons, 
qui  en  sont,  il  est  vrai,  dépourvus,  mais  qui  vivent  dans  les 
régions  inférieures  de  notre  monde. 

Les  manuscrits  figurent  la  mélothésie  zodiacale  par  deux 


(p.  73i,  Bekker);  Porphyre,  Introd.,  p.  198;  Firmicus  Maternus,  II,  24;  Paul. 
Alexandrin.  Introd.,  c.  1;  Schol  in  Aratum,  545  (Maas,  Comment,  in  Arat., 
p.  446);  cf.  Catal.  codd.  astroL,  Il  (Veneti),  p.  47  (cod.  7  cap.  por;')  et  III  (Me- 
diolan.),  p.  14  (cod.  22,  f.  339^). 

1.  August.,  Adv.  Haeres.,  70;   Orose,   Commonitorium,   dans  Migne,  Patr. 
lat.,  XLII,  col.  677. 

2.  Concil.  Bracarense,  çan.  10,  dans  Mansi,  t.  IX,  p.  775. 

3.  Bouché-Leclercq,  /.  c. 


ASTROLOGICA 


sortes  de  compositions,  que  le  peintre  des  «  Riches  Heures  » 
semble  avoir  connues  et  combinées. 

Parfois,  le  personnage  nu  est  représenté  au  milieu  des  douze 


*  Mf^ 


Fig.  2.  —  Première  page  du  Paris,  grec  2419. 


signes  disposés  en  cercle  autour  de  lui.  L'homme  microscome 
est  placé  au  centre  de  la  bande  zodiacale,  comme  la  terre,  sui- 
vant la  cosmographie  des  anciens,  est  suspendue  au  centre  du 


8  REVUE    AHCHÉOLOGIQUE 

monde.  L'un  et  l'autre  sont  soumis  aux  mêmes  influences  stel- 
laires,  et  ce  parallélisme  est  souvent  exprimé  dans  les  textes  qui 
traitent  de  la  mélothésie  *.  Je  reproduirai,  comme  exemple  d'une 
de  ces  figures,  assez  nombreuses',  un  dessin  qui,  d'après 
son  style  et  d'après  l'écriture  des  inscriptions  qui  l'accompa- 
gnent, est  du  XV®  siècle.  Il  orne  la  première  page  du  Parisiniis 
grec  2419,  immense  recueil  astrologique  compilé  par  Geor- 
ges Midiatès  '  (fig.  2).  Les  douze  signes  sont  groupés  en  deux 
séries  parallèles,  dont  l'ordre  est  indiqué  par  la  numérotation 
Aov^  Bo^  etc.  ;  à  côté  de  chacun  d'eux,  se  trouve  une  notice 
indiquant  à  quelle  date  le  soleil  y  entre*,  à  savoir  le  11®  jour  1/2 
de  chaque  mois.  Cette  indication,  qui,  en  réalité,  ne  peut  être 
uniforme  pour  tous  les  mois*,  est  probablement  valable  pour 
le  Bélier,  pris  comme  point  de  départ,  ce  qui  nous  reporterait 
aux  environs  de  l'an  1300  pour  l'original  du  dessin,  dont  les 
inscriptions  auraient  été  reproduites  textuellement  par  le 
copiste.  De  chaque  signe  part  un  trait,  qui  atteint  la  partie  qui 
lui  est  soumis  du  personnage  placé  au  centre;  la  signification 
en  est  expliquée  par  les  légendes  suivantes  : 

Ao^.  '0  Kpioç  ï%iyzi  TYîV  xsçaXyjv  —  B^^.  Taîjpoç  •  èxé'/et  xov  xpayYjXov 
—  Fo^.  A{S'j[jt.ot  •  apx^t  TO'jç  co[jLouç  —  A^^.  Kapxtvoç*  ap>(£t  io  (7ty;6oç  — 
Eo^.  AéwV  apyei  TY)V  xapBiav  —  CT^^.  Ilapôévoç  •  apysi  xov  c':ô\).<xyo')  xal 

T/;v  xotX{a^  —  Z^v.  Zu^ôç  •  ojtoç  IrAy^ti  xoùç  Suo  y^ouxcùç  —  H»^.  Sxop- 
7Ç10Ç  •  ap5(£t  xc  atSiov  (1.  alâoTov)  —  ©o^.  ToÇotyjç  •  OLç^yt'.  xoùç  Suo  |J.vjpouç 


1.  Hermès  Trismégiste  dans  Olympiodore,  Sur  l'art  sacré,  §  51  (Berthelot  et 
Ruelle,  Alchimistes  grecs,  1,  p.  101,  cf.  p.  106).  Cf.  Catal.  codd.  astrol.,  VI 
(Vindubon.),  p.  83,  etc.  —  Le  Bélier  est  capvt  mundi\  cf.  Bouché-Leclercq, 
Astrol.  gr.,  p.  129,  n.  1. 

2.  Cod.  Parisin,  graec.  2180,  s.  XV,  f.  108  ;  Cod.  Ambrosianus  1030,  f.  253>' 
{—  Cat.  codd.  astrol.  III  [MeUolan,  p.  15,  etc.)  —  On  retrouve  une  figure  ana- 
logue dans  Greg.  Reisch,  Murgarita  philosophica,  Strasbourg,  1504,  livre  Vil, 
tract.  I,  capit.  II  {De  principiis  astrologiae) . 

3.  Cat.  codi.  astral.  VIII  (Parisini),  pars  I,  p.  8,  n°  4  (sous  presse). 

4.  Ainsi  A°^.  Stlp^eTat  ô  ("HXto;)  xov  Kptbv  àiro  xà;  [àito  rà;]  ta'  (r\\).ia\))  toO 
Mapxtou  Iw;  ta;  la'  (riiAiCTuI  toO  *AicptXX(îov).  Môme  formule  pour  les  autres  mois, 

5.  Supra,  p.  4 


ASTROLOGICA  i) 

(compléter  :  xàç  '/M^\).olz)  —  113°^,    Ix^^Ç  •  ^^yo'jQr.  tsùç  ivôoaç  y.axd). 

Au  contraire,  dans  d'autres  manuscrits  astrologiques,  le  per- 
sonnage est  représenté  portant  sur  son  corps  même  les  douze 
signes  à  l'endroit  sur  lequel  chacun  d'eux  exerce  son  influence. 
Je  reproduis  ici  (fig.  3),  à  titre  d'exemple,  une  miniature  assez 
grossière  d'un  manuscrit  du  xiv«  siècle  conservé  à  la  Biblio- 
thèque Nationale  et  qui  a  déjà  été  signalé  à  M.  Durrieu  par 
Léopold  Delisle,  le  Parisinus  lat.  7351  (f.  2)*.  Sur  le  fond  bleu 
d'un  ciel  constellé  d'étoiles  rouges  à  rayons  verts,  se  détache 
l'image  d'un  homme  barbu,  debout,  les  bras  écartés.  Il  porte, 
répartis  sur  son  corps,  les  signes  du  zodiaque,  auxquels  le 
peintre  a  donné  une  couleur  plus  ou  moins  appropriée  à  leur 
nature.  La  disposition  est  la  même  que  dans  les  «  Riches 
Heures  »,  sauf  que  les  Gémeaux  sont  placés  non  derrière  les 
épaules,  mais  sur  les  mains  et  que  le  copiste  a  confondu  en  un 
seul  signe  la  Vierge  et  la  Balance.  De  plus,  il  a  gauchement 
transformé  le  Scorpion  en  un  lézard  vert.  L'enluminure  bru- 
tale ne  dispose  que  de  quatre  tons,  le  brun,  le  rouge,  le  vert  et 
le  violet. 

Au-dessous  de  cette  figure,  on  remarque  un  écu  avec  trois 
fleurs  de  lys  d'or  sur  champ  d'azur,  armes  de  la  maison  de 
France.  Il  n'est  pas  impossible  que  ce  Parisinus  7351,  manu- 


1.  Une  traduction  française  du  comput  de  Pierre  de  Dacia^  conservée  à 
Copenhague,  contient  un  dessin  semblable,  mais  plus  soigné  (Abrahams,  Des- 
cription des  mss,  français  de  Copenhague,  p.  55  [fonds  Thoth,  n»  240,  du 
XV*  siècle]  et  planche  II).  Piper,  Mythologie  der  Christlichen  Kunst,  1851,  t.  II, 
p.  289,  cite  plusieurs  calendriers  inaprimés  à  Augsbourg  de  1481  à  1495,  à  Erfurt 
en  1505,  à  Zurich  enl508,  où  la  même  figure  est  reproduite.  —  Par  contre,  les 
figures  dites  «  de  l'homme  anatomique  »,  dont  l'introduction  près  du  calendr  er 
«  est  devenue  une  tradition  à  peu  près  constante  dans  les  livres  d'Heures... 
édités  à  Paris  à  dater  des  dernières  années  du  xvi*  siècle  >»  [Durrieu]  se  rap- 
portent à  une  autre  doctrine  astrologique.  Elles  illustrent  la  mélolhésie,  non 
zodiacale,  mais  planétaire  (cf.  Bouché-Leclercq,  op.  cit.,  p.  320  ss.).  Elles  sont 
d'ailleurs  empruntées  aussi  à  la  tradition  manuscrite;  cf.  p.  ex.  Cat.  codd, 
aslr.  IV  (Italici),  p.  4^,  cod.  18,  f.  311. 


10  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

scrit  latin  et  français  du  xiv®  siècle  ayant  appartenu  à  quelque 
prince  de  la  famille  royale,  soit  un  de  ceux  qui  ont  inspiré 
rillustration  des  Riches  Heures.  Si,  dans  celles-ci,  la  Balance  a 
été  distinguée  de  la  Vierge,  elle  a  improprement  été  placée  au- 


Fig.  2.  —  Miniature  du  Paris,  lat.  7351. 

dessous  d'elle,  position  contraire  h  la  véritable  tradition  astro- 
logique :  il  y  a  donc  une  erreur  commune,  bien  qu'elle  soit 
différente.  Si  vraiment  le  modèle  que  nous  reproduisons  a  été 
imité  par  le  miniaturiste  du  duc  de  Berry,  rien  ne  montrerait 
mieux  avec  quel  art  il  a  su  transformer  une  figure  hideuse  en 


ASTROLOGIGA  1  1 

une  composition  d'un  charme  singulier,  dont  le  coloris  harmo- 
nieux a  pu  être  comparé  par  M.  Durrieu  à  celui  d'un  émail. 


II 


L'astronomie,  qui  devint  au  moyen  âge  une  des  branches  du 
giiadriviitm,  faisait  déjà  partie  dans  l'antiquité  de  l'enseigne- 
ment ordinaire;  toute  école  convenablement  montée  possé- 
dait une  sphère  céleste,  mobile  autour  de  son  axe'.  Mais  les 
anciens  savaient  aussi  projeter  sur  un  plan  la  voûte  concave  du 
ciel,  aussi  bien  que  la  surface  convexe  de  la  terre.  Les  manus- 
crits nous  ont  conservé  un  certain  nombre  de  ces  planisphères*, 
où  les  constellations  boréales,  placées  au  centre,  sont  entourées 
par  le  zodiaque,  autour  duquel  lés  constellations  australes 
prennent  place  à  la  périphérie  du  cercle. 

En  1899,  M.  Franz  Boll  a  publié  pour  la  première  fois  une 
figuration  du  ciel  divisé,  ainsi  que  le  font  nos  cartes  modernes, 
en  deux  hémisphères  \  Il  l'avait  trouvée  dans  un  manuscrit  de 
Ptolémée,  le  V aticamis  i29i,  chef-d'œuvre  de  la  calligraphie 
byzantine  du  ix«  siècle.  Malheureusement,  les  phototypies  de 
ces  miniatures,  aux  couleurs  pâlies,  sont  presque  indistinctes,  ce 
qui  est  d'autant  plus  regrettable  que  l'illustration  de  ce  Vati- 
canus  —  leur  éditeur  le  démontre  avec  certitude  —  repro- 
duit des  originaux  remontant  à  la  seconde  moitié  du  iii^  siècle. 

Mais  ce  livre  grec  n'est  pas  le  seul,  comme  le  croyait  M.  Boll, 
qui  contienne  des  images  des  deux  hémisphères  célestes.  Deux 
manuscrits  latins,  datant  l'un  et  l'autre  du  ix"  siècle  et  étroite- 


1.  Cf.  Saglio-Pottier,  hict.  des  antiiquités.  s.  v.  «  Zodiacus  ». 

2.  Ils  sont  énumérés  par  Thiele,  Antike  Himmelsbilder,  1898,  p.  162  ss.  Cf. 
Boll,  Sphaera,  1903,  pi.  I.  —  En  Orient,  on  rencontre  des  planisphères  où  c'est 
au  contraire  le  pôle  sud  qui  occupe  le  centre,  ce  qui  oblige  à  le  laisser  vide,  les 
anciens  ne  connaissant  pas  les  constellations  qui  l'environnent;  cf.  Nau,  Jour- 
nal asiatique,  IX*  série,  t.  Vlll,  1896,  p.  155  ss.  (planisphère  syriaque). 

3.  Franz  Boll,  Beitrdge  zur  Oeberlieferungsgesck.  der  griech.  Astrologie 
und  Astronomie,  â&n»  Sitzungsb.  Ahad.  MUnchen,  1899,  p.  120, 


12         .  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

ment  apparentés,  nous  les  ont  aussi  transmises  :  ce  sont  le 
Dresde?ms  183,  f.  7  S  et  le  Parùimis  lat.  nouv.  acq.  1614, 
f.  81,  qui,  malgré  son  antiquité:  n'a  pas  été  étudié  jusqu'ici  \ 


Fig.  4.  —  Hémisphères  célestes  {Paris.  lat.,  n.  acq.  1614) 

1.  Maas,  Commentar.  in  Aratum  reliquiae,  1898,  p.  14o,  cf.  p.  xxi. 

2.  11  n'a  été  dépouillé  ni  par  Maas,  pour  les  «  Commentaires  d'Aratus  »,  ni 


ASTROLOGICA  l3 

Après  un  court  morceau  intitulé  Descriplio  duorum  semisphc- 
riorum,  ils  donnent  les  figures  que  nous  reproduisons  (fîg.  4) 
d'après  la  copie  de  Paris  \ 

Malgré  la  gaucherie  du  dessin,  gage  de  sa  fidélité  relative,  la 
signification  des  diverses  parties  n'est  pas  douteuse. 

Les  hémisphères,  qui  sont  coupés,  non  suivant  Téquateur, 
comme  on  a  coutume  de  le  faire  de  nos  jours,  mais  suivant  le 
colure  des  équinoxes,  ont  été  à  tort  rattachés  Tun  à  l'autre  par 
le  dessinateur,  car  ils  ne  se  continuent  pas,  le  pôle  nord  étant 
placé  dans  chacun  d'eux  à  la  partie  supérieure.  Ils  sont  divisés 
en  segments  par  des  lignes  parallèles,  qui  représentent  inexac- 
tement et  incomplètement  l'équateur,  les  tropiques  et  les  cercles 
polaires,  et  ils  sont  traversés  de  haut  en  bas  par  le  colure  des 
solstices.  La  bande  oblique  (Xo;oç  xuxXoç)  du  zodiaque  y  dessine 
des  arcs  tournés  en  sens  opposés. 

Dans  le  premier  hémisphère  on  reconnaît  sans  peine  les  six 
signes  septentrionaux,  ceux  du  printemps  et  de  l'été  :  Bélier, 
Taureau,  Gémeaux,  Cancer,  Lion,  Vierge.  Au  nord,  sont  repré- 
sentées cinq  constellations  :  Persée  tenant  la  tête  de  Méduse,  le 
Cocher  (Auriga),  dont  le  fouet  est  devenu  un  glaive,  le  Dragon, 
la  Grande  Ourse  et,  ce  semble,  la  Chevelure  de  Bérénice ^  Au 
sud,  on  voit  à  gauche  Orion,  la  Baleine  (Cetos)  et  Éridan,  qui  a 
pris  l'apparence  du  Capricorne;  à  droite,  l'Hydre,  portant  le 
Corbeau  et  la  Coupe  (Cratère),  Procyon,  le  navire  Argo,  orné 
de  deux  boucliers',  le  Chien  bondissant  et  la  partie  postérieure 
du  Centaure,  que  nous  retrouverons  sur  le  second  hémisphère. 

Celui-ci  est  traversé  par  l'autre  moitié  du  zodiaque  avec  les 
signes  de  l'automne  et  de  l'hiver  :  Balance,  Scorpion,  Sagit- 
taire, Capricorne,  Verseau,  Poisson;  seulement,  au  Scorpion,  le 

par  Thiele  pour  ses  «  Himmeisbilder  ».  tl  a  été  invèntofiè  sortûtiialrement  par 
Delisle  {Catalogue  desfonis  Libri  et  Barrois,  p.  68),  qui  montre  que  les  99  feuil- 
lets dont  il  se  compose  ont  été  soustraits  par  Libri  à  un  manuscrit  considérable 
de  Saint-Martin  de  Tours. 

1.  F.  8lv.  Le  (iiamètre  de  (îhaqtie  hémisphère  est  de  13  centirnètresi 

2.  Cf.  Boll,  neilratje,  p.  123  ss. 

3.  ma.,  p.  121. 


14  HEVUÈ   ARCHÉOLOGIQUE 

copiste  a  par  erreur  substitué  le  Serpentaire  {Ophiuchus),  qui 
en  est  voisin.  Au  nord  prennent  place,  à  gauche,  le  Bouvier 
(Bootes),  très  défiguré,  Hercule  avec  la  massue  et  TAigle;  à 
droite,  Pégase,  le  Dauphin,  méconnaissable,  Cassiopée,  assise 
sur  son  trône,  Andromède  entre  deux  rochers,  et  Céphée,  qui, 
confondu  avec  le  Serpentaire,  est  debout  sur  le  Scorpion.  Près 
du  pôle  s'étend  la  queue  du  Dragon.  Au  sud  du  zodiaque  le 
Centaure  porte  un  lièvre  suspendu  à  son  thyrse  et  tient  de  la 
main  droite  un  autre  gibier',  et  le  Poisson  Austral  vient  boire 
l'eau  que  répand  le  Verseau.  Au-dessous,  ce  qui  semble  l'extré- 
mité d'un  corps  de  reptile  ne  peut  être  que  la  queue  de  la 
Baleine. 

Ces  dessins  maladroits  n'enrichissent  pas  de  types  inédits 
l'iconographie  du  ciel.  Leur  intérêt  est  autre.  Les  traités 
astronomiques  contenus  dans  le  manuscrit  de  Paris,  comme 
l'Arithmétique  de  Boèce  qui  les  précède,  ont  servi  à  l'enseigne- 
ment de  l'école  pendant  l'époque  carolingienne  ^  Ils  repro- 
duisent, avec  quelques  altérations,  des  traductions  en  latin  bar- 
bare d'originaux  grecs,  faites  en  Gaule  à  la  fin  du  vii«  ou  au 
commencement  du  viii®  siècle  ^  et  notre  codex,  qui  provient  de 
Saint-Martin-de-Tours,  est  peut-être  resté  dans  la  ville  même  où 
originairement  il  était  mis  entre  les  mains  des  étudiants  dési- 


1.  Cf.  Boll,  Sphaera,  p.  144  ss. 

2.  Voici  la  iisle  de  ces  opuscules  :  F.  1-77.  Aritiimétique  de  Boèce.  — F.  77. 
Arati  ea  quae  videntur  {=  Maas,  Comment,  in  Aratumreliquiae,  1898,  pp.  102- 
126),  —  Jpparcus  de  magnitudine  et  positione  errontium  stellarum  (=  Maas, 
pp.  136-144).  •—  F.  80.  Alia  descriptio  praefationis  (=  Maas,  pp.i05-i23).  — 
F.  81.  Descriptio  duorum  smdspheriorum  (=  Maas,  pp.  145).  —  F.  82.  Arati 
genus  {=.  Maas,  p.  146-150).  ~  F.  82^.  De  caeli  positione  {=  Breysig,  Germa- 
nici  Aratea  cum  scholiis,  1867,  pp.  104-7).  —  De  stellls  fixls  et  stantibus  [I .  erran- 
tibus]  (  =  Breysig.  pp.  221-4).  —  F.  83.  Jnvolutio  spherae  {=  Maas,  p.  105; 
Breysig,  p.  224).  Incomplet,  un  feuillet  arraché.  —  F.  84.  [Arati  latini  recen- 
sio  interpolata]  {=  Maas,  p.  180-277,  286,  290-295).  —  F.  93.  Excerptum  de 
astrologia  {=  Maas,  pp.  307-312).  —  F.  95.  De  ordine  ac  positione  stellarum 
per  signa  (cf.  Maas,  p.  312).  Le  texte  est  coupé  f.  99^  après  le  paragraphe  sur 
Argo...  gubernaculo  usque  ad  malum  figuratur.  —  Pour  le  contenu  presque 
semblable  du  Dresdensis,  cf.  Maas,  op.  cit.,  p.  xxi. 

3.  Maas,  op.  cit.,  p.  xliii. 


ASTROLÔGrCA  15 

reux  de  s'initier  aux  rudiments  de  Tastronomie.  Les  esquisses 
grossières  qui  y  accompagnent  le  texte  semblent  presque  des 
caricatures,  mais  elles  imitent  certainement,  dans  la  mesure  où 
la  maladresse  du  dessinateur  le  lui  permettait,  des  miniatures 
antiques  beaucoup  plus  soignées,  semblables  à  celles  du  Vaiica- 
7UIS  de  Ptolémée.  Elles  achèvent  ainsi  de  prouver  que  nos 
figures  modernes  des  deux  hémisphères  célestes  ont  des  ascen- 
dants qui  remontent  jusqu'à  l'époque  romaine,  probablement 
même  jusqu'à  l'époque  alexandrine. 

Outre  ces  figures  des  hémisphères,  le  vieux  manuscrit  de 
Tours  contient  une  illustration  abondante,  dont  rien  n'a  été 
publié  jusqu'ici,  mais  qui  se  rattache  à  un  groupe  connu 
d'images  des  constellations*.  Elle  mériterait  cependant  d'être 
examinée  de  plus  près.  Sans  entrer  dans  les  détails,  je  me 
bornerai  à  faire  observer  que  nous  trouvons  dans  le  Parisinus 
une  double  série  de  dessins,  qui  ont  manifestement  une  origine 
différente  ^  La  première,  où  les  étoiles  ne  sont  pas  marquées 
dans  les  personnages,  animaux  ou  objets  traditionnels  de 
l'uranographie  grecque,  provient  d'un  traité  illustré  de  mytho- 
logie stellaire  racontant  une  série  de  «  catastérismes  »,  ou  trans- 
lations de  héros  parmi  les  astres\  La  seconde,  au  contraire, 
accompagnait  un  catalogue  d'étoiles,  indiquant  la  position  de 
celles-ci  dans  chaque  astérisme;  par  suite,  le  dessinateur  n'a 
pas  omis  de  marquer  leur  place  dans  chacune  de  ses  figures  *. 

1.  Celui  que  Thiele,  Himmelsbilder,  p.  160,  appelle  la  classe  de  Sainl-Gall. 

2.  Cf.  ce  que  dit  Thiele,  p.  144,  à  propos  des  inss.  de  Germanicus. 

3.  En  voici  l'inventaire  :  les  noms  imprimés  en  petites  capitales  sont  inscrits 
comme  légende,  près  du  dessin,  les  autres  se  trouvent  seulement  dans  le  texte 
voisin.  F.  84  :  Arcturus  maior.  —  84v  :  Arcturus  minor.  —85:  Serpens  l^TKR 
AMBAS  ARCTUROs.  Hercules.  Corona.  Serpentarius.  —  85^  :  ScoRPius.  Bootcs. 
Virgo.  —  86r  :  Gemini.  Cancer.  Léo.  Agitator.  —  8Gv  :  Taurus.  Cepheus.  Cassio- 
pea.  —  87  :  Andromeda.  Eguus.  Arles.  —  87v  :  Triangulum.  Pisces.  Perseus. 
(La  moitié  du  feuillet  88 est  déchirée  ;  il  manque  les  figures  suivantes,  au  recto  : 
Plciades.  Lyra.  Cygnus.  Aquarius.  Capricornus,  et  au  verso  :  Sagitlarius. 
Aquila.  Delphinus.  Orion).  —  F.  89  :  Canis^  Lepus,  Navis.  —  F.  89'  :  Cetus, 
Pluvius,  Piscis  magnus.  Sacrarium.  —  90»"  :  Centaurus,  ilydra^  Anticanis.  — 
F.  92'  et  9i  ;  les  figures  de  la  Lune  et  du  Soleil,  conservées  dans  le  DresdensiSt 
manquent,  quoique  leur  place  ait  été  laissée  en  blanc  par  le  copiste  du  texte. 

4.  On  les  trouve  f.  95  ss.  {De  or  Une  ac  positione  stellaram  per  signa).  En 


IG  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Sous  un  autre  rapport  encore,  le  recueil  contenu  dans  notre 
manuscrit  est  digne  d'attention.  On  y  voit  persister  cette  alliance 
étroite  de  Tastronomie  et  de  l'astrologie  qui  existait  sous  l'em- 
pire romain.  On  sait  que  la  divination  astrale,  proscrite  par 
l'Église,  fut  extirpée  dans  les  pays  latins  à  la  fm  de  l'antiquité 
et  ne  devait  revivre  en  Europe  qu'avec  l'introduction  de  la 
science  et  de  la  pseudo-science  arabes  au  moyen  âge.  Mais  la 
tradition  scolaire  était  si  fortement  enracinée  qu'on  voit  l'as- 
trologie s'y  maintenir  encore  à  l'époque  carolingienne.  C'est  ce 
que  prouvent  non  seulement  certaines  interpolations  systéma- 
tiques dans  les  textes  conservés  par  le  Parùinus\  mais  des  mor- 
ceaux entiers,  comme  celui  De  steliis  fixis  et  erranlibiis  (t.  82''), 
où  sont  résumées  les  notions  essentielles  sur  les  influences  et 
les  aspects  des  planètes,  la  nature  et  les  propriétés  des  signes 
du  zodiaque. 


m 


La  condamnation  dont  l'Église  frappa  l'astrologie  amena, 
au  moins  en  Occident,  la  disparition  de  presque  tous  les  ouvrages 
qui  traitaient  de  cette  science  réprouvée.  Une  abondante  litté- 
rature périt  ainsi  presque  toute  entière.  Deux  écrivains  échap- 
pèrent seuls  aux  rigueurs  de  la  censure  ecclésiastique  :  Manilius, 
dont  le  génie  poétique  sauva  les  Astronomiques,  et  Firmicus 
Maternus,  dont  la  Mathesis  fut  épargnée  sans  doute  à  cause 
d'une  conversion  qui  fît  de  lui  l'auteur  du  De  errore  profanarum 
reli'jionum.  Mais,  si  l'on  excepte  ces  deux  œuvres  de  valeur 
très  inégale,  il  n'existe  pour  ainsi  dire  aucun  manuscrit  latin 

face  du  titre  était  dessiné  un  grand  planisphère,  qui  a  été  découpé  par  un  lec- 
teur. —  Fol.  95  :  Arcturus  maior.  Arcturus  minor.  Serpens.  —  F.  95^  :  Her- 
cules. Corona.  Serpentarius .  —  Fol.  96  :  Scorpius.  Bootes.  Virgo.  —  F.  96^  : 
Gemini.  Cancer.  Léo.  (Le  feuillet  97  est  arraché;  manquent  les  figures  :  Auriga. 
Taurus.  Gepheus.  Cassiopea.  Andromeda.  Equus).  —  F.  98  :  Aries.  Triangulus. 
Perseus.  —  98v  :  Lyra.  Cygnus.  Aquarius.  Capricornus.  —  99  :  Sagittarius. 
AquU.a.  D>^lphlnus.  —  99^  :  Orion.  Ganis.  Lepus.  Navis.  —  Le  reste  fait  défaut» 
1.  Dans  l'opuscule  (f.  90^)  publié  par  Maas,  op.  cit.,  p.  274. 


ASTHOLOGIGA  17 

relatif  à  Taslrologie  qui  soit  antérieur  à  la  seconde  moitié  du 
xii^  siècle,  époque  où  commencent  à  se  multiplier  les  traduc- 
tions de  ^arabe^ 

Un  volume  provenant  de  Notre-Dame  de  Paris  fait  exception 
à  cette  règle,  et  il  se  recommande  immédiatement  à  notre  atten- 
tion par  son  antiquité.  L'écriture  de  ce  Parisiniis  17.868  est, 
sans  aucun  doute  possible,  du  x®  siècle,  et  les  erreurs  paléo- 
graphiques, qui  sont  nombreuses  dans  le  texte,  prouvent  que 
celui-ci  est  une  copie  d'un  archétype  plus  ancien.  Il  contient, 
entre  autres  extraits  astrologiques,  un  petit  traité  attribué 
au  «  philosophe  Alchandreus  »  (f.  2)\  Ce  nom,  comme  on  Ta 
supposé,  est  une  fausse  transcription  de  celui  d'Alexandre, 
tel  qu'il  était  orthographié  dans  les  langues  sémitiques.  C'est 
bien  le  roi  de  Macédoine  qui  est  élevé  ici  à  la  dignité  de  «  phi- 
losophe »  et  d'  ((  astrologue  )),  car  il  est  expressément  cité 
comme  tel,  au  début  du  second  livre  (f .  1 1  )  et  ailleurs  dans  l'ex- 
posé (f.  10).  «  Alchandreus  )),  sous  une  forme  de  plus  en  plus 
défigurée,  jusqu'à  devenir  «  Arkandam  »  ou  «  Carcandreo  )), 
continue  à  être  cité  durant  tout  le  moyen  âge,  et  son  opuscule, 
souvent  reproduit,  a  même  été  traduit  en  français  et  en  anglais\ 
Mais  alors  qu'auparavant  on  n'en  connaissait  aucune  mention 
antérieure  au  xii®  siècle*,  notre  manuscrit  reporte  son  origine 

1.  Le  Parisinus  lat.,  7028,  du  xi«  siècle,  contient  (fig.  154),  après  une  figure 
où  le  Soleil  apparaît  entouré  des  Signes  du  zodiaque  et  des  Quatre  Vents, 
quelques  indications  sur  chacun  de  ces  signes  «  secundum  philosophorum  deli- 
ramenta  ».  Mais  ce  ne  sont  que  des  notes  de  mythologie  astrale,  analogues  à 
celles  qu'on  trouve,  par  exemple,  dans  les  scholies  au  De  natura  rerum  de 
Bèrie  le  Vénérable  (Migne,  Pair,  lat.,  XG,  p.  233).  •—  Dans  le  Parisinus  lut., 
12999,  du  xii«  siècle,  un  petit  traité  «  Sur  le  monde  et  l'homme  »  est  suivi 
(f.  6^)  d'un  «  Galendalogium  »  et  f.  7v  de  la  Sphaera  Pythagorae,  puis  de  for- 
mules magiques.  Mais  ce  n'est  pas  là,  à  proprement  parler,  de  l'astrologie.  —  Au 
contraire  dans  les  Parisini  lat.  16208  et  Nouv.  acq.  lat.  229  de  la  seconde 
moitié  du  xii»  siècle,  on  constate  déjà  l'introduction  des  doctrines  arabes. 

2.  Les  renvois  aux  feuillets  trouvent  leur  justification  dans  la  description  du 
ms.  donnée  plus  bas. 

3.  Steinschneider,  Zeitschr.  der  deulschen  Morgenl.  Gesellschafl,  XVIII, 
1864,  p.  135  ss  ;  cf.  Die  hebr.  Vebersetzungen  des  Mittelalters,  1893,  t.  H, 
p.  869. 

4.  Steinschneider,  /.  c.  «  Das  àUeste  Zrugniss  istwohl  eine  bekannte  Stelle  in 

V«  SÉRIE,  T.  m.  2 


18  HEVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

à  l'époque  carolingienne,  et  Timportance  en  est  singulière- 
ment accrue,  car  il  devient  le  plus  ancien  ouvrage  où  se  mani- 
feste l'influence  de  l'astrologie  arabe  dans  l'Europe  latine. 

11  suffit  en  eiïet  de  le  parcourir  pour  s'apercevoir  que  son 
auteur,  à  côté  de  morceaux  puisés  à  des  sources  helléniques,  en  a 
emprunté  d'autres  aux  auteurs  arabes  :  il  cite  les  Saraceni  (f.  14) 
et  les  Ismaelitae{i.  10),  il  a  un  chapitre  sur  l'influence  des  vingt- 
huit  mansions  lunaires  (f.  5),  théorie  d'origine  orientale  qui 
est  étrangère  à  l'astrologie  grecque*,  et  les  noms  donnés  à  ces 
mansions  sont  arabes,  de  même  que  ceux  qui  ailleurs  sont  indi- 
qués pour  les  signes  du  zodiaque  (f.  14  :  Arabica  lingua). 

La  surprise  qu'on  éprouvera  à  constater  l'introduction  de  ces 
doctrines  en  Occident  dès  une  époque  aussi  reculée,  diminuera 
si  l'on  examine  le  manuscrit  de  plus  près.  Bien  qu'au  début  le 
Christ  soit  dévotement  nommé  (f.  2),  il  n'est  guère  douteux  que 
l'auteur  soit  un  Juif,  peut-être  converti;  il  énumère  les  noms 
hébreux  des  signes  du  zodiaque  aussi  bien  que  leurs  noms  latins 
(f.  1  et  4)  et,  pour  les  planètes,  il  prend  même  soin  d'écrire  ces 
noms  en  caractères  hébraïques  avec  une  transcription  (f.  'è"), 
enfin  il  cite  à  plusieurs  reprises  les  Hehrad  ou  les  Hebraeorum 
matheimilici  (fï.  1,  3%  f.  14').  Nous  devons  donc  voir  en  lui  un 
des  ancêtres  de  cette  innombrable  lignée  de  traducteurs  juifs 
qui  au  moyen  âge  ont  fait  passer  dans  toutes  les  langues  de 
l'Europe  la  sagesse,  parfois  frelatée,  de  l'Orient. 

Tel  quel,  ce  livre,  compilation  confuse,  qui  jouit  plus  tard 
d'une  étrange  fortune,  mériterait  à  ce  titre  d'être  publié,  et  une 
analyse  de  ses  sources,  si  elle  était  possible,  donnerait  des  résul- 
tats intéressants.  Je  me  bornerai  à  une  seule  observation  :  l'au- 
teur, qui  vivait  probablement  en  Gaule  au  viu®  ou  ix«  siècle,  n'a 

Wilhelm  von  Malmesbury  {f  1142)  ùber  Gerbert^  von  welchem  es  heisst  dass  er 
lien  Alcandreus  in  der  Kenntnissvon  der  Entfernung  der  Slernen  ûbertroffen 
habe.  » 

1.  Cf.  Bouché-Leclercq,  Astrol.  grecque,  p.  463,  n.  2,  et  Steinschneider, 
l.  c,  p.  140,  qui  suit  avec  une  grande  érudition  la  transmission  de  cette  tiiéorie 
au  moyen  âge.  Le  plus  ancien  exposé  qu'on  en  possède  est  celui  que  nous 
trouYons  dans  notre  Parisinus. 


ASTROLOGIGA  19 

pas  consulté,  ce  semble,  directement  des  écrits  arabes,  mais  il 
les  a  connus  par  l'intermédiaire  d'une  traduction  syriaque  : 
c'est  ainsi  qu'il  a  cru  être  syriaques  les  noms  arabes  des  man- 
sions  lunaires  (f.  5  et  6)'.  Le  «  livre  du  philosophe  Alexandre  » 
aurait  donc  été  apporté  en  Europe  par  un  membre  d'une  de  ces 
colonies  syriennes  qui  furent  si  nombreuses  en  Italie  et  en 
Gaule  durant  le  haut  moyen  âge*. 

En  attendant  une  édition  complète,  il  ne  sera  pas  inutile  d'in- 
diquer brièvement  le  contenu  de  ce  livre  curieux»  : 

F.  2.  —  Ingipit  liber  Alchandrei  philosophi.  Luna  est  frigidae  naturae  et 
argentei  coloris,  Mercurius  siccae  naturae,  coloris  plumbei,  Venus  naturae  tepi- 
dae,  coloris  stagnei,  lovis  (sic)  frigidae  naturae,  coloris  electri.  Mars  calidae 
naturae,  aerei  coloris,  Sol  calidae  naturae,  coloris  aurei,  Saturnus  naturae 
frigidae,  coloris  ferrei  — Anno  a  creato  mundo  IIII.  DCGGGLV  iuxta  Hebraeos 
natus  est  secundumcarnemd(omin)us  noster  Ihs  Xps,  iuxta  alios  vero  Y.  G 
XGVIIl... 

Série  des  lettres  onciales  grecques  avec  leurs  équivalents  numériques  en 
chiffres  romains. 

Sur  le  zodiaque.  Inc.  :  «  Zodiacus  perlongum  et  latum  in  XII  divisus  signis. . .  » 
Noms  hébreux  et  latins  des  signes.  Domiciles  des  planètes,  leurs  exaltations  et 
dépressions. 

F.  2,  —  Notions  élémentaires  sur  le  cours  des  planètes  avec  une  figure. 

F,  3*.  —  Per  has  autem  septem  planetas,  ut  diximus  et  adhuc  probabimus, 
humana  fata  disponuntur.  Begulam  certam  demus  qua,  in  quo  signo  quidque 
fit,  pernoscatur:  In  quo  Mars:  Annisab  initie  mundi  per  senarium  divisis...» 

F.  3.  -  Ordo  pianetarum  iuxta  naturam  et  nomina  eorum  secundum 
Hebraeos.Sol  dicitur  iuxta  Hebraeos  hama(sic)...  Les  noms  sont  ensuite  donnés 
en  lettres  hébraïques  avec  la  transcription  en  latin  —  De  diverso  sexu  —  De 
divers©  cursu  eorundem. 

F.  4.  —  Descriptio  XII  signorum  et  nomina  secundum  latinos.  —  Suivent 

1.  Les  Syriens  n'eurent  pas  de  noms  dans  leur  langue  pour  ces  mansionâ 
avant  Bar  Hebraeus,  qui  leur  en  donna,  et  ils  durent  jusqu'au  xiii*  siècle  se 
servir  des  appellations  arabes.  Gf.  Nau,  Journ.  asiatique^  IX"  série,  t.  VIIî, 
1896,  p.  155  ss  et  Le  Livre  de  l'Ascension  de  VEsprit  de  Bar- Hebraeus ^  (Paris, 
1900),  Irad.  p.  lit. 

2.  Bréhier,  Les  colonies  d'Orientaux  en  Occident  au  commencement  du  moyen 
âge,  dans  Byzantin.  Zeitschr.,  XII,  1903,  p.  l  ss. 

3.  J'ai  corrigé  tacitement  l'orLliographe  souvent  fautive.  Le  latin  reste  très 
incorrect. 


20  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

les  noms  hébreux.  —  Divisio  XII  signorum  secundum  IIIlo"'  cliuiala  et  Illlof  ele- 
menta  mundi  :  Cutn  sint  signa  XII  in  zodiaco  cumque  secundum  mathematicos 
per  eorum  diversissimas  potestates  fata  hominum  ita  voleHte  sapientissimo 
Deo  disponunlur... 

Dispositio  horarum  (attribution  des  heures  aux  signes  du  zodiaque  et  aux 
planètes). 
F.  5.  —  Ordo  diurnalis  totius  hebdomadis. 

Haec  sunt  nomina  XXti  VlIIto  mansionum  :  Aries  habet  mansiones  Alnaït 
et  Aldraia  atque  in  partem  Albotaim,  Taurus  vero  duas  parles  de  Albolaim  et 
Aldebram  et  Almiscen  duas  partes... 

Haec  de  XII  signorum  mansionibus  Syriace  temulenta  nomina  sic  trans- 
tulit  latina  soUertia  :  Alnait  cornu,  Albotam  venter,  Aldoraia  cervix... 

F.  6.  —  Influence  de  chacune  des  vingt-huit  mansions.  Inc.  :  Qui  nascitur 
prima  parle  Arietis  superiori  hemispherio  se  inferente,  quae  pars  Syriace  Alnait, 
bona  inveniet,  quaepetierit  inveniet  [superscr.  :  accipiet),  subniger,  populi  prin- 
ceps  aut  amplo  corde  adversus  palriae  vel  inimicorum  suorum  civium...  Et 
ainsi  de  suite  pour  les  autres  mansions. 

F.  9.  —  Influence  des  planètes,  de  la  tête  et  de  la  queue  du  Dragon.  Vénus 
est  appelée  «  Stella  Soli8,KOKA  SHAMA  »  (=  kokab  samas).  Il  est  dit  à  propos 
de  Saturne  (f9»)  :  Et  hoc  notandum  sumraopere  est  quanta  omnibus  rébus 
Saturnus  dominetur  polestale  '.  Illo  namque  inter  XII  signa  spatiante,  quaodo 
astra  ignea  intraverit,  siccitate  omnia  constringit,  si  in  lerrea,  grandine  omnia 
percutit,  si  in  aeria,  venti  asperitate  disperdit;  cum  autem  in  aquatica,  aqua- 
rum  inundatione  laborant  cuncla. 

F.  10.  —  Thème  de  géniture  du  monde  :  Sol  creatus  est  in  Leonis  XV  parle, 
Luna  in  Cancri  XV  parte...  Haec  est  sententia  universorum  Aegyptiorum\ 
Hismaelitae  {sic)  vero  et  Chaldaei  alio  modo  sentiunt  ;  dicunt  quidem  Solem  in 
prima  parte  Arietis  creatum,  Saturnum  in  prima  parte  Capricorni... 

Confins  (opial  des  planètes.  —  Domination  des  planètes  —  luxta  Alcxan- 
drum  Macedonem  Draco  quasi  oclava  planeta... 

Caractères  moraux  et  physiques  de  ceux  qui  naissent  sous  chacune  des  pla- 
nètes. 
F.  10^.  —  Série  de  courts  préceptes  —  Trois  formules  magiques  *.  —  Enfin  un 


1.  Sur  la  prééminence  assignée  à  Saturne  par  les  anciens  Chaldéens,  doc- 
trine dont  nous  retrouvons  ici  un  écho;  cf.  Bouché- Leclercq,  Astrologie 
grecque,  p.  94,  n.  2. 

2.  Cf.  Bouché-Leclercq,  p.  185  ss. 

3.  Voici  le  texte  de  ces  brèves  formules  :  De  constellationk  [I.  consultationel]. 
Si  quid  de  rebus  incertis  quaesieris,  hac  ratione  investigare  poteris  :  Aequinoc- 
tio  imminente,  solis  luce  prima  noctis  [noc^es  ms.l  parte  observante,  stans  super 
argillam  die  contra  orientem,  meridiem,  septentrionem  ter  :  Fros.   Posteaque 


ASTROLOGICA  21 

paragraphe  :  Quomodo  possit  sciri  cuius  similitudinis  sit  homo  qui  rem  ali- 
quam  furatus  est  '. 

F.  H.  —  Ingipit  liber  segundus.  Régi  Macedonum  Alexandro  aslrologoet 
universa  philosophia  perfectissimo  Argafidaus,  servus  suus  conditione,et  nation© 
ingenuus  Chaideus,  professione  vero  secundum  Sabillo  (?)  astrologus  artem 
suam... 

Attributions  des  heures  aux  sept  planètes  et  influence  de  celles-ci  durant 
chacune  d'elles  :  Si  in  parle  prima  cui  praeest  Soi  ad  te  quaerendi  gratia... 

F.  13.  Incipit  epistula  Petosiris  de  SphaeraV  Petosiris  Nechepso  régi  salu- 
tem.  De  his  quae  a  me  ad  humanae  vitae  cautelam  inventa  sunt... 

F.  13^.  —  Série  de  courts  paragraphes.  Une  demi-page  vide. 

F.  14.  —  Inc.  :  Quicumque  nosse  desiderat  legem  astrorum  necesse  est  ut  XII 
quae  in  astrifero  (circulo)  continentur  signa  eorumque  certam  dispositionem 
atque  schematum  diversissimas  qualilates...  Les  noms  hébreux  et  arabes  de  ces 
douze  signes  sont  indiqués  (quae  Arabica  lingua  sic  vocantur).  Dans  la  suite  du 
morceau  on  trouve,  f.  14,  un  calcul  u  iuxta  Hebraicam  supputationem,  et  plus 
loin  «  Hebraeorum  mathematici  unum  asserunt  esse  caelestem  Draconem.  « 
Les  noms  des  vingt-huit  [mansions  lunaires  [sont  données  [selon  les  Arabes 
(quae  Saraceni  nuncupant  ita). 

F.  15v.  —  Série  de  données  astronomiques  plutôt  qu'astrologiques,  p,  ex, 
sur  les  cercles  de  la  sphère  céleste,  les  colures,  etc. 

F.  16^.  —  Figures  astrologiques  divinatoires. 

F.  17.  —  Incipiunt  proportiones.  Lettres  cabalistiques. 

In  exordio  omnis  creaturae  herus  uranicus  inter  cunota  sidéra  XII  mali  ut 
signa  fore  determinans  certis  nuacupationibus... 

De  copulatione  mulieris  ».  Sin  autem  velis  tibi  aliqua  copulatione  coniungere 
mulierem  et  vissoire  si  id  prospère  adverseve  proventurum  sit,  banc  sume  pro- 
portionem,  Primum  quidem  calcula  tuum  nomen  genitricisque  suae... 

ita  :  Vis  aeterna,  innumerabilis  potenlia,  vera  rerum  praescientia,  suppiex 
posco  tuam  clementiam  ut  cuiuscuraque  rei  dubiae  simul  cum  hac  terra,  quae 
subdita  est  meis  pedibus,  coram  hac  stola  (?  stolla  ms.)  posuero,  iliius  excédât 
dubietas  et  per  inelTabile  notnen  tuum  veritatis  non  retardet  eventus. 

Ad  LiBRAs  (?)  Ortos,  fros,  bolan  tene  contra. 

Ad  aquam.  Adiuro  te,  aqua,  per  eum  qui  te  huic  terrae  elemento  coniunxit,  ut 
fecunda  fieret,  ut  cito  dissolvas  hanc  terram,  ita  tamen  ut  quod  falsum  est 
relineas  et  veritatis  quod  est  initium  nobis  emittas. 

1.  Question  souvent  posée,  cf.  p.  ex.  Cat.  codd.  aslrol.  Qfraec.,  IV,  p.  89  ;Co(i. 
Parisinus  yr.,  2506,  f.  10 1^  et  parmi  les  Arabes  le  Liber  novem  indicum, 
p.  506,  éd.  Liechtenstein,  Bâle,  1551. 

2.  Cf.  Migne,  Patrol.  lat.,  XC,  p.  963  et  Catal.  codd.  astrol.,  IV  {Italici), 
p.  120;  VIII  {Parasini),  pars  III,  p.  76,  etc. 

3.  La  question  est  fréquemment  traitée  par  les  astrologues  grecs  (Héphes- 
tion,  III,  tO  ;  cf.  Cat.  codd.  astr.,  VI,  p.  13  [Cad.  Vindob.,  \,  f.  285»J,  etc.) 


22  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

F.  17.  —  De  quadripertita  signorum  natura. 

F.  I7v.  _  De  septem  planetis  quae  fuerunt  masculinae  et  quae  femininae. 

De  amicitate  {sic)  planetarum. 

De  contratrielatibus  planetarum  *. 

Le  texte  est  interrompu  au  milieu  de  la  page  et  paraît  donc 
être  incomplet. 

Franz  Cumont. 

1.  Cf.  p.  ex.  Cat.  codd.   astr.,  V  (Romani),   pars  I,  p.  61   {cod.  2,  f.  61)  : 
flep\  TYjç  çtXt'a;  xai  tyjç  ex8pac  tÛv  àdTéptov. 


LKS  MONUMENTS  ANTIQUES  FIGURÉS 

DU   MUSÉE  ARCHÉOLOGIQUE  DE   MILAN 


Milan,  détruit  par  Attila,  ne  possède  presque  pas  de  ruines 
romaines.  Des  monuments  somptueux  que  vit  Ausone  et  qui 
le  remplirent  d'admiration,  tout  a  disparu,  sauf  une  colonnade, 
de  9  mètres  de  haut,  près  de  l'église  Saint-Laurent*. 

Au  XII®  siècle,  la  ville,  démantelée  par  Frédéric  Barberousse, 
élargit  son  enceinte  romaine  et  la  porta  du  Canal  Seveso  au 
Naviglio.  On  utilisa  pour  la  construction  des  nouveaux  rem- 
parts les  matériaux  de  ceux  qu'ils  remplaçaient,  parmi  lesquels 
des  débris  sculptés  de  toute  sorte.  La  démolition  de  la  Porte 
Orientale,  en  1819,  fit  retrouver  quelques-uns  de  ces  débris. 
Dessinés  au  moment  de  leur  découverte  par  l'architecte  Carlo 
Amati  %  ils  furent  recueillis  par  l'Académie  des  beaux-arts, 
dans  une  des  salles  du  palais  Brera,  et  constituèrent  le  premier 
fonds  du  Musée  Archéologique  actuel,  dont  la  création  toute- 
fois ne  remonte  qu'à  l'année  1862. 

En  un  demi-siècle,  ce  Musée  s'est  notablement  accru  par  des 
achats  ou  par  des  dons.  Ce  fut  d'abord  la  libéralité  du  comte 
Giuseppe  Archinto,  qui  fît  passer,  en  1865,  dans  les  collections 
municipales,  un  grand  nombre  de  sculptures,  dont  quelques- 
unes  provenaient  de  la  démolition,  au  xvii«  siècle,  des  églises 
de  Saint-Barthélémy  et  de  Sainte-Marie  in  Araceli\  Puis,  en 

1.  Selon  M.  Ugo  Monneret  de  Villard,  cette  colonnade  serait  un  reste  du 
palais  de  Maximien  {Côllegio  degli  ingegneri  ed  architetU  [de  Milan];  Atti, 
48'  année,  1915,  fasc.  7). 

2.  Antichita  di  Milano.  Milan,  1821  ;  in-8,  p.  26  et  sniv. 

3.  La  collection  avait  été  formée  par  Ottavio  Archinto,  un  des  soixante-dix 
décurions  de  Milan. 


24  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

avril  1868,  Tacquisition  au  marquis  Pietro  Araldi  Erizzo,  qui  en 
avait  hérité,  d'une  cinquantaine  d'inscriptions  trouvées  en 
majeure  partie  dans  les  environs  de  Côme,  de  Crémone  et  de 
Brescia,  et  réunies,  depuis  1788,  dans  la  villa  de  Torre  Pice- 
nardi  ^  Ensuite,  en  décembre  de  cette  même  année  1 868,  la  dona- 
tion par  la  comtesse  Carolina  Borromeo,  veuve  du  docte  orien- 
taliste Castiglioni,  d'une  nouvelle  série  très  importante  de 
vieilles  pierres,  retirées  principalement  du  cloître  de  Sainte- 
Valérie  et  de  l'ancienne  basilique  Naborienne.  Enfin,  quelques 
jours  plus  tard,  en  janvier  1869,  la  donation  également,  par 
l'ingénieur  Luigi  Parrocchetti,  d'un  nombre  assez  élevé  de 
stèles  et  de  fragments  architectoniques  que  son  père  avait 
déterrés  au  Castel  Seprio.  Quelques  découvertes  locales  se  sont 
aussi  produites.  En  1869,  la  construction  du  palais  de  la  Caisse 
d'épargne  procura  de  précieux  débris  des  époques  romaine  et 
longobarde. 

Ainsi,  le  musée  archéologique  de  Milan,  installé  depuis  peu 
d'années  au  Castello  Visconteo  Sforzesco,  admirablement  res- 
tauré par  M.  le  sénateur  Beltrami,  a  pu  se  constituer  une  collec- 
tion de448  inscriptions  sur  pierre.  Publiées,  non  seulement  pres- 
que toutes  dans  le  Corpus,  mais  aussi,  plus  tardivement,  avec 
des  dessins,  par  M.  Emilio  Seletti»,  ces  inscriptions  sont  assez 
connues  pour  qu'on  n'ait  pas  besoin  d'en  reparler,  à  moins  qu'il 
ne  s'agisse  de  reproduire  les  sculptures  qui  les  accompagnent. 
Il  n'en  est  pas  de  même  delà  plupart  des  monuments  figurés  dont 
quelques-uns  ne  sont  pourtant  pas  sans  mérite.  Heydemann  ^ 


1.  Cette  collection  épigraphique  a  été  décrite  par  Isidore  Bianchi,  Marmi  Cre- 
monesi  ossia  ragguaglio  délie  àntiche  iscrizioni  che  si  conservano  nella  villa 
délie  Torri  de'  Picenardi.  Milan,  1791:  in-folio. 

2.  Marmi  scritti  del  Museo  archeologico ;  catalogo.  Milan,  1901  ;  in-8»,  348  p. 
L'ouvrage  est  en  vente  au  Musée.  Les  inscriptions  chrétiennes  viennent  de 
faire  l'objet  d'une  publication  particulièrement  soignée  due  à  M.  Ugo  Monneret 
de  Villard.  Elle  a  pour  titre  :  Catalogo  délie  iscrizioni  cristiane  anteriori  al 
secolo  XI  (Milan,  1915;  in-8,  96  pages,  47  similigravures). 

3.  Miitheilungen  aus  den  Antikensammlungen  in  Ober-und  Mittelitalien, 
1879,  in-8. 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES   DU   MUSÉE    DE   MILAN  25 

Wieseler^  et  surtout  Dûtschke  ^  en  ont  bien  signalé  une 
dizaine;  malheureusement,  les  notices  de  Dûtschke  n'ont  pas 
de  gravures.  Il  n'existe,  d'autre  part,  aucun  Catalogue  mis  à  la 
disposition  des  travailleurs.  Le  seul  document  officiel  qu'ils 
puissent  se  procurer  est  un  Guide  sans  images,  édité  en  1906, 
où  les  marbres  et  les  bronzes  sont  décrits  en  moins  de  quatre 
pages  '. 

Jusqu'ici,  M.  Carlo  Romussi  est  le  seul  qui  ait  reproduit, 
dans  la  dernière  édition  d'une  étude  sur  Milan,  à  peu  près  la 
moitié  de  ces  diverses  pièces*.  Mais,  outre,  qu'il  se  contente 
presque  invariablement  de  les  citer  sans  les  décrire,  le  travail 
qu'il  a  fait  paraître  est,  en  France,  extrêmement  rare.  La  Biblio- 
thèque nationale  ne  l'a  pas. 

Frappé  de  ces  circonstances,  j'ai  pensé  qu'une  publication 
illustrée  des  sculptures  antiques  du  Castello  Sforzesco  ne  serait 
pas  inutile.  Grâce  à  la  courtoisie  du  Conservateur  des  Musées, 
M.  le  sénateur  Beltrami,  et  du  Directeur  de  la  collection  archéo- 
logique, M.  Carlo  Vicenzi,  à  qui  j'exprime  tous  mes  plus  vifs 
remerciements,  il  m'a  été  possible  de  préparer  les  notices 
sommaires  qui  vont  suivre.  Je  veux  espérer  qu'elles  seront 
favorablement  accueillies. 

MARBRES  GRECS 

Fig.  1.  —  Autel  découvert  à  Lodi  Vecchio  et  entré  au  Musée 
le  14  juillet  1871.  Un  moulage  partiel  est  au  Musée  de  Saint- 
Germain.  Hauteur,  O'^jdO;  largeur,  0"^,20;  épaisseur,  O'",^. 

\{QydiQmd.ïiïi,  Drittei  Hallisches  Winckelmannsfestpr.,  p.  313;  — 
Dûtschke,  Antike  Bildwerke,  V,  p.  398,  n'>  970;  —  Romussi,  Milano, 

1.  Cité  pour  mémoire.  Il  ne  m*a  pas  été  possible  de  consulter  directement  les 
gravures  et  notices  de  Wieseler. 

2.  Antike  Bildwerke  in  Oberitalien,  tome  V.  Leipzig,  1882;  in-8. 

3.  Arturo  Frova,  Guida  sommaria  dei  civici  Musei  archeologico  ed  artistico 
nella  corte  ducale  dell  Castello  Sforzesco.  Milan,  1906;  in-8,  32  pages.  Ce 
petit  guide  a  remplacé  un  document  de  même  nature  publié,  en  1900,  par 
Carotli. 

4.  Milano  ne'  suoi  monumenti,  3*  édition.  Milan,  1912,  in-8«  i(l"«  édit.  en 
1875). 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE    MILAN  27 

p.  62  (gravures);  —  Sant*Ambrogio,  Lodi  Vecckio,  p.  7  et  pi.  I;  — 
S.  Reinach,  Catal.  somm.,  p.  21;  Bépert.  de  reliefs,  111,  p.  60;  — 
Seletti,  Marmi,  p.  7  (gravure)  ;  —  Frova,  Guida^  p.  10;  —  Calderini, 
Ara  graeca  dedicatoria  agli  Dei  inferi  (Milan,  1907  ;  in-8°),  pi.  I,  2; 
—  Bonnard,  La  navigation  intér,  de  la  Gaule,  p.  143  (gravure);  — 
C.  I.  Gr.,  2380. 

Sur  une  face,  rinscription  : 

Sur  la  face  opposée,  Charon,  vêtu  d'une  exomis,  est  debout 
dans  une  barque  voguant  sur  le  Styx  et,  des  deux  mains,  tient 
une  rame.  Le  personnage  est  barbu  et  a  des  cheveux  longs. 
Mercure  psychopompe  et  Pluton,  tous  deux  montés  sur  un 
petit  gradin,  sont  représentés  sur  les  faces  latérales.  Mercure 
a  les  épaules  et  le  bras  gauche  couverts  d'un  manteau  agrafé 
du  côté  droit.  Le  dieu,  coiffé  du  pétase  ailé,  tourne  la  tête  vers 
la  droite;  il  porte  de  la  main  gauche  un  gobelet,  de  l'autre  main 
baissée  une  baguette.  Pluton  est  drapé  dans  un  manteau,  les 
bras  nus.  Il  est  barbu,  a  de  longs  cheveux  et  s'appuie  de  la 
main  gauche  sur  un  sceptre.  Dans  sa  main  droite  baissée  sont 
des  objets  peu  reconnaissables,  probablement  deux  têtes  de 
pavot.  Ce  monument  est  le  seul  exemple  connu  d'une  dédicace 
aux  0£o{  'AOLTQLyiiG^ioi  accompagnée  de  leurs  images. 

Fig.  2.  — Stèle  trouvée  en  Sardaigne  et  donnée  au  Musée  par 
le  professeur  Giuseppe  Bertini.  Hauteur,  0°',93  ;  largeur,  0™,42; 
épaisseur,  0™,09. 

Conze,  Vorlegebldtter,  VII,  p.  108;  —  Dûlsclike.^n^  Bildwerke,  V, 
p.  423,  n'1021  ;  —  Seletti,  Marmi,  p.  8  (gravure);  —  Frova,  Guida, 
p.  11. 

Monument  funéraire.  Le  défunt  est  représenté  debout, 
drapé,  de  face,  dans  une  niche,  entre  deux  pilastres;  il  est 
chaussé  de  caligae  et  tient  de  la  main  droite  un  pan  de  son 
manteau.  De  l'autre  main  baissée  le  personnage  portait  un 
objet  dont  il  ne  reste  plus  que  des  traces.  Au-dessus  de  la  niche 
sont  les  restes  d'une  inscription.  Bien  que  trouvé  en  Sardaigne, 
ce  marbre  paraît  plutôt  originaire  de  la  Grande-Grèce. 


28 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


Fig.  2.  -,  Stèle  funéraire. 


LES   MONUMENTS  ANTIQUES    DU   MUSÉE   DE    MILAN  29 

Fig.  3.   —  Fragment  de  tablette  de  provenance  inconnue. 
Hauteur,  0^31;  largeur  0"^,22;  épaisseur,  0°^,03. 

Dutschke,  Ant.  Bildwerke,  V,  p.  425,  n°  1027. 


Fig.  3.  —  Procession  de  dieux. 

Procession  de  dieux.  Il  s'agit  d'Hermès,  vêtu  d'une  chlamyde 
flottante,  et  d'Athéna  drapée,  la  poitrine  parée  du  gorgonéion, 
portant  son  casque  et  sa  lance.  Ce  marbre  est  une  réplique  d'un 
bas-relief  de  la  villa  Albani.  Athéna  y  est  suivie  d'Apollon  et 
d'Artémis,  et  les  quatre  personnages  se  dirigent  vers  un  autel. 
(Cf.  S.  Reinach,  Répert.  de  reliefs,  III,  p.  129  et  189j. 


30  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Fig.  4  —  Fragment  de  tablette  de  provenance  inconnue. 
Hauteur,  0",72;  largeur,  0"°,84;  épaisseur  0'",06. 

Heydemann,  MittheU.  (1^79),  p.  31  ;  —  Dutscbke,  Ant.  Bildwerke, 
V,  p.  406,  D»983;  —  Romussi,  Milano,  p.  114  (gra,vure);  —  Frova, 
Guida,  p.  10. 


Fig.  4.  —  Muses  (?) 

A  droite,  une  femme  assise,  dont  la  tête  et  le  bras  gauche 
ont  disparu.  Devant  elle  une  femme  debout  joue  de  la  lyre  ; 
l'instrument,  formé  d'une  écaille  de  tortue,  est  posé  sur  un 
cippe.  A  gauche,  un  homme  debout,  en  partie  détruit,  la  main 
droite  au-dessus  de  la  tête,  est  près  d'une  lyre  placée  sur  le  sol. 


LES    MONUMENTS   ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE    MILAN  31 

Les  trois  personnages  sont  drapés,  les  bras  nus.  La  scène  est 
indéterminée  ;  peut-être  domestique.  On  y  a  vu  Apollon  parmi 
des  Muses. 

MARBRES  GRÉCO-ROMAINS 

Fig.  5.  —  Base  triangulaire  de  candélabre  retirée  à  Milan,  en 
1895,  par  le  peintre  Luigi  Rossi.  d'un  tombereau  chargé  de 
matériaux  de  démolition.  Hauteur^,  0°",64  ;  largeur  de  chaque 
face,  0"',32. 

Attilio  De  Marchi,  Real  Insiituto  lombardo,  rendiconti,  2^  série,  11 
(1896),  p.  994;  —  G.  Carotli,  Archivio  storico  lombardo,  VU  (1897), 
p.  395;  —  Romussi,  Milano,  p.  55  (gravures);  —  Seletti,  Marrni, 
p.  41  (gravures);  —  Frova,  Guida,  p.  9. 

Cette  base  est  à  rapprocher  de  celle  d'un  candélabre  de 
marbre  que  possède  le  Musée  du  Vatican  *.  Chaque  face  est 
décorée  d'un  tableau  encadré  de  feuilles  d'eau.  Trois  sphinx 
assis  supportent  les  tableaux,  dont  les  angles  supérieurs  sont 
occupés  chacun  par  une  tête  de  bélier  dans  laquelle  pénétrait  le 
pied  correspondant  d'un  trépied  Sur  le  dessus  de  la  base, 
entre  les  têtes  de  béliers,  est  une  tortue.  L'un  des  tableaux 
contient  l'inscription  :  Mercurio  ;  Sex{ius)  Verociliits,  Sex{ii) 
f{ilius),  Ouf {entùia  tribu) ^  Priscus,  quattuorvir  i{uri)  d(icundo)  ex 
voto  don(iim)  ded(it)  dracones  aureos  iiôr(arum)  quinque,  adiectis 
ornament[is)  {e)t  cortina.  Dans  les  deux  autres  sont  des  attri- 
buts de  Mercure.  A  droite,  on  remarque  un  hermès  imberbe  à 
cheveux  courts  et  bouclés,  voilé  d'une  draperie  dont  un  des 
pans  est  supporté  par  un  arbre.  Entre  cet  arbre  et  Thermes 
passe  un  bélier  marchant  vers  la  gauche.  Devant  ce  bélier, 
d'abord  un  caducée,  puis  une  bourse  posée  sur  un  rocher.  A 
gauche  est  encore  un  hermés,  mais%barbu,  placé  de  même 
près  d'un  arbre,  accompagné  d'une  palme.  Devant  lui  est  une 
table  supportant  une  aiguière  et,  xîontre  cette  table,  un  cer- 
ceau. Le  mot  cortina  désigne  sans  doute  un  vase  de  cuivre  qui 

i.  S.  Reinach,  RéperU  de  reliefs,  III,  p.  353. 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE  MILAN 


33 


couronnait  le  candélabre.  On  ne  voit  pas  qu'il  puisse  s'agir 
d'un  trépied  d'Apollon.  Les  serpents,  probablement  dorés, 
paraissent  de  même  sans  rapport  avec  le  culte  de  ce  dieu.  Il  ne 


Fig.  5  bis.  —  Baae  de  candélabre. 


faut  y  trouver  vraisemblablement  que  des  génies  préposés  à  la 
garde  du  temple  dont  le  luminaire  offert  par  Veracilius  consti- 
tuait  l'un  des  ornements. 

V«  SÉRIK,  T.  ni.  3 


34  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Fig.  6.  —  Tête  de  provenance  inconnue.  Hauteur,  0'",72. 

Dûtschke,  Ant.  Bildwerke,  V,  p.  401,  n°  977;  —  Romussi,  Milano, 
p.  45  (gravure). 


Fig.  6.  —Tête  de  Jupiter. 

Jupiter.  Le  type  est  celui  de  la  tête  d'Otricoli.  L'œuvre  est 
romaine,  mais  inspirée  de  l'art  grec.  Le  nez  de  cette  tête  est 
restauré. 

Fig.  7.  — Stèle  de  provenance  régionale.  Hauteur,  i/",03; 
largeur,  0"^,53;  épaisseur,  0"^J4. 

Heydemann,  Mittheil.  (1879),  p.  32;  —  Diilschke,  Ant.  Bildwerke, 
V,  p.  413,  n°  1001;  —  Peter,  dans  la  Lexicon  der  MythoL,  1,  p.  1291. 
Il»  9;  —  Romussi,  Milano,  p.  105;  —  Salomon  Reinach,  Epona, 
p.  40  (=  Revue  archéoL,  1895,  I,  p.  201);  Répert.  de  reliefs^  Hl, 
p.  60. 

Déesse  debout,  de  face,  drapée  et  voilée,  dans  une  niche 
entre  deux  poulains  qui  la  regardent;  elle  tient  de  la  main 
gauche  levée  un  objet  peu  reconnaissable,   de  l'autre  main 


LES   MONUMENTS   ANTIQUES    DU   MUSÉE    DE   MILAN  35 

baissée  une  patère.  Au-dessous  de  la  niche  sont  quelques  traces 
d'une  inscription.  Il  peut  s'agir  d'Epona;  mais  cette  attribu- 


Fig.  7.  -  EpoDa  (ï) 


lion  n'est  pas  certaine.  Il  y  a  toutefois  une  similitude,  déjà 
signalée  par   M.   Salomon   Reinach,  entre  ce  bas-relief  et  le 


36 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


monument  d'Epona  découvert  à  Naix  {Recueil  des  bas-reliefs, 
VI,  n°  4650). 

Fig.  8  et  8^'.  —  Cuve  cylindrique  trouvée  à  Erbusco,  près  de 
Brescia,  en  1878.  Hauteur,  0^,68;  diamètre,  0™,71  ;  épaisseur, 
0^,10. 


Fig.  8.  —  Cuve  cylindrique. 

Attilio  De  Marchi,  Bullettino  dei  civici  musei  di  Milano,  11  (1907), 
p.  15  (gravure);  —  Frova,  Guida,  p.  11. 

D'un  côté  sont  figurés  deux  Tritons  barbus,  les  épaules  cou- 
vertes d'un  manteau,  entre  deux  Attis.  Les  monstres  marins 


LES   MONUMENTS    ANTIQUES    DU   MUSÉE    DE   MILAN 


37 


tiennent  d'une  main  une  même  coquille,  de  l'autre  les  infulae 
d'une  tête  de  taureau  qui  les  sépare.  Du  côté  opposé  est  une 
guirlande  à  lemnisques  flottants  supportée  par  deux  bu- 
crânes;  un  rameau  de  lierre  l'accompagne.  A  la  partie  supé- 


Fig.  8  a.  —  Cuve  cylindrique, 

rieure  est  une  frise  formée  de  casques,  de  lances,  de  poi- 
gnards, de  cuirasses  et  de  boucliers.  Une  bordure  de  feuilles 
d'eau  complète  la  décoration.  La  cuve  n'est  pas  entière;  il  doit 
manquer  un  tambour  de  colonne  qui  contenait  la  partie  infé- 
rieure des  personnages.  Cette  sculpture  est  de  basse  époque, 


38 


REVUE    ARCHEOLOGIQUE 


mais  les  bucrânes  et  la  guirlande  paraissent  inspirés  d'un  mo- 
nument du  premier  siècle. 

Fig.  9.  —  Colonnette   trouvée  à  Crémone.  Hauteur,  O'^JO; 
diamètre,  0™,38. 
Frova,  Guida,  p.  9 


Fig.  9.  —  Colonnette. 

Danse  bachique.  Un  satyre  obèse  et  barbu,  complètement  nu, 
le  corps  penché  en  arrière,  joue  de  la  double  flûte.  Deux  autres 
satyres  dans  une  attitude  différente  l'accompagnent. 


LES    MONUMENTS   ANTIQUES    DU    MUSEE    DE   MILAN 


39 


Fig.  10.  —   Statuette  de  provenance   inconnue.   Hauteur, 
0«^,30. 

Frova,  Guida,  p.  11. 


Silène  nu,  chauve,  barbu,  couronné  de  lierre,  à  demi  couché 
sur  une  peau  de  lion,  les  yeux  clos,  la  tête  appuyée  sur  une 
amphore  qu'il  tient  de  la  main  gauche.  La  main  droite  manque, 
ainsi  que  la  majeure  partie  de  la  jambe  du  même  côté.  La 
jambe  gauche  est  repliée  et  le  genou  est  ramené  contre  l'am- 
phore, sans  la  toucher.  Celle-ci  n'est  supportée  que  par  l'une 


40  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

des  pattes  du  lion  ;  elle  paraît  de  la  sorte  à  peine  soutenue.  La 
pose  du  satyre  est  naturelle  et  la  flaccidité  des  chairs  indique 
un  habile  ciseau.  L'œuvre  pourrait  être  inspirée  d'un  modèle 
gréco-romain,  mais  ne  dater  que  de  la  Renaissance. 


Fig.  11.  —  Vénus. 

Fig.  11.  —  Statue  de  provenance  inconnue.  Hauteur,  l"*,!!. 

Diitschke,  Ant.  Bildwerke,  V,  p.  418,  n°  1012;  —  Romussi,  Milano, 
p.  49 (gravure);  —  F ro\ a.,  Guida,  p.  11. 


LES   MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSEE   DE    MILAN 


41 


Vénus  debout,  accompagnée  d'un  dauphin.  La  déesse  n'a  pour 
vêtement  qu'une  draperie  nouée  par  devant  à  hauteur  des 
cuisses.  Les  jambes  sont  nues.  Les  bras  et  la  tête  manquent.  Le 
mouvement  des  épaules  semble  indiquer  que  la  pose  était 
celle  des  anadyomènes.  La  sculpture  est  gracieuse.  Copie  ou 
variante  d'une  œuvre  grecque  du  iv*  siècle  avant  J.-C. 


Fig.  12.  —  Vénus. 


Fig.  12.  —  Statue  de  provenance  locale.  Hauteur,  1  mètre. 
Vénus  nue,  debout.  Le  mouvement  des  épaules  semble  carac- 
tériser l'attitude  dite  pudique.  L'œuvre  est  inspirée  d'un  origi- 


42 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


nal  grec  de  la  seconde  moitié  du  iv®  siècle.  Elle  a  été  travaillée 
avec  beaucoup  de  soin  ;  malheureusement  le  marbre  est  telle- 
ment dégradé,  qu'on  ne  peut  juger  que  très  imparfaitement  de 
sa  beauté  primitive.  Sur  la  cuisse  gauche  sont  les  restes  d'un 
tenon  qui  reliait  peut-être  la  déesse  avec  un  dauphin.  (Cf.  Salo- 
mon  Reinach,  Réperl.,  II,  p.  355  et  356). 


Kig.  13.  —  Venu?. 

Fig.  13.  —  Fragment  de  statue  de  provenance  locale.  Hauteur, 
0"^,60. 

Vénus  nue,  debout.  Médiocre  copie  d'un  original  grec. 


Fig.  14.  —  Fragments  de  statues  découverts  à  Milan,  en  1905, 
en  creusant  pour  la  construction  d'une  maison,  entre  les  rues 
Santa  Margherita  et  San  Dalmazio.  Hauteur  de  la  déesse,  0'",98. 

Bullettino  dei  civici  musei  di  Milano^  I  (1906),  p.  11  et  pi.  I;  — 
Romuftsi,  Milano,  p.  50  (gravure);  —  Rassegna  d'arte,  1907,  p.  100 


LES   MONUMENTS    ANTIQUES    DU   MUSEE  DE   MILAN 


43 


(gravure);—  S.  Keinach,  Répert,,  IV,  p.  225,  n°  9  (d'après  le  Bull, 
dei  civici musei)  et  p.  233,  n°  4  (d'après  la i2as*e^nrt  d'arte);  —  Frova, 
Guida,  p.  10. 


Fig.  14.  —  Vénus. 


Vénus  pudique.  La  tête,  les  bras  et  les  jambes  depuis  le 
genou  ont  disparu.  Quelques  mèches  de  cheveux  couvrent  le 
dos.  Un  Amour  ailé,  découvert  en  même  temps,  était  groupé 
sans  doute  avec  la  déesse.  Le  petit  personnage,  dont  la  tête,  les 


44 


REVUE    ARCHEOLOGIQUE 


bras  et  une  notable  partie  des  jambes  font  aussi  défaut,  tenait 
devant  lui,  des  deux  mains,  une  coquille.  Sur  son  dos  est  la 
queue  d'un  dauphin.  On  ne  saurait  dire  si  T Amour  était  monté 
sur  le  dauphin  ou  debout  devant  lui.  Des  deux  hypothèses,  la 


Fig.  15.  —  Vénus  ou  Nymphe. 

première  cependant  paraît  préférable.  La  figure  de  Vénus  pen- 
chée en  avant,  tout  le  poids  du  corps  portant  sur  Tune  des 
jambes,  rappelle  un  peu  TAphrodite  de  Gnide.  Un  arrachement 
du  marbre,  à  la  partie  interne  de  la  cuisse  gauche,  peut  n'indi- 
quer que  la  position  du  bras  ;  mais  il  est  aussi  permis  de  sup- 


LES    MONUMENTS   ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE   MILAN  45 

poser  qu'il  a  été  produit  par  la  rupture  de  Tétai  que  paraissent 
avoir  formé  de  toute  façon  le  dauphin  et  TAmour.  Or,  Tétaye- 
ment  est  un  des  caractères  des  sculptures  de  Praxitèle.  Ce  ne 
sont  pas,  du  reste,  les  seuls  rapprochements  qui  se  présentent 
à  l'esprit.  Vues  de  face,  la  Gnidienne  et  la  Vénus  de  Milan,  par  le 
modelé  des  chairs,  paraissent  répondre  à  une  même  sensibilité, 
à  une  même  pensée.  Assurément  la  Vénus  de  Milan  n'est  pas  un 
original  de  Praxitèle.  On  ne  peut  y  voir  qu'une  copie,  peut-être 
même  assez  tardive,  d'une  œuvre  grecque  du  iv®  siècle.  Mais  je 
crois  bien  que  c'est  de  Praxitèle  que  s'est  inspiré  l'auteur  de 
cette  copie.  En  tout  cas,  l'œuvre  est  remarquable  et  la  patine 
ambrée  qu'a  prise  le  marbre  ajoute  encore  à  sa  beauté.  Cette 
Vénus,  dont  les  reproductions  ne  peuvent  donner  qu'une  faible 
idée,  est,  de  beaucoup»  la  pièce  capitale  du  Musée  archéolo- 
gique de  Milan. 

Fig.  15.  —  Statue  de  provenance  locale.  Hauteur,  0™,46. 
Romussi,  Mitano,  p.  119  (gravure). 

Vénus  ou  Nymphe  à  demi  drapée,  debout,  les  jambes  croi- 
sées, s'appuyant^du  bras  gauche  sur  une  urne  couchée,  portée 
par  un  autel.  Ce  marbre,  de  peu  de  valeur,  est  déparé  par  de 
nombreuses  mouchetures.  Les  formes  du  corps  sont  étriquées  ; 
les  plis  de  la  draperie  tombent  lourdement.  L'œuvre  paraît 
néanmoins  inspirée  d'un  original  grec  d'assez  bonne  époque. 

Fig.  16.  —  Torse  découvert  à  Milan,  en  1827,  sous  une  mai- 
son de  la  place  Pasquirolo  (anciens  thermes).  Hauteur,  1™,22. 

Heydemann,  MittheiL ,  p.  32  ;  — Datschke,  Ant.  Bildwerke,  V,p.  412, 
no  999;  _  Romussi,  Milano,  p.  54  (gravure)  ;  —  Frova,  Guida,  p.  9. 

Hercule  au  repos  ;  la  musculature  du  personnage  ne  laisse 
pas  de  doute  sur  le  sujet  représenté.  L'œuvre  est  inspirée  de 
l'art  grec.  Bien  que  la  pose  fasse  penser  à  l'Hercule  Farnèse,  je 
ne  crois  pas  qu'il  s'agisse  d'une  copie  du  chef-d'œuvre  de 
Glycon.  Le  prototype  de  ce  torse  paraît  beaucoup  plus  ancien. 
Volontiers  je  le  ferais  remonter  jusqu'au  iv®  siècle. 


bu 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE  MILAN  47 

Fig.  17.  —  Fragments  de  statuettes.  Hauteurs,  0'",39  et  0"^,33. 

1.  —  Homme  nu;  peut-être  Bacchus.  —  2.  Apollon  ;  le  dieu 
était  accompagné  d'un  griffon  placé  à  sa  gauche.  Une  statuette 
du  Musée  de  Dresde  reproduit  le  même  type  i^Salomon  Reinach, 
Hépert.,  II,  p.  404,  n°  3).  — Les  deux  fragments  paraissent  pro- 
céder d*œuvres  grecques  qui  pourraient  dater  de  l'école  de 
Praxitèle. 


Fig.  18.  —  Apollon  (?) 


Fig.  18.  —  Torse  de  provenance  locale.  Hauteur,  0"™,57. 
11  peut  s'agir  d'Apollon,  la  poitrine  couverte  d'un  léger  man- 
teau noué  sur  l'épaule  droite.  L'œuvre  est  de  type  connu  et 


48 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


procède,  comme  les  précédentes,  de  l'art  grec.  (Cf.  S.  Reinach, 
Bépert.,  Il,  p.  103,  n^  3). 

Fig.  19.  —  Statuette  de  provenance  locale.  Hauteur,  0",39. 


Fig.  19.  —  Esculape. 

Esculape  ;  la  tête  et  Tavant-bras  gauche,  qui  étaient  rappor- 
tés, n'existent  plus.  Le  serpent  est  figuré  à  la  droite  du  dieu. 
Cette  statuette,  sobrement  drapée,  pourrait  reproduire  un  ori- 
ginal grec  de  bonne  époque.  On  en  possède  d'autres  répliques. 
(Cf.  surtout  Salomon  Reinach,  Répert,,  II,  p.  33,  n**  3). 

Fig.  20.  —  Statuette  de  provenance  locale.  Hauteur,  0'",21. 

Satyre  agenouillé.  Les  bras  manquent.  Bien  que  la  pose 
rappelle  vaguement  celle  du  Scythe  écorcheur  de  Florence,  je 
ne  crois  pas  que  cette  statuette  ait  quelque  rapport  avec 
Marsyas.    Le    personnage,  du  reste,  levait  la  main  gauche. 


V"   SÉRIE,    T.   III 


50  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

L'œuvre  et»t  nettement  mauvaise  et  ne  semble  pas  inspirée  de 
l'art  grec. 

Fig.  21.  —  Statue  de  provenance  locale.  Hauteur,  0'",66. 

Personnage  drapé,  gros  et  court  ;  à  sa  gauche  est  une  capsa. 
Le  Musée  archéologique  de  Milan  possède  une  seconde  statue, 
beaucoup  plus  dégradée,  du  même  genre.  Il  s'agit  de  portraits 
de  facture  médiocre,  ceux  peut-être  de  personnages  lettrés. 


fig.  22.  —  Sacrifice. 

Fig  22.  —  Stèle  découverte  à  Angera,  près  de  l'église  de  la 
Vierge  et  transportée  à  Milan  par  Philippe  Archinto.  Hauteur, 
1",06  ;  largeur,  O'^JS;  épaisseur,  0"^,25. 

Gruter,  Inscript,  ant.,  p.  ^(X)7  (gravure)  ;  —  Rosmini,  Istoria  di 
Milano.  I,  p.  1  (gravure);  -  CoUeci.  OU.  Archinti,  p.  52  ;  — Dutschke, 
Ant.  Bildwerkey  V,  p  403,  n°  980  ;  —  Romussi,  Milano,  p.  47  (gra- 
vure);—Sel  etti,  J!/armi,  p.  18,  no  16  (gravure);  —  C.  I.  L.,  V,  5472 
(bibliographie  plus  complète). 

Sur  la  face  principale  est  un  sacrifice  en  l'honneur  de  Jupi- 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES   DU  MUSÉE    DE    MILAN  51 

ter.  Un  prêtre,  drapé  et  voilé,  tient  de  la  main  gauche  un  rou- 
leau et,  de  l'autre  main,  verse  le  contenu  d'une  patère  sur  la 
flamme  d'un  trépied  servant  d'autel.  Trois  personnages  drapés 
l'accompagnent.  Un  de  ces  personnages  porte  un  coffret  rempli 
d'encens  ;  un  autre  joue  de  la  double  flûte;  le  troisième,  placé 
de  profil,  se  bouche  l'oreille.  Un  serviteur  barbu  ou  victimaire, 
le  torse  nu,  pousse  un  petit  veau  vers  l'autel.  L'animal,  n'ayant 
pas  de  cornes,  ne  peut  pas  être  un  taureau  de  proportions 
réduites.  Au-dessus  du  bas-relief  est  l'inscription  :  l{ovi) 
o(ptimo)  m[aximo)  ;  P{ublius)  Qurtius,  P[ublii)  f{i/his),  Victor^ 
P(uhliiis)  QurtiuSy  P{iiblh)  f{iiius),  Primiis,  sevir[i)  iim(iores). 
Du  côté  opposé,  la  pierre  est  décorée  d'un  aigle  posé  sur  un 
globe.  Enfin,  des  deux  faces  latérales,  celle  de  gauche  contient 
un  foudre,  celle  de  droite  une  plante  stylisée  sortant  d'un  vase. 
Les  caractères  de  l'inscription  paraissent  du  second  siècle.  (Sur 
les  severi  seniores  et  iuniores,  cf.  H.  de  Ruggiero,  Dizion.,  s.  v. 
An  g  us  taie  s). 

Fig.  23.  —  Statue  et  statuette  mutilées,  de  provenance  locale. 
Hauteurs,  0'",68  et  0"^,31. 

1.  —  Femme  drapée;  probablement  un  portrait.  La  tête 
manque,  ainsi  que  l'avant-bras  gauche  qui  était  rapporté. 

2.  —  Femme  drapée,  mais  de  façon  particulière,  une  bande 
d'étoffe  autour  du  cou,  finissant  en  pointe  sur  la  poitrine,  une 
autre  entourant  le  corps  à  la  façon  d'un  baudrier.  Vraisembla- 
blement une  divinité. 

Fig.  24.  —  Buste  d'hermès.  Hauteur,  0"\33. 

Jeune  femme,  les  cheveux  ceints  d'une  large  bandelette 
dont  les  bouts  retombent,  de  chaque  côté,  sur  les  épaules. 
L'œuvre  est  de  bon  style  et  sûrement  inspirée  d'un  modèle 
grec.  Il  peut  s'agir  d'Ariadne. 

Fig.  25.  —  Fragment  de  stèle  découvert  à  Milan,  en  1900,  en 
creusant  les  fondations  de  la  maison  portant  le  numéro  9  de  la 
rue  Giuseppe  Verdi.  Hauteur,  l'",12;  largeur,  (»"',75;  épaisseur, 
0'^,36. 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSEE    DE   xMILAN 


53 


Attilio  De  Marchi,  Bullettino  dei  civici  musei  di  Milano,  II  (1907), 
p.  13  et  pi.  I  et  IL 

Monument  funéraire.  Ce  qu'on  en  possède  paraît  indiquer 
que  la  décoration  était  symétrique  par  rapport  au  buste  du 


Fig.  25.  —  Monument  funéraire. 

mort  placé  dans  une  niche.  Au-dessous  de  ce  buste,  entre  deux 
colonnes  torses  avec  chapiteau,  était  une  plante  stylisée.  Entre 
les  bords  de  la  stèle  et  les  colonnes,  de  chaque  côté,  se  trouvait 


54 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


sans  doute  un  Attis  :  il  ne  resterait,  de  celui  de  gauche,  que  la 
partie  supérieure,  Tautre  manquerait  tout  à  fait.  Le  buste  était 
placé  entre  des  tableaux  superposés  figurant  au  bas  un  satyre, 
à  la  partie  supérieure  un  Amour  volant,  tenant  une  torche.  La 
stèle  avait  une  frise  composée  de  deux  griffons  gardant  une 
urne  et  de  deux  panthères  tenant  chacune  un  thyrse  enrubanné. 
Elle  était  aussi  pourvue  d'un  couronnement,  peut-être  décoré 
d'une  scène  de  sacrifice  ;  on  aperçoit,  en  effet,  au-dessus  de  la 


Fig.  26.  —  Urne  double. 

frise  les  restes  d'une  figure  de  bovidé.  Deux  autres  griffons 
gardant  une  urne  et  une  plante  stylisée  sont  superposés  du  côté 
gauche. 

Fig.  26.  —  Urne  double  autrefois  à  Rome,  dans  les  jardins  du 
pape  Jules  III  ;  plus  tard  à  Florence,  chez  les  Médicis.  Acquise, 
en  1893,  d'un  marchand.  Hauteur,  0™,23  ;  largeur,  0™,56; 
épaisseur,  0™,30. 

Boissard,  Antiquit.  roman. ^  sexta  pars  (1602),  p.  113;  —  Gruter,  I, 
p.  1145,  n»  6;  —  Gori,  Inscript,  ant.,  l  (1727).  p.  284  ;  —  Muratori, 


LES    MONUMENTS    ANTrQUES    DU    MUSÉE    DE    MILAN  55 

in,p.4408,  n«  6;  —  Carotti,  Arch.  stor,  Lombardo  (1894),  p.  138;  — 
Seletti,  Marrni,  p.  171  (gravure);  —  C.  J.  L.,  VI,  27155. 

La  décoration  se  compose  de  deux  guirlandes  de  fruits  à 
lemnisques  flottants,  suspendues  d'un  côté  à  une  tête  de  bélier, 
de  l'autre  à  un  même  bucrâne.  Huit  oiseaux  (quatre  par 
guirlande),  sculptés  dans  des  attitudes  symétriques,  becquètent 
les  fruits.  Un  lézard  est  au  milieu  et  se  dresse  vers  le  bucrâne. 
L'espace,  au-dessus  de  chaque  guirlande,  est  occupé  par  un  car- 
touchecontenantuneépitaphe.  Celle  de  gauche  est  ainsi  conçue: 
Terentiifs  Acihis  T'itiae  Tyche  conjiiyi  curissimae.  L'autre,  un 
peu  plus  longue,  est  la  suivante:  Terentius  Acti{us)  vix(u) 
aanos  LXXXV  \  fpcit  Terentia  Thallum  patrono  bene  merentt 
suo.  Des  deux  compartiments  de  l'urne,  celui  de  gauche  a  donc 
servi  le  premier  pour  la  femme  d'un  personnage  appelé 
Terentius  Actius,  qui  lui-même  a  fait  graver  l'épitaphe.  A  la 
mort  de  ce  Terentius,  ses  cendres  ont  été  déposées  dans  le 
second  compartiment  par  les  soins  d'une  affranchie. 

Fig.  27.  —  Stèle  trouvée  à  Crémone  et  donnée  au  Musée, 
en  1868,  par  Carlo  Venino.  Hauteur,  r,70;  largeur,  0'",80; 
épaisseur,  0'",20. 

Daischke,  Ant,  liUdw.,  V,  p.  417,  n°  1010;  —  Seletti,  Marmi, 
p.  95  (gravure);  —  Frova,  Guida,  p.  11;  —  C.  /.  Z.,  V,  5663. 

Portraits,  drapés  de  face,  d'une  femme  et  de  deux  hommes 
imberbes  dans  une  niche.  Un  fronton  triangulaire,  supporté  par 
deux  pilastres  avec  chapiteau,  contient  un  masque  de  iMéduse 
ailée,  entre  deux  dauphins.  H  est  placé  lui-même  entre  une 
hache  et  un  hachoir,  qui  sont  peut-être  les  intruments  profes- 
sionnels d'un  boucher.  Au-dessous  de  la  niche  est  l'inscription  : 
M(arco)  Ase/lio,  M(arci),  l(iberto),  ClemeyUi;  Statiae  Slatullae^ 
uxori;  M(arco)  AseUio  Latino  l(iberto)  ;  M(arcus)  AselHus, 
M(arci)  l{ibertus),  Clemens  l(estamento)  f{ieri  i{umt).  L'un 
des    deux   hommes   était  l'affranchi   et,   sans   doute,  le  fils 


56 


REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 


Fig.  27.  —  Stèle  funéraire. 


LES    M0NUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE   MILAN  57 

adoptif  de  l'autre.  La  coiffure  de  la  femme,  aussi  bien  que  la 
forme  des  lettres,  paraissent  indiquer  le  premier  siècle. 

Fig.  28.  —  Stèle  de  l'ancienne  collection  Archinto,  décou- 
verte en  creusant  les  fondations  du  monastère  de  Saint- 
Ambroise  (hôpital  militaire).  Hauteur,  0"^,98;  largeur,  0"',87; 
épaisseur,  0"^,28. 


Fig.  28.  —  Stèle  funéraire. 

Collectanea  antiquit.  in  domo  Comm.  Octavii  Archinti,  p.  69  ;  — 
Diilschke,  Anf.  /Hldw,,  V,  p.  114,  n"  1004;  —  Seletli,  Marmù 
p.  128  (gravure);  —  Romussi,  Milano,  p.  115  (gravure);  —  C.  1.  A., 
V,  6036. 

Portraits  drapés,  de  face,  de  deux  époux  se  donnant  la  main, 
dans  une  niche.  L'homme  tient  de  la  main  gauche  des  tenailles. 
Dans  le  fronton  de  la  stèle  est  un  masque  de  Méduse,  entre  un 
marteau  et  d'autres  tenailles.  Une  cassure  de  la  pierre  a  fait 
disparaître  la  partie  supérieure,  et  probablement  les  ailes  du 


58  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

masque.  L'inscription  suivante,  en  partie  elîacée,  est  au-des- 
sous de  la  niche  :  Sex(tus)  Magiiis,  Sex(n)  l[iberliis),  Liciniits, 
sibi  et  Sex[lo)  Magio,  Sex(li)  l[iberto),  Titrpio^  patrono,  et 
Basso  et  Céleri  lib{erti.s)  ;  [testà\men[to]  fierl  iufi[sit]. 


Fig.  29.  —  Personnage  assis. 

Fig.  29  et  29  a.  —  Statuette  mise  au  jour  en  1908,  en  creu- 
sant les  fondations,  via  Bocchetto,  du  nouvel  édifice  de  la 
Banque  d'Italie.  Pierre  commune.  Hauteur,  0"',40. 

Rendiconti  delV  Istit.  lomhardo,  1908,  p.  736  (gravure,  d'où  Salo- 
mon  Reinach,  Répp.rt.y  IV,  p.  356,  n°  7)  ;  —  Attilio  De-Marchi, 
Bullett.  dei  civici  Musei,  IV  (1908),  p.  29. 


LKS    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE  MfLAN  59 

Personnage  assis  sur  le  sol,  l'air  hébété,  la  bouche  ouverte. 
De  la  main  gauche  ramenée  sur  le  genou  du  même  côté,  ce 
personnage  paraît  tenir  un  fruit  dans  lequel  il  a  mordu,  et  dont 
on  voit  peut-être  entre  ses  dents  la  partie  détachée.  La  tête  est 
énorme.  Elle  a  été  séparée  du  buste  par  une  cassure;  mais  la 
reconstitution  du  sujet  ne  fait  aucun  doute.  M.  Attilio  De-Mar- 
chi  suppose  que  cette  statuette  représente  au  naturel  un  type 
ethnique  primitif,  ce  qui  la  daterait  d'une  époque  extrêmement 


Fig.  29  his.  —  Inscription  sous  le  socle  de  la  statuette  précédente. 

ancienne.  Il  est  bien  difficile  de  se  prononcer  à  cet  égard.  La 
statuette  est  d'ailleurs  rendue  encore  plus  énigmatique  par  des 
signes  ou  des  lettres  gravées  sous  le  socle.  Les  quatre  ronds  sui- 
vis de  quatre  barres  qu'on  y  remarque  ne  pourraient  être  une 
indication  pondérale  que  s'il  s'agissait  d'une  œuvre  de  métaL 
M.  Attilio  De-Marchi,  qui  en  fait  la  remarque,  note  toutefois 
que  le  poids  de  l'objet  est  de  7  kilogr.  760  grammes. 

Fig.  30.  —  Fragment  de  relief  découvert  en  1864  à  Milan, 
via  Hovello.  Hauteur,  0'",44;  largeur,  0™,47;  épaisseur,  0"',13. 
Romussi,  Milano,  p.  112  (gravure). 


60 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


Restes  d'une  femme  drapée  et  d'un  guerrier  nu  dont  les 
cheveux  longs  sont  retenus  par  une  bandelette.  Ce  guerrier  a 
le  bras  droit  au-dessus  de  la  tête  et,  sur  son  épaule  gauche,  une 
draperie.  Son  épée  apparaît  de  ce  même  côté.  Ce  fragment 
pourrait  provenir  du  devant  d'un  sarcophage.  Le  sujet  qu'il 
représente  n'est  pas  expliqué. 


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Fig.  31),  —  Iragiiieut  de  bas-relief. 


Fig.  3i.  —  Fragment  de  provenance  locale.  Hauteur,  l'^jOl  ; 
largeur,  0", 94;  épaisseur,  0", 31. 

Romussi,  Milano,  p.  79  (gravure)  ;  —  Frova,  Guida,  p.  41. 

Sur  ce  fragment,  qui  peut  avoir  formé  l'angle  inférieur 
droit  d'une  stèle  funéraire  de  soldat,  sont  représentées,  entre 
deux  enseignes,  deux  jambières  séparées  par  une  lance.  La 
forme  des  enseignes  est  à  noter. 


LES   MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE  DE    MILAN  61 


Fig.  31.  —  Lance,  enseigne,  jambières. 

Fig.  32.  —  Buste  de  provenance  inconnue.  Hauteur,  O'^jSS. 
Romussi,  MUano^  p.  46  (gravure). 


Fig.  32.  —  Jupiter. 


62  HEVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Jupiter  couronné  de  laurier.  Le  style  de  cette  œuvre,  dont 
l'antiquité  ne  semble  faire  aucun  doute,  la  rapproche  singuliè- 
rement des  figures  de  la  Renaissance  représentant  le  Christ. 

Fig.  33.  —  Fragment  de  frise  découvert  au  Carrobio,  en  1877. 
Hauteur,  0"™,58;  largeur,  0'",76;  épaisseur,  0'",59. 

Romussi,  Milano,  p.  113  (gravure). 


Fig.  33.  —  Amour  et  cerf. 

Amour  ailé  dans  un  rinceau  de  vigne  qu'il  tient  de  la  main 
droite.  Le  petit  personnage  est  nu  et  marche  vers  la  gauche; 
ses  cheveux  sont  retenus  par  une  bandelette  ;  le  bras  gauche 
manque.  Derrière  cet  Amour  est  un  animal,  probablement  un 
cerf,  galopant  vers  la  droite.  L'œuvre  est  inhabile  et  de  peu 
d'intérêt. 

Fig.  34.  —  Chapiteau  de  provenance  locale.  Hauteur,  0"^,42. 
Sur  chaque  tailloir,  au-dessus  de  palmettes  et  de  coquilles 


LES    MONUMENTS   ANTIQUES    DU  MUSÉE    DE   MILAN 


63 


doublant  une  première  rangée  de  feuilles  d'acanthe,  sont  deux 
dauphins  affrontés,  séparés  par  la  tête  barbue  d'une  divinité 
marine.  Ce  chapiteau  est  sans  élégance,  mais  curieux.  Peut-être 
provient-il  d'un  temple  de  Neptune  ? 


Fig.  34.  —  Chapiteau. 

Fig.  35.  — Sarcophage  découvert  à  Lambrate,  près  de  Milan, 
en  1905.  Hauteur,  1°^,99;  longueur,  2°^,51  ;  largeur,  r,20. 

Nothie  degli  scavi^  1905,  p.  '/6;  —  Rendiconti  deW  Islituto  lom- 
bardo,  XXXVIH,  fasc.  8  et  9  ;  —  /Uvista  archeol.  lombarda,  I  (1905), 
fasc.  1  ;  II  (1906),  fasc.  i;  —Il  Polilecnico,  avril  1905  ;  —  Lega  lom- 
harda,  2  et  3  avril  1905  ;  —  Frova,  Guida,  p.  12;  —  Moretti,  La 
conservazione  dei  monumentiin  Lombardia  (Milan,  1908, 10-8°),  p.  48. 

La  cuve  de  ce  sarcophage  est  décorée  par  devant,  sous  une 
arcade  supportée  par  deux  pilastres,  d'une  Orante  et  d'un  Bon 
Pasteur,  montés  chacun  sur  un  gradin.  Une  sorte  de  fronton, 
supporté  de  même  par  deux  pilastres,  limitant  une  surface  des- 


64  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

iinée  à  contenir  une  inscription  qui  n'a  jamais  été  gravée, 
mais  peut  avoir  été  peinte,  sépare  les  deux  figures.  Sur  la  face 
latérale  droite  est  un  homme  assis  devant  une  table,  paraissant 
écrire.  Une  tunique  est  suspendue  à  la  paroi.  Ce  bas-relief 
semble  se  rapporter  à  la  profession  du  défunt.  Le  couvercle  du 
sarcophage,  pourvu  d'acrotères,   a  la  forme   d'un   toit.    Par 


Fig.  35.  —  Sarcophage. 

devant,  l'un  des  acrotères  contient  le  buste  drapé  d'un  vieillard 
barbu,  sans  doute  un  portrait.  Sur  l'autre  acrotère  est  un  pain. 
On  remarque,  du  côté  gauche,  un  poisson. 

Fig.  36.  —  Sarcophage  autrefois  à  Milan,  près  de  l'église 
Saint-Denis,  détruite  en  1783.  A  fait  partie  de  la  collection 
Castiglioni.  Hauteur,  1"^,07;  longueur,  2"',30;  largeur,  ^^16. 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSEE    DE   MTLAN 


65 


Datschke,  Antike  Bildwerke,  V,  p.  416,  n»  1009;  —  Seletti,  Marmi, 
p.  79,  n"  106  (gravnre)  ;  —  Frova,  Guida,  p.  10;  —  C.  /.  L.,  V,  5894 
avec  une  abondante  bibliographie  de  l'inscription). 


La  décoration  de  ce  sarcophage,  dont  le  couvercle  manque, 
rappelle  de  près  celle  du  précédent.  L'Orante  et  le  Bon  Pasteur 

W  SKRIE,  T.  llf.  5 


66  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

y  sont  remplacés  par  deux  personnages  drapés  ;  celui  de 
droite  tient  un  rouleau.  Sur  la  face  latérale  droite,  un  person- 
nage, assis  sur  un  siège  élevé,  paraît  haranguer  deux  hommes 
debout  placés  devant  lui.  Tous  les  trois  sont  drapés  La  scène 
est  inexpliquée  et  peut  faire  allusion  à  la  profession  du  défunt. 
Du  côté  gauche,  un  autre  personnage  est  à  demi-couché  sur 
un  lit  ;  un  serviteur  lui  apporte  une  cassette.  Au-dessus  ou  au- 
dessous  de  chaque  bas-relief  est  le  mot  Eudromi\  on  lit,  à 
droite,  Constanii  eùSpoi^et.  Par  devant,  le  sarcophage  portait  cette 
inscription,  qui  a  été  rasée,  et  dont  il  ne  reste  plus  aujourd'hui 
que  la  formule  initiale  :  D{iis)  M[anibus)  [C{au)  Valeri{ï) 
Petroniani,  deciirionis,  pontificis,  sacerdotis  iuvenuni  mediola- 
ne?isiuin,  causidici,  quinquies  gratiiito  legationihns  iirbicis  et 
peregrinis  pro  republica  sua  fimcti;  vixit  annis  XXI II,  mensibus 
IX,  diebus  XIY ;C{aius)  Valerius  Euty chiantis,  sévir  augustalis, 
pater^  filio  incomparabili  et  sibi] .  Les  lettres  D  XIII,  gravées 
dans  le  fronton  triangulaire,  sont  modernes. 

Fig.  37.  —  Stèle  trouvée  à  Milan,  près  du  couvent  de  Saint- 
Antoine  qui  la  recueillit,  et  d'où  elle  passa,  en  1654,  dans  la 
collection  Archinto.  Hauteur,  0"',75;  largeur,  0™,29  ;  épais- 
seur, 0°^,08. 

Datschke,  Antike  Bildwerke,  V.  p.  422,  n»  4018  ;  —  Romussi, 
Milano,  p.  101  (gravure);  —  Seletti,  Marmi,^.  87  (gravure);  — 
C.  I.  L.y  V,  5933  (avec  une  bibliographie  de  Tinscription). 

Gladiateur  secutor  debout,  de  face,  tenant  de  la  main  droite 
une  épée,  de  Tautre  main  un  bouclier;  son  costume  se  compose 
du  cinquhim  et  d'un  petit  manteau  jeté  sur  l'épaule  gauche. 
Devant  le  personnage  est  son  casque,  coiffant  un  pieu  planté 
verticalement  dans  le  sol.  Un  chien  assis,  levant  la  patte  droite, 
regarde  son  maître.  Le  bas-relief  est  accompagné  de  cette 
inscription  qui  est  intéressante  à  divers  titres  :  D{iis)  M{ani- 
bus);  Urbico,  secutori,  primo  palo  naCion{e)  Florentin{o) ,  qui 
pugnavit  XIIJ,  vixsit  ann{is)  XXII  ;    Olympias  filia  quem  reli- 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE   DE   MILAN  67 


Fig.  37.  —  Gladiateur. 

qiiit  m€(n)si   V;  et  Fortunesis  filiae\  et  Lauricia,  uxsor,  mariio 
bene  merenti  cum  quo  vixsit  a)in(is)  Vil. 

Te  moneo  ut  quis  quem  vic[e]nt  occidat. 

Colent  Mânes  amatores  ipsius. 

Fig.  38.  —  Buste  de  provenance  inconnue.  Hauteur,  0",50. 
Romussi,  Milanoy  p.  80  (gravure)  ;  —  Frova,  Guida,  p.  9. 


68 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


Portrait  militaire.  Le  personnage  a  la  barbe  courte  ;  sa  cui- 
rasse faite  d'écaillés  imbriquées,  est  décorée  d'une  tête  de 
Méduse  ailée  avec  serpents  noués  sous  le  menton.  Un  manteau 


Fig.  38  —Portrait  militaire. 

est  agrafé  sur  l'épaule  gauche.  On  a  cru  reconnaître  dans  ce 
buste  l'empereur  Gallien.  L'hypothèse  est  vraisemblable. 

Fig.  39.  —  Buste  de  provenance   inconnue,  venu  de  l'an- 
cienne collection  Archinto.  Hauteur,  0"',67. 

Romus?i,  MUano^  p.  78  (gravure);  Frovn,  Guida,  p.  9. 


a. 

•g- 

te 

73 


70  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Agrippine  mère  (cf.  Bernoulli,  Bom.  Ikonogr.,  II,  p.  248 
et  pi.  XV).  L'œuvre  est  soignée  et  peut  compter  parmi  les  meil- 
leurs portraits  de  la  petite-fille  d'Auguste. 

Fig.  40.  —  Tête  mutilée  de  provenance  inconnue.  Hauteur, 
0°»,24. 

La  physionomie  de  cette  tête  est  fort  expressive;  il  s'agit 
certainement  d'un  portrait  et  l'hypothèse  d'une  impératrice 
n'est  pas  impossible. 

Fig.  41 .  —  Le  Musée  archéologique  de  Milan  possède  d'autres 
têtes  de  marbre,  de   provenance  inconnue.   Toutes  sont   des 


Fig.  40.  —  Portrait  de  femme- 

portraits  ;  mais  leur  identification  n'est  pas  faite.  Quelques-unes, 
de  mérite  très  inégal,  sont  du  premier  siècle.  Il  peut  s'agir  par- 
fois de  personnages  impériaux.  Une  tête  de  femme  diadémée 
rappelle  les  images  connues  de  Julia  Domna  (cf.  Bernoulli, 
Bum.  Ikonogr.,  II,  p.  39  et  pi.  XVI);  une  autre  est  sans 
doute   un  portrait  d'Auguste  ;    une  troisième   fait  penser   à 


l'ig.  4i.  —  Portraits. 


72 


REVUE    ARCHEOLOGIQUE 


Fig.  41.  — Portraits. 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES    DU    MUSÉE    DE   MILAN  73 

Galigula.  Sauf  celle-ci,  publiée  par  Romussi  (Milano,  p.  77), 
aucune  de  ces  lêles  n'a  été  décrite. 

Au  nombre  des  fragments  qui  décorent  les  parois  de  la  salle 
des  antiques  et  ne  peuvent  pas  être  photographiés  commodé- 
ment, j'ai  noté  :  les  restes  d'une  Amazone  et  de  son  cheval  ;  une 
tête  de  cheval;  à  peu  près  le  tiers  du  devant  d'un  sarcophage 
où  l'on  remarque  la  partie  supérieure  de  deux  cavaliers  et 
d'autres  traces  de  figures  qui  indiquent  une  chasse;  un  débris 
de  stèle  avec  femme  drapée  et  homme  barbu,  le  torse  nu; 
enfin,  le  haut  du  corps  d'une  lyricine,  les  bras  nus,  près  du 
torse  d'une  seconde  femme  complètement  drapée. 

{A  suivre.)  Emile  Espérandieu. 


NOTES  ARCHÉOLOGIQUES 


I 

ÉROS  JOUANT  AVEC  UN  MASQUE  DE  SILÈNE 


Un  Éros,  le  haut  du  corps  caché  par  un  immense  masque  de 
Silène,  passe  iUne  main  à  travers  la  bouche  de  celui-ci,  et 
cherche  à  effrayer  un  ou  deux  de  ses  compagnons  debout  devant 
lui.  C'est  là,  on  le  sait,  un  motif  que  les  artistes  grecs  et 
romains  ont  souvent  répété';  en  voici  quelques  répliques  : 

Reliefs. 

Sarcophage  èfattei.  La  main  de  l'Éros,  qui  passe  par  la  bouche  du  Silène, 
tient  un  serpent,  dont  il  effraye  l'Éros  placé  seul  devant  lui.  Tout  autour,  des 
Éros  luttent  et  jouent  avec  de  grands  récipients  de  vin.  —  Matz-Duhn,  n»  2755: 
S.  Reinach,  hépert.  de  reliefs,  III,  p.  295,  3. 

Sarcophage  Albani.  Jeux  divers  d'Éros  :  lutte,  ouverture  de  la  ciste  ba- 
chique, etc.  ;  à  gauche,  l'Éros  caché  par  le  masque  effraye  un  de  ses  cama- 
ra  les.  —  Helbig-Toutain,  Guide  dans  les  musées  d'arch.  classique  de  Rome, 
1893,  II,  p.  74,  n«  825. 

Sarcophage  de  Garthage.  Éros  ivre  soutenu  par  un  compagnon,  Éros  tenant 
la  syrinx  et  la  torche  renversée,  Éros  au  masque  de  Silène  effrayant  deux 
camarades.  —  Comptes -rendus  de  VAcad.  des  Insor.^  1906,  p.  405-6,  425  sq., 
pi.;  Reinach,  op.  /.,  II,  p.  3,  n»  3;  Rev.  hist.  des  rel,  1906,  LIV,  p.  323. 

Fragment  de  sarcophage  de  Genève.  Il  n'en  subsiste  plus  que  le  motif  de 
rÉros  au  masque  de  Silène,  effrayant  deux  camarades.  Musée  d'art  et  d'his- 
toire, ancienne  collection  Fol.  —  Catalogue  descriptif  (Musée  Fol),  I,  1874, 
p.  295,  n°  1352;  Nos  anciens  et  leurs  œuvres,  1909,  p.  14,  fig.  5;  Arndl- 
Amelung,  Einzelaufnahmen^  VII,  1913,  n®  1896;  G.  Nicole,  Catalogue  des 
sculptures  grecques  et  romaines  du  musée  de  Genève,  1914,  p.  9,  n*  1896, 
pi.  VI. 

1.  Pottier  et  Reinach,  Nécropole  de  Myrina,  p.  344,  note  1  (référ.). 


NOTES   ABCHÉOLOGIQUES  75 

RONDE-BOSSB. 

Albani.  «  Un  enfant  qui  s'est  caché  le  haut  du  corps  derrière  un  grand 
masque  barbu,  passe  sa  main  gauche  par  l'ouverture  de  la  bouche  pour  effrayer 
un  compagnon  que  nous  devons  nous  figurer  se  tenant  debout  devant  lui  ».  — 
Heibig-Toutain,  op.  /.,  II,  p.  92,  n°  852. 

Capitale.  «  Un  enfant  s'amuse  à  mettre  sur  sa  figure  un  gros  masque  de 
Silène,  qui  égale  presque  le  tiers  de  sd  taille.  Le  plaisir  sincère  avec  lequel  il 
joue  ainsi,  et  la  peine  qu'il  a  à  se  rendre  maître  du  masque  qui  est  bien  lourd 
pour  lui,  sont  exprimés  de  la  façon  la  plus  plaisante.  En  outre,  le  masque, 
avec  sa  figure  de  vieillard  morose,  fait  un  contraste  très  piquant  avec  la  phy- 
sionomie souriante  de  l'enfant.  »  —  Ibid.^  I,  p.  382,  n°  519. 

M.  G.  Nicole  mentionne  une  statuette  semblable  qui  se  trouvait  autrefois  à 
Borne,  Istiluto  di  S.  Alessio.  —  Photographie  Moscioni,  11337;  Catalogue  des 
sculptures  grecques  et  romaines  du  musée  de  Genève^  p.  10. 

Peinture. 
Ihrculanum.  Le  masque  n'est  plus  celui  de  Silène,  mais  un  masque  imberbe 
aux    traits    menaçants.  Des  deux  Eros  effrayés,  l'un  tombe    à  la   renverse, 
l'autre  lève  les   bras  au   ciel.  —  Saglio-Pottier,   Dict.  des  ant.^  s.  v.   Ltidi, 
p.  1359,  fig.  4639. 

Un  sujet  étroitement  apparenté  au  précédent  est  celui  où 
rÉros  tient  un  masque  en  main,  mais  ne  s'en  sert  plus  pour 
effrayer  ses  camarades.  Cet  Éros  apparaît  sur  le  couvercle  d'un 
sarcophage  du  Palais  des  Conservateurs,  où  il  est  assis  au  pied 
du  lit  funèbre',  sur  un  sarcophage  de  Berlin ^  sur  une  pierre 
gravée  de  Centorbi  (Sicile)',  et  dans  de  nombreuses  terres 
cuites  funéraires,  de  Myrina  et  d'ailleurs*. 

Sur  un  relief  de  Vienne  \  Éros  est  agenouillé  au  milieu  de 
trois  masques  et  lève  les  bras  en  signe  d'effroi. 

Enfin  on  sait  que  l'association  des  Éros  et  des  masques, 
sans  qu'il  y  ait  un  lien  spécial  entre  eux,  est  très  fréquente 


1.  S.  Reinach,  hépert.  de  reliefs^  III,  p.  194,  i. 

2.  Comptes-rendus  Acad.  Inscr.^  1906,  p.  406. 

3.  L'Éros  tient  dans  l'autre  main  le  Ihyrse  dionysiaque,  tftid.,  p.  406;  Bull. 
Imt.,  1867,  p.  216. 

4.  Pottier  et  Reinach,  Nécropole  de  Myrina,  p.  3i2  8(\.,  pi.  XVIII  (autres  ex., 
p.  343,  note  8). 

5.  S.  Reinach,  Hép,  de  reliefs,  II,  p.  147,  4. 


76  ttEVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

dans  Tart  gréco-romain,  dans  les  scènes  dionysiaques  et  sur  les 
reliefs  des  sarcophages*. 

On  connaît  le  rôle  funéraire  du  masque,  apotropaion  puis- 
sant', déposé  dans  les  tombes  et  apparaissant  dans  Tornemen- 
tation  des  sarcophages.  Si,  dans  la  nécropole  de  Myrina,  les 
Éros  qui  tiennent  un  masque  ont  un  sens  funèbre,  M.  Heuzey 
signale  déjà  ce  sens  du  motif  parmi  les  terres  cuites  primitives 
de  Chypre'.  Bien  plus,  il  est  possible  que,  sur  des  reliefs  grecs 
et  romains,  les  personnages  qui  tiennent  des  masques,  ou, 
assis  devant  eux,  les  contemplent  pensivement,  ne  soient  pas 
tous  *,  comme  on  le  prétend  d'ordinaire,  des  poètes  drama- 
tiques caractérisés  par  un  attribut  du  théâtre  ^  mais  des  mor- 
tels quelconques,  même  des  défunts,  tenant  ou  regardant  un 
symbole  de  l'au-delà.  Les  personnages  tristement  assis  sur  les 
reliefs  de  la  villa  Albani  ^  et  de  Naples  '  contemplent  un  masque 
placé  devant  eux,  qui  semble  leur  suggérer  d'amères  réflexions. 
Le  prétendu  Ménandre  du  relief  du  Latran^  les  «  poètes  » 
des  reliefs  d'Aquilée  ^  de  Lynne  Park  *•,  tiennent  en  main  un 

1.  Ex.  :  Trésor  de  Berthouville,  flép.,  I,  p.  73;  vase  d'argent  de  Pompei, 
ibid,,  I,  p.  227,  4;  Éros  tenant  une  torche  renversée,  et  masque,  ibid.^  III, 
p.  231,  4  ;  Éros  tenant  le  médaillon  du  défunt,  au-dessous  duquel  trois  masques, 
ibid.,  III,  p.  111,  2;  Éros,  guirlandes  et  masques,  motif  très  fréquent  de  la 
décoration  funéraire,  ibid.,  Ilf,  p.  327,1;  185,3;  385-6  (Saint-Rémy)  ;  Robert, 
Die  Masken  der  neueren  attischen  Komoedie,  p.  1,  fig.  1,  etc. 

2.  Masques  de  Silènes,  de  Gorgones,  comme  apotropaia  :  Harrison,  Prole- 
gomena  to  Greek  religion^  p.  138;  A.  Reinach,  Le  Klappersteiriy  p.  49,  note  5; 
Heuzey,  Figurines  antiques  de  terre  cuite,  p.  159,  etc. 

3.  Heuzey,  op.  /.,  p.  159. 

4.  Enumérés  par  Krùger,  Reliefbild  eines  Dichters,  in  Alh.  Alilt.,  XXVI 
1901,  p.  126  sq. 

5.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  ce  ne  soit  parfois  le  cas.  Ex.  :  relief  de  Smyrne, 
Euripide  tenant  un  masque  que  lui  présente  la  Scène  personnifiée  :  à  droite  Dio- 
nysos. Les  inscriptions  désignent  clairement  les  personnages  {Réperl.  de 
reliefs,  II,  p.  172,  1). 

6.  Reinach,  Répert.  de  reliefs,  III, p.  150,  A:Ath.  Mitt.,  1901,  p.  132,  fig.  4. 

7.  Ibid.,  m,  p.  93,  1;  Ath.  Mitt.,  1901,  p.  133,  fig.  2. 

8.  Ibid.,  III,  p.  283,  1  ;  Robert,  op.  /..  p.  78,  fig.  96. 

9.  Ibid.,  II,  p.  38,  2;  Ath.  Mitt.,  1901,  p.  136,  fig.  3. 

10.  Jbid.,  II,  p.  520,  3;  Robert,  op.  /.,  p.  110-1,  fig.  127.  Autres  ex.  ;  Ath. 
mu.,  1901,  p.  136  sq. 


NOTES   ARCHÉOLOGIQUES  77 

masque  qu'ils  regardeat;  ailleurs,  quelque  comparse  le  leur 
présente*.  Mais,  dira-t-on,  les  Muses  remplissent  parfois  cette 
fonction  sur  les  sarcophages  ^  et  elles  accompagnent  le  poète 
qui,  assis  ou  debout  au  milieu  d'elles,  tient  aussi  le  masque. 
Leur  présence  ne  permet  nullement  d'affirmer  que  ce  mortel 
soit  un  auteur  dramatique,  pas  plus  que  les  nombreux  sarco- 
phages qu'elles  ornent  ne  sont  nécessairement  ceux  d'individus 
ayant  exercé  une  pareille  profession*.  Les  Muses  ont  un  sens 
funéraire  plus  général.  On  pensait  jadis  que  le  sarcophage 
Chigi  *  montre  les  Muses  entourant  le  poète;  il  est  plus  vrai- 
semblable d'admettre,  avec  Diitschke  %  que  la  jeune  femme 
assise,  absorbée  par  la  lecture  d'un  diptyque  et  tenant  une 
lyre,  est  la  morte';  ses  parents  assis  la  contemplent  triste- 
ment, tandis  que  les  Muses  conversent  entre  elles  ou  s'effor- 
cent de  les  consoler.  Le  culte  de  ces  déesses  est  souvent  associé 
à  celui  des  défunts,  sans  rapport  avec  leur  profession,  et  il  est 
même  vraisemblable  qu'en  divers  cas  la  défunte  a  été  identifiée 
à  une  Muse\  Et  leur  présence,  l'instrument  de  musique  que 
tient  la  jeune  morte  du  sarcophage  Chigi,  nous  rappellent  les 
Sirènes  musiciennes,  les  scènes  funéraires  de  l'art  grec,  où 
apparaissent  des  personnages  portant  un  instrument  de 
musique,  ou  en  jouant  près  du  tombeau,  dont  M.  Delatte  a  expli- 
qué récemment  le  sens  symbolique  \ 

1.  Tombe  près  de  Tivoli,  qui  serait  celle  d'un  montreur  de  bêles  ou  d'un 
auteur  dramatique;  un  serviteur,  devant  le  défunt,  lui  présente  un  masque 
barbu  {Répert.  de  reliefs,  III,  p.  153,  2);  stèle  grecque  de  Vérone  {ibid.,  III, 
p.  440,  2). 

2.  Londres,  Répert.  de  reVefs,  II,  p.  499,  3;  Londres,  sarcophage  de  Sera- 
proniusNicokratès,  i6ii.,  II,  p.  485,2;  Mattei,  iHd.,  III,  p.  300,  2;  301;  Pise, 
ihid.,  III,  p.  117,  etc. 

3.  Sarcophages  aux  Muses,  dans  Roscher,  Lexikm,  s.  v.  Musen,  p.  3269  sq. 

4.  i6i(i.,  p.  3255  sq. 

5.  Jahrbuck  des  arch.  Inst.,  1912,  p.  129  sq.;  Ren.  arch.,  1913,  I,  p.  324. 

6.  Sa  petite  taille,  par  rapport  à  celle  des  Muses,  la  désigne  clairement 
comme  mortelle.  Sur  ce  procédé  connu,  cf.  mon  article  La  monstruosiié  de 
puissance,  in  Rev.  des  études  grecqfies,  1915. 

7.  Collignon,  Les  statues  funéraires  dans  l'art  grec,  p.  323  (référ.). 

8.  La  musique  au  tombeau  dam  Vantiquité,  in  K^'V.  arch.,  1913,  I,  p.318sq. 


78  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

,Ge  masque  posé  devant  l'homme  assis  qui  le  contemple  pen- 
sivement, on  le  rapprochera  de  la  tête  humaine  isolée  qui,  sur 
bien  des  monuments,  symbolise  l'âme  du  mort';  bouche 
grande  ouverte  comme  celle  des  masques,  elle  a  parfois  devant 
elle  un  personnage  qui,  penché  vers  elle  et  diptyque  en  main, 
s'apprête  à  noter  les  paroles  prophétiques  qui  vont  en  sortir; 
c'est  le  diptyque  qui  est  souvent  donné  aux((  poètes  ))des  reliefs 
cités  plus  haut2.  On  se  rappellera  les  nombreuses  légendes  de 
l'antiquité  et  des  temps  modernes,  concernant  les  têtes  coupées, 
souvent  abandonnées  par  le  carnassier  infernal,  qui  prophé- 
tisent et  racontent  ce  qu'il  y  a  aux  Enfers». 

Enfin,  un  motif  équivalent  est  celui  de  certaines  pierres  gra- 
vées :  un  campagnard,  un  personnage  tenant  un  livre,  regar- 
dent devant  eux  une  tête  de  mort  *. 

Déjà  Ton  peut  supposer  que  regarder  le  masque,  la  tête 
humaine  isolée,  la  tête  de  mort,  c'est  tout  un  :  c'est  contempler 
une  vision  de  l'au-delà. 


L'Éros  au  masque  de  Silène  apparaît  sur  les  sarcophages  au 
milieu  d'autres  motifs  funèbres.  Sur  celui  de  Carthage,  il  est 
suivi  d'un  Éros  renversant  la  torche,  motif  funéraire  qui,  aimé 
de  l'art  antique ^  est  le  symbole  de  la  vie  humaine  qui  s'éteint*. 


1.  Roscher,  Lexikon^  s.  v.  Psyché,  p.  3219  sq.  Psyché  als  blosser  Kopf.  Cf. 
relief  Albani,  Alcaménès  assis  tenant  et  regardant  le  buste  en  cire  de  son  fils 
mort,  sur  lequel  il  va  graver  Velogium  (?)  A  droite,  sa  femme  (?)  offrant  de 
l'encens,  Répert.  de  reliefs,  III,  p.  149,  1.  Noter  l'analogie  avec  les  reliefs  des 
prétendus  poètes.  Cf.  tête  coupée  d'Orphée,  rendant  des  oracles  qu'un  éphèbe 
assis  transcrit  sur  un  diptyque,  Répert.  des  vases,  I,  p.  493,  2. 

2.  Sarcophage  de  Berlin,  Muses  et  poète  ;  homme  regardant  pensivement  un 
masque  et  tenant  un  rouleau  dans  la  main  gauche;  près  du  masque  un  diptyque, 
Ath.  Mitt.f  1901,  p.  131,  n°  1;  rehef  Albani,  l'homme  de  gauche,  qui  regarde 
le  masque,  tient  en  main  un  rouleau,  Répert.  de  reliefs,  III,  p.  150,  4;  cf. 
trésor  de  Berthouville,  ibid.,  I,  p.  75  (au  bas),  76, 

3.  Cf.  mon  article  Baubo,  in  Rev.  de  Vhist.  des  religions,  1914,  LXIX, 
p.  198  sq. 

4.  Roscher,  Lexikon,  s.  v.  Psyché,  p.  3235. 

5.  Collignon,  op.  l.,  p.  330  sq. 

6.  Éros  à  la  torche  et  masques,  Répert.  de  reliefs,  III,  p.  231,  4. 


NOTES   ARCHEOLOGIQUES  79 

Sur  le  sarcophage  Mattei,  la  main  de  TÉros  qui  passe  à  traders 
le  masque  tient  un  serpent,  dont  le  rôle  chthonien  est  bien 
connu*.  De  plus,  on  retrouve  l'association  d'Eros,  du  masque 
tragique  et  du  serpent,  qui  cette  fois  entoure  une  stèle,  sur  un 
relief  de  Trêves';  celle  de  l'enfant  et  du  serpent  dans  le  groupe 
symbolique  des  enfants  à  Toiseau  de  Vienne'  ;  et  celle  du  Silène 
infernal,  du  serpent  chthonien  et  de  Toiseau,  sur  un  cratère  apu. 
lien";  tous  ces  motifs,  qui  ont  des  éléments  communs,  sont 
apparentés  et  ont  un  sens  analogue. 


L'Éros  au  masque  est  le  plus  souvent  groupé  avec  d'autres 
scènes  dionysiaques,  par  exemple,  sur  le  sarcophage  de  Car- 
thage,  avec  un  Éros  ivre  que  soutient  un  compagnon.  Étrange 
motif  à  sculpter  sur  la  tombe,  insulte  même  à  la  douleur  des 
survivants,  s'il  n'avait  un  sens  mystique  qui  en  voilait  le  carac- 
tère trivial.  Cette  vigne,  dont  les  enfants  cueillent  le  raisin, 
puis  le  foulent  au  pied  pour  en  faire  sortir  le  suc  enivrant*, 
c'est  celle  que  vendangent  les  Satyres  et  Silènes  sur  tant  de 
reliefs  gréco-romains  %  et  qui  déchaîne  les  orgies  du  thiase  bac- 
chique ;  c'est  la  vigne  de  Dionysos,  ou  plutôt  c'est  Dionysos 
lui-même,  dont  les  fidèles  s'assimilent  le  sang  divin.  Ainsi, 
chez  les  Zapotèques,  le  prêtre  était  tenu  de  s'enivrer  à  une  cer- 
taine fêle,  et,  dans  cet  état,  de  s'unir  charnellement;  incarnant 

1.  Répert.  de  rdiefs,  II,  p.  90,  4;  cf.  sur  une  amphore  grecque  funéraire, 
i'eidolon,  petit  personnage  ailé,  identifié  plus  tard  aux  Eros  funèbres,  avec  le 
serpent,  Reinach,  Répert.  des  vases ,  I,  p.  165,  1. 

2.  Cf.  Éros  effrayé  par  le  serpent  sortant  de  la  ciste  mystique,  sarcophage 
de  Pise,  Répert.  de  reliefs^  IV,  p.  112,  n.  2. 

3.  Cf.  mon  article,  Le  groupe  d'enfants  autrefois  à  la  Bibliothèque  de  Vienne, 
in  Rev.  arcA.,  1913,  I,  p.  301  sq. 

4.  Crusius,  Pcstschrift  fur  Overbeck,  p.  103,  fig.  B.  Silène,  debout  devant  le 
sphinx,  tient  dans  la  main  droite  l'oiseau,  vers  lequel  se  dresse  le  serpent;  sujet 
analogue  à  celui  du  groupe  de  Vienne. 

5.  On  sait  combien  nombreuses  sont  dans  l'art  romain  ces  scènes  de  ven- 
danges où  apparaissent  des  enfants  et  des  Éros.  Le  motif  de  l'Éros  ivre  est  très 
fréquent  sur  les  sarcophages  (Reinach,  R'ipert.  de  reliefs^  II,  p.  171,  2;  405, 
1;  407,  1;  469,  1;526,  5-6,  etc.). 

6.  Cf.  en  particulier  les  reliefs  en  terre  cuite  dits  Campana. 


80  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

le  dieu  dont  il  était  plein,  il  transmettait  au  fidèle  par  cet  acte 
les  vertus  divines  :  ainsi  encore,  au  Mexique,  c'était  un  rite 
religieux  que  d'enivrer  les  enfants  pour  les  mettre  sous  la  pro- 
tection du  dieu*. 

Ces  scènes  dionysiaques  ne  se  passent  pas  sur  terre;  elles 
sont  dans  l'au-delà,  où  jouent  ces  Éros  funèbres  qu'on  a  volon- 
tiers assimilés  aux  âmes  des  morts'.  Sur  le  sarcophage  de  Ber- 
lin', des  Éros  s'amusent  avec  de  grands  récipients  de  vin,  avec 
des  corbeilles  de  fruits;  l'un  d'eux,  s'approchant  de  la  petite 
morte  qui,  immobile  au  milieu  d'eux,  semble  encore  mal  éveil- 
lée à  sa  nouvelle  existence,  lui  offre  une  grappe  et  l'invite  à 
goûter  au  raisin  divin.  Marcio  semper  ebria  dit,  sur  la  pierre 
tombale  du  boucher  Julius  Vitalis,  une  inscription  vantant  la 
perpétuelle  ivresse  du  paradis  dionysiaque  *. 

Mort  et  ivresse  !  Deux  termes  que  l'art,  à  partir  de  l'époque 
hellénistique,  a  aimé  associer  sous  la  forme  la  plus  réaliste, 
sous  celle  de  ces  squelettes  qui,  couronnés  de  fleurs,  jouent  de 
la  lyre,  de  la  flûte,  dansent,  s'enivrent,  au  milieu  de  divers 
attributs  bachiques ^  On  aurait  tort  de  ne  voir  là  qu'une  invi- 
tation à  jouir  des  plaisirs  terrestres  avant  qu'il  soit  trop  tard, 
comme  on  le  faisait  en  Egypte  où,  montrant  un  squelette  de 
bois  dans  les  festins,  on  disait  :  «  A  la  vue  de  ce  squelette  de 
bois,  divertis-toi,  car  une  fois  mort,  tu  lui  ressembleras"  ».  Les 
gobelets  de  Boscoreale  affirment  certes  ce  sens  épicurien;  mais 


1.  Réville,  Les  religions  du  Mexique^  de  r Amérique  centrale  et  du  Pérou, 
p.  170,  225;  De  la  Grasserie,  De  la  psychologie  des  religions^  1899,  p.  148. 

2.  Collignon,  op.  l.y  p.  332. 

3.  Répert.  de  reliefs,  JI,  p.  17,  4. 

4.  Ibid.,  Ilï,  p.  154,  2. 

5.  Cf.  L'archéologie^  sa  valeur,  ses  méthodes,  III,  p.  381  sq.  ;  Dict.  des  ant., 
s.  V.  Larvae,  p.  951  sq.  ;  Dugas,  Sur  les  gemmes  représentant  la  fabrication  d'un 
squelette,  in  Rev.  des  él.  anciennes,  XIII,  1911,  p.  62  sq.  ;  Maury,  Rev.  arch., 
1848,  V,  p.  287  sq.;  Li  danse  des  morts  sur  un  canthare  antique,  in  Rev. 
arch.,  1903,  I,  p.  12  sq.;  Le  Blant,  De  quelques  objets  antiques  représentant 
des  squelettes,  in  Mélanges  de  Rome,  1887,  p.  251  sq.;  Gobelet  d'Olbia,  danse 
de  squelettes,  Arch.  Anzeiger,  19U,  p.  229,  fig.  37;  E.  Caetani  Lovatelli,  Diuna 
piccola  larva  conviviale  in  bronza,  in  Monutn.  antichi,  V,  1895,  p.  5  sq.,  etc. 

6    Hérodote,  H,  78. 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  81 

sur  d'autres  monuments  antiques  apparaît  la  frappante  analo- 
gie avec  l'art  du  moyen  âge,  oii  le  squelette  devait  avertir  le 
mortel  non  pas  tant  de  jouir  du  présent  que  de  se  préoccuper 
de  la  vie  future'.  Sur  plusieurs  gemmes  antiques,  Tâme,  sous 
la  forme  d'un  papillon,  se  pose  légère  sur  la  tête  de  mort". 
Émouvant  symbole!  Ne  signifiait-il  pas  que  l'âme  triomphe  de 
la  mort  matérielle,  et,  telle  le  papillon,  s'envole  vers  l'au-delà? 
Et  l'on  croirait  volontiers  que  les  squelettes  aux  attributs  ba- 
chiques qui,  notons-le,  tiennent  en  main  des  masques  et  qui  ne 
décorent  pas  uniquement  les  vases  à  boire,  mais  les  lampes 
sépulcrales,  rappellent,  tout  comme  les  Éros  vendangeurs  et 
ivres  des  sarcophages,  les  joies  dionysiaques  qui  attendent  le 
fidèle  dans  l'au-delà. 

***     - 

M.  Perdrizet  a  montré  que  tel  est,  en  effet,  le  sens  de  bien  des 
ornements  dionysiaques  qui  apparaissent  dans  l'art  gréco- 
romain,  en  particulier  dans  la  décoration  funéraire,  et  qui  rap- 
pellent le  paradis  auquel  croyaient  les  fidèles  de  Bacchus'.  «  Il 
leur  apparaissait  principalement  comme  un  dieu  d'outre- 
tombe.  Ils  attendaient  de  lui  la  résurrection.  Il  donnait  l'assu- 
rance d'une  survie  aux  âmes  simples  à  qui  l'idée  de  la  mort  est 
insupportable  ».  Déjà  Renan  disait  :  «  Quelques-uns  des  thiases, 
surtout  ceux  de  Bacchus,  avaient  des  doctrines  relevées  et  cher- 
chaient à  donner  aux  hommes  de  bonne  volonté  quelque  con- 
solation... On  y  enseignait  l'immortalité  sous  de  gracieux  sym- 
boles ))*.  Ces  nombreuses  scènes  de  vendange  de  l'art  gréco- 
romain  commémoraient  les  bienfaits  du  dieu-raisin  que  l'on 
voit,  sur  une  peinture  de  Pompei,  ou  sur  des  fioles  de  terre 
cuite,  figuré  sous  l'aspect  d'une  grappe  anthropomorphisée '. 
((  Pour  ses  initiés,  Dionysos-Botrys  était  le  raisin  mystique,  par 

1.  Cf.  V archéologie,  III,  p.  381. 

2.  Roschpr,  Lexikony  s.  v.  Psyché,  p.  3235. 

3.  Perdrizet,  Cultes  et  mythes  du  Pangée,  p.  95  sq. 

4.  Cité  par  Perdrizet,  l.  c. 

5.  Ihid.,  pi.  III-IV. 

V*  SÉRIE,  T.  ni.  (i 


S2  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

lequel  ils  devaient  être  sauvés,  soit  qu'ils  en  bussent  le  jus 
«  dans  les  cymbales  »,  soient  que  le  prêtre  le  «  coupât  devant  eux 
en  silence  »,  comme  le  hiérophante  faisait  pour  Tépi  à  Eleusis. 
Au  troisième  siècle  de  notre  ère,  à  Tépoque  même  où  se  prati- 
quaient les  mystères  de  Racclms-raisin^  les  chrétiens  imagi- 
nèrent la  symbolique  analogue  du  raisin  rapporté  de  la  Terre 
promise  par  les  espions  de  Moïse,  symbolique  qui,  en  se  déve- 
loppant au  Moyen  âge,  devait  produire  l'étrange  thème  icono- 
graphique du  Christ  au  pressoir*  ».  Le  pressoir  mystique,  l'art 
gréco-romain  le  connaît,  puisque  sur  les  nombreux  reliefs  en 
terre  cuite  ou  sur  ceux  des  sarcophages,  le  joyeux  thiase  ba- 
chique des  Satyres  et  des  Silènes,  ou  la  nuée  des  .petits  Éros,  pro- 
cèdent à  toutes  les  opérations  de  la  vendange,  cueillent  le  grain, 
le  transportent  sur  des  chars,  puis  le  foulent  au  pied.  De  la 
liqueur  divine  qui  sort  du  pressoir,  le  sang  même  du  dieu,  ils 
s'enivrent,  communiant  ainsi  avec  le  dieu  lui-même  qui,  tel 
celui  des  chrétiens,  semble  leur  dire  :  «  Prenez,  ceci  est 
mon  sang  ».  M.  G.  Leroux  a  repris  pour  son  compte  l'exégèse 
symbolique  de  M.  Perdrizet,  en  étudiant  l'ornementation  des 
lagynoi  hellénistiques  ^  Lui  aussi  admet  que  ces  attributs  dio- 
nysiaques, masques,  couronnes,  amphores,  n'ont  pas  le  sens 
banal  et  sensuel  qu'on  veut  trop  souvent  leur  donner,  que  ce 
ne  sont  pas  de  simples  allusions  à  la  gaieté  des  festins.  «  Ces 
ornements  bachiques  sont  les  emblèmes  d'une  véritable  reli- 
gion qui  n'est  pas  la  religion  du  plaisir  ».  Ce  sont  «  les  signes 
sacrés  dont  se  sert  la  foule  des  dionysiastes  pour  affirmer  ses 
espérances  et  sa  foi  »,  les  mêmes  sur  les  vases  de  table  et  sur 
les  tombes'. 

Cette  interprétation  symbolique  n'a  pas  été  admise  par 
M.  Picard  dans  ses  recherches  sur  la  céramique  hellénistique*. 

1.  Perdrizet,  op.  l.,  p.  89  sq. 

2.  Lagynos^  p.  117-8. 

3.  CF.  Perdrizet,  op.  l.,  p.  100,  à  propos  du  décor  des  stèles  thraces  : 
«  C'était  aa  vrai  des  symboles  d'espérance,  comparables  en  un  sens  à  la  croix 
dont  les  chrétiens  ornementent  les  tombes  de  leurs  morts  «. 

4.  Rev.  arch.,  1913,  II,  p.  177  sq. 


NOTES  ARCHÉOLOGIQUES  83 

Avant  de  songer  à  la  mort,  dit-il,  les  Alexandrins  songeaient  à 
la  vie  joyeuse.  Les  poèmes  de  V Anthologie  contiennent-ils  la 
moindre  trace  d'aspirations  à  l'immortalité?  «  Pour  tant  de 
souvenirs  de  fêtes  et  de  beuveries,  qui  citera  la  moindre  médi- 
tation mystique,  une  réflexion  sur  l'au-delà  plein  de  hasards  ?. . . 
Je  conseille  donc  qu'on  relise  les  épigrammes  d'un  des  plus 
anciens  poètes  de  la  cour  d'Alexandrie,  Callimaque,  dont  plus 
d'un  vers  dionysiaque  trouve  son  commentaire  archéologique 
dans  la  céramique  ou  la  glyptique  de  l'époque;  on  verra  com- 
bien la  joie  matérielle  des  banquets  s'y  réserve  déjà  une  place 
exclusive  ».  Mais  les  épigrammes  légères  des  poètes  hellénis- 
tiques reflètent-elles  toute  la  mentalité  et  les  croyances  des 
Grecs  d'alors?  Connaîtrait-on  l'âme  de  la  France  d'aujourd'hui, 
ses  hautes  aspirations,  par  la  seule  lecture  de  ses  poètes  badins 
et  de  ses  romanciers?  Dénier  aux  Grecs  d'autrefois  toute  pen- 
sée profonde,  les  croire  uniquement  occupés  à  chanter  et  à  se 
divertir,  à  repousser  l'obsession  de  l'au-delà  qui  a  toujours 
tourmenté  l'homme,  à  quelque  pays,  à  quelque  époque  qu'il 
appartienne,  les  juger  uniquement  d'après  les  produits  litté- 
raires d'une  élite  intellectuelle,  blasée  et  frivole,  en  négligeant 
les  pensées  ignorées  des  humbles,  plus  croyants  et  même 
superstitieux,  cette  conception  me  semble  une  dérision.  C'est 
un  des  corollaires  de  l'antithèse  qu'on  a  voulu  établir  —  très 
anciennement  déjà  —  entre  le  christianisme,  épris  d'idéal,  re- 
cherchant la  vie  spirituelle  au  détriment  de  la  beauté  corporelle, 
peignant  sur  les  figures  les  sentiments  les  plus  émouvants,  et 
l'antiquité,  gardant  une  sérénité  que  rien  ne  peut  ébranler,  ne 
trahissant  aucune  passion  sur  les  visages  de  ses  statues,  n'ayant 
d'autre  aspiration  que  la  vie  d'ici-bas,  heureuse  et  facile.  Anti- 
thèse dont  on  a  montré  ailleurs  la  fausseté  S  puisque  l'art, 
reflet  de  l'âme  antique,  a  passé  par  les  mômes  vicissitudes  que 
l'art  chrétien,  et  que,  comme  ce  dernier,  à  partir  de  l'époque 
hellénistique,  il  a  connu  les  états  d'âme  les  plus  troublés. 

1.  l'archéologie,  sa  valeur,  ses  méthodes,  I,  p.  97  et  suiv.;  in,p.  129  et  suiv. 


84  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Ce  fut  un  lieu  commun  pour  nos  littérateurs  que  cette  notion 
superficielle  d'une  âme  grecque  riante,  exclusivement  attachée 
à  la  vie,  et  négligeant  Tau-delà.  Pour  Renan,  le  sentiment  pro- 
fond de  la  destinée  humaine  manqua  toujours  aux  Grecs  :  ((  En 
vrais  enfants,  ils  prenaient  la  vie  de  façon  gaie  ».  Pour  Taine, 
le  Grec  ressemble  à  un  bel  animal;  chez  lui  l'âme  et  le  corps 
sont  en  parfaite  harmonie,  sans  que  l'esprit  l'emporte  sur  la 
matière,  comme  dans  le  triste  christianisme.  Boutmy  s'écrie  : 
«  Être  jeune,  beau,  vigoureux,  sage,  conserver  ces  dons  par  la 
tempérance,  avoir  de  beaux  enfants,  servir  sa  patrie,  mourir 
dans  la  gloire  et  être  chanté  par  les  poètes,  voilà  le  bonheur  le 
plus  élevé  que  les  Grecs  aient  rêvé,  leur  horizon  finit  là.  L'in- 
fini, les  rêveries  mystiques  sont  l'affaire  de  quelques  philo- 
sophes ;  encore  oublient-ils  cette  poésie  au  sortir  du  gymnase 
ou  de  l'exèdre  »  *.  Le  paradoxal  Oscar  Wilde  suit  docilement  la 
tradition  :  «  Les  Grecs  furent  une  nation  d'artistes,  parce  que 
le  sens  de  l'infini  leur  fut  épargné  »  ^  Et  les  archéologues  font 
écho  :  ((  Mais  une  chose  distingue  le  Grec  de  l'homme  moderne 
et  chrétien,  sa  foi  se  renferme  dans  les  bornes  de  la  vie  ter- 
restre et  humaine,  telle  qu'il  l'a  connue  et  pratiquée  ))K  La 
civilisation  hellénistique,  en  particulier,  pourtant  si  complexe, 
nous  apparaît  surtout  au  travers  des  poètes  frivoles  de  ï Antho- 
logie, Les  anciens  dieux  sont  morts,  et  ce  sont  les  dieux  des  pas- 
sions sensuelles,  Aphrodite,  Dionysos,  Eros,  qui  triomphent, 
dans  cette  époque  de  luxe  et  de  galanterie  raffinée.  Les  disci- 
plines scientifiques  et  littéraires  ont  fait  certes  d'énormes  pro- 
grès, mais  la  vie  morale  n'existe  plus.  En  un  mot,  c'est  à  une 
Grèce  de  cuistres  et  de  courtisanes  que  voudrait  parfois  nous 
faire  croire  l'archéologie. 

Il  n'en  est  rien.  A  parcourir  la  littérature  grecque,  dès  les 
temps  les  plus  anciens,  on  constate  combien  il  est  erroné  de 


1.  Philosophie  de  l* architecture  en  Ùrèce,  p.  6^ 

2.  Intentions,  trad.  Rebell,  1906,  p.  174. 

3.  Pottier,  Les  statuettes  de  terre  cuite^  p.  304-^ 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  85 

penser  que  les  Grecs,  gens  naturellement  optimistes,  aient 
recherché  les  plaisirs  terrestres  pour  ne  point  songer  à  la  vie 
future*.  Dès  les  poèmes  homériques ^  l'humanité  a  conscience 
de  sa  misère  ;  ce  sont  souvent  des  plaintes  douloureuses  dont 
les  modernes  n'ont  pas  dépassé  la  force  pathétique.  Théognis 
souhaite  de  n'être  point  né*.  Mimnerme  peut  chanter  les  dou- 
ceurs de  la  vie  :  a  Que  serait  la  vie,  quel  charme  aurait-elle  sans 
Aphrodite  aux  cheveux  d'or;  que  je  meure  le  jour  où  je  ne  me 
soucierai  plus  de  ses  baisers,  des  doux  présents  et  des  lits  clan- 
destins ».  Mais,  aussitôt  après,  il  oppose  à  ses  brefs  plaisirs  les 
souffrances,  la  vieillesse  qui  anéantit  la  beauté*.  Le  refrain 
mélancolique  des  vicissitudes  du  sort  termine  plus  d'un  drame 
d'Eschyle  ^  Euripide  lui  donne  un  accent  particulier,  en  répé- 
tant que  la  vie  humaine  n'est  que  douleur,  que  la  fortune  est 
instable,  que  l'amour  n'est  que  souffrance'.  Comme  Mon- 
taigne, il  se  demande  si  la  vie  et  le  sommeil  de  la  mort  ne  sont 
pas  une  seule  et  même  chose  :  o  Qui  sait  si  vivre  n'est  pas  mou- 
rir, et  si  mourir  n'est  pas  vivre  pour  ceux  qui  sont  dans  les 
enfers  ))  \  Et  comme  saint  Paul,  il  considère  la  mort  comme  un 
gain  :  «  Quand  un  enfant  vient  de  naître,  on  devrait  se  réunir 
pour  pleurer  sur  lui,  en  songeant  à  tous  les  maux  qui  l'atten- 
dent ;  au  contraire,  quand  un  homme  est  délivré  par  la  mort  des 
peines  de  l'existence,  il  faudrait  le  féliciter  de  son  sort,  et  lui 
faire  un  cortège  de  joie  jusqu'à  sa  dernière  demeure  (Cres- 
phonte)  ».  ((  Mieux  vaudrait  ne  pas  naître  »;  à  cette  maxime, 
qui  est  déjà  un  lieu  commun  chez  les  poètes  antérieurs  ^  se 
complaisent  Sophocle  et  Euripide  ^  Mais   qu'on  se  rappelle 


1.  Cf.  Girard,  Le  sentiment  religieux  en  Grèce  d'Homère  à  Eschyle. 

2.  Ibid.,  p.  73,  85. 

3.  Ibid.,  p.  160. 

4.  Couat,  Poésie  alexandrine,  p.  174. 

5.  Ibid.,  p.  168. 

6.  Decharme,  Euripide  et  l'esprit  de  son  théâtre,  p.  104  sq. 

7.  Girard,  op.  /.,  p.  383. 

8.  Decharme,  op.  l.,  p.  H9, 

9.  Ibid.,  p.  113,  119,  122,  etc. 


86  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

encore  les  cultes  graves  et  tristes  de  la  Grèce*,  les  enseigne- 
ments sur  l'au-delà  des  mystères  éleusiniens^.. 

Assurément,  jusqu'à  la  fin  du  v«  siècle,  l'idéalisme  fort  et 
robuste  du  patriotisme  hellénique  réfrène  ces  tendances  décou- 
ragées, enseignant  à  l'homme  à  se  vaincre  lui-même,  à  maîtri- 
ser ses  passions.  Mais,  dès  les  dernières  années  du  v®  siècle,  et 
au  IV®,  par  suite  des  circonstances  politiques  changées,  et  sous 
l'influence  toujours  croissante  du  théâtre  d'Euripide  dont  les 
enseignements  répondent  mieux  à  la  mentalité  nouvelle,  l'indi- 
vidualisme commence  à  se  donner  libre  carrière,  pour  épanouir 
sans  frein  ses  passions  à  l'époque  hellénistique.  Ces  poètes 
hellénistiques  qui,  dit-on,  ne  songent  qu'à  la  joie  des  banquets, 
sont  mélancoliques;  les  tristesses  de  la  vie  leur  sont  à  charge. 
Posidippe  reprend  les  plaintes  de  Théognis,  de  Sophocle, 
d'Euripide  :  a  Quelle  route  choisirez-vous  dans  la  vie?  Sur  la 
place  publique,  ce  ne  sont  que  disputes,  affaires,  ennuis;  à  la 
maison,  des  inquiétudes;  aux  champs,  beaucoup  de  fatigues; 
sur  la  mer,  l'épouvante;  sur  la  terre  étrangère,  des  craintes 
continuelles  si  vous  avez  quelque  chose,  et  quels  tourments,  si 
vous  n'avez  rien  !  Ètes-vous  mariés,  vous  ne  serez  pas  exempts 
de  chagrin.  N'êtes-vous  pas  mariés,  vous  vivrez  seuls.  Les 
enfants  sont  une  charge,  la  vie  sans  enfants  est  incomplète.  La 
jeunesse  est  frivole,  la  vieillesse  aux  cheveux  blancs  débile.  Il 
ne  reste  donc  qu'à  choisir  entre  ces  deux  choses  :  ou  n'être 
jamais  né,  ou  mourir  en  naissant  »  ".  Eux  aussi,  la  mort  les 
hante  et  leur  apparaît  comme  une  délivrance  :  «  Réjouis-toi,  dit 
Astydamas,  si  l'on  se  réjouit  sous  terre  ;  et  je  le  crois. . . ,  car  il  y  a 
lieu  d'avoir  de  la  joie  quand  on  a  oublié  les  maux*.  »  Elle  est 
un  repos  :  «  Encore  quelques  jours,  malheureux,  et  nous  aurons 
la  grande  mort  pour  nous  reposer  »  \ 

C'était  une  opinion  courante  que  celle-ci  :  «  L'art  chez  les 

4.  Girard,  op.  /.,  p.  190,  195. 

2.  Foucart,  Les  mystères  d'Eleusis,  1914. 

3.  Couat,  op.  /.,  p.  187. 

4.  De  Hidder,  De  ridée  de  la  mort,  p.  4. 

5.  Asklépiade.  Cf.  Groiset,  Hist.  de  la  littérature  grecque,  V,  p.  168. 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  87 

Grecs  était  chaste,  sévère  et  toujours  calme.  Il  semble  que 
les  anciens  n'aient  pas  connu  la  tristesse  et  la  mélancolie  »  '. 
Mais  Tart  hellénistique  exalte  les  passions  de  toute  sorte,  et 
surtout  la  tristesse.  C'est  alors  qu'on  voit  paraître  ces  dieux 
douloureux,  ces  Hercules  fatigués,  ces  Zeus  tristes  comme  un 
Christ  païen,  a-ton  dit,  ces  visages  noyés  de  mélancolie.  Par- 
tout, c'est  l'expression  d'une  âme  angoissée  par  les  incertitudes 
de  ce  monde  et  par  celles  de  l'au-delà,  que  trahit  l'ornementa- 
tion funéraire  renouvelée  :  «  Ces  symboles  revêtent  un  aspect 
nouveau,  conforme  au  caractère  de  la  société  grecque,  moins 
serein  et  moins  tranquille  dans  ses  espérances  d'immortalité... 
Ce  sont  des  Éros  voilés  et  comme  enveloppés  de  crêpes  sombres, 
d'autres  appuyés  sur  une  torche  renversée,  et  surtout  de  plain- 
tives et  lugubres  Sirènes,  se  frappant  la  poitrine  ou  s'arrachant 
les  cheveux.  On  s'aperçoit  que  l'âme  humaine,  en  présence 
d'un  si  grand  mystère,  est  devenue  craintive,  remplie  d'incer- 
titudes et  de  troubles  »  ^  Et  Ton  sait  l'immense  vogue  des  cultes 
orientaux,  qui  préparèrent  la  venue  et  le  triomphe  d'un  de 
ceux  qui  leur  ressemblait  fort,  le  christianisme,  parce  qu'ils 
répondaient  plus  que  les  anciennes  religions  officielles  à  cette 
âme  sensible,  et  calmaient  ses  angoisses  à  la  pensée  du  grand 
mystère  qui  attend  tous  les  humains. 

La  thème  dionysiaque  de  TÉros  au  masque  de  Silène  a  donc 
une  signification  funéraire  et  se  rattache  à  la  religion  des  mys- 
tères de  Bacchus.  On  peut  aller  plus  loin  encore,  montrer  que 
l'effroi  des  petits  Éros,  à  la  vue  du  grand  masque  porté  par 
leur  camarade,  est  un  effroi  religieux  :  ils  ont  devant  eux  une 

vision  du  monde  souterrain. 

* 

On  a  signalé  plus  haut  le  sens  funéraire  et  infernal  du  masque 
ou  de  la  tête  que  contemplent  certains  personnages;  on  peut 

1.  David  d'Angers;  cf.  Canal,  La  Renaissance  de  la  Grèce  antique,  p.  262. 

2.  Potlier,  op.  L,  p.  168. 


88  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

préciser  ici  le  sens  analogue  du  masque  de  Silène.  Dans  Tart 
antique,  le  suivant  de  Dionysos  est  souvent  associé  au  sphinx, 
génie  funèbre,  et  remplace  Œdipe  devant  lui';  sur  le  vase 
Vagnonville,  deux  Silènes  sont  occupées  à  démolir  le  tertre  que 
surmonte  le  sphinx*.  Mais  Silène  symboliserlui-même  le  monde 
infernal.  Sur  des  peintures  de  vases  grecs,  Héraklès  tire  au  bout 
d'une  corde  un  monstre  dont  le  profil  de  Silène  surgit,  langue 
pendante,  d'une  sorte  de  caverne  '  :  c'est  la  transposition  du 
mythe  du  chien  infernal.  Cerbère,  enchaîné  par  Héraklès.  Sur 
des  stèles  bolonaises,  un  gigantesque  profil  de  Silène  apparaît 
sur  l'un  des  côtés,  à  droite  et  à  gauche  de  la  stèle,  en  face  d'un 
personnage  plus  petit,  assis  ou  debout,  qui  est  le  mort;  parfois 
on  aperçoit  sur  le  bras  de  Silène  l'image  d'un  petit  cavalier  : 
c'est  l'Enfer  vainqueur  qui  se  prépare  à  engloutir  le  défunt. 
Pour  MM.  Ducati  et  Grenier,  en  effet*,  l'énorme  tête  de  Silène 
est  le  symbole  du  monde  infernal,  de  VOrcus.  a  Le  vase  attique 
représente,  comme  une  anecdote,  le  vilain  tour  joué  par  un 
héros  sympathique  à  l'odieux  démon  d'outre-tombe;  ici,  au 
contraire,  c'est  l'Enfer  vainqueur  qui  attire  à  lui  et  se  prépare 
à  engloutir  l'être  humain,  simple  mortel  dont  les  ossements 
reposent  au-dessous  du  monument.  Le  motif  mythologique 
grec  est  devenu  un  motif  funéraire  étrusque  ^  »  Tel  est  aussi  le 
sens  qu'on  peut  donner  au  masque  de  Silène  tenu  par  l'Éros 
funèbre,  et  ce  dernier,  pour  bien  faire  comprendre  à  ses  petits 
compagnons  qu'ils  ont  devant  eux,  sous  l'aspect  du  Silène 
androphage,  l'Enfer  qui  dévore  les  trépassés,  laisse  sortir  par 

1.  Crusius,  Silen  und  Sphinx,  in  Festschrift  f.  Overbeck,  p.  102  sq.;  Dict. 
des  ant.,  s.  v.  Sphinx,  p.  i437  ;  Répert.  de  vases,  I,  p.  459,  4  (prétendues 
Lamie  et  monstre  femelle). 

2.  Durm,  Der  Tumulus  auf  der  Fase  Vagnonville  in  Florenz,  in  Wiener 
Jahreshefle,  1910,  p.  210  sq.  ;  Engeimann,  Noch  eimmal  die  Vase  Vagnonville, 
ibid.,  1907,  p.  103  sq.,  117  sq.,  Beiblatt;  Pfuhl,  Der  Klazomenische  Folyxm- 
sarkophag  und  die  Vase  Vagnonville,  in  Jahrbuch  des  arch.  Instiluls,  1914, 
p.  33  sq.  —  Cf.  aussi  Vanodos  de  Koré,  sortant  du  monde  infernal  entre  deux 
Silènes  ou  deux  Pans,  Répert.  de  vases,  I,  p.  2,  46,  8;  348,  1,  3-4;  485,  etc. 

3.  Répert.  de  vases,  I,  p.  490. 

4.  Grenier,  Bologne  villanovienne,  p.  449-451  (référ.). 

5.  Ibid.,  p.  451. 


NOTES  ARCHÉOLOGIQUES  89 

la  bouche  du  masque  sa  main,  seul  reste  de  son  corps  qui  paraît 
déjà  englouti. 

* 

C'est  une  idée  universelle  d'assimiler  l'Enfer,  ou  la  tombe,  le 
sarcophage  a  mangeur  de  chair  »,  à  un  être  vivant  se  nourris- 
sant de  la  chair  du  mort.  Les  textes  bibliques  disent  des  tom- 
beaux :  ((  La  bouche  du  puits  l'a  dévoré  »;  les  Todas  de  l'Inde 
s'écrient  dans  leurs  incantations  :  «  Ouvre-toi,  grande  bouche 
du  sépulcre  ))^  !  Les  Polynésiens  pensent  qu'après  leur  mort  ils 
seront  mangés  par  leurs  dieux  ^  Sans  doute  faut-il  rattacher  à 
une  telle  croyance  les  antiques  légendes  de  Kronos  dévorant 
ses  enfants,  dont  on  trouve  des  parallèles  un  peu  partout  %  et 
celles  des  ogres,  des  croquemitaines.  Dante  a  créé  un  roi  des 
Enfers  tricéphale,  dont  chaque  bouche  est  toujours  occupée  à 
dévorer  un  traître  \  Bien  plus,  l'artiste  moderne  reprend  la 
vieille  formule,  peut-être  sans  s'en  douter,  quand  il  anthropo- 
morphise  la  tombe  :  une  énorme  tête  barbue,  proche  parente 
de  celle  de  Silène,  ouvre  ses  mâchoires  pour  engloutir  la  jeune 
morte  qu'un  personnage  tout  de  noir  vêtu  porte  vers  elle  (flg.  1  ), 
ou  une  tête  de  mort  laisse  pendre  des  coins  de  sa  bouche  les 
jambes  de  l'humain  qu'elle  dévore  ^ 

Le  plus  souvent,  toutefois,  le  monstre  androphage  revêt 
l'apparence  d'un  animal,  qui  varie  suivant  les  pays,  conception 
sans  doute  inspirée  par  le  fait  que  les  morts  sont  parfois  aban- 
donnés aux  fauves  et  aux  oiseaux  de  proie  sacrés.  Au  Thibet, 
les  chiens  sacrés  mangent  les  cadavres,  et  c'est  le  plus  flatteur 
des  ensevelissements^;  en  Perse,  c'était  l'habitude,  mentionnée 

1.  E.  Reclus,  Les  primitifs^  p.  252. 

2.  Réville,  Les  reiiyions  des  peuples  non  civilisés,  II,  p.  94,  152. 

3.  Cumont,  Recherches  sur  le  manichéisme^  l,  p.  hb  sq.  (référ.). 

4.  Inf.,  XXXI V.  De  ogni  bocca  dirompea  co  denti 

Un  peccatore  a  guisa  di  maciulla. 
Cf.  Maury,  Essai  sur  les  légendes  pieuses  du  moyen  âge,  p.  137,  noie  2;  j'ai 
rattaché  ce  motif  au  carnassier  androphage  et  au  dieu  tricéphale  celtiques, 
Études  d'archéologie  et  d'art,  1914,  p.  9. 

5.  Dessin  de  Karl  Itschner,  de  Kùssnacht  (Suisse).   Die   Schweiz,   1914, 
planche,  p.  464  (La  Fontaine  de  Jouvence). 

6.  (]arlailhac,  La  France  préhistorique ^  1889,  p.  291. 


90 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


par  Hérodote,  de  faire  dévorer  les  morts  par  les  chiens  et  les 
oiseaux  de  proie,  et  Ton  connaît  en  Inde  les  tours  du  Silence 
où  se  continue  ce  rite '. 

Le  soleil  qui  meurt  chaque  jour  pour  renaître  au  matin,  est, 
dans  la  symbolique  infernale  de  l'Egypte,  un  dieu  entrant  par 
la  queue  du  serpent  des  ténèbres,  pour  en  sortir  par  la  gueule  *, 
ou  passant  à  travers  une  poutrelle  ornée  à  chaque  extrémité 
d'une  tête  de  taureau  \  C'est  encore  le  monstre  mangeur  des 


Fig.  1,  —  Das  Grab  (dessin  d'un  artiste  munichois  contemporain.) 

trépassés,  formé  de  trois  animaux,  crocodile,  lion,  hippopo- 
tame *. 

Dans  l'Inde  védique,  c'est  au  travers  de  la  tête  du  cheval 
Dadhyana  qu'il  faut  passer  pour  pénétrer  dans  l'Enfer  \ 


1.  Cumont,  Mithra.  I,  p.  7. 

2.  Rev.  hist.  des  reliqions,  XVIII,  1888,  p.  37;  Jéquier,  Le  livre  de  ce  quHl 
y  a  dans  l'Hadès^  p.  iS'i. 

3.  Rev.  hist.  des  religions,  XVIII,  1888,  p.  57-8;  1905,  52,  p.  25;  cf.  Nut 
le  ciel,  en  forme  de  vache,  parcourue  par  la  barque  du  soleil,  Délia  Seta,  Reli- 
gione  e  arte  figurata^  fig.  14,  etc. 

4.  E.  Naville,  La  religion  des  anciens  Égyptiens^  p.  160. 

5.  De  Gubernatis,  Mythologie  zoologique,  iraid.  Regnaud,  1, 1874  ,'p.355,  362. 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  91 

En  Grèce,  le  dieu  des  morts  est  conçu  tout  d'abord  comme  un 
chien  ou  un  loup,  et  Cerbère  est  le  «  mangeur  de  chair  crue  »*  ; 
en  Lydie,  Candaule  est  le  lion  androphage  '^  ;  en  Étrurie,  le  même 
rôle  est  dévolu  au  loup'.  M.  S.  Reinach  a  étudié  le  motif  du 
carnassier  androphage,  chien  ou  loup  '\  qui  apparaît  très  fré- 
quemment dans  Tart  celtique  et  gallo-romain,  et  Ta  rattaché  à 
un  ancien  motif  ionien  et  lydien.  On  ne  peut  que  renvoyer  à  ces 
études',  ainsi  qu'aux  travaux  analogues  de  MM.  H.  Hubert*, 
Welter  ^  Grenier  \  A.  Reinach",  etc.  *^,  où  l'on  trouvera 
d'autres  détails  et  1  indication  des  monuments  où  apparaît  le 
carnassier  androphage. 

Ce  motif  persiste  dans  l'art  du  moyen  âge  ^^  en  particulier 


1.  Cf.  stèle  gréco-phénicienne  d'Ascalon  :  le  mort  étendu  sur  un  lit,  que 
va  dévorer  l'animal  androphage,  Reinach,  Répert.  de  reliefs^lly  p.  411,  1. 

2.  Hev.  des  et.  grecques,  1913,  p.  358  sq.;  Solmsen,  Zeilschrift  fur  verglei- 
chende  Sprachforschung  auf  dem  Gebiete  d.  indogerman.  Sprache,  1912,  XLV; 
cf.  les  travaux  cités  de  S.  Reinach. 

3.  Ducati,  Rendi  conti  dei  Lincei,  XIX,  1910,  p.  161  sq.;  Anziani,  Mélanges 
de  Rome,  XXX;  Grenier,  Bologne  villanovienne,  p.  102,  note  1  ;  Rev.  hist.  des 
religions^  1911,  63,  p.  120;  Rtv.  des  et.  grecques,  1913,  p.  359.  En  étrusque, 
le  radical  lup,  que  l'on  retrouve  dans  le  nom  de  Venus  Libilina,  évoque  l'idée 
de  mort. 

4.  Le  chien  et  le  loup  infernaux,  étant  de  même  nature,  se  confondent  sou- 
vent; cf.  S.  Reinach,  /.  c.  En  Egypte,  Anubis,  dieu  infernal,  était  à  proprement 
parler  un  dieu-chien;  Ouapouaitou  était  un  dieu-loup;  or,  les  Égyptiens  les 
représentent  tous  deux  sous  la  forme  du  chacal,  qui  présente  avec  le  chien  et 
le  loup  de  grandes  affinités.  Cf.  Sourdille,  Hérodote  et  la  religion  de  l'Egypte, 
p.  97,  note  2;  p.  394,  note  5. 

5.  Les  carnassiers  androphages  dans  l'art  gallo-mmain,  in  Cultes^  mythes  et 
religions,  I,  p.  279  sq.  ;  Rev.  arch.,  1904,  IV,  p.  138. 

6.  Notes  d'archéologie  et  de  philologie  celtiques,  Gweil-gi,  VOcéan  et  le  car- 
nassier androphage,  in  Rev.  celtique,  XXXIV,  1913,  p.  1  sq.;  id.,  Compte- 
rendu  du  nV*  Congrès  inlernational  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhis- 
toriques, Genève,  1914,  II,  p.  220  sq.,  Le  carnassier  androphage  et  la  repésen- 
tation  de  COcéan  chez  les  Celtes. 

7.  Rev,  arch  ,  19ll,  I,  p.  55  sq. 

8.  Bologne  villanovienne ,  p.  375,  383,  385. 

9.  Bulletin  de  correspondance  hellénique,  1910,  p.  279;  Les  têtes  coupées, 
p.  32,  note  1  ;  Le  Klapperstein,  p.  20;  Rev.  des  et.  grecques,  1913,  p.  358  sq. 

10.  Cf.  Deotina,  Etudes  d'archéologie  et  d'art,  Genève,  1914,  p.  9. 

11.  Cf.  S.  Heinach,  /.  c.  ;  monstre  cornu  androphage,  cathédrale  de  Nevers, 
Cdbanès,  Mœurs  intimes  du  passé,  III,  p.  24,  (ig.  ;  Maeterlinck,  Le  genre  sati- 
rique dans  la  peinture  flamande^  p.  18-9,  Mg.  17-8  (2*  éd.),  etc. 


92  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

dans  la  décoration  des  cathédrales,  et  trouve  son  écho  jusque 
dans  Tœuvre  de  Dante. 

Mais  l'iconographie  chrétienne  le  connaît  encore  sous 
d'autres  aspects,  elle  qui,  se  rappelant  le  mythe  de  Jonas  avalé 
par  le  monstre  marin,  figure  dans  les  scènes  du  Jugement  der- 
nier TEnfer  comme  une  gueule  immense  s'ouvrant  pour  rece- 
voir les  damnés.  Sur  une  fresque  de  Salamine,  les  poissons  de 
la  mer,  dauphins,  baleines,  rejettent  au  Jugement  dernier  les 
membres  humains  qu'ils  ont  dévorés,  têtes  ou  jambes  '.  Sur  une 
mosaïque  de  Torcello,  qui  représente  le  même  sujet,  c'est  Amphi- 
trite  entourée  de  monstres  marins,  dont  chacun  rend  par  la 
bouche  un  cadavre,  comme  le  font  des  lions  et  d'autres  bêtes 
féroces».  Déjà  l'Apocalypse  disait  :  «  La  mer  rendra  les  morts 
ensevelis  sous  les  eaux.  »  L'Office  des  Morts  supplie  :  «  Libéra 
me^  Domine,  de  are  leonh  »,  délivre-moi  de  cette  gueule  du  lion 
androphage,  symbole  de  l'Enfer  et  du  diable  M  Ainsi  encore,  à 
l'abbaye  de  Saint-Riquier,  on  voit,  aux  pieds  de  la  statue  du 
saint,  des  lions  et  des  loups,  images  du  mal  *,  dévorant  de 
jeunes  enfants  ^  De  nombreuses  représentations,  où  un  animal 
engloutit  un  humain,  doivent  être  rattachées,  de  près  ou  de 
loin,  à  l'idée  du  monde  infernal  dévorant;  tel  est  sans  doute  le 
cas  pour  la  guivre  de  Milan,  serpent  debout  sur  sa  queue, 
engoulant  un  enfant,  dans  laquelle  A.  Blanchet,  par  une  hypo- 
thèse peu  convaincante,  veut  voir  une  adaptation  des  repré- 
sentations antiques  d'Ophe]tès^ 

Passant  à  travers  le  corps  de  l'animal  androphage,  le  défunt 
participe  à  la  nature  de  celui-ci,  s'assimile  ses  vertus,  renaît  à  une 
vie  nouvelle.  Tel  est  aussi  le  sens  de  ces  rites  bizarres  où  l'on  pas- 
sait à  travers  le  corps  d'un  animal  coupé  en  deux,  ou  à  travers 


1.  Didron,  Uist.  de  Dieu,  p.  361. 

2.  Mém.  Acad.  Inscr.,  XXVIII,  1874,  II,  p.  86,  noie  1. 

3.  Maury,  op.  l.,  p.  157. 

4.  Loup  infernal  au  moyen-âge,  ibid.,  p.  162. 

5.  J6i(i.,p.  164. 

6.  Note  sur  la  guivre  de  Milan^  in  Mém.  et  notes  de  numismatique ,  III,  1909, 
p.  367  sq. 


NOTES   ARCHÉOLOGIQUES  93 

la  peau  de  la  victime  divine  ',  comme  on  le  faisait  et  comme  on 
le  fait  encore  au  travers  des  pierres  percées,  des  arbres,  etc., 
rites  de  passage  qui  confèrent  à  ceux  qui  les  subissent  une  nou- 
velle naissance  ^ 


La  tête  du  Silène  infernal  que  tient  TEros  semble  avoir 
dévoré  celui-ci  et  n'en  avoir  plus  laissé  que  la  main,  apparais- 
sant encore  dans  la  bouche.  Souvent,  en  effet,  le  dieu  andro- 
phage  laisse  au  corps  de  sa  victime  un  membre,  la  tête,  qui 
peut  vaticiner,  les  jambes  ',  ou  encore  la  main  seule,  comme 
sur  le  relief  de  Scy-les-Metz  *.  Suivant  Artémidore,  un  malade 
avait  prié  Sérapis  de  lui  secouer  la  main  droite,  s'il  devait 
guérir;  il  rêva  qu'il  se  trouvait  dans  le  temple  du  dieu,  et  que 
Cerbère  vint  lui  arracher  la  main;  peu  après  il  était  mort\ 
En  revanche  le  même  auteur  raconte  qu'un  autre  individu 
rêva  qu'il  avait  été  lié  à  un  poteau  dans  un  cirque,  et  qu'un 
ours  lui  avait  mangé  la  main,  ce  qui  fut,  on  ne  sait  trop  pour- 
quoi, interprété  comme  un  présage  favorable  '.  M.  S.  Reinach 
a  récemment  étudié  un  curieux  passage  de  Glaudien  \  où  cet 
auteur  raconte  un  prodige  survenu  près  de  Milan  en  401. 
Honorius  avait  été  assailli  par  deux  loups  ;  ceux-ci,  tués,  lais- 
sèrent échapper  de  leur  corps  deux  mains  humaines,  dont  les 


\.  Cf.  mon  article,  La  monstruosité  de  puissance  in  Eev.  des  et.  grecques^ 
1915  (référ.)  ;  iôid.,  1913,  p.  359,  note  2  ;  passage  de  l'homme  à  travers  la  peau 
de  la  victime  assimilée  au  dieu,  Rev.  hist.  des  religions,  1908,  57,  p.  97;  des 
enfants  à  travers  la  peau  du  lion,  Renei,  Les  religions  de  la  Gaule  avant  le 
christianisme,  p.  170.  Contes  populaires,  entrer  par  une  oreille  d'un  animal  et 
en  sortir  par  l'autre,  Gubernatis,  op.  /.,  I,  p.  318  sq.,  etc. 

2.  Van  Gennep,  Rites  de  passage,  1909  ;  id.,  De  quelques  rites  de  passage  en 
Savoie,  in  Rev.  hist.  des  religiom,  1910,  61,  p.  37, 183,  323  ;  Harrison,  Themis, 
p.  19,  21,  etc. 

3.  Vases  peints  ioniens,  situles  italiques,  etc. 

A.Rev.arch.,  1904,  V,  p.  139,  fig.  ;  Cultes,  mythes,  I,  p.  189,  fig.  11. 

5.  Le  Blant,  Mém.  Acad.  Inscr.,  XXXVIII,  1901,  II,  p.  21. 

6.  Ibid.,  p.  94. 

7.  Les  loups  de  Milan,  in  Rev.  arch,,  1914,  I,  p.  237  sq.;  ibid,,  1913,  II, 
p.  275;  Rev.  hist.  des  rel.,  1913,  68,  p.  410;  Comptes-rendus  Acad.  Inscr., 
1913.  p.  349;  Journal  des  Savants,  1913,.  p.  430. 


94  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

doigts  étendus  paraissaient  vivants.  J'ai  rattaché  ailleurs'  au 
type  du  carnassier  androphage  un  épisode  de  la  légende  de 
saint  Thomas  en  Inde,  qu'illustrent  certains  vitraux  du  moyen 
âge  :  on  y  voit  un  chien  tenant  dans  sa  gueule  une  main.  La 
légende  raconte  que  le  saint,  ayant  pénétré,  sans  être  prié,  dans 
la  salle  où  se  donnait  un  festin  nuptial,  Téchanson  Tinjuria; 
mais  une  fois  que  celui-ci  fut  sorti  pour  s'acquitter  de  sa  fonc- 
tion, un  lion  le  tua,  des  chiens  le  déchirèrent,  et  l'un  d'eux 
apporta  sa  main  dans  la  salle  en  la  tenant  dans  sa  gueule.  Dans 
la  légende  Scandinave,  le  dieu  de  la  guerre,  Tyr,  sacrifie  une 
de  ses  mains  au  loup  infernal  Fenrir,  et  permet  ainsi  aux  autres 
dieux  de  tuer  le  fauve;  le  même  détail  se  retrouve  dans  la 
légende  du  dieu  celte  Nuadu  \ 

Pourquoi,  dans  tous  ces  cas,  où  l'animal,  chien  ou  loup,  est 
le  carnassier  infernal,  la  main  seule  intervient-elle?  Tout 
comme  la  tête  et  d'autres  organes  du  corps  humain,  elle  est  le 
siège  de  l'âme,  et  l'on  a  pu  parler  d'une  «  âme  manique  »  \  Ce 
n'est  pas  le  lieu  de  rappeler  ici  le  grand  rôle  de  la  main  isolée 
et  ses  nombreux  emplois  dans  les  mythologies  et  les  croyances  *. 
Ne  symbolise-t-elle  pas  la  divinité  qui  protège  et  guérit,  et 
n'est-ce  pas  sous  sa  forme  encore  qu'on  représentait  Dieu  dans 
l'iconographie  chrétienne  primitive,  avant  qu'il  n'eût  revêtu 
l'aspect  entièrement  humain^?  En  Suède ^  la  main  de  l'esprit 


1.  L'erreur  et  Villusion^  sources  de  nouveaux  thèmes  artistiques^  1913, 
p.  68-9. 

2.  Hubert,  Rev.  celtique,  1913,  p.  6;  Sep^erstedt,  ISordiska  Vapengudar 
dans  Skrifter  tillàgnade  Pehr  Eklund,  1911;  cf.  Rev.  hist.  des  religions,  1913, 
68,  p.  84;  Krohn,  La  main  droite  de  Tyr,  in  Mélanges  offerts  à  Feilberg,  1911  ; 
cf.  Rev.  hist.  des  religions,  1913,  67,  p.  384. 

3.  Rev. d'ethnographie  et  de  sociologie^  1913,  p.  217;  Dussaud,  Introduction 
à  rhtstoire  des  religions,  p.  41 

4.  Nombreux  détails  dans  Weinreich,  Antike  Heilungsvmnder;  Goblet 
d'Alviella,  Migration  des  symboles,  p.  33,  la  main  de  Dieu  ;  Siltl,  Die  Gebdrden 
der  Griechen  und  Rnmer,  p.  324  sq. 

5.  Dieu  du  Yucatan,  représenté  ordinairement  sous  la  forme  d'une  main 
rouge.  Réville,  Les  religions  du  Mexique,  de  l'Amérique  centrale  et  du  Pérou, 
p.  228. 

6.  Gollin  de  Plancy,  Dict,  infernal  (6"  éd.),  1863,  p.  504,  s.  v.  Ondins, 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  95 

des  eaux  est  la  seule  partie  visible  de  son  corps,  et,  bien 
avant  les  matérialisations  des  spirites,  nombreuses  sont  les 
légendes  de  mains  apparaissant  seules  •. 

La  main  funèbre  joue  un  grand  rôle  dans  les  croyances  et  les 
superstitions  de  tous  les  pays,  de  l'antiquité  comme  de  nos 
jours;  elle  guérit,  donne  la  richesse,  protège  du  mal;  en  un 
mot,  c'est  un  amulette  puissant.  La  main  desséchée  des  morts 
est  portée  comme  talisman  par  divers  peuples  demi-civilisés'; 
chez  les  Todas  de  l'Inde,  faisant  passer  les  animaux  du  trou- 
peau devant  le  défunt,  on  lève  sur  chaque  bête  le  bras  raidi  et 
on  lui  fait  toucher  le  front  de  l'animal'.  Pline  raconte  que  la 
main  du  mort,  tout  comme  celle  du  dieu,  guérit*.  Dans  les 
superstitions  modernes,  son  imposition  efface  les  taches  de 
naissance  ^  ;  la  main  ou  le  bras  d'un  fœtus  humain  donne  à  celui 
qui  les  porte  l'invisibilité  et  lui  permet  de  découvrir  des  tré- 
sors %  et  la  main  du  pendu,  tenant  une  chandelle  de  composi- 
tion spéciale,  immobilise  les  gens  \  La  «  main  de  gloire  »  que 
faisait  trouver  le  démon  Nabérus  enrichit  magiquement  son 
possesseur  \  Faut-il  encore  rappeler  les  légendes  où  la  main  du 
mort  saisit  et  pince  son  adversaire  ^  et  le  curieux  conte  où 
Maupassant  s'en  est  inspiré? 

1.  Sébillot,  Légendes  et  curiosités  des  métiers^  Tailleurs^  p.  27;  Lavandières, 
p.  3. 

2.  Australie  :  Mathews,  Beitrdge  zur  Ethnographie  der  Australierj  in  Mitt. 
d.  Anthropol.  Gesell.  in  Wien,  XXXVII,  1907,  p.  18;  L'Anthropologie,  1897, 
p.  118  ;  1907,  p.  691  ;  Goblet  d'Alviella,  Migrationdes  symboles^  p.  35,  note  2. 

3.  E.  Reclus,  Les  primitifs,  p.  254. 

4.  Hist.  iVa«.,  XXVIII,  11. 

5.  Cabanes,  Remèdes  d'autrefois,  p.  48. 

6.  Ihid.,  p.  48.9. 

7.  Collin  de  Plancy,  op.  /.,  p.  435. 

8.  Ibid,,  p.  486.  Cyrano  de  Bergerac  met  en  scène  un  magicien  qui  énumère 
ses  titres  :  «  Je  fais  trouver  la  main  de  gloire  aux  misérables  que  je  veux  enri- 
chir. »Cf.  Masson,  La  sorcellerie  et  la  science  des  poisons  au  XVIT*  siècle^  1904, 
p.  53.  Sous  F'rarçois  P',  un  boulanger  possédait,  disait-on,  une  main  de  gloire 
à  laquelle  il  devait  de  s'être  enrichi  (Sébillot,  Légendes  et  curiosités  des  métiers, 
p.  12).  La  main  de  gloire,  le  plus  souvent  une  main  humaine  desséchée,  est 
parfois  aussi  une  racine  de  mandragore  (Dulaure,  Des  divinités  génératrices^ 
1805,  p.  226,  note). 

9.  Mélusine,  VIII,  p.  57. 


96  HEVUE    ARCHÉOLOGIQUE 


Le  masque  du  Silène  infernal  cache  le  corps  deTÉros  et  n'en 
laisse  paraître  que  les  jambes.  Ses  petits  compagnons,  qui  le 
contemplent,  croient  avoir  devant  les  yeux  une  tête  énorme 
montée  sur  deux  jambes  et  sans  corps.  Une  telle  monstruosité 
rappelle  les  figurines  du  type  dit  «  Baubo  »,  dont  on  a  étudié 
ailleurs  le  sens,  et  que  Ton  a  rattaché  pour  divers  détails  au 
symbolisme  infernal'. 

On  comprend  maintenant  l'émoi  des  Éros  devant  cette  funè- 
bre évocation.  Leurs  gestes  sont  significatifs.  Sur  la  peinture 
d'Herculanum,  qui  semble  ne  donner  qu'un  sens  décoratif  à  ce 
motif,  l'un  d'eux  tombe  à  la  renverse;  mais  sur  les  sarcophages 
oii  il  a  toute  sa  valeur  symbolique,  les  attitudes,  plus  sobres, 
ont  une  valeur  rituelle.  En  général,  le  premier  Éros  lève  la 
main  ouverte,  geste  connu  de  prophylaxie  et  d'imploration  de 
la  protection  divine,  que  font  entre  autres  les  figurines  dites 
de  Baubo,  et  certaines  figurines  apotropaïques  où  les  membres 
sont  inversés  les  uns  par  rapport  aux  autres'.  L'Éros,  qui  voit 
s'avancer  vers  lui  le  monstre  androphage,  lève  contre  lui  la 
main,  et  semble  dire,  comme  le  défunt  d'une  de  ces  nom- 
breuses stèles  funéraires  où  sont  sculptées  des  mains  levées  ^  : 
Manus  levo  contra  deum  qui  tne  innocentem  sustidii  *. 

Si  le  second  Éros  du  sarcophage  de  Garthage  recule  effrayé, 
celui  du  sarcophage  de  Genève,  les  mains  jointes  sur  la  poi- 
trine, dans  une  attitude  tranquille,  semble  résigné  et  soumis \ 

1.  Rev,hist.  des  religions,  1914,  LXIX,  p.  193  sq.  et  suiv.  {Baubo). 

2.  Ibid.,  et  Une  erreur  de  dessin  sur  une  coupe  antique  du  Musée  de  Genève^ 
in  Revue  des  études  grecques,  1914,  p.  59.  sq.. 

3.  SittI,  Bie  Gebàrden  der  Griechen  und  Rômer,  p.  306  sq.  ;  Gazette  arch., 
1876,  p.  119  sq.;  Ath.  Mitt.,  XIX,  p.  318  (Noack);  Rev.  arch.,  1901,  I, 
p.  168  (Gonstantinople)  ;  Bulletin  de  correspondance  hellénique,  1912,  p.  277- 
8^  351-2;  Rev.  hist.  des  religions,  1910,  61,  p.  130  (référ.)  ;  Comptes  rendus 
Acad.  Inscr.y  1913,  p.  696  (Salonique)  ;  Mélusine,  VIII,  p.  57  sq. 

4.  Gruter,  Inscr.,  820,  1  ;  Orelli,  4793  ;  SittI,  /.  c. 

5.  Les  bras  croisés  sur  la  poitrine  ou  le  venire,  en  particulier  dans  les  figu- 
rines d'acteurs  comiques,  expriment  la  réflexion,  l'embarras,  la  tristesse  et 
l'ennui  (Pottier  et  Heinach,  Nécropole  de  Myrina,  p.  476,  référ.). 


NOTES   ARCHÉOLOGIQUES  97 

Ces  deux  gestes  apparaissent  unis  sur  d'autres  monuments.  Sur 
un  sarcophage  de  Rome,  Deucalion  (?)  lève  la  main  droite 
ouverte,  et  Pyrrha  (?),  à  ses  côtés,  croise  les  mains  sur  son 
ventre*.  Le  relief  du  Capitole,  représentant  une  scène  d'initia- 
tion, est  plus  caractéristique  encore'  :  un  jeune  satyre  lève  la 
main  droite  ouverte;  deux  autres  satyres  se  tiennent  debout 
derrière  lui,  dans  une  attitude  respectueuse,  pieds  joints  »  et 
bras  croisés  sur  le  ventre,  comme  TÉros  du  relief  de  Genève  ; 
autour,  on  voit  un  hermès  de  Priape,  le  thyrse  et  la  ciste  mys- 
tique; et  au-dessus,  une  jeune  femme  assise,  une  Muse  (?), 
regarde  un  masque  barbu  qu'elle  tient  sur  ses  genoux,  motif 
dont  nous  avons  cherché  plus  haut  à  préciser  le  sens.  On 
retrouve  donc  dans  ce  relief  les  attitudes,  les  gestes  et  la  con- 
templation du  masque,  éléments  du  sujet  que  nous  étudions. 

En  résumé,  les  Éros  qui  jouent  avec  le  masque  de  Silène  ont 
dans  la  symbolique  des  sarcophages  un  sens  profond,  en 
intime  relation  avec  les  autres  motifs  dionysiaques  parmi  les- 
quels  ils  apparaissent.  Le  masque  est  celui  du  Silène  infernal, 
que  Tart  romain  a  peut-être  reçu  de  la  Grèce  par  l'intermé- 
diaire de  rÉtrurie;  il  semble  avoir  dévoré  TÉros  qui  s'amuse  à 
le  porter,  et  n'avoir  laissé  de  lui  que  la  main,  tenant  parfois  le 
serpent  chthonien  \  Devant  le  monstre  sans  corps,  à  tête  énorme 
sur  jambes,  d'autres  Éros  regardent  avec  effroi  et  soumission 
cette  évocation  de  l'au-delà. 

(A  suivre.)  W.  Deonna. 

1.  S.  Reinach,  Répert.  de  reliefs^  III,  p.  199,  2. 

2.  Ibii.,  III,  p.  207,  2. 

3.  Deonna,  L'archéologie,  If,  p.  214. 

4.  Sarcophage  Maltei. 


V»   SÉRIE,    t.    lil. 


LES  COLLECTIONS  D'OBJETS  D'ART 

DU   MOYEN-AGE    ET    DE  LA   RENAISSANCE 


Quel  que  soit  le  prix  que  nous  attachions  aujourd'hui  à  une 
châsse  en  émail  de  Limoges  ou  à  une  salière  en  faience  Henri  II, 
il  ne  faudrait  pas  croire  que  les  œuvres  de  cette  nature  aient 
toujours  connu  pareille  faveur.  Les  variations  du  goût  en 
matière  de  collections  ont  été  infinies  et  les  grands  amateurs 
de  la  Renaissance  (ou  même  du  règne  de  Louis  XV)  seraient 
extrêmement  surpris  de  voir  où  vont  aujourd'hui  nos  préfé- 
rences. Sans  qu'on  puisse  ériger  cette  observation  en  axiome, 
il  semble  que,  d'une  façon  générale,  la  faveur  des  curieux  se  soit 
en  tout  temps  partagée  entre  deux  catégories  d'œuvres  bien  dis- 
tinctes :  celles  que  mettait  en  valeur  leur  éloignement,  soit 
dans  le  temps,  soit  dans  l'espace,  œuvres  antiques  ou  œu,vres 
exotiques,  et,  d'autre  part,  les  œuvres  tout  à  fait  contempo- 
raines, dont  la  valeur  dépendait  en  grande  partie  de  la  faveur 
accordée  par  le  public  à  tel  ou  tel  artiste  vivant.  Ce  qu'on  a 
toujours  sacrifié,  ce  sont  les  œuvres  des  générations  de  la 
veille  :  la  mode  nous  fait  haïr  violemment  ce  que  nous  venons 
de  quitter  et  si  nous  mettons  un  tel  empressement  à  brûler  ce 
que  nous  avons  adoré,  c'est  que  nous  en  sommes  assez  près 
pour  risquer  de  l'adorer  encore.  C'est  la  mode  qui  nous  dicte 
nos  amours  comme  nos  haines;  les  œuvres  de  l'époque  de  nos 
grand'-mères  sont  assez  voisines  de  nous  pour  tomber  encore 
sous  la  juridiction  de  cette  mode  :  de  quel  droit,  au  nom  de  la 
mode  d'aujourd'hui,  irions-nous  juger  une  sculpture  égyp- 
tienne? 

Le  Moyen-Age  ne  connut  pas  de  collections  d'objets  d'art. 
L'idée  même  de  la  collection    ne  paraît  pas  avoir  beaucoup 


LES    COLLECTIONS    d'oBJETS    d'ART    DU    MOYEN-AGE  99 

tourmenté  ceux  là  mêmes  à  qui  leur  fortune  et  leur  rang 
eussent  rendu  facile  ce  délassement.  Pourtant,  de  deux  côtés, 
nous  voyons  poindre  le  désir  de  réunir  des  objets  précieux, 
presque  toujours  au  reste  des  objets  de  l'art  contemporain  :  je 
veux  parler  des  trésors  des  princes  et  des  trésors  des  églises. 
Si  les  premiers,  par  le  hasard  des  successions,  échappaient  dif- 
ficilement à  la  dispersion  et  au  pillage,  les  seconds,  grâce  au 
respect  qui  protégeait  les  sanctuaires,  furent  assurés  d'une  cer- 
taine perpétuité;  ils  devinrent  de  véritables  musées  et,  à 
mesure  que  les  œuvres  qu'ils  renfermaient  vieillissaient,  ils 
propagèrent  le  goût  des  objets  anciens. 

Vint  la  Renaissance  et,  avec  elle,  la  passion  des  antiques. 
En  Italie  surtout,  il  n'y  eut  seigneur  ni  évêque  qui  ne  se  crut 
tenu  de  former  un  musée  :  rien  de  plus  instructif,  à  cet  égard, 
que  la  lecture,  pour  Rome,  du  commentaire  de  M.  Salomon 
Reinach  sur  l'Album  de  Pierre  Jacques  ou,  pour  Venise,  de 
l'Anonyme  de  Morelli,  avec  les  éclaircissements  de  M.  Frizzoni. 
Ce  dernier  ouvrage,  surtout,  nous  permet  de  saisir  sur  le  vif  ce 
qui  constitue  l'essence  de  toute  collection  :  l'union  de  l'antique, 
recherché  pour  son  ancienneté,  et  du  moderne  recherché  pour 
sa  beauté  artistique,  l'époque  intermédiaire,  les  âges  encore 
proches  étant  sacrifiés  par  déférence  pour  les  caprices  de  la 
mode. 

Il  y  eut  donc  au  seizième  siècle  des  collections  d'objets  de  la 
Renaissance  réunis  par  des  admirateurs  des  artistes  de  cette 
époque,  commandés  directement  à  ces  artistes.  C'est  à  titre 
d'œuvres  contemporaines  et  non  comme  objets  de  curiosité 
que  l'on  achetait  des  coupes  de  Cellini  et  des  émaux  de  Léonard 
Limosin.  La  preuve  en  est  qu'au  siècle  suivant  personne  ne 
continua  à  les  recueillir.  S'ils  figurent  encore  dans  les  inven- 
taires de  certains  cabinets  —  voir  notamment  les  inventaires 
des  objets  précieux  de  Louis  XIV  publiés  par  M.  Guifîrey  — 
c'est,  neuf  fois  sur  dix,  en  raison  du  prix  de  la  matière,  or 
émailléou  cristal  de  roche.  Pendant  tout  le  dix-septième  siècle, 
nous  ne  voyons  pas  que  les  œuvres  du  seizième  (en  dehors 


100  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

bien  entendu  des  tableaux  et  des  dessins)  aient  été  recherchées 
comme  objets  de  collection. 

Cela  n'est  pas  moins  vrai  du  dix-huitième  siècle.  Aucun  des 
grands  amateurs  de  cette  époque,  ni  les  Mariette,  ni  Quentin 
de  Lorangère,  ni  Gaignat,  ni  La  Vallière,  ni  le  prince  de  Conti, 
ni  le  duc  de  Ghoiseul,  ni  le  duc  d'Aumont,  ni  même  Caylus  ou 
M"^«  de  Pompadour  ne  donnèrent  place  dans  leurs  cabinets 
à  des  objets  d'art  du  Moyen-Age  ou  de  la  Renaissance.  Ils  ne 
fermèrent  pas  leur  porte  aux  antiques,  mais  ils  réservèrent 
leurs  tendresses  aux  œuvres  exotiques,  aux  porcelaines  de 
Chine  surtout  et  —  qui  l'eût  cru?  —  aux  coquillages  flamboyants 
des  mers  du  Sud. 

On  peut  parcourir,  plume  en  main,  les  deux  mille  catalogues 
de  vente  publiés  entre  1730  et  1800  et  dont  feu  G.  Duplessis  a 
dressé  la  liste',  sans  y  trouver  plus  que  quelques  mentions 
éparses  d'objets  médiévaux  isolés.  Les  bibliophiles  accumu- 
laient déjà  les  incunables  et  les  gothiques  français,  sans  consen- 
tir à  recueillir  les  bibelots  des  quinzième  et  seizième  siècles. 

Une  seule  exception  est  venue  à  notre  connaissance  et  c'est 
précisément  d'un  bibliophile  qu'il  s'agit  :  en  1780,  à  la  vente 
d'un  sieur  Picard,  figurèrent,  à  côté  de  livres  en  caractères 
gothiques  et  de  manuscrits  sur  vélin,  quelques  objets  go- 
thiques, peu  nombreux  encore,  mais  dont  la  réunion,  comme 
on  peut  s'en  convaincre  par  la  lecture  du  catalogue,  atteste  un 
goût  très  marqué  pour  ce  genre  de  curiosités. 

Il  faut  d'ailleurs  ajouter  que  les  érudits  du  xviii^  siècle,  au 
cours  de  leurs  nombreuses  recherches  sur  le  moyen-âge  français, 
avaient  jeté  dans  l'âme  des  amateurs  des  semences  fécondes. 
Gomment  ne  pas  collectionner  les  objets  gothiques  quand  on 
a  feuilleté  les  portefeuilles  de  Gaignières  '^  ou  les  cinq  volumes 
des  Monuments  de  la  monarchie  française  d'un  Montfaucon? 

1.  Où  les  trouver?  M.  Jacques  Doucet  lui-même,  en  vingt  ans,  à  coup  de 
billets  de  banque,  en  a  réuni  à  grand  peine  le  tiers. 

2.  Nous  connaissons  fort  mal  les  collections  d'œuvres  d'art  de  Gaignières. 
Si  on  en  retrouvait  des  inventaires,  on  constaterait  peut-être  chez  lui  l'âme  d'un 
précurseur. 


LES   COLLECTIONS   d'obJETS   d'aRT   DU   MOYEN-AGE  101 

Quant  aux  œuvres  d'art  de  la  Renaissance,  le  premier  ama- 
teur qui  semble  les  avoir  appréciées,  à  titre  d'objets  de  collec- 
tion, fut  un  Anglais,  Sir  Andrew  Fountaine,  qui  séjourna  à 
Paris  vers  l'époque  de  la  mort  de  Louis  XIV  et  qui  y  forma  une 
collection  très  intéressante.  Avec  une  sûreté  de  coup  d'œil 
presque  inexplicable  à  cette  date,  il  sut  acquérir,  peut-être  seul 
au  monde  à  les  rechercher,  les  plus  belles  faïences  italiennes, 
les  plus  beaux  Palissy,  les  plus  beaux  émaux  de  Limoges  que 
l'on  puisse  imaginer,  sans  parler  de  trois  merveilleux  spéci- 
mens de  la  terre  de  Saint-Porchaire.  Tout  cela  demeura  enfoui 
pendant  cent  trente  ans  au  château  de  Narford,  dans  le  Nor- 
folk, jusqu'à  ce  que  son  homonyme,  Andrew  Fountaine,  vers 
1850,  vint  remettre  ces  trésors  au  jour  et  rendre  hommage  à  la 
perspicacité  de  son  ancêtre. 

On  jugera  du  mérite  de  ce  cabinet  en  se  rappelant  seule- 
ment le  chandelier  Henri  II  du  Musée  Dutuit  et  le  plat  en  émail 
du  Festin  des  Dieux,  par  Léonard  Limosin,  dans  le  cabinet 
Edouard  de  Rothschild. 

Pendant  tout  le  dix-huitième  siècle,  les  amateurs  anglais, 
au  reste,  se  montrèrent  bien  plus  éclectiques  que  leurs  con- 
frères du  Continent.  Les  érudits  des  provinces  britanniques 
recherchèrent  les  épaves  du  mobilier  des  établissements  ecclé- 
siastiques supprimés  au  seizième  siècle  *  et  les  décrivirent  dans 
leurs  publications.  Les  jeunes  seigneurs  qui  se  livraient  aux 
douceurs  du  «  Grand  Tour  »  ne  dédaignaient  pas,  d'autre  part, 
de  recueillir  quelques  bronzes,  faïences  et  émaux  de  la  Renais- 
sance. On  est,  il  est  vrai,  fort  mal  renseigné  à  cet  égard  et  l'on 
sait  mal  à  quelle  époque  remontent  les  premières  acquisitions 
de  ce  genre,  faites  par  de  grands  amateurs  comme  Lord  Spen- 
cer ou  Lord  Warwick.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que,  vers  1780, 
Horace  Walpole  avait  admis  dans  ses  collections  de  Strawberry 
Hill  un  bon  nombre  d'objets  de  la  Renaissance,  énumérés 
dans  le  catalogue  de  sa  vente,  qui  eut  lieu  en  1842. 

1.  Kn  France  et  en  Allemagne,  les  églises  et  couvents  conservèrent  intacts 
leurs  trésors  jusqu'à  la  Révolution. 


J02  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

On  sait  que  la  mode,  dans  le  monde  de  la  Curiosité,  est  en 
grande  partie  réglée  par  l'abondance  de  la  matière  collection- 
nahle.  En  France  et  en  Allemagne,  jusqu'aux  premières  années 
du  xrx«  siècle,  à  part  de  rares  œuvres  préservées  dans  des 
demeures  seigneuriales,  presque  tous  les  objets  mobiliers  que 
nous  avait  laissés  le  Moyen-Age  devaient  leur  conservation  à 
leur  présence  dans  les  sacristies  et  les  cloîtres.  Pendant 
trois  siècles,  ils  y  étaient  demeurés  ensevelis  sous  la  poussière, 
heureusement  oubliés  des  innovateurs  dont  le  zèle  artistique  les 
aurait  joyeusement  sacrifiés.  La  Révolution  les  fît  entrer  en 
masse,  non  dans  les  salons  des  grands  amateurs  qui  les  igno- 
rèrent longtemps  encore,  mais  dans  la  boutique  des  revendeurs, 
dans  les  maisons  des  campagnards  et,  hypothèse  la  plus  favo- 
rable de  toutes,  dans  les  cabinets  obscurs  de  quelques  curieux 
de  province  dont  l'éclectisme  prenait  pour  excuse  —  il  en  fal- 
lait une  pour  recueillir  un  «  champlevé  »  —  la  modestie  de  leurs 
ressources. 

D'un  presbytère  rural  jusqu'aux  musées  nationaux,  la  route 
fut  longue.  Même  un  Alexandre  Le  Noir,  avec  des  intuitions  de 
génie,  fit  aux  objets  mobiliers  une  place  bien  moins  considé- 
rable qu'à  la  sculpture  architecturale  dans  son  Musée  des  Monu- 
ments français.  Et  quand  Le  Noir  disparut,  ce  musée  même  ne 
lui  survécut  guère  :  c'est  un  vrai  bonheur  que  tant  d'épaves  de 
cette  collection  subsistent  encore  dans  nos  Musées  nationaux. 

La  Restauration,  avec  sa  réaction  violente  contre  le  classi- 
cisme napoléonien,  avec  le  goût  assez  aveugle  des  romantiques 
pour  l'âge  de  la  chevalerie,  devait  tout  naturellement  s'intéres- 
ser aux  arts  du  Moyen-Age.  Charles  X,  qui  eut  le  bon  esprit 
d'enrichir  le  Louvre  de  collections  égyptologiques  hors  ligne, 
fut  non  moins  heureusement  inspiré  quand,  en  1827,  il  fît  l'acqui- 
sition de  la  collection  Révoil. 

Le  Moyen-Age  français,  la  Renaissance  française  reçurent 
ainsi  une  consécration  artistique  définitive,  s'étendant  cette  fois 
à  des  œuvres  trop  longtemps  méprisées,  comme  les  faïences  et 
les  émaux. 


LES   COLLECTIONS    d'oBJETS    d'ART   DU    MOYEN  AGE  103 

A  cette  époque,  il  n'était  pas  besoin  d'être  millionnaire  pour 
former  un  cabinet  précieux.  Rien  n'est  plus  instructif  à  cet 
égard  que  la  lecture  de  quelques  catalogues  de  vente  de  l'époque 
qui  s'étend  de  1810  à  1840.  Un  bel  émail  de  Limoges  valait  de 
dix  à  vingt  francs.  Parmi  les  cabinets  formés  alors,  il  faut 
noter,  outre  celui  du  peintre  Revoit,  constitué  surtout  dans  la 
vallée  du  Rhône,  celui  d'un  Rouennais,  le  baron  de  Monville, 
utilisé  pour  les  publications  de  Willemin,  celui  de  Brunet- 
Denon,  vendu  en  1846,  celui  de  Préaux,  dispersé  en  1849,  ceux 
surtout  de  Du  Sommerard  et  de  Debruge-Duménil. 

La  collection  Du  Sommerard,  acquise  en  1843  par  TÉtat  au 
prix  de  600.000  francs,  a  formé  le  splendide  noyau  du  Musée  de 
Gluny.  Elle  était  extraordinairement  précieuse,  non  seulement 
à  cause  de  la  valeur  individuelle  des  objets  qui  la  composaient, 
mais  aussi  à  cause  même  de  leur  nombre  et  de  l'abondance 
d'objets  volumineux  qui  effrayaient  par  leurs  dimensions  le  col- 
lectionneur ordinaire. 

Non  moins  remarquable  était  le  cabinet  de  Debruge-Duménil, 
formé  par  un  amateur  très  éclairé  et  très  soucieux  de  constituer 
des  séries.  Son  gendre  Labarte  trouvait  toute  préparée  dans  les 
vitrines  de  son  beau-père  son  Histoire  des  arts  industriels  au 
Moyen-Age  ;  les  objets  les  plus  précieux,  bijoux,  émaux,  faïences 
s'y  pressaient  en  si  grand  nombre  qu'il  fallut  plusieurs  ventes 
considérables  rien  que  pour  disperser  les  doubles  de  la  collec- 
tion. Une  vente  ultime,  en  1850,  acheva  le  démembrement  de 
ce  merveilleux  ensemble  dont  la  partie  la  plus  précieuse 
demeura  encore  quelque  temps  réunie,  le  prince  Soltykofï  ayant 
acquis  en  bloc,  pour  200.000  francs,  le  contenu  des  deux  der- 
nières vacations. 

L'art  italien  de  la  Renaissance  était  encore  peu  connu  en 
France  ;  pourtant  la  vente  des  cabinets  de  Vivant  Denon  (1826) 
et  du  baron  Roger  (1841)  permirent  à  nos  collectionneurs  d'en 
goûter  les  charmes.  Un  seul  collectionneur  français,  le  comte 
de  Pourtalès-Gorgier,  paraît  vraiment  l'avoir  apprécié,  comme 
on  put  le  constater  à  sa  vente,  en  1865.  Mais  ce  ne  furent  plus 


104  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

les  prix  du  règne  de  Louis-Philippe  :  entre  temps,  les  million- 
naires s'étaient  mis  de  la  partie. 

C'est,  en  effet,  au  milieu  du  xix®  siècle  que  le  nom  des  Roths- 
child fait  son  apparition  dans  les  annales  de  la  curiosité.  On 
écrirait  un  volume  entier  sur  les  trésors  d'art  réunis  par  les 
membres  de  cette  famille,  trésors  d'autant  moins  connus  des 
historiens  de  l'art  que  leurs  possesseurs,  méprisant  toute  osten- 
tation de  richesses,  se  sont  en  général  peu  souciés  de  les  faire 
connaître  par  des  publications. 

On  aime  à  se  figurer  les  Rothschild  du  xviii^  siècle  sous  les 
traits  de  ces  banquiers  que  nous  dépeignent  les  Flamands  de  la 
Renaissance,  alignant  sur  leurs  tables,  à  côté  des  écus  et  des 
florins,  des  sébiles  de  pierres  précieuses  et  des  coupes  en  or 
émaillé.  De  tout  temps,  les  princes  en  mal  d'argent  ont  mis  en 
gage  leur  orfèvrerie  :  tous  ne  la  dégageaient  pas  et  une  légende 
piquante  représente  un  Rothschild  de  jadis  vendant  au  plus 
offrant  ces  mêmes  hanaps  que  ses  descendants  devaient  payer 
si  cher.  Il  était  inévitable  que  cette  connaissance  purement  pro- 
fessionnelle des  objets  en  métal  précieux  se  changeât  peu  à  peu 
en  une  appréciation  éclairée  de  leur  mérite  artistique.  Il  n'en 
subsista  pas  moins  un  goût  extrêmement  vif  pour  toutes  les 
œuvres  où  le  prix  de  la  matière  venait  s'ajouter  à  l'habileté  de 
l'artiste.  C'est  chez  les  Rothschild  que  l'on  trouve  depuis  long- 
temps réunis  les  plus  beaux  bijoux  de  la  Renaissance,  les  plus 
magnifiques  cristaux  de  roche  italiens,  les  plus  somptueux 
exemples  de  l'orfèvrerie  allemande. 

C'est  vers  1820  que  l'on  trouve  les  premiers  renseignements 
sur  les  collections  Rothschild  :  dès  cette  époque,  la  Laitière  de 
Greuze,  léguée  en  1899  au  Louvre  par  la  baronne  Nathaniel, 
appartenait  à  un  membre  parisien  de  la  famille  et,  deux  ou 
trois  ans  plus  tard,  un  Rothschild  de  Francfort  achetait  en  bloc 
la  collection  de  médailles  d'or  romaines  connue  sous  le  nom 
de  cabinet  Schellersheim. 

Les  Rothschild  anglais  semblent  avoir  donné  l'exemple  à 
leurs  cousins  de  Paris.  En  1842  à  la  vente  Walpole,  en  1849  à 


LES    COLLECTIONS    d'oHJETS    d'aRT    DU    MOYEN  AGE  105 

la  vente  Préaux,  nous  voyons  apparaître  parmi  les  acheteurs 
Lionel  de  Rothschild  (père  de  Lord  Rothschild,  récemment 
décédé  à  Londres)  et  Anthony  (plus  tard  Sir  Anthony)  de  Roths- 
child, dont  les  collections  sont  aujourd'hui  dispersées*.  Peu 
après,  de  1860  à  1880,  Mayer  de  Rothschild  réunit  à  Mentmore  de 
grandes  collections,  aujourd'hui  chez  son  gendre  Lord  Rosebery. 
Quant  à  Ferdinand  de  Rothschild  (héritier  du  cabinet  d'Anselme 
de  Rothschild,  de  Vienne),  sa  précieuse  réunion  d'objets  de  la 
Renaissance  est  depuis  1896  au  Rritish  Muséum  (Waddesdon 
bequest),  sa  sœur,  la  baronne  Alice,  ayant  conservé,  avec  le 
château  de  Waddesdon,  les  œuvres  du  xviii'  siècle  et  l'impor- 
tante bibliothèque. 

En  France,  le  premier  grand  amateur  de  la  famille  fut  le 
baron  James,  mort  en  1868  et  père  des  barons  Alphonse,  Gus- 
tave, Edmond  et  Salomon.  Le  baron  James  eut  rarement  le  loisir 
de  «  bibeloter  »  :  il  recueillit  pourtant  quelques  beaux  bijoux  de 
la  Renaissance,  en  1850,  à  la  vente  Debruge-Duménil.  Ses  col- 
lections furent  en  partie  divisées  à  sa  mort;  la  portion  conser- 
vée par  sa  veuve  ne  fut  partagée  qu'en  1886,  après  le  décès  de 
cette  dernière. 

Chacun  des  quatre  fils  collectionna  pour  son  compte  :  le  baron 
Salomon,  mort  jeune  en  1864  et  dont  la  veuve  a  conservé 
intact  à  Paris  le  cabinet,  avait  un  goût  marqué  pour  l'art  alle- 
mand de  la  Renaissance.  Le  baron  Edmond,  le  seul  qui  soit 
encore  du  monde  des  vivants,  n'a  recueilli  de  Fart  de  la  Renais- 
sance que  quelques  exemples  isolés,  d'ailleurs  hors  pair,  consa- 
crant tous  ses  loisirs  à  l'art  antique  et  plus  encore  à  l'art  du 
dix-huitième  siècle  français.  Le  cabinet  du  baron  Gustave  (mort 
en  1911)  était,  au  contraire,  d'une  extraordinaire  richesse,  tant 
en  bronzes  italiens  et  en  majoliques,  qu'en  émaux  limousins  et 
en  faïences  françaises.  Cet  ensemble  extrêmement  considérable 
est  par  malheur  aujourd'hui  dispersé  et,  si  le  fils  du  défunt,  le 

1.  Un  certain  nombre  des  objets  les  plus  précieux  sont  entrés  par  héritage  chez 
MM.  Alfred  et  Léopold  de  Rothschild,  de  Londres  ;  le  reste,  après  la  mort  de 
Lady  Anthony,  il  y  a  deux  ou  trois  aas,  fui  vendu  à  des  marchands» 


106  REVUE    ARCHEOLOGIQUE 

baron  Robert,  a  tenu  à  en  conserver  les  pièces  capitales,  il  fau- 
dra désormais  chercher  les  autres  à  Bruxelles  chez  la  baronne 
Lambert,  à  Londres  chez  Sir  Philip  Sassoon  à  Paris,  enfin,  chez 
les  enfants  du  baron  Emmanuel  Leonino. 

De  l'avis  unanime,  le  cabinet  le  plus  précieux  de  tous  était 
celui  du  baron  Alphonse  (mort  en  1905).  Doué  d'un  coup  d'œil 
extrêmement  sûr  et  d'un  goût  très  raffiné,  il  ne  voulut  acheter 
que  des  chefs-d'œuvre  et  ne  recula  devant  aucun  sacrifice  pour 
les  acquérir.  Pendant  quarante  ans,  il  ne  laissa  passer  aucune 
occasion  d'enrichir  ses  vitrines,  si  bien  que  les  collections  qu'il 
a  léguées  à  son  fils,  le  baron  Edouard,  peuvent  compter  parmi 
les  plus  prodigieuses  qu'un  amateur  ait  jamais  possédées  : 
seule  la  Wallace  Collection  pourrait  nous  en  présenter  le  pen- 
dant. Six  albums  magnifiques,  dont  la  Bibliothèque  de  l'Institut 
possède  un  exemplaire,  reproduisent  un  choix  de  ses  émaux  de 
Limoges,  de  ses  faïences  françaises  et  de  ses  hanaps  allemands. 

Des  deux  Rothschild  de  Francfort,  un  seul  eut  vraiment  Fâme 
d'un  collectionneur.  Les  œuvres  réunies  par  le  baron  Guillaume 
(le  baron  Willy,  comme  on  l'appelle  d'ordinaire)  sont  encore  à 
Francfort  chez  sa  veuve.  Elles  sont  bien  moins  considérables 
par  le  nombre  que  celles  accumulées  pendant  un  demi-siècle 
par  le  baron  Charles,  mort  à  Francfort  en  1886  et  qui  posséda 
à  lui  tout  seul  autant  d'orfèvrerie  allemande  de  la  Renais- 
sance qu'aucun  musée  du  monde  Les  collections  du  baron 
Charles  furent  partagées  également  entre  ses  cinq  filles  : 
Lady  Rothschild  (de  Londres),  la  baronne  Salomon  (de  Paris), 
la  baronne  James  (de  Paris),  la  duchesse  de  Grammont  et  la 
duchesse  de  Wagram.  Ces  deux  dernières  parts  sont  en  partie 
dispersées  aujourd'hui,  Porfèvrerie  échue  en  héritage  à  la 
duchesse  de  Wagram,  ainsi  que  les  bijoux  de  la  Renaissance, 
ayant  été  l'objet,  il  y  a  quatre  ans,  de  deux  ventes  publiques 
à  Paris. 

La  baronne  James  de  Rothschild,  veuve  du  célèbre  biblio- 
phile, a  autorisé  M.  Jones  à  publier  un  somptueux  catalogue 
des  collections  qu'elle  possède.  Ses  enfants,  le  baron  Henri  de 


LES   COLLECTIONS    d'OBJETS    d'aRT  DU  MOYEN  ACE  107 

Rothschild  et  la  baronne  David  Léonino,  se  sont  partagé  les 
collections  de  leur  grand'mère  paternelle,  la  baronne  Nathaniel 
de  Rothschild,  qui  légua  en  1899  au  Louvre  ses  tableaux  italiens. 
Un  fils  de  la  baronne  Nathaniel,  le  baron  Arthur  de  Rothschild, 
a  laissé  au  Louvre  en  1904  une  partie  de  ses  tableaux  et  le  reste 
à  son  neveu  le  baron  Henri.  Celui-ci,  à  son  Abbaye  des  Vaux- 
de  Cernay,  a  su  former  récemment  une  jolie  réunion  d'objets 
d'art  du  Moyen-Age,  la  seule  qu'ait  constituée  un  membre  de 
sa  famille. 

Il  n'y  a  plus  de  Rothschild  à  Naples  :  le  baron  Adolphe,  der- 
nier représentant  de  cette  branche,  a  légué  vers  1900  ses  objets 
d'art  religieux  au  Louvre  et  tout  le  reste  de  ses  trésors  à  sa 
veuve;  celle-ci,  par  son  testament,  les  a  transmis  (1907)  au 
baron  Maurice,  fils  cadet  du  baron  Edmond.  Cette  collection, 
formée  à  Paris  de  1870  à  1890,  surtout  avec  l'aide  de  Spitzer  et 
d'Escosura,  est  une  des  plus  riches  qui  existent  pour  les  cristaux 
de  roche  et  les  bijoux  de  la  Renaissance;  elle  n'est  pas  moins 
heureusement  fournie  pour  les  autres  branches  de  la  curiosité. 

Je  manque  de  détails  précis  sur  les  cabinets  des  Rothschild 
de  Vienne;  je  sais  seulement  que  les  importantes  collections  du 
baron  Albert  et  du  baron  Nathaniel  appartiennent  aujourd'hui 
en  majeure  partie  aux  barons  Eugène  et  Alphonse,  l'un  et  l'autre 
amateurs  enthousiastes. 

Les  Rothschild  n'eurent  pas  de  rivaux,  mais  ils  eurent  des 
imitateurs.  C'est  à  Paris  que  nous  trouvons  les  plus  brillants,  et 
tout  d'abord  le  baron  Achille  Seillière  qui,  lors  de  la  vente  en 
1861  du  cabinet  du  prince  Soltykofï,  acheta  sous  main,  avant 
les  enchères,  toute  la  collection,  s'assurant  ainsi,  lors  de  la  mise 
sur  table,  la  possession  incontestable  des  pièces  auxquelles  il 
tenait  le  plus.  Seillière  mourut  vers  1873  et  ses  trois  enfants,  la 
princesse  de  Sagan  et  les  barons  Franck-Florentin  et  Raymond 
Seillière,  dispersèrent  petit  à  petit  les  collections  du  château  de 
Mello,  soit  à  l'amiable,  soit  en  des  ventes  successives  (1890  et 
1910). 

C'est  également  vers  1860  que  prirent  naissance  les  cabinets 


108  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

non  moins  importants  et  analogues  comme  caractère  du  Russe 
Basilewski,  acheté  vers  1885  par  l'Ermitage  de  Pétrograd,  des 
frères  Dutuit,  légué  en  1902  à  la  ville  de  Paris,  de  la  comtesse 
Iza  Dzialynska*,  légué  par  son  fils,  vers  1913,  au  prince  Gzarto- 
ryski  Dans  toutes  ces  collections,  Tart  français  du  Moyen-Age 
et  surtout  de  la  Renaissance  forme  le  fonds  le  plus  important 
des  grandes  séries. 

A  côté  de  ces  Mécènes  fortunés  qui  ne  redoutaient  pas  le  feu 
des  grandes  enchères  et  qui  estimaient  souvent  le  plus  les  pièces 
qui  leur  coûtaient  le  plus  cher,  il  faut  placer  la  longue  série  des 
amateurs  aux  ressources  plus  modestes  qui  connurent  la  joie 
suprême  de  la  trouvaille  et  pour  qui  chaque  chef-d'œuvre  acheté 
représentait  une  longue  patience  et  une  véritable  conquête  Le 
protagoniste  de  ces  collectionneurs  fut  Sauvageot  qui,  ayant 
pour  tout  revenu  un  traitement  de  trois  mille  francs,  donna  en 
1856  au  Louvre  d'incomparables  trésors.  Citons  parmi  ses  imi- 
tateurs le  Lyonnais  Chalandon  (dont  le  fils  conserve  intactes  les 
vitrines)  ;  un  autre  Lyonnais,  Carrand,  qui  légua  les  siennes  en 
1889  au  Bargello;  Ducatel,  dont  le  cabinet  fut  vendu  en  1890, 
toute  la  série  enfin  des  amateurs  d'émaux  de  Limoges,  comme 
Germeau,  comme  Texier,  comme  le  D'^  Michelot,  de  Provins, 
comme  Lafaulotte,  comme  Cottreau,  comme  Odiot  (vente  en 
1889)  ou,  plus  loin  de  nous,  Didier  Petit,  de  Lyon  (1843),  Sou- 
lages, dont  le  cabinet  fut  acquis  en  1856  par  le  musée  naissant 
de  Kensington,  ou  encore  l'érudit  Victor  Gay  dont  le  Louvre, 
en  1909,  sut  écrémer  Pintéressant  héritage. 

Entre  temps,  les  amateurs  français  avaient  découvert  l'art 
italien.  Laissant  aux  millionnaires  les  majoliques  où  la  beauté 
technique  dissimule  mal  la  paurreté  de  l'invention  artistique, 
quelques  collectionneurs  d'un  goût  très  fin  surent  comprendre 
tout  ce  que  les  arts  plastiques  de  la  Renaissance  italienne  pré- 
sentaient de  délicat  et  de  spontané.  Les  bouleversements  poli- 
tiques de  l'Italie,  de  1850  à  1870,  facilitèrent  l'exode  d'innom- 

1.  D'abord  à  l'Hôtel  Lambert,  plus  tard  au  château  de  Goluchow,  près  de 
Poser). 


LES    COLLECTIONS  d'oBJETS   d'aRT  DU  MOYENAGE  109 

brables  œuvres  d'art,  sculptures,  terres-cuites,  bronzes,  médailles 
et  plaquettes.  Tout  cela  venait  à  Paris  et  les  habiles  n'avaient 
qu'à  faire  leur  choix. 

A  leur  tête  se  plaça  Eugène  Piot,  amateur-marchand,  lui- 
même  savant  distingué  et  qui  rapporta  d'Italie  plus  d'un  chef- 
d'œuvre.  A  sa  vente,  en  1864,  le  peintre  Timbal  enrichit  de  plus 
d'une  pièce  capitale  l'incomparable  collection  d'art  italien  qu'il 
céda  en  1870  à  cet  excellent  homme  qu'était  Gustave  Dreyfus, 
dont  le  monde  des  arts  déplore  la  disparition  récente  (1914). 
Gustave  Dreyfus,  en  quarante  ans,  avait  singulièrement  aug- 
menté ce  précieux  noyau  :  pour  les  médailles  et  les  plaquettes  ita- 
liennes, son  cabinet  était  peut-être  le  premier  du  monde.  A  côté 
de  Piot,  à  côté  de  Timbal  (dont  la  deuxième  collection  est  entrée 
au  Louvre),  il  faut  citer  le  délicat  amateur  qu'était  His  de  La  Salle 
(vente  à  Londres  en  1881)  et  son  savant  rival  le  baron  Charles 
Davillier,  collectionneur  d'un  goût  raffiné,  dont  le  cabinet,  légué 
au  Louvre  en  1883,  nous  a  enrichis  de  véritables  merveilles. 

A  cette  école,  prirent  leur  essor  deux  collections  qui  perpé- 
tueront en  France  le  nom  de  celles  qui  nous  les  ont  données  :  le 
Musée  Jacquemart-André,  dont  il  est  à  peine  utile  de  rappeler 
aux  Parisiens  la  prodigieuse  richesse,  et  l'ensemble  exquis 
dont  la  marquise  Arconati-Visconti  a  promis  récemment  d'en- 
richir un  jour  le  Louvre.  Par  bonheur,  cette  digne  patronne  des 
lettres  et  des  arts  vit  encore  au  milieu  de  nous.  De  même,  un 
vétéran  de  la  curiosité,  M.  Edmond  Foule,  dont  la  collection  de 
bronzes  italiens  fait  le  désespoir  de  tous  ses  rivaux'. 

De  1870  à  1890,  un  antiquaire  viennois,  Frédéric  Spitzer, 
grand  fournisseur  des  Rothschild,  trop  habile,  disaient  les  mau- 
vaises langues,  à  restaurer  les  objets  détériorés,  forma  à  Paris 
un  véritable  musée  de  la  haute  curiosité,  dont  la  dispersion  aux 
enchères,  en  1893,  produisit  neuf  millions. 

Cette  vente  eut  pour  directeur  occulte  un  savant  du  plus 
rare  mérite,  dont  les  défaillances  mêmes  mériteraient  d'être 
narrées  en  détail.  Emile  Molinier  fut  l'un  des  premiers  à  exa- 

1.  [M.  Foule  est  mort  le  28  janvier  1916,  à  l'âge  de  88  ans.  —  Héd,] 


HO  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

miner  scientifiquement  des  bibelots  que  les  salons  des  riches 
dérobaient  trop  souvent  à  Tétude  des  universitaires.  Il  appli- 
quait à  l'archéologie  de  la  Renaissance  les  belles  méthodes  de 
la  philologie  et  de  l'archéologie  classiques.  Sa  compétence  et 
sa  complaisance  étaient  également  universelles  ;  toute  une  géné- 
ration de  collectionneurs  et  de  marchands  lui  doit  une  impul- 
sion féconde  et  ce  mercantilisme  qu'on  lui  a  tant  reproché  ne 
paraît  jamais  lui  avoir  fait  perdre  de  vue  ses  grands  devoirs  de 
probité  scientifique.  Le  triomphe  de  Molinier  fut  l'exposition 
rétrospective  de  l'art  français  en  1900,  au  Petit-Palais  des 
Champs-Elysées.  On  put  juger  combien  avait  été  heureuse  son 
influence  sur  le  monde  des  collectionneurs  français. 

Au  premier  rang  des  collections  nouvelles  dont  la  vente 
Spitzer  marque  en  quelque  sorte  l'origine,  il  faut  placer  celle 
de  M.  Martin  Le  Roy.  C'est  peut-être  celle  où  l'art  du  Moyen- 
Age  a  reçu  la  place  la  plus  libérale.  Que  l'on  feuillette  seule- 
ment le  beau  catalogue,  dû  en  majeure  partie  à  l'érudition  de 
son  gendre  M.  Marquet  de  Vasselot,  en  n'oubliant  pas  que 
M.  Martin  Le  Roy  a  préparé  pour  la  Galerie  d'Apollon  une 
vitrine  de  chefs-d'œuvre. 

A  côté,  prendront  tout  naturellement  place  le  précieux  cabi- 
net, presque  inconnu  encore,  de  M.  Henri  Heugel;  celui,  plus 
modeste  peut  être,  mais  infiniment  séduisant,  de  M.  Rémi  Gar- 
nier  ;  la  riche  collection  du  Lyonnais  Chabrières-Arlès,  dont  la 
veuve  vient  seulement  de  mourir;  quelques  vitrines  du  legs 
Isaac  de  Camondo;  la  série  de  bronzes  italiens  formée  par  feu 
Ferdinand  Bischofïsheim  et  appartenant  à  sa  petite-fille;  le 
riche  musée  de  sculpture  de  M.  Barthélémy  Rey;  deux  vitrines 
bien  remplies  chez  M.  Georges  Dormeuil;  deux  salons  non 
moins  bien  garnis  chez  M.  Hector  Economos,  vingt  autres  que 
j'oublie  et  non  des  moindres,  comme  M.  Mège,  M'"*^  Louis  Stern, 
M.  Alphonse  Kann,  M.  Julien  Chappée,  M.  Max  Lyon,  M.  Jules 
Porgès,  le  baron  Arthur  de  Schickler,  M.  Albert  Lehmann, 
M.  Théodore  Mante,  M.  Gulbenkian,  M.  d'Allemagne,  la  com- 
tesse de  Béarn,  la  marquise  de  Ganay  née  Ridgway. 


LES   COLLECTIONS    D*OBJETS    D*ART    DU    MOYEN-AGE  Hl 

Et  je  ne  parle  ici  que  des  cabinets  existant  encore,  puisque  le 
comte  Gaston  Ghandon  de  Briailles  s'est  séparé  de  ses  champ- 
levés,  que  les  héritiers  d'Edouard  Aynard  ont  dispersé  son  cabi- 
net et  que  Georges  Hoentschel  a  cédé  à  feu  Pierpont  Morgan 
deux  collections  également  remarquables,  glorifiant  l'art 
médiéval  français  dans  ce  qu'il  avait  de  plus  caractéristique. 
Déplorons  aussi  la  dispersion  du  précieux  cabinet  de  M.  Sigis- 
mond  Bardac,  arraché  à  la  France  par  l'insatiable  Amérique. 

La  liste  des  grandes  ventes  de  ces  vingt  dernières  années  me 
fournirait  encore  plus  d'un  nom  :  Vaïsse,  Fau,  Bonnafïé,  Gavet, 
Emile  Gaillard,  le  sculpteur  russe  Marc  Antocolsky,  le  duc  de 
Dino,  Armand  Queyroi,  de  Moulins,  le  baron  Jérôme  Pichon, 
Maurice  Kann...,  sans  oublier  les  marchands  comme  Boy, 
comme  M""®  Lelong,  comme  Chappey,  Lowengard,  ou  le  savant 
expert  Charles  Mannheim. 

L'Angleterre,  avec  sa  large  décentralisation  rurale  de  la  vie 
opulente,  a  toujours  été  la  terre  bénie  des  collections  privées, 
il  a  déjà  été  question  des  véritables  musées  formés  par  les 
Fountaine,  par  Walpole  et  par  les  divers  Rothschild  anglais.  A 
côté  de  ces  noms,  il  en  est  d'autres  qui  ne  méritent  pas  moins 
d'être  cités.  Le  premier  en  date  est  celui  de  Ralph  Bernai  dont 
la  vente,  en  1855,  fut  une  révélation  :  il  n'est  point  de  branche 
de  la  curiosité  où  cet  amateur,  bien  oublié  aujourd'hui,  n'ait  su 
choisir  avec  une  véritable  prescience  les  œuvres  vraiment 
dignes  d'être  recueillies  :  tant  pour  le  xviii*'  siècle  que  pour  la 
Renaissance,  le  marquis  d'Hertford  et  les  Rothschild  ne  firent 
(sans  doute  inconsciemment)  que  marcher  sur  les  traces  de 
Bernai.  Tout  ce  qu'ils  achetèrent  à  sa  vente  était  de  premier 
ordre  et  le  Musée  de  South  Kensington,  que  l'on  fondait  alors, 
eut  aussi  le  bon  esprit  de  profiter  de  cette  occasion. 

En  1857,  à  Manchester,  et  en  1802,  au  Kensington,  deux  im- 
portantes expositions  rétrospectives  mirent  en  valeur  la 
richesse  prodigieuse  des  cabinets  anglais  en  trésors  de  la 
Renaissance.  La  deuxième  surtout,  organisée  par  Sir  Charles 
Robinson,  donna  une  étonnante  impulsion  à  1  activité  des  ama- 


i\î  REVUE   ARCHÉOLOGIQtJÉ 

leurs  anglais.  C'est  à  cette  époque  que  prirent  naissance  les  col- 
lections plus  ou  moins  considérables  du  duc  d'Hamilton, 
gendre  et  héritier  de  William  Beckford,  de  George  Field,  de 
Joseph  Mayer,  de  Samuel  Addington,  de  Cheney,  d'Octavius 
Goope,  de  ce  John  Malcolm  de  Poltalloch,  enfin,  que  conseilla 
si  bien  Sir  Gharles  Robinson.  Un  peu  plus  anciens  sont  les  cabi- 
nets de  Lord  Londesborough,  celui  de  Hollingworth  Magniac, 
vendu  en  1892,  et  celui  du  marquis  d'Hertford  où  la  Renais- 
sance occupait  une  place  fort  honorable. 

Depuis  1880,  une  série  ininterrompue  de  ventes  a  dispersé 
la  plupart  de  ces  collections  :  d'autres  se  sont  formées  pour 
être  dispersées  à  leur  tour,  comme  celles  de  Sir  T.  D.  G.  Carmi- 
chael  et  de  J.  E.  Taylor,  ou  pour  être  léguées  à  des  musées, 
comme  l'admirable  réunion  de  chefs-d'œuvre  que  George  Sal- 
ting  a  si  généreusement  laissée  au  Kensington. 

L'Angleterre  renferme  plus  d'un  cabinet  qu'elle  ne  montre 
guère;  chaque  exposition  rétrospective  nous  révèle  l'existence 
de  trésors  insoupçonnés.  Si  les  noms  de  Sir  Edgar  Speyer,  d'Otto 
Beit  et  de  M.  Fairfax  Murray,  pour  ne  citer  que  ceux-là,  sont 
relativement  familiers  aux  érudits,  combien  connaissent  les 
émaux  duRev.  SanxayBorradaile?  Quand  un  nouveau  Waagen 
refera  le  tour  des  châteaux  anglais,  il  y  retrouvera  plus  d'un 
chef  d'Œuvre  momentanément  disparu. 

Pendant  longtemps,  l'Allemagne  (comme  encore  l'Espagne 
et  l'Italie)  ne  fut  qu'une  terre  de  chasse  pour  les  amateurs 
anglais  et  français.  Depuis  une  vingtaine  d'années,  grâce  sur- 
tout à  l'influence  personnelle  du  Dr.  Bode,  les  amateurs  ger- 
maniques ont  formé  de  grandes  et  belles  collections.  L'exemple 
fut  donné,  dès  1885,  par  Oscar  Hainauer  dont  les  Duveen 
achetèrent  vers  1907  le  riche  cabinet,  et  fut  suivi  peu  après 
par  le  baron  Oppenheim  de  Cologne  qui  vendit  ses  objets  d'art, 
aussi  vers  1907,  à  M.  Jacques  Seligmann,  ainsi  du  reste 
que  le  HambourgeoisWencke'.  Le  cabinet  d'un  autre  Hambour- 

1.  Ces  trois  amateurs  furent  parmi  les  acheteurs  de  la  vente  Spit^er. 


LES    COLLECTIONS    d'oBJETS    d'aRT    DU    MOYENAGE  113 

geois,  Campe,  est  également  dispersé;  mais,  avant  la  guerre,  on 
avait  plaisir  à  visiter  à  Berlin  les  importantes  collections  de 
M.  James  Simon  (qui  a  donné  son  premier  cabinet  au  Musée 
de  Berlin),  de  M.  Max  von  Gutmann,  de  M.  Léopold  Pannwitz, 
de  M.  Eduard  Oppenheim,  et  à  Munich  les  salons  de  M.  Prings- 
heim,  pour  ne  citer  que  quelques  noms  et  ne  pas  encombrer 
ces  pages  par  l'énumération  de  collections  dispersées^ 

L'Autriche,  qui  a  perdu  récemment  son  plus  grand  amateur, 
le  baron  Lanna  de  Prague,  conserve  encore  à  Vienne  les  cabi- 
nets de  deux  Rothschild,  celui  de  M.  Figdor,  celui  de  M.  Benda 
et  celui  du  baron  Miller  von  Aichholz. 

La  Russie,  qui  a  laissé  partir  les  émaux  byzantins  de  Zwieni- 
gorodskoi,  acquis  par  Pierpont  Morgan,  se  consolera  avec 
ceux,  plus  inégaux,  du  cabinet  Botkine,  avec  le  cabinet  Tchou- 
kine  et  un  ou  deux  autres. 

En  Espagne,  le  duc  de  Valencia  et  M.  d'Osma,  en  Italie 
quelques  familles  isolées  comme  les  Corsini  et  les  Caetani,  ont 
conservé  leurs  trésors  ;  mais  que  de  richesses  ont  pris  le  chemin 
l'étranger!  Où  sont  les  cabinets  des  Barberini  et  des  Torri- 
giani?  Les  majoliques  d'Olivieri  sont  depuis  plus  d'un  siècle  au 
musée  de  Pesaro,  mais  celles  de  Gastellani  furent  vendues  à 
Paris  en  1878  et  1884.  Quant  aux  collections  des  Demidofî  de 
San  Donato,  on  sait  combien  de  ventes  il  fallut  pour  en  achever 
la  dispersion. 

L'Amérique,  en  matière  de  curiosité,  montra  longtemps  peu 
d'initiative.  Les  amateurs  d'outre-Atlantique,  depuis  un  demi- 
siècle,  ont  acheté  ce  qu'on  leur  a  apporté  :  s'ils  ont  fait  une  si 
large  place  sur  leurs  murs  aux  Bouguereau,  aux  Breton  et  aux 
Rosa  Bonheur,  c'est  qu'ils  ne  trouvaient  pas  autre  chose  chez 
leurs  fournisseurs  habituels.  Aussi,  pendant  bien  des  années, 
ne  se  soucièrent-ils  ni  du  Moyen-Age,  ni  la  Renaissance. 

Les  premiers  collectionneurs  qui  sortirent  des  chemins  battus 

1.  Richard  Zschille,  Oppler,  Beckeralh,  Arco-Zinneberg,  Kuppelmayr,  le 
baron  von  Parp.irt  (de  Thun),  etc. 

V«    SÉRIE,    T.   lU.  8 


114  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

furent  Henry  Marquand,  un  des  grands  bienfaiteurs  du  Metro- 
politan Muséum,  et  l'illustre  bibliophile  Robert  Hoe,  dont  les 
débuts  doivent  remonter  à  1880  environ.  Benjamin  Altman, 
qui  a  légué  depuis  au  Metropolitan  son  incomparable  collection, 
se  singularisait  quand,  en  1893,  à  la  vente  Spitzer,  il  fit  acheter 
par  Henry  Duveen  les  plus  beaux  cristaux  de  roche  de  ce  célèbre 
cabinet.  Pendant  quelques  années  encore,  il  eut  peu  d'imita- 
teurs. 

C'est  vers  1900  que  Pierpont-Morgan,  jusqu'alors  amateur  de 
porcelaines  de  Chine,  donna  le  ton  à  toute  l'Amérique  en  ache- 
tant coup  sur  coup  des  collections  entières  d'objets  gothiques 
ou  du  XVI®  siècle  :  le  premier  cabinet  Hoentschel,  oii  tout  le 
Moyen-Age  était  représenté,  puis  les  ivoires  et  les  champlevés 
limousins  réunis  par  le  même  amateur;  les  bronzes  italiens  de 
M.  Jacques  Seligmann  et  de  la  collection  Pfungst;  la  collection 
Mannheim  tout  entière,  le  cabinet  Oppenheim,  les  majoliques 
de  Gavet,  les  montres  de  Marfels,  les  objets  mérovingiens  de 
Stanislas  Baron,  les  séries  céramiques  de  M.  Lebreton,  les 
tapisseries  de  Lord  Sackville,  les  armures  du  duc  de  Dino,  pour 
ne  citer  que  quelques-unes  des  acquisitions  les  plus  impor- 
tantes. 

Pierpont  Morgan  a  eu  dans  son  pays  un  nombre  considérable 
d'imitateurs  :  beaucoup  d'entre  eux  sont  encore  inconnus, 
même  des  spécialistes.  On  me  saura  peut-être  gré  d'attirer  l'at- 
tention sur  les  cabinets  de  M.  Philip  Lehmann  (art  italien),  de 
M.  Mortimer  L.  Schifï  (faïences  italiennes  de  la  collection 
Bardac),  de  M.  William  Salomon,  de  M.  Jules  Bâche,  de 
M.  George  Blumenthal,  de  Mrs.  Collis  P.  Huntington,  de 
M.  Otto  H.  Kahn,  de  Mrs.  Blair  (art  français  du  Moyen-Age),  de 
M.  Charles  P.  Taft  de  Cincinnati  (émaux  de  Limoges),  de 
M.  Henry  Walters  de  Baltimore,  de  feu  P.  A.  B.  Widener  de 
Philadelphie,  etc.  ',  auxquels  il  faut  ajouter  le  Musée  de  la  His- 
panic  Society,  formé  à  grands  frais  par  M.  Archer  Huntington. 

1.  Parmi  les  cabinets  déjà  dispersés,  il  faut  citer  ceux  de  H.  Marquand,  de 
Hobert  Hoe,  de  Mrs.  Rita  Lydig,  etc. 


LES    COLLECTIONS   d'oBJETS    d'aRT   DU    MOYEN-AGE  115 

Pour  la  fin  de  cette  note,  j'ai  réservé  les  spécialistes,  ceux 
qui  se  particularisent  en  telle  ou  telle  branche  de  la  curiosité, 
soit  qu'ils  aient  collectionné  les  chaussures,  comme  Jacque- 
mart (au  Musée  de  Cluny),  les  médailles  italiennes  (Greene  de 
Wincfiester,  Metzler  de  Francfort,  etc.),  les  bagues,  comme  feu 
Guilhou,  les  étoffes,  comme  M.  Besselièvre,  les  broderies, 
comme  M.  Georges  Seligmann,  les  ferronneries,  comme  Lesecq 
des  Tournelles,  les  montres,  comme  MM.  Garnier  et  Marfels, 
enfin  et  surtout  les  armes  et  armures,  comme  Richard  Wallace 
(acquéreur  des  épées  réunies  par  Spitzer),  comme  Meyrick, 
comme  Napoléon  III,  comme  le  duc  de  Dino  (collection  achetée 
par  Pierpont  Morgan),  comme  M.  Riggs  enfin,  dont  le  cabinet, 
le  plus  important  de  tous,  fruit  de  soixante  années  de  recherches, 
est  entré  récemment  au  Metropolitan  de  New-York. 

Il  m'a  fallu  être  bref  et  je  le  regrette  ;  mais  puisse  cette 
courte  énumération  ouvrir  les  yeux  des  historiens  de  l'art  sur 
l'importance  des  collections  privées  et  de  leur  histoire!  Depuis 
près  d'un  siècle  les  philologues  s'attachent  à  rédiger  les  annales 
des  cabinets  de  manuscrits  ;  n'écrira-t-on  pas  aussi  un  jour 
une  histoire  raisonnée  des  collections  d'objets  d'art  ? 

Seymour  de  Ricci. 


LES 

FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE 


{Suite, 


Puisque  le  disque  de  Phaistos  m'a  conduit  en  Etrurie,  je  ne 
quitterai  point  cette  autre  Hellade  :  le  tombeau  de  Porsenna  et 
le  vase  de  Tragliatella  y  relient  les  labyrinthes  de  Tirynthe  et 
de  Cnosse  au  graffîte  pompéien  et  aux  mosaïques  romaines. 
Aussi  bien,  ce  n'est  point  par  hasard  que  j'ai  refait  sur  les  nefs 
du  temps  le  chemin  jadis  accompli  par  les  audacieux  ancêtres 
des  Tarquins. 

Le  tombeau  de  Porsenna  était,  selon  toute  vraisemblance, 
construit  sur  un  souterrain  analogue  à  celui  de  la  Tholos  d'Epi- 
daure  :  inque  basi  quadrata  intus  labyrlnthum  inextrica- 
bilem  (Varron,  dans  Pline,  loc.  cit.).  En  tout  cas,  il  n'a  rien 
de  mythique,  malgré  la  description  un  peu  ridicule  de  Varron  : 
le  tombeau  dit  d'  «  Arnus  »,  près  de  Laricia,  est  évidemment 
très  semblable  ^ 

Le  vase  de  Tragliatella'  est  une  œnochoé  à  quatre  zones,  pro- 

1.  Voy.  la  Rev.  arch.  de  septembre-octobre  et  novembre-décembre  1915. 

2.  Duruy,  Hist.  des  Romains^  t.  ],  fig.  à  la  p.  175  ;  cf.  Lenormant  et  Babelon, 
op.  ci^,  t.  V,  fig.  à  la  p.  6S.  —  Voir  la  restitution  conjecturale  de  Quatre- 
mère  de  Quincy,  Recueil  de  dissertations  archéologiques,  Paris,  1836,  p.  52, 
pi.  ;  cf.  Martha,  op.  cit.,  p.  206  sq. 

3.  S.  Reinach,  Rép.  de  vases,  t.  I,  p.  345  ;  Krause,  Die  nordische  Hcrkunft 
der  Trojasage,  bezeugt  durch  den  Krug  von  Tragliatella,  Glogau,  1893; 
Benndorf,  Kunsthistorischê  Ergànzungen  zu  §  4  {vom  Trojaspiele)  de  Budin- 
ger,  Die  rômischen  Spiele  und  der  Patriciat,  in  S.  B.  der  philos. -hist.  Classe 
der  K.  Ak.  d.  Wiss.,  Wien,  1890,  t.  IV  (GXXKI),  p.  47  sq.  ;  Deecke,  Le 
iscrizioni  etrusche  del  vaso  di  Tragliatella,  in  Ann.  deW  Insl.,  t.  LIII,  1881, 
p.  160  sq. 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        117 

venant  de  l'ancienne  collection  Tommaso  Tittoni.  Au  col,  on 
voit  un  homme  conduisant  un  bouc,  deux  oiseaux  (oies  ou 
canards),  un  groupe  formé  par  un  homme  et  une  femme,  — 
probablement  Thésée  et  Ariane  (cf.  les  personnages  de  la  zone 
centrale),  le  vaisseau  solaire  (v.  supra),  un  bouc  (sous  l'anse). 
Sur  la  zone  centrale,  au-dessous  d'une  série  d'ornements  tra- 
pézoïdaux, le  cavalier  divin  (Hélios  ;  épisème  du  bouclier  : 
oiseau),  suivi  d'un  cavalier  porteur  de  lance  (Kastor;  épisème 
du  bouclier  :  oiseau),  sort  d'un  labyrinthe  à  svastika,  nommé 
Truia  (Troie)'  par  l'artiste.  Comme  à  Grumentum  et  Abizar', 
il  porte  en  croupe  un  Eros  nu,  —  l'Enfant-dieu  qu'une  mosaïque 
de  Dougga  invoquera  encore   ainsi  :  Eros    omnia  per   te  \  * 


1.  Cf.  trois  autres  inscriptions  étrusques  où  truial,  truials,  truies  désigne 
Troie  ou  des  Troyens  (Deecke,  op.  cit.,  p.  161).  Deecke  en  a  déduit  que  le 
labyrinthe  du  vase  représentait  le  plan  de  la  ville  de  Troie  ! 

2.  Pour  la  stèle  de  Grumentum,  v,  Reinach,  Rép.  de  la  Stat.,  II,  1909, 
p.  532,  n»  1  ;  Duruy,  Hist.  des  Rom.,  t.  I,  p.  595,  fig.  et  n.  1,  où  il  exprime 
son  inquiétude  :  «  Est-ce  un  souvenir  de  l'organisation  par  les  Romains,  devant 
Capoue,  du  corps  de  cavaliers  dont  chacun  prenait  un  fantassin  en  croupe  et 
qui  aurait  été  rappelée  dans  un  ex-voto  ?»  —  La  stèle  libyque  d'Abizar  (près 
Tizi-Ouzou)  est  au  musée  d'Alger;  v.  Recherche  des  antiq.  dans  le  Nord  de 
l'Afrique,  Paris,  1890,  p.  60,  fig.  21.  —  Voir  encore  une  kylix  apode  à  figures 
noires  du  Céramique  (Collignon  et  Couve,  Cat.  des  vases  du  Musée  nat. 
d'Athènes,  Paris,  1902,  p.  211,  n»  687  :  «  Avant-train  de  cheval  sur  le  cou 
duquel  est  posé  un  petit  singe  »)  et  une  amphore  à  figures  rouges  de  Milo,  au 
Louvre  (Lenormant  et  Babelon,  op.  cit.,  t.  I,  fig.  à  la  p.  53)  :  Gigantomachie; 
Eros,  à  genoux  sur  le  dos  d'un  des  chevaux  du  quadrige  d'Hélios,  tire  de  l'arc  ; 
—  dessin,  geste,  attitude  :  je  ne  sais  rien  de  plus  exquis.  Cf.  quelques  bractées 
Scandinaves  (Worsaae,  Les  empreintes  des  bractéates  en  or,  in  Mém.  de  la 
Soc.  des  Antiq.  du  Nord,  1866-1871,  p.  349  et  pi.  20);  le  petit  «  satyre  » 
ityphallique  qui  accompagne  le  cavalier  tricéphale  d'un  relief  d'Izvor  (Seure, 
Etude  sur  quelques  txjpes  curieux  du  Cavalier  thrace  (Extr.  de  la  H.  des  Et. 
anc.,t.  XIV,  1912,  p.  32,  f.  4  et  p.  34)  et  les  nombreux  monuments  où  le  vol 
d'un  Eros  précède  le  Cavalier  divin  (Froehner,  op.  cit.,  p.  291,  n«  1628 
[amphore  à  f.  r.]  ;  G.  Save  et  Ch.  Schuler,  Le  groupe  équestre  de  Grand  au 
Musée  Lorrain,  in  Mém.  de  la  Soc.  d'arch.  lorraine,  t.  XLIX,  Nancy,  1899, 
pi.  p.  5;  etc.).  Il  faudrait  également  citer  les  stèles  —  il  en  existe  partout  des 
séries  entières  ;  v.  par  ex.  au  Musée  d'Athènes  —  sur  lesquelles  Eros-Thana- 
tos  pleure  auprès  du  Cheval  solaire  portant  le  mort  divinisé,  rappeler  l'histoire 
d'Eros  et  celle  de  son  culte  (v.  par  ex.  Pausanias,  II,  4,  7  ;  cf.  Hartland, 
Primitive  Paternily,  Loodon,  1909,  p.  91)  ;  ici  encore,  je  ne  puis  insister. 

3.  Poinssot,  Nouvelles  inscriptions  de  Dougga,  in  Archives  des  missions  se, 
t.  XVIil,  1899,  p.  168.  Cf.  Théognis,  v.  1275;  Eschyle,  Dan.  (Didot,  p.  204, 


118  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

—  qui  symbolise  le  renouvellement  de  sa  force  féconde  et 
explique  les  scènes  de  coït  figurées  immédiatement  après'.  — 

fr.  108).  ~  Gomme  ailleurs  M.  Collignon  (v.  n.  60),  M.  S.  Reinach  {loc.  cit.) 
traite  ici  Eros  de  «  singe  ». 

1.  Cf.  les  monuments  où  le  svastika  marque  le  sexe  (v.  Lichtenberg,  Die 
àgàische  Kultur,  Leipzig,  1911,  p.  95;  Déchelette,  op.  cit.^  t.  II,  p.  435,  f.  178; 
p.  436,  f.  179),  l'épithète  de  quelques  cavaliers  solaires  thraces  :  revtxw  'Atî6X- 

Xwvi ©ew  'Aiï6XXa)vt  yevtaxô)  (Seure,  op.  cit.^   p.  48  sq.)   et  les   pierres  à 

cupules  ou  à  bassins  :  celles-ci  paraissent  bien  offrir  une  représentation  du 
kteis  (B.  de  Paniagua,  La  divinité  néolithique,  Paris,  1914,  p.  5sq.;  cf.  Héro- 
dien,  V,  3,  10  et  Dict.  des  Ant.,  t.  I,  1885,  p  644,  v°  Bœlylia  [Lenormanl]) 
qu'il  convient  de  rapprocher  des  menhirs  phalliques  (Eros  de  Thespies  :  Pau- 
sanias,  IX,  27,  1).  J'imagine  que  les  pierres  à  bassin  sont  les  réservoirs  où 
Teau  de  pluie  était  puisée  pour  les  libations  rituelles  versées  sur  les  pierres  à 
cupules.  Celles-ci  sont  en  effet  parfois  reliées  par  des  rigoles  qui  vont  jusqu'au 
bord  de  la  pierre,  comme  à  Garréploué  (Paniagua,  op.  cit.,  pi.  10).  Mais  sou- 
vent il  n'en  est  pas  ainsi  (Déchelette,  op,  cit.,  t.  II.  p.  615,  f.  248);  elles  ont 
alors  pour  simple  objet  de  multiplier  l'image  du  sein  fécondé  de  la  Terre, 
comme  d'autres  mégalithes  multiplient  celle  du  pouvoir  fécondant.  Voir  ;  1«  un 
mégalithe  du  Cloître,  Finistère  (Paniagua,  fîg.  à  la  p.  12);  la  «  table  d'offran- 
des »  de  Phaistos  (!•'  palais  ;  Pernier,  Scavi....,  tav.  36)  ;  les  10  bassins  sur 
chariot  d'Hiram  (III  Rois,  VII,  27  sq.);  la  base  de  la  statue  d'Apollon  au 
sanctuaire  du  Cynthe  à  Délos  (Paniagua,  p.  3  et  f.  p.  4);  le  chariot  de  bronze 
de  Judenburg  (S.  MuUer,  op.  cit.,  p.  131,  f.  113  :  au  centre,  très  haute  figure 
de  femme,  la  poitrine  nue,  supportant  un  grand  bassin  sur  sa  tête;  aux  quatre 
angles,  cavalier  solaire;  en  avant  et  en  arrière,  trois  personnages  tenant  une 
tête  de  cerf  [CernunnosJ;  derrière  eux,  précédant  et  suivant  immédiatement  la 
déesse,  un  Eros  ithyphallique  et  nu  brandit  une  hache.)  —  Cf.  S.  Reinach.  Rép. 
Stat.,  t.  II,  p.  451  nM  ;  t.  IV,  p.  291  n»  4  ;  Lichtenberg,  op,  cit.,  p.  106,  f.  58 
[épingle  de  Mycènes]  et  p.  107,  f.  59  [peinture  d'une  caisse  de  momie  du  Louvre]; 
le  rite  situlaire  et  ses  chariots  (cf.  S.  Reinach,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  280  n"  1  :  on 
voit  que  l'expression  consacrée  «  culte  de  la  situle  »,  est  totalement  dénuée  de 
sens]);  deux  trépieds  étrusques  en  bronze  (Martha,  op.  cit.,  p.  64  f.  59;  p.  101, 
f.97); 

2®  Quatre  bassins  à  coupelles  sur  chariot,  tous  étrusques  (Mus.  arch.  de  Flo- 
rence, Vetulonia,  Salle  IV  ;  Martha,  op.  cit.,  p.  66-62;  p.  81,  f.  72  ;  Perrot, 
Hist.,  t.  IV,  p.  335-336,  f.  175-176)  qui  fixent  la  relation  des  deux  formes.  — 
Je  rappelle  que  la  Scandinavie  a  seule  donné  des  fibules  cupulaires  (Undset, 
Petites  études  sur  le  dernier  âge  du  fer  en  Norvège,  in  Mém.  de  la  Soc.  des 
Ant.  du  Nord,  1890-1895,  p.  44). 

Une  pierre  d'Ilkley,  comté  d'York  (Déchelette,  op.  cit.,  t.  II,  p.  617,  f.  249), 
éclaircit  et  résume  ce  qui  précède  :  les  cupules  sont  ici  le  centre  de  cercles- 
labyrinthes  et  réalisent  l'association  (phallus-kteis,  yoni  hindou)  qui  deviendra 
le  bétyle  (v.  Dict.  des  ant.,  t.  I,  p.  642  sq.,  v°  Bœtylia  [Lenormant]).  Cf. 
Munro,  op.  cit.,  p.  33,  pi,  VII,  n°  15  et  les  phiales  à  ombilic  (Perrot,  Hist., 
t.  II,  p.  743,  f.  407  ;  p.  601,  f.  291  ;  Martha.  op  cit.,  p.  129,  f.  110),  —  celle  à 
fond  étoile  d'un  moule  de  serpentine  lydien,  (Perrot,  t.  V,  p.  300,  f.  209). 
Dans  l'Inde,  il  faut,  pour  éviter  la  sécheresse,  arroser  sans  cesse  le   phallus 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        119 

Ariane  (cf  Homère,  IL,  XVIII,  590  sq.)danse  devant  des  idoles 
plates  semblables  aux  nombreux  exemplaires  du  musée 
d'Athènes  —Ariane  ([xiôecraOct?)*  tend  un  peloton  de  fil  à  Thésée 
([ji,ta[ji.vaapx£?)  qui  d'une  main  en  tient  déjà  un  et  de  l'autre  guide 
une  petite  Hélène  (|j,i;r£X£va).  —  Un  personnage  ithyphallique 
muni  d'un  bâton  ou  d'une  lance  conduit  sept  danseurs  porteurs 
d'un  bouclier  (épisème  :  cheval)  et  de  trois  lances.  —  Sur  la  zone 
inférieure,  un  chien  au  galop  et  un  lièvre  courant;  ces  deux 
images,  extrêmement  fréquentes  sur  les  reliefs  et  vases  funé- 
raires, résument  en  quelque  sorte  les  premières  scènes  de  la 
zone  centrale  :  le  chien,  animal  chthonien,  est  un  symbole  de 
mort;  le  lièvre,  un  symbole  de  vie  et  d'amour.  C'est  pourquoi 
tous  deux  se  trouvent  réunis  dans  les  représentations  d'Orion, 
le  «  Chasseur  sauvage  ^  » 

On  notera  ici  la  restitution  d'une  forme  de  la  légende  primi- 
tive de  Thésée;  Iphigénie  aurait  été  la  fille  d'Hélène  et  de 
Thésée  et  Aïthra,  mère  de  Thésée,  la  suivante  ou  la  servante 
d'Hélène*;  c'est  Hélène  la  brillante,  la  sœur  de  Kastor,  une 


de  la  statue  du  dieu  Mahâdeva  (Grooke,  The  popular  religion  and  folk- 
lore of  Northern  India,  Westminster,  1896,  t.  I,  p.  76);  cf.  Genèse^  XXVIII, 
18:  Exode,  XXIV, 4  ;  le  culte  de  saint- Foutin  à  Embrun  (Dulaure- Van  Gennep, 
DfS  divinités  génératrices  chez  les  anciens  et  les  modernes^  Paris,  1905,  p.  205). 
—  J'ai  jadis  (R.  de  Launay,  Le  temple  hypèlhre^  in  Rev.  arch.,  1912, 1. 1,  p.  28 
et  29  du  tirage  à  part)  accepté  sans  hésitation  l'explication  que  donne  Pausa- 
nias  de  l'huile  et  de  Teau  respectivement  répandues  sur  le  Zeus  d'Olympie  et 
l'Athéna  Parthénos  (V,  11,  10).  Je  me  demande  aujourd'hui  si  nous  n'avons 
pas  là  plutôt  la  trace  d'un  rite  archaïque  incompris  et  en  voie  de  disparition 
(cf.  Pausanias,  X,  24,  6). 

Il  est  sans  doute  légitime  de  retrouver  l'association  bétylique  dans  les  formes 
ellipsoïdales  de  nombreuses  figurations  solaires  (labyrinthes,  disques,  bou- 
cliers, etc.) 

1.  Peut-être  Athena.  Cf.  la  coupe  d'Aison,  la  coupe  de  Nola,  le  lécythe  et 
le  skyphos  d'Athènes  cités  par  Wolters  ;  Denys,  VII,  72,  et  Krause,  Tuisk.y 
p.  405  sq.  {Sulis- Minerve;  Pallas-Athené). 

2.  Voir  Ciaceri,  Culti  e  miti  nella  storia  deW  antiqua  Siciliay  Catania,  1911, 
p.  100  sq.  Cf.  Krause,  Tuisk.,  p.  158  sq.  {Orion). 

3.  Pausanias,  II,  22,  6;  V,  19,  2;  X,  25,  2-3;  Hérodote,  IX,  72;  Apollo- 
dore,  III,  10,  7  ;  Homère,  //.,  HI,  144.  -  V.  Krause,  Tuisk.,  p.  459  »i\.{Helena 
und  ihre  nordischen  Gcgenbilder)  ;  cf.  Renel,  L'évolution  d'un  mythe  :  Acvins 
et  Dioscures,  Paris,  1806,  p.  249.  —  Les  vers  d'Homère  déjà  cités  (//.,  XVIII, 
590  sq.)  contiennent  une  allusion  à  la  danse  d'Ariane,  doublet  d'Hélène;  cette 


120  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

vierge  solaire  *  qui  vient  à  peine  de  renaître  et  dont  le  peintre 
du  vase  a  fait  naïvement  une  enfant,  que  le  héros  arrache  à  la 
froide  et  sombre  prison.  Après  Creuzer,  M.  Pottier^  a  bien 
reconnu  que  Thistoire  des  enfants  athéniens  et  la  cruauté  de 
Minos  étaient  une  seconde  version  athénienne  du  mythe  pré- 
historique, destinée  à  donner  une  allure  patriotique  à  l'entre- 
prise d'un  roi  vénéré,  et  relativement  récente  (vi®  s.);  l'auteur 
du  vase  de  Tragliatella  (fin  vu®  s.  ou  début  vi«)  paraît  en  effet 
l'ignorer.  Mais  je  veux  insister  encore  sur  ce  nouvel  exemple 
de  l'inséparable  union  du  labyrinthe  et  de  sa  danse.  Son  nom 
{Trnia)  donne  le  sens  et  l'origine  du  ludvs  Trojœ;  d'après  la 
description  de  Virgile  {Aen.,  V,  553  sq.)  ainsi  contrôlée,  les 
exécutants  —  trois  groupes  de  douze  cavaliers  —  portent  une 
couronne  de  feuillage  et  un  torques  d'or  ;  ils  ont  deux  javelots  : 

Inde  alios  ineunt  cursus  aliosque  recursus 
Adversis  spatiis,  alternosque  orbibus  orbes 

Impediunt 

Ut  quondam  Creta  ferlur  Labyrinthus  in  alta 
Parietibus  textum  cœsis  iter  ancipitemque 
Mille  viis  habuisse  dolum,  qua  signa  sequendi 
Falleret  indeprensus  et  irremeabilis  error  ; 
Haud  alio  Tcucrum  nati  vestigia  cursu 
Impediunt,  texuntque  fugas  et  prœtia  tudo 
(v.  583  sq.) 

Le  ((  jeu  »  correspond  exactement,  selon  l'affirmation  du 
poète,  à  la  danse  du  ylpavoç  créto-délienne,  en  sorte  que  le  cor- 
tège de  l'œnochoé  peut  représenter  l'un  ou  l'autre.   Je  crois 

danse  suppose  sa  délivrance  (cf.  Plutarque,  loc.  cit.).  Remarquer  que  le  lever 
diurne  de  la  couronne  d'Ariane  annonce  l'hiver  —  son  lever  nocturne,  le  prin- 
temps (Columelle,  XT,  2)  et  qu'elle  lient  la  place  de  la  Balance  au  calendrier 
liturgique  de  la  Panaghia  Gorgopiko  d'Athènes  {Dict.  des  ant.,  t.  I,  p.  824, 
f.  1030,  v°  Calendarium  [Ruelle]). 

\.  Faut-il  rappeler  que,  dans  les  traditions  nordiques,  c'est  une  vierge  qui 
personnifie  le  soleil,  et  qu'en  allemand  l'astre  est  féminin? 

2.  Creuzer-Guigniaut,  Religions  de  V antiquité,  t.  III,  Paris,  1838-1841, 
p.  1080  ;  Pottier,  Pourquoi  Thésée  fut  Vami  d'Hercule,  in  Rev.  de  l'art  anc.  et 
moderne,  1901,  t.  t,  p.  9  sq.  —  Sur  l'élaboration  de  la  légende  de  Thésée,  cf. 
Plularque,  Thés.,  19,  et  Pausanias,  I,  2,  1. 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        121 

d'ailleurs  qu'il  a  un  sosie  dans  la  religion  romaine  :  il  est  diffi- 
cile de  lire  les  vers  de  Virgile  sans  songer  aux  Saliens  et  à 
leurs  chants,  incompris  dès  le  temps  de  Varron  {De  l.  lat., 
VII,  3),  mais  oii  les  mots  aniroare,  redaîitruare  désignent, 
d'après  Festus  (éd.  cil.,  p.  9,  334,  s.  v'^),  les  mouvements  des 
conducteurs  et  la  reprise  de  ceux-ci  par  les  autres  danseurs*. 


VI 


En  Grèce,  entre  les  vieux  sanctuaires  de  Cnosse  et  de  Tirynthe 
et  la  Tholos  d'Epidaure,  le  lien  semble  également  continu,  mais 
établi  par  une  tradition  plus  hésitante.  La  danse  du  yspavoç 
paraît  un  rite  spécial,  moins  populaire  et  moins  répandu  que 
leLudtis  Trojœ.  La  tradition  présente  tantôt  des  déformations  : 
—  je  viens  de  signaler  celle  que  Tionisme  triomphant  du 
VI®  siècle  a  infligée  à  la  légende  de  Thésée  —,  tantôt  des  fluc- 
tuations. L'une  des  plus  intéressantes  est  décelée  par  deux  vases 
que  P.  Wolters  a  mis  en  lumière,  sans  les  interpréter  ^  Le 
Minotaure  lutte  encore  contre  son  vainqueur;  Athéna  est  à 
droite;  mais,  au  lieu  du  labyrinthe  attendu,  c'est  une  tour 
décorée  de  zones  de  méandres  et  de  spirales  qu'on  rencontre. 
Or,  cette  tour  est  la  prison  de  la  vierge  solaire  dans  des 
variantes  célèbres  :  c'est  celle  de  Danaé,  mère  de  Persée,  le 
héros  libérateur',  et  d'Ethne,  la  fille  du  cyclope  Balor*.  Du 

\.  Benndorf  [op.  cit.,  p.  55)  a  reconnu  sur  le  vase  le  Ludvs  Trojœ  par  l'effet 
d'un  simple  rapprochement  matériel,  sans  discerner  rorigine,  ni  comprendre  la 
signification  des  scènes.  Dire  que  le  Ludus  Trujae  y  figure,  équivaut  à  peu 
près  à  cataloguer  l'œnochoé,  comme  s'est  contenté  de  le  faire  Dumont  (C^ram., 
t.  I,  p.  269  n.  \)  :  il  reste  à  expliquer  le  «  jeu  »  lui-même. 

2.  Darstellungen  des  Labyrinthus,  in  Sb.  d.  Bayer.  Ak.  d.  W.,  1907,  Hefl  I, 
pi.  II  (l«^cylhe  d'Athènes)  et  III  (skyphos  de  l'Acropole). 

3.  Apollod.,  H,  /i.  —  Cf.  Creuzer-Guigniaut,  op.  cit.,  t.  III,  p.  493  :  «  S'il 
[le  labyrinthe]  était,  ainsi  qu'on  Ta  pensé,  ouvert  par  le  haut,  il  n'en  ressem- 
blait que  mieux  à  mainte  construction  de  ces  vieux  siècles  pélasgiques  et  il 
rappelait,  entre  autres,  la  prison  souterraine  de  Danaé  qu'y  vient  féconder  la 
pluie  d'or  de  Jupiter  ». 

\.  D'Arbois  de  Jubainville,  Le  cycle  mythol.  irlandais  et  la  mythologie  cel-* 


122  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

labyrinthe  primitif,  l'image  a  cependant  gardé  un  souvenir  : 
sa  décoration,  méandres  et  spirales.  Par  contre  c'est  bien  une 
déformation  que  nous  offrent  trois  autres  vases,  également 
cités  par  Wolters  {op.  cit.,  p.  120,  f.  1  ;  p.  121  f.  2;  pi.  I)  :  la 
coupe  d'Aison,  à  Madrid,  une  coupe  de  Vulci  et  une  coupe  de 
Nola  ;  —  remarquez  encore  l'origine  de  ces  deux  dernières.  La 
scène  est  semblable  (sur  la  coupe  de  Vulci,  Athéna  ne  paraît 
pas);  mais  le  piège  antique  n'a  plus  rien  de  redoutable;  c'est 
un  palais  —  le  palais  d'Evans  —  dont  la  décoration  dit  seule 
le  véritable  nom.  Sur  le  mur  qui  s'étend  derrière  le  prodomos, 
l'artiste  a  dessiné  des  méandres  enfermant  un  svastika  et  des 
damiers. 

Ces  coupes  et  ces  vases  fourniraient,  en  effet,  s'il  en  était 
besoin  —  et  entre  mille  autres  je  pense  surtout  à  une  urne  villa- 
novienne  du  Predio  Arnoaldi,  au  Museo  Civico  de  Bologne 
(salle  X)  —  des  preuves  directes  de  l'origine  du  svastika,  de 
la  spirale  et  du  méandre.  Celui-ci  dérive  d'une  figure  assez 
récente,  le  labyrinthe  sur  plan  carré;  méandre  et  spirale 
apparaissent  ainsi  comme  des  stylisations  semblables,  équiva- 
lentes et  parallèles*.  De  même,  le  «  chevron  »  multiplie  les 
rayons  qui  étoilent  l'astre  au  centre  des  disques  sacrés,  des 
boucliers,  etc.'^  En  outre,  les  peintures  étudiées  par  Wolters 
illustrent  l'erreur  commise  par  l'antiquité  classique  en  appe- 
lant Labyrinthe  le  palais  de  Minos,  —  erreur  que  les  fouilles 
d'Evans  ont  incité  les  archéologues  d'aujourd'hui  à  partager 


tique,  1884,  p.  205  sq.  Cf.  M.  Muller,  Nouvelles  études  de  mythologie,  1898, 
p.  385,  et  Pineau,  Les  vieux  chants  populaires  Scandinaves,  1901,  p.  524. 

1.  Elderkin  l'a  contesté,  contre  toute  vraisemblance  {Notes  on  Greek  vase 
paintings.  1.  Meander  or  Lahyrinth,  in  Amer.  J.  of  arch. ,  t.  XXVII,  1911,  p.  190). 
Les  exemples  probants  abondent  :  v.  un  vase  de  Butmir  (Lichlenberg,  op. 
cit.,  p.  60,  f.  16)  ;  le  col  d'un  vase  de  Camiros  du  Louvre  {Burlington  Magazine  , 
t.  XIV,  1908,  p.  140,  pi.  II);  un  sarcophage  de  Clazomène  (Perrot,  Hist., 
t.  IX,  p.  271,  f.  125)  et  surtout  les  monnaies  de  Cnosse  citées  supra. 

2.  V.  Déchelette,  op.  cit.,  t.  II,  p.  416,  f.  167;  Munro,  op.  cit.,  p.  19, 
pi.  III,  n.  18;  p.  151,  pi.  XVIII,  n.  18;  Gapart,  Les  débuts  de  Vart  en  Egypte, 
Bruxelles,  1904,  p.  103,  f.  71;  Perrot,  Hist.,  t.  V,  p.  300,  f.  209;  p.  332, 
f.  240;  t.  IV,  p.  8  pi.  II  no  20. 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE       123 

et  qu'un  détail  permet  de  toucher  du  doigt  en  quelque  sorte  : 
les  coupes  citées,  en  figurant  le  palais  du  Minotaure,  rééditent 
les  damiers  que  montre  à  Gnosse  la  fresque  dite  «  du  Sanc- 
tuaire »  (Lagrange,  op.  cit.,  p.  58,  f.  29).  Le  fait  atteste  peut- 
être  la  force  des  souvenirs  minoens  ;  dans  ce  cas,  il  explique- 
rait pourquoi  Torgueil  d'Athènes  a  relié  la  légende  solaire  de 
Thésée  (Thésée-Hélène)  à  sa  légende  Cretoise  (Thésée,  vain- 
queur de  Minos). 

Une  remarque  s'impose  encore  :  tous  les  vases  cités  pro- 
viennent de  tombes.  Les  pierres  en  S  du  dolmen  de  Kervihan 
tracent  un  dessin  également  proche  de  la  spirale  et  du  laby- 
rinthe. Sur  le  labyrinthe  de  Glusium  s'élève  un  tombeau  ;  un 
tumulus  recouvre  ceux  de  Guoynen  et  du  Noterio  et  c'est  une 
tombe  qui  renfermait  le  labyrinthe  d'Hadrumète.  L'inscription 
de  ce  dernier  :  Hic  inclustis  vitam  perdit  — ,  celle  du  Musée 
lapidaire  de  Lyon  (Durand,  Arin.  arch.,  t.  XVII,  1857,  p.  126)  : 
Me  caput  aprilis  ex  hoc  rapint  laberinto  prebitum,  —  une  coupe 
publiée  par  Tischbein  [Collection  of  engravings  from  ancient 
vases,  t.  I,  Naples,  1791,  pi.  25)  où,  à  côté  de  Thésée  triomphant 
du  Minotaure,  Ariane  tend  au  mort,  nu  et  le  strigile  embléma- 
tique en  main,  le  peloton  de  fil  qui  le  conduira  à  la  lumière 
immortelles  assimilent  parfaitement  la  destinée  humaine  à 
celle  de  l'astre  du  jour  et  justifient  la  définition  de  Greuzer  {op. 
cit.,  t.  III,  p.  501)  :  ((  Le  labyrinthe  est  une  figure  du  monde  et 
delà  vie,  un  symbole  de  la  course  du  soleil  et  de  celle  des  âmes 
à  travers  tous  les  signes  ».  Voici  donc,  après  ceux  d'Eros  et  de 
toutes  les  images  solaires  —  cheval  ou  cavalier,  vaisseau,  cha- 
riot, etc.  —  un  nouveau  témoignage  de  l'union  réalisée  par 
la  pensée  aryenne  entre  Hélios,  la  Vie  et  l'Amour,  et  la  Mort. 
Le  labyrinthe  et  la  tombe  sont  deux  prisons  où  l'Hiver  et  la 
Mort  attendent  l'astre  de  lumière  et  l'homme.  Mais  la  Vie, 
l'Aurore  et  le  Soleil  printanier  renaissent  éternellement  de  la 
Mort,  de  la  Nuit  et  de  l'Hiver  (cf.  Piper,  op.  cit  ,  t.  II,  p.  333). 

1.  Cf.  Millin,  Gai.  mylhol.,  t.  If,  pi.  131,  n.  492,  et  S.   Reinach,  Hép.  de 
vases,  t.  Il,  p.  285. 


124  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Ainsi  rattachée  aux  plus  profondes  racines  de  l'âme  et  deux 
fois  sainte,  la  conception  d'où  est  né  le  labyrinthe  apparaît 
partout  et  toujours,  vivante  et  féconde.  Longtemps  elle  impo- 
sera à  la  fois  aux  demeures  des  vivants,  des  morts  et  des  dieux 
porteurs  de  rayons,  ces  fondations  circulaires  qui  ne  disparaî- 
tront jamais  complètement  devant  le  plan  rectangulaire  ou 
carré,  spécifiquement  asiatique  *.  Les  tombes  à  coupole  ibé- 
riques et  créto-mycéniennes,  les  chambres  rondes  de  nombreux 
dolmens  armoricains  et  nuraghes  sardes,  plusieurs  sépultures 
asiatiques  (tombeaux  «  de  Tantale  »  et  «  d'Alyatte  »)  et  afri- 
caines (Medracen,  55  km.  de  Batna;  Tombeau  de  la  Chrétienne, 
7  km.  de  Tipaza),  les  temples  d'Aphrodite  etd'Aphaiaà  Egine, 
le  sanctuaire  thébain  des  Cabires,  peut  être  les  premiers  temples 
de  Delphes,  les  petites  nécropoles  de  Vélanidezza  et  de  Vourva, 
les  mausolées  de  Csecilia  Metella,  d'Hadrien,  de  Théodoric  à 
Ravenne,  les  temples  de  la  Piazza  délia  Bocca,  à  Rome,  et  de 
Tivoli,  représentent  une  tradition  gardée  jusque  par  delà  l'âge 
classique  2.  Peut  être  a-t-elle  dérivé  les  plans  elliptiques  du 
navire  solaire  ;  l'harmonie  des  correspondances  m'engage 
cependant  à  assigner  à  ceux-ci  une  autre  origine  :  le  Kteis  béty- 
lique  (v.  suprà.)\  Quoi  qu'il  en  soit,  les  curieuses  maisons 
d'Orchomène*    marquent    le   passage    au  plan  rectangulaire 

1.  Cf.  Tsounlas  and  Manatt,  op.  cit.,  p.  246  sq.  ;  S.  Muller,  op.  cit., 
p.  68  sq.  ;  Pfiihl,  Zur  Geschichte  des  Curvenbau,  in  Ath.  Mitth.,  t.  XXX,  1905, 
p.  330  sq.  ;  Taramelli,  Nuraghe  de  Fonte  e  Nota,  m  Archivio  stor,  sardo, 
t.  IV,  Gagliari,  1908,  p.  224  sq. 

2.  lo  Paribeni,  Mon.  ant.  di  Lincei,  t.  XIV,  1905,  p.  709,  n.  5.  —  2o  II  est 
clair  qu'un  monument  comme  le  trésor  d'Atrée,  par  exemple,  est  une  adapta- 
tion, assez  maladroite  d'ailleurs,  et  non  un  type  original  (cf.  Taramelli,  I pro- 
hlemi  archeologici  délia  Sardegna,  Memnon,  1908,  p.  28).  —  3»  Martin,  op.  cit.^ 
p.  89  sq.  —  4»  Taramelli,  Nuraghe...,  loc.  cit.  —  5»  Perrot,  Hist.,  t.  V,  p.  49, 
f.  15;  p.  277,  f.  177;  p.  319,  f.  218.  —  60  Gsell,  Guide  arch.  des  environs  d'Al- 
ger, Alger,  1896,  p.  157  sq.  —  7°  Pour  le  temple  d'Aphaïa,  l'hésitation  de 
Furlwângler  (Aegina,  Text,  Munich,  1906,  p.  22  et  159)  l'a  conduit  à  une 
erreur  (cf.  Tafel  XXXI  et  IX,  3).  —  8°  Ath.  Mitth.,  t.  XIII,  1888,  p.  89  et 
pi.  II.  —  9°  Pausanias,  X,  5,  9.  -  10°  Perrot,  Hist.,  t.  VIII,  p.  74,  f.  45- 
p.  76,  f.  47. 

3.  Cf.  Montelius,  op.  cit.,  p.  302,  f.  417  et  418;  du  Chaillu,  The  Viking  Age, 
London,  t.  I,  1889,  p.  307,  f.  719  (cimetière  de  Hjortchammar). 

4.  Bulle,  Orchomenos,   t.  I,  die   âlteren    Ansiedelungsschichten  (Abh.  d.  h. 


'    Les  fallacieux  détours  t)u  labyrinthe  125 

qu'ignorent  encore  le  vieil  «  autel  de  Zeus  »  à  Olympie,  les 
temples  de  Thorikos,  de  Thermon  et  de  Pastum'. 

Nous  en  savons  assez  pour  dégager  dès  maintenant  un  pre- 
mier résultat.  La  patrie  du  labyrinthe  est  évidemment  celle  des 
récits  qui  lui  a  donné  naissance,  c'est-à-dire  la  région  des 
hautes  latitudes  où  le  «  char  bleu  »  dessine  des  cercles  de  plus 
en  plus  étroits  ;  c'est  là  que  le  cycle  des  légendes,  —  l'ensemble 
des  monuments  les  plus  reculés,  puisqu'ils  s'élèvent  dans  l'âme 
des  peuples,  —  apparaît  le  plus  considérable,  le  plus  intact,  le 
plus  persistant,  le  plus  répandu.  Inconnu  en  Assyrie  et  en 
Egypte,  —  notez  que  le  svastika  et  la  spirale  y  sont  rares  et 
d'importation  relativement  récente,  —  il  ne  vit  en  Egéide  qu'à 
l'état  d'adaptations  parfois  malhabiles  ou  de  souvenirs  souvent 
fragmentaires  :  aux  rives  méditerranéennes,  le  soleil  n'est 
jamais  prisonnier.  Il  l'est  si  peu  qu'on  y  maudit  ses  ravages. 
Les  troubles  excités  par  la  réforme  religieuse  d'Aménothès  IV 
font  présumer  que  Typhon,  ce  «  frère  malfaisant  du  soleil  »,  a 
précédé  Râ-Osiris,  et  que  les  malédictions  dont  les  Memphites 
chargeaient  la  statue  de  l'Hiver,  au  temple  de  Phtah,  sont  étran- 
gères'^  Réville  {op.  cit.,  t.  I,  p.  175;  t.  Il,  p.  226)  a  mis  en 
relief  qu'en  Afrique,  le  soleil  n'est  à  peu  près  l'objet  d'aucun 
culte  ;  en  Chaldée  Sui  l'emportait  sur  Shamash,  «  dieu  destruc- 

hayer.  Ak.^phil.  hist.  Kl),  1907,  p.  48  sq.,  p.  35,  f.  9;  cf.  Karo,  Arch.  Anz., 
1913,  p.  99.  —  Cf.  quelques  tombes  armoricaines  (Martin,  op.  cil.,  p.  100  et 
103)  et  Nuraghes  sarcles  (La  Marmora,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  38).  —  Des  tombes 
Scandinaves  (du  Ghaillu,  op.  cit.,  p.  307  sq.  ;  Gustafson,  G.  R.  Ac.  Inscr., 
1908,  p.  389  sq.  ;  Brunn,  Dalvik'Fundet  Eu  gravplads  fra  Hedenkabets  Tid  pd 
Island,  in  Aarborger  for  Nordisk  Oldkyndighed  og  Historié,  t.  XXV,  1910, 
p.  162  sq.)  et  des  tombes  de  l'Altis  (Leroux,  Bulletin  de  l'Art,  t.  XI,  1909, 
p.  144)  sont  en  tous  cas  certainement  naviformes. 

1.  Thiersch,  Ovaltempel  in  Pdstuml  in  Arch.  Anz.,  1913,  p.  428  sq.  —  Gf. 
l'excellente  observation  d'Orsi,  Due  villaggi  del  primo  periodo  siculo,  in  Bull, 
paletn.  it.,  t.  XXXVI,  1910,  p.  191  :  ...  qui  (Sicile),  casa  e  tomba  sono  in  pre- 
valenza  circolari;  là  (Grèce),  circolare  il  sepolcro,  quadrangolare  l'abilazloyie. 
—  Le  mot  nuraghe  vient  du  nordique  nur  :  roche  (Norrember^,  \^as  bedentvt 
Nordl  in  Globus,  t.  LXXVIII,  Braunschweig,  1900,  p.  24). 

2.  Hérodote,  II.  121  ;  v.  Lenormant  et  Babelon,  op.  cit.,  t.  II,  p.  209  sq,; 
Maspero,  Hist.,  1909,  p.  251  sq.  —  Gf.  Hérodote,  IV,  184  ;  Mêla,  I,  43  ; 
Pline,  H.  N.,  V,  45;  Diodore,  III,  9  ;  Strabon,  XVII,  2,  3. 


126  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

teur  ;  dans  rastrologie  indienne,  le  soleil  est  le  chef  des  planètes 
malfaisantes,  le  Mal,  comme  la  Lune  est  le  Dieu  »  (Bouché 
Leclercq,  op.  cit.,  p.  44,  n  1).  Les  fêtes  célébrant  le  retour  des 
chevaux  de  feu  et  leurs  bienfaits  ne  sont  pas  nées  sur  les  bords 
criblés  des  flèches  mortelles  que  la  Grèce  mettra  dans  la  main 
pourtant  secourable  de  l'Apollon  dorien.  J'estime  ces  raisons 
plus  décisives  qu'une  discussion  de  dates  forcément  incertaines. 
Il  est  en  outre  significatif  que  les  labyrinthes  helléniques  aient 
oublié  le  nom  de  Troie,  perpétué  par  le  Liidus  Trojœ  en  Italie  ; 
ce  n'est  donc  pas  Troie  qui  a  donné  son  nom  aux  labyrinthes 
du  Nord  —  elle  l'aurait  d'abord  donné  à  ceux  du  Sud  — ,  mais 
bien  ceux-ci  qui  ont  donné  le  leur  à  Troie.  Au  reste,  il  suffît  de 
jeter  les  yeux  sur  une  carte  pour  voir  du  même  coup  que  le 
nombre  des  labyrinthes  du  Sud  est  très  faible,  celui  des  laby- 
rinthes du  Nord,  très  élevé  et  que  les  routes  qui  les  relient 
sont  celles,  aujourd'hui  reconnues  (N.-S.  :  N.-O.-S.-E.),  des 
grandes  migrations  aryennes.  Le  labyrinthe,  symbole  solaire 
indo-germanique,  a  suivi  les  directions  générales  selon  les- 
quelles ses  protagonistes  voyagèrent  à  la  conquête  de  la  cha- 
leur et  de  la  lumière  ^ 

{A  suivre.)  Robert  de  Launay. 


1.  Cf.  Ratzel,  Ani/iropog'eog'mp/iie,  Stuttgart,  1882,  p.  325  :  «  Die  meisten 
Vôlkerwanderungen,  welche  die  Geschichte  kennt,  haben  sich  ans  kdUeren 
nach  wdrmeren  Regionen  bewegt...  So  ist  ihnen  auch  im  Allgemeinen  e'me 
nordsudliche  Richtung  oder  eine  âquatoriale  Tendent  zuzuerkennen  ». 


LE  PUITS  DU  GÉVAUDAN 


A  la  fin  de  467  ou  au  commencement  de  468,  Sidoine  Apol- 
linaire, étant  à  Glermont-Ferrand,  envoya  le  recueil  de  ses 
mauvais  vers  à  son  ami  Félix  Magnus,  fils  de  consul  et, 
comme  dit  Tillemont,  «  personne  de  la  première  qualité  selon 
le  monde  »'.  Félix  résidait  à  Narbonne.  Sidoine  fait  mine  de 
s'adresser  à  son  livre,  non  pas  tant  pour  lui  indiquer  avec  détail 
le  chemin  à  suivre,  mais  —  je  cite  encore  Tillemont^  —  «  pour 
lui  marquer  ceux  de  ses  amis  à  qui  il  devait  s'aller  faire  lire  et 
à  qui  sans  doute  il  en  envoyait  des  copies  ».  En  rhéteur  qu'il 
est,  Sidoine  intitule  Propempticon,  autant  dire  «  Envoi  »,  le  24® 
et  dernier  poème  de  son  recueil,  qui  se  compose  de  101  hendé- 
casyllabes.  Tillemont  est  indulgent  en  le  traitant  d'  «  assez 
joli  »;  mais  la  forme  doit  nous  occuper  ici  moins  que  le  fond. 

L'itinéraire  du  livre,  qui  ne  suit  pas  les  grandes  voies 
romaines  —  Sidoine  lui  recommande,  dès  le  début,  de  les  éviter 
—  est  jalonné  par  quelques  indications  qui  sont  claires  pour 
nous  et  par  d'autres  qui  ne  le  sont  nullement.  Les  voici  : 

1«  Chez  Domitius,  homme  austère,  première  étape.  On  sait 
seulement  que  la  villa  de  Domitius  devait  se  trouver  entre  Gler- 
mont  et  Brioude;  cela  ressort  du  texte. 

2"  A  Brioude,  l'agréable  Brivas,  oii  Sidoine  signale  les 
reliques  de  S.  Julien. 

3"*  Le  livre  doit  ensuite  mettre  une  journée  à  franchir  des 
montagnes  (certainement  la  chaîne  de  Margeride,  sur  la  rive 
gauche  de  l'Allier); 

4"  Puis  il  passera  le  Triobris  aux  eaux  jaunâtres,  qui  est  cer- 
tainement la  Truyère,  affluent  du  Lot  ; 

1.  Tillemont,  Mémoires,  t.  XVI,  p   430. 
i.  ïbid.,  p.  216. 


128  IREVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

5°  Il  arrivera  dans  le  pays  neigeux  des  Gabales,  c'est-à-dire 
sur  le  plateau  du  Gévaudan,  et  là  il  verra  quelque  chose  dont 
nous  parlerons  avec  détail  à  l'instant. 

6*^  De  là  chez  Justin  et  son  frère.  On  ne  sait  où  ces  person- 
nages demeuraient. 

7°  De  là  à  Trevidon,  près  d'une  montagne  voisine  des  Bu- 
tènes, c'est-à-dire  du  Rouergue.  D'Anville  suppose  qu'il  s'agit 
de  Trêve,  sur  la  petite  rivière  nommée  Trevesel,  et  que  la  mon- 
tagne voisine  est  le  mont  Lesperou.  Simples  hypothèses. 

8*^  En  vue  du  mont  Lesora  (Lozère). 

9°  En  vue  du  Tarn. 

10°  A  Voroangus,  en  se  détournant  des  montagnes.  On  ne 
sait  ce  que  c'est. 

11°  A  Gottion.  On  ignore  où  est  ce  lieu. 

12°  Chez  Fidulus,  dont  Sidoine  n'indique  pas  le  domicile; 

13°  Dans  une  localité  inconnue  appelée  Très  Villae.  Enfin, 

14°  A  Narbonne. 

Ce  voyage  des  Carmina  de  Sidoine  a,  comme  bien  on  le 
pense,  fort  occupé  les  géographes;  mais  rien  ne  les  a  plus 
embarrassés  que  la  cinquième  station.  Voici  le  texte  :  il  n'y  a 
pas  de  variantes  notables  dans  les  manuscrits  : 

Tum  terrant  Gabalum  salis  nivosam 
Et  quantum  indigenae  votunl  putari 
Sublirnem  in  puteo  videbis  urbem. 

Littéralement  :  «  Alors  (après  avoir  franchi  la  Truyère),  tu 
aborderas  le  pays  assez  neigeux  des  Gabales  et,  en  tant  que  les 
indigènes  veulent  le  faire  croire,  tu  verras  une  ville  très  élevée 
dans  un  puits.  » 

A  ces  vers  qui  n'ont  pas  de  sens  apparent,  on  a  fait  effort 
pour  en  trouver  un. 

Du  Gange  a  émis  l'opinion  que  Sidoine  n'avait  pas  voulu  par- 
ler d'un  puits,  mais  d'une  montagne,  puy.  Du  temps  de  ce 
grand  homme,  la  grammaire  et  l'étymologie  des  langues 
romaines  étaient  dans  l'enfance;  il  est  certain  aujourd'hui  qu'il 


LE    PUITS    DU   GÈVAUDÀN  l29 

a  fait  erreur.  Puy,  montagne,  du  temps  de  Sidoine,  se  disait 
podium,  provençal /??^e^,  italien  poggio.  Le  puits  où  Ton  puise 
est  un  tout  autre  mot  :  c'est  puteus,  provençal  polz^  italien 
pozzo.  Ce  qui  se  comprend  mal,  c'est  que  cette  erreur  ait  été 
reprise  et  aggravée  en  1878  par  l'inspecteur  général  Eugène 
Baret,  dans  son  édition  de  Sidoine,  autrefois  critiquée,  pour 
bien  d'autres  manquements,  par  M.  Emile  Châtelain'.  «  L'au- 
teur, écrit  Baret,  joue  sur  le  double  sens  du  mot  puteiis  ». 
Et  il  qualifie  à'inepte  la  traduction  de  Grégoire  et  Colombet  : 
«  Ici,  comme  les  indigènes  le  veulent  faire  accroire,  tu  verras 
dans  un  puits  une  ville  magnifique  )).  Dans  cette  traduction,  le 
mot  magnifique  rend  mal  subtimis  ;  mais  elle  est  bien  préférable 
à  celle  de  Baret  lui-même,  publiée  en  1887  dans  la  collection 
Nisard  :  «  Tu  verras  une  ville  située  sur  le  sommet  d'un  puy,  si 
l'on  en  croit  les  habitants  ».  On  conçoit,  à  la  rigueur,  que  les 
indigènes  du  Gévaudan  aient  voulu  faire  croire  aux  voyageurs 
qu'à  défaut  de  belles  villes  sur  leur  plateau  neigeux  ils  en  possé- 
daient une  au  fond  d'un  puits  ;  mais  où  serait  la  justification 
du  scepticisme  et  de  la  raillerie  de  Sidoine  s'il  s'était  agi  d'une 
ville  au  sommet  d'une  montagne  ?  Je  n'insiste  pas  d'ailleurs  sur 
l'impossibilité  absolue  de  traduire  le  moi  puteiis  par  puy. 

Ces  contre-sens  sont  autant  de  pas  en  arrière  ;  Baret  eut  des 
prédécesseurs  plus  éclairés.  Ainsi  Caix,  écrivant  à  Marvejols 
en  1826,  voulait  identifier  la  ville  dont  parle  Sidoine  à  Maizieu  : 
«  Elle  est,  dit-il,  dans  un  vallon  assez  agréable  et  assez  profond, 
renfermé  entre  des  montagnes  de  tous  les  côtés  »'.  Il  pensait 
donc  que  Sidoine  avait  plaisanté  :  le  plateau  du  Gévaudan  étant 
situé  à  une  grande  altitude  —  environ  1.000  mètres  — une 
ville  entourée  de  montagnes  pouvait  être  dite  à  la  fois  très 
élevée  et  dans  un  puits'.  Pour  confirmer  cette  opinion,  on  pour- 


1.  Ke\)uè  critique,  1870,  I,  p.  298. 

2.  Mém.  de  la  Soc.  des  Antiquaires,  VII,  p.  100.  Walckenaer,  en  1815,  avait 
fait  valoir  le  même  argument  pour  placer  la  ville  des  Gahales  à  Antérieur 
(Mém.  de  la  Soc.  des  Antiq.,  V^  p.  400). 

3.  Aufeiner  AnhOhe  ineinemtiefen  Bergkessel  (Forbiger,  Geogr.,  III,  p.  166). 

V«  SÉRIE.  T.  Tlf.  9 


130  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

rait  citer  aujourd'hui  un  passage  remarquable  d'un  voyage 
dans  l'Amérique  du  Sud  par  James  Bryce,  publié  en  1912';  il 
s'agit  de  la  ville  de  La  Paz  :  «  Être  enfermé  entre  deux  chaînes 
élevées  et  deux  déserts,  vivre  au  fond  d'un  trou  et  cependant 
presque  au  niveau  du  sommet  des  Montagnes  Rocheuses  et  de  la 
Jungfrau,  sont  des  conditions  étranges  pour  un  lieu  habité  )). 

Lorsque  le  hasard  me  fit  rencontrer  ce  passage,  il  y  a  trois  ans, 
je  crus  un  moment  y  avoir  trouvé  l'explication  définitive  du 
texte  de  Sidoine  ;  mais  j'ai  bientôt  reconnu  qu'il  restait  inexpli- 
cable. 

Que  l'on  identifie  la  ville  en  question  —  qui  n'est  pas  néces- 
sairement le  chef-lieu  des  Gabales  —  à  Javols,  à  Malzieu,  à 
Antérieux,  à  Mende  ou  à  toute  autre  localité  de  cette  région*,  il 
est  sûr  qu'aucune  d'elles  ne  présente  un  aspect  qui  justifierait, 
même  de  loin,  les  lignes  de  Sidoine.  Aucune  d'elles  n'est, 
comme  La  Paz,  dans  un  trou;  une  ville  n'est  ni  dans  un  trou 
ni  dans  un  puits  parce  que  des  collines,  d'une  ou  deux  centaines 
de  mètres  de  hauteur,  en  bornent  l'horizon.  Mais  il  y  a  plus.  Si 
Sidoine  avait  voulu  dire  que  la  ville  des  Gabales  est  à  la  fois 
très  élevée  [sublimis)  et  dans  un  puits,  il  aurait  parlé  ainsi  en 
son  nom,  comme  l'a  fait  Bryce  pour  La  Paz;  il  se  serait  exprimé 
en  observateur  ami  de  l'antithèse,  mais  n'aurait  pas  mis  en 
cause  la  véracité  des  habitants.  Or,  le  vers  précédent,  quantum 
indigenae  votu?ii  putari,  est  aussi  clair  que  le  suivant  est  obscur  : 
Sidoine  dénonce  et  réfute  une  opinion  d'autrui  à  laquelle  il 
n'ajoute  pas  créance  et  qu'il  ne  précise  pas,  sans  doute  parce 
que  ses  lecteurs  gallo-romains  devaient  le  comprendre  à  demi- 
mot^ 

On  pourrait  être  tenté  de  chercher  une  explication  dans  le 

1.  Cf.  The  Athenaeum,  1912,  II,  p.  370. 

2.  Cf.  Cari  Muller  dans  son  éd.  de  Ptoléaiée  (Didot),  t.  I,  p.  206. 

3.  Racontanl  à  Heronius,  en  467,  son  voyage  à  Rome  {Epist.  17),  Sidoine 
écrit  qu'en  atteignant  le  Pô  il  s'est  amusé  (nst)  des  sœurs  de  Phaèton  «  et  des 
larmes  prétendues  du  métal  arborescent  »,  c'est-à-dire  de  la  fable  de  l'ambre, 
larmes  des  sœurs  de  Phaéton  transformées  en  peupliers.  On  voit  que  son 
ironie  pédante  s'exerçait  même  en  voyage. 


LE   PUITS    DU    GÉVAUDAN  131 

nom  même  de  la  ville,  Anderitum.  Le  préfixe  ande,  fréquent 
dans  les  noms  géographiques  en  Gaule  (Andecavi^  Andematun- 
num,  etc.),  a  un  sens  admiratif  ou  majoratif,  répondant,  à  la 
rigueur,  à  celui  de  suhlimis.  Mais  ritum  signifie  «  passage  »  et 
n'a  jamais  signifié  «  puits  »  ;  alors  même  qu'on  voudrait  sou- 
tenir que  l'idée  de  passage  implique  celle  d'ouverture  et  qu'un 
puits  est  une  ouverture,  il  resterait  que  Sidoine  ne  parle  pas 
d'une  ville  qui  se  nommerait  sublimis  puteus,  mais  d'une  ville 
sublimis  dans  un  puits,  in  puteo.  Enfin,  si  l'on  s'obstinait  à 
chercher  une  solution  de  ce  côté,  il  faudrait  changer,  au  vers 
précédent,  putari  en  vocari.  Tout  cela  est  impossible.  Même  en 
abandonnant  tout  espoir  d'y  voir  clair,  on  doit  s'en  tenir  à  notre 
double  constatation  :  Sidoine  marque  une  croyance  qu'il  ne 
partage  pas,  mais  que  les  indigènes  cherchent  à  faire  admettre 
des  voyageurs  ;  il  a  opposé,  par  antithèse,  sublimis  à  puteus,  ce 
qui  exclut  toute  interprétation  de  sublimis  au  sens  figuré. 

Guidé  par  l'assurance  que  Sidoine  vise  une  hâblerie  locale, 
un  prétendu  privilège  d'un  pays  aussi  mal  partagé  d'ailleurs 
que  le  Gévaudan,  je  prends  sublimis  au  sens  primitif,  celui  de 
((  céleste  »,  je  corrige  uribem  en  orbem,  ce  qui  n'implique  qu'une 
erreur  d  écriture  insignifiante,  et  je  traduis  librement  ainsi  : 
«  Alors  tu  verras  le  pays  neigeux  des  Gabales  ;  tu  verras  aussi 
—  du  moins  les  indigènes  voudront  te  le  faire  accroire  —  le 
globe  céleste  dans  un  puits  ». 

Sublimis  orbis  peut  désigner  l'un  ou  l'autre  des  globes 
célestes,  le  soleil  ou  la  lune;  je  pense  qu'il  s'agit  de  la  lune, 
comme  dans  le  Roman  de  Renart  et  la  fable  de  La  Fontaine 
(XI,  6)  : 

...  Un  soir  il  aperçut 
La  lune  au  fond  d'un  puits  :  l'orbiculaire  image 
Lui  parut  un  ample  fromage. 

La  Fontaine  croit,  ou  fait  semblant  de  croire,  que  la  lune 
peut  être  vue  au  fond  d'un  puits  par  un  renard  de  nos  pays, 
gascon  ou  normand.  Kn  réalité,  ce  phénomène  ne  se  produit 
jamais  en  France.  «  On  peut,  m'écrit  un  astronome,  voir  la 


l32  REVUE   ARCHÉOLOGIOUË 

lune  par  réflexion  au  fond  d'un  puits  seulement  si  elle  passe  au 
zénith  ou  très  près  du  zénith,  surtout  si  l'eau  est  à  30  mètres 
de  profondeur;  mais,  dans  nos  climats,  la  lune  ne  passe 
jamais  au  zénith.  Gela  ne  peut  arriver  que  dans  la  zone  torride, 
un  peu  élargie  cependant.  De  même  pour  le  soleil,  qui  ne 
passe  au  zénith  que  dans  la  zone  torride.  C'est  ainsi  qu'Eratos- 
thènes  observait  le  soleil  au  zénith  à  Syène  en  Egypte,  à  l'aide 
de  son  image  réfléchie  dans  les  puits.  » 

Sidoine  a  donc  eu  raison,  si  j'ai  raison  moi-même  en  l'in- 
terprétant, d'être  sceptique.  Les  Gabales  prétendent  posséder 
un  puits  —  sans  doute  un  puits  sacré  —  où  la  lune  se  mire;  ce 
serait  là,  en  effet,  une  grande  curiosité,  bien  digne  d'être 
montrée  aux  voyageurs.  Plus  d'un  sans  doute,  allant  de  Cler- 
mont  à  Narbonne,  s'y  était  laissé  prendre,  comme  Pausanias, 
pour  ne  citer  que  cet  exemple,  passant  la  soirée  sur  les  bords 
de  la  rivière  voisine  de  Clitor,  en  Arcadie,  afin  d'y  entendre 
chanter  les  poissons,  qui  ne  chantèrent  point  ce  soir-là*. 
Sidoine  sait  que  ses  lecteurs  sont  au  courant  de  cette  histoire 
du  puits  des  Gabales;  il  y  fait  allusion  pour  les  divertir. 

Évidemment,  les  Gabales  n'avaient  jamais  vu  la  lune  dans 
un  puits  ;  mais  il  a  dû  exister  dans  leur  pays,  qui  a  vu  éclore 
bien  d'autres  légendes  ^  une  légende  à  ce  sujet.  Cette  légende 
devait  même  être  répandue,  puisqu'on  en  trouve  l'écho  dans  le 
Homan  de  Heiiart.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'elle  n'était  pas 
isolée  dans  le  folklore.  «  L'ancien  proverbe  :  Montrer  la  lune  au 
puils,  dans  le  sens  d en  faire  accroire,  écrit  Sébillot^  est  vrai- 
semblablement fondé  sur  une  allusion  à  un  conte  qui  figure 
dans  diverses  versions  du  Roman  de  Renari  et  que  les  écrivains 
qui  l'ont  mis  en  œuvre  avaient  probablement  trouvé  dans  la 
tradition  populaire.  Le  renard  amène  le  loup  au  bord  d'un 


1,  Pausanias,  Vîli,  21. 

2;  Grégoire  de  Tours  parle  d'un  lac  sacré  du  Gévàudan  où  la  poj^ulatioû 
jetait  chaque  année  des  offrandes  (Gt'or.  conf.,  2).  Cf.  Longnon,  Géoqr.  de  la 
Gaule,  p.  528. 

3.  Sébillot,  Lg  folklore  de  France,  t.  II,  p.  326. 


LE    PUITS    DU   GÉVAUDAN  133 

puits  et,  lui  montrant   au  fond   Fimage  de  la  lune,  lui  fait 
accroire    que    c'est   un   fromage    ».    Le  même  auteur  nous 
apprend  qu'au  cap   Sizun,  où  la  lune    passe  pour  projeter, 
après  le  coucher  du  soleil,  un  venin  dans  l'eau,  on  recouvre 
les  puits  d'un  toit  en  pointe  pour  les  préserver  de  cette  mau- 
vaise influence.  Il  est  souvent  question  de  démons  qui  se  logent 
dans  les  puits   et  essayent  d'y  entraîner   les  femmes  et  les 
enfants  par  l'apparence  d'objets  brillants  qu'il   font  voir  au 
fond  *.  Dans  la  mythologie  Scandinave,  Odin,  qui  serait  le  soleil, 
a  caché  son  œil  dans  le  puits  de  Mimir,  qui  serait  le  génie  des 
eaux*.  A  Bethléem,  suivant  Grégoire  de  Tours,  on  montrait 
un  puits  oia  la  Vierge  avait  puisé  de  l'eau  et  où  l'on  disait  que 
les  personnes  pures  de  cœur  pouvaient  contempler  l'étoile  des 
mages.   «  J'ai  connu,   dit  Grégoire,  quelques  personnes  qui 
affirmaient  l'avoir  vue*  ».  Le  même  fait  a  été  allégué  en  1180 
par  Pierre  Comestor,  en  1211  par  Gervais  de  Tilbury  ;  Dom  Rui- 
nartditqu'on  montrait  encore  le  puits  aux  pèlerins  de  son  temps. 
Quant  à  l'assimilation  de  l'image  de  la  lune  à  un  fromage 
blanc,  ce  n'est  pas  une  plaisanterie  de  clerc*;  elle  se  trouve 
déjà  dans  Raschi,  rabbin  de  Troyes  mort  en  1105,   et  nous 
savons  par  Politès  qu'elle  appartient  aussi  à  la  mythologie 
populaire  de  la  Grèce  moderne*.  A  l'autre  extrémité  de  l'Europe, 
un  conte  danois  dit  que  la  lune  est  un  fromage  fabriqué  avec 
le  lait  de  la  Voie  lactée.  Il  n'y  aurait  rien  de  surprenant  qu'un 
conte  analogue  eût  existé  chez  les  Gabales,  car  il  se  trouve 
précisément  que  ce  peuple  était  renommé  pour  la  fabrication 
des  fromages  et  qu'on  les  exportait,  au  i^'  siècle,  jusque  sur  le 
marché  de  Rome  :  laus  caseo  Romae^  dit  Pline»,  ?iemausensi 
praecijjiiay  Lesurae  Gabalicique  pagi . 


1.  Sébillot,  ibld.,  p.  310. 

2.  Mogk,  ap.  Paul,  Grundriss  der  german.  Philol,,  \,  p.  1047.  Le  texte  est 
dans  l'Edda,  Voluspa,  22. 

3.  Gre^.  Tur.,  De  glor.  conf.^  I. 

4.  Cf.  Sudre,  Sources  du  Roman  de  Renart,  p.  233. 

5.  Cf.  Roscher,  Stlene^  p.  119. 
0.  Pline,'Aa/.  Hist.,  XLIf,  11. 


134  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Un  savant  à  qui  j'ai  soumis  mon  hypothèse  m'a  fait  observer 
que  les  Gabales,  au  dire  de  Strabon  (IV,  2,  2),  exploitaient  des 
mines  d'argent  et  m'a  rappelé  que  la  voûte  étoilée  peut  se  voir, 
en  plein  jour,  du  fond  d'un  puits  de  mine,  ce  que  les  anciens 
savaient  déjà.  Il  se  demandait  si  Sidoine  n'aurait  pas  fait  allu- 
sion à  ce  phénomène.  Je  ne  puis  admettre  cela,  pour  deux  rai- 
sons :  1°  Si  sublimis  or  bis  peut,  désigner  un  des  globes  célestes 
—  encore  n'en  ai-je  pas  trouvé  d'autre  exemple  —  il  me  semble 
impossible  d'entendre  par  là  la  voûte  étoilée  ;  2<^  s'il  s'était  agi 
de  la  voûte  étoilée  vue  du  fond  d'un  puits,  c'eût  été  un  fait  de 
constatation  facile,  et  Sidoine  n'aurait  pas  écrit  que  les  habi- 
tants voulaient  s'en   faire  accroire  en  le  relatant.  Pourtant, 
l'existence  de  mines  d'argent  chez  les  Gabales  peut  avoir  exercé 
quelque  influence  sur  la  légende  du  Puits  de  la  lune,  car  l'ar- 
gent est  le  métal  de  la  lune,  comme  l'or  est  celui  du  soleil,  et 
puisque  l'argent  se  trouve  au  sein  de  la  terre,  il  a  pu  sembler 
aux  Gabales  que  la  lune,  se  mirant  à  certains  jours  dans  l'eau 
d'un  puits  très  profond,  pouvait  présider  à  la  naissance  du 
métal  blanc. 

Salomon  Reinach. 


BULLETIN  MENSUEL  DE  L'ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS 


SEANCE  DU  1"  OCTOBRE  1915 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  une  note  de  M.  le  D'  Carton,  correspon- 
dant de  l'Académie,  sur  une  trouvaille  de  petits  objets  en  cristal  de  roche  pré- 
sentant un  intérêt  particulier  à  cause  de  la  rareté  de  cette  matière.  Le  plus 
curieux  est  une  petite  coupe  supportée  par  des  arcades  reposant  sur  des 
colonnes  cannelées;  M.  le  D'  Carton  y  voit  un  brûle-parfum,  mais  les  dimen- 
sions et  la  matière  semblent  s'opposer  à  cette  identification.  On  y  remarque 
deux  autres  coupes  dont  l'une  est  décorée  de  poissons,  d'un  lion  assis  et  d'un 
dauphin.  Ces  précieux  objets  ne  sont  plus  en  Tunisie  et  l'on  ignore  ce  qu'ils 
sont  devenus.  —  M.  Babelon  présente  quelques  observations. 

M.  de  Mély  communique  une  note  sur  la  tombe  de  Charlemagne  à  Aix-la- 
Chapelle.  —  MM.  Maurice  Prou  et  Durrieu  présentent  quelques  observations. 

SÉANCE  DU  8  OCTOBRE  19!5 

M.  Maspero,  secrétaire  perpétuel,  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  le  Ministre 
de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  transmettant  à  l'Académie  les 
remerciements  que  S.  M.  le  roi  d'Italie  lui  adresse,  par  l'intermédiaire  de  son 
ambassadeur  en  France,  à  propos  de  son  élection  en  qualité  d'associé  étranger 
de  l'Académie.  —  Il  communique  ensuite  deux  lettres  annonçant  la  mort,  sur 
le  champ  de  bataille  de  Champagne,  de  M.  André  Foucart. 

M.  Chavannes,  président,  dit  que  l'Académie  tient  à  s'associer  au  deuil  de 
M.  Paul  Foucart  et  informe  l'Académie  qu'un  autre  de  ses  membres,  M.  Paul 
Durrieu,  a  été  frappé  dans  la  personne  de  son  beau-frère,  M.  le  colonel 
Duchaussoy,  qui  a  été  tué  en  Champagne,  à  la  tête  de  son  régiment. 

M.  Théodore  Reinach  fait  une  communication  sur  l'origine  du  nom  grec  des 
Scythes  et  de  leur  nom  national,  Scolotes,  transmis  par  Hérodote.  Il  estime 
que  le  texte  de  l'historien  a  été  altéré  et  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  roi,  même 
légendaire,  du  nom  de  Scolotes.  Hérodote  faisait  allusion  à  Scythes,  fils  d'Her- 
cule. 

M.  Fougères  rend  compte  des  publications  et  des  travaux  de  l'Ecole  française 
d'Athènes  pendant  l'année  1914-1915. 

M.  Salomon  Reinach  donne  lecture  d'un  mémoire  de  M.  Seymour  de  Ricci 
sur  la  jeunesse  de  Shakespeare.  Depuis  quelques  années,  les  recherches  faites 
dans  les  archives  ont  permis  d'éliminer  bien  des  légendes  qui  s'étaient  créées 
autour  de  la  vie  du  grand  écrivain  :  rien  ne  prouve  qu'il  ait  jamais  été  bracon- 
nier et  poursuivi  comme  tel,  ce  qu'on  répétait  depuis  le  xvin*  siècle  ;  toutefois, 


136  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

il  reste  avéré  qu'en  1585  il  abandonna  femme  et  enfants  pour  aller  chercher 
fortune  à  Londres  ;  le  poète  avait  épousé,  sans  le  consentement  de  ses  parents, 
une  femme  plus  âgée  que  lui  de  huit  ans. 

SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1915 

M.  Chavannes,  président,  annonce  la  mort  de  M.  Wolfgang  Helbig,  associé 
étranger  de  l'Académie,  décédé  à  Rome  le  5  octobre. 

M.  Pottier  communique  quelques  chapitres  d'un  livre  sur  l'histoire  du  dépar- 
tement des  Antiquités  orientales  au  Musée  du  Louvre.  Il  fait  d'abord  l'histo- 
rique des  découvertes  de  Botta  en  Assyrie,  de  Saulcy  et  du  duc  de  Luynes, 
de  Renan  et  de  Clermont-Ganneau  en  Phénicie  et  en  Palestine,  de  Guillaume 
Rey  et  du  marquis  de  Vogué  dans  l'île  de  Chypre,  qui  ont  constitué  les  sections 
assyrienne,  phénicienne,  judaïque  et  chypriote.  Il  aborde  ensuite  la  consti- 
tution du  Musée  chaldéen  avec  les  fouilles  de  Sarzec  et  de  Gros,  celle  du  Musée 
élamite  et  perse  avec  les  travaux  de  la  mission  Dieulafoy  et  de  la  mission  de 
Morgan,  du  Musée  ibérique  avec  les  recherches  en  Espagne  d'Arthur  Engel  et 
de  Pierre  Paris.  Il  montre  ce  qu'est  devenu,  en  moins  d'un  siècle,  un  départe- 
ment qui,  vers  1817,  possédait  un  seul  monument  oriental  et  qui  en  compte  plus 
de  30.000  aujourd'hui.  —  MM.  Babelon,  Clermont-Ganneau  et  Maspero  présen- 
tent quelques  observations. 

M.  A.  Moret,  conservateur  du  Musée  Guimet,  communique  l'interprétation 
d'une  inscription  hiéroglyphique  récemment  découverte.  Elle  provient  d'un 
fonctionnaire  du  Moyen  Empire  thébain,  qui  raconte  comment  il  a  consti- 
tué une  maison  de  commerce  et  une  exploitation  agricole  avec  ses  ressources 
personnelles.  Ce  texte  présente  de  l'intérêt  pour  l'histoire  de  la  propriété  en 
Egypte.  —  M.  Maspero  présente  quelques  observations. 

SÉANCE  DU  22  OCTOBRE  1915 

M.  Pottier  achève  sa  communication  sur  l'histoire  du  département  des  Anti- 
quités orientales  au  Musée  du  Louvre.  Il  insiste  sur  les  avantages  multiples 
que  présente,  pour  un  musée,  la  voie  des  enrichissements  par  le  moyen  de 
fouilles  scientifiques,  plutôt  que  par  des  achats  dans  le  commerce.  —  MM.  Cuq, 
Babelon  et  Mgr  Duchesne  présentent  quelques  observations. 

M.  Bernard  Haussoullier  étudie  la  guerre  et  la  suspension  des  tribunaux 
dans  la  Grèce  antique.  Il  montre  combien  la  guerre  a  peu  troublé  la  vie  des 
tribunaux,  à  Athènes,  où  ils  étaient  pourtant  si  nombreux  et  où  tous  les  citoyens 
devaient  le  service  militaire  de  18  à  60  ans.  I!  n'en  allait  pas  de  même  dans 
d'autres  cités,  notamment  à  Delphes,  où  les  tribunaux  étaient  fermés  quand  les 
deux  tiers  des  citoyens  servaient  hors  des  frontières,  et  en  Béotie  où  le  cours 
de  la  justice  fut  si  souvent  et  si  longtemps  interrompu  dès  la  fin  du  nV  siècle 
a.  C. 

SÉANCE  DU  29  OCTOBRE  1915 

M.  Durrieu  signale  un  superbe  missel  romain  qu'il  a  jadis  étudié  à  la 
Bibliothèque  de  Munich.  Ce  missel,  copié  en  Italie  en  1374,  renferme  des 
peintures  signées  du  miniaturiste  Niccolo  di  Giacomo.  M.  Durrieu  a  découvert 


BULLETIN  MENSUEL  DE  l'aGADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS        137 

qu'en  1402  ce  manuscrit  se  trouvait  en  France,  chez  le  duc  Jean  de  Berry, 
frère  du  roi  Charles  V.  Puis  il  a  reconnu  que  des  armoiries  du  duc  de  Berry, 
qui  se  voient  en  lêle  du  texte,  recouvraient  un  blason  plus  ancien,  blason  du 
premier  possesseur  pour  qui  le  manuscrit  fut  enluminé.  Enfin,  grâce  à  une 
mention  d'un  des  inventaires  du  duc  de  Berry,  il  a  retrouvé  le  blason  primitif, 
qui  est  celui  de  Pierre  d'Estaing,  archevêque  de  Bourges  depuis  1367,  cardinal 
en  1370  et  mort  en  1377.  —  M.  Durrieu  rappelle  en  outre  que  Dante  a  immor- 
talisé un  miniaturiste  de  son  temps,  Oderisi  da  Gubbio;  or,  un  des  très  rares 
documents  d'archives  où  l'on  trouve  le  nom  d'Oderisi  est  relatif  à  des  manus- 
crits que  trois  Français,  étudiants  à  Bologne,  firent  expédier  de  Bologne  à 
Paris  en  1369. 

M.  Omont  donne  lecture  d'une  étude  sur  les  missions  remplies  en  Orient, 
de  1840  à  1855,  par  Minoïde  Mynas,  chargé  par  Villemain,  alors  ministre  de 
l'Instruction  publique,  de  rechercher  des  manuscrits  dans  les  couvents  de 
Salonique,  de  Serrés,  du  mont  Alhos  et  de  Trébizonde.  Les  missions  de  Mynas, 
dont  le  nom  reste  attaché  à  la  découverte  des  manuscrits  des  Fables  de  Babrius 
et  du  traité  de  la  Gymnastique  de  Philostrate,  eurent  pour  résultat  Tenvoi  de 
près  de  200  manuscrits  grecs  à  la  Bibliothèque  nationale. 

M.  Moïse  Schwab  lit  une  note  sur  une  coupe  portant  une  inscription  magique 
chaldéenne,  de  la  collection  de  M.  le  D'  Pozzi. 

SÉANCE  DU  5  NOVEMBRE  1915 

M.  Héron  de  Villefosse  communique,  de  la  part  du  lieutenant  Louis  Châte- 
lain, actuellement  au  Maroc,  le  texte  d'une  inscription  latine  découverte  à  Volu- 
bilis. Elle  concerne  un  personnage  appelé  M(arcus)  Valerius  Severus,  com- 
mandant des  troupes  auxiliaires  envoyées  contre  Aedemon,  alï'ranchi  du  roi 
Ptolémée.  Aedemon  avait  soulevé  la  Maurétanie  pour  venger  la  mort  de  son 
maître,  assassiné  par  ordre  de  Galigula.  On  savait  seulement,  par  une  phrase 
de  Pline,  que  cette  révolte  avait  eu  lieu  au  commencement  du  règne  de  Claude. 
Le  nouveau  texte  fait  connaître  le  nom  du  vainqueur  d'Aedemon,  de  celui  qui 
rétablit  le  calme  dans  la  province.  A  la  suite  d'une  mission  auprès  de  l'empe- 
reur Claude,  M.  Valerius  Severus  avait  obtenu  pour  les  habitants  de  Volubilis 
le  droit  de  cité  romaine,  le  connubium  avec  des  femmes  étrangères  et  une  immu- 
nité temporaire  pour  les  détenteurs  de  certains  biens.  Fils  d'un  indigène  qui 
portait  le  nom  punique  de  Bostar,  il  était  devenu  citoyen  romain  et  était  inscrit 
dans  la  tribu  Galeria. 

M.  Héron  de  Villefosse  fait  ensuite  connaître,  de  la  part  de  M.  H.  Rouzaud, 
le  texte  d'une  épitaphe  récemment  extraite  du  mur  de  l'hôlel  de  ville  de  Nar- 
bonne  et  concernant  un  négociant  romain  de  cette  localité. 

M.  Paul  Durrieu  termine  sa  communication  sur  le  Missel  du  cardinal  d'Es- 
taing. 

SÉANCE  DU  12  NOVEMBRE  1915 

M.  Edouard  Chavannes,  président,  annonce  la  mort  de  M.  Valois,  membre 
ordinaire  de  l'Académie  depuis  1902,  décédé  le  11  novembre. 

La  séance  est  levée  eu  signe  de  deuil. 


138  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

SÉANCE  DU  26  NOVEMBRE  1915 

M.  Edouard  Chavannes,  président,  retrace  brièvement  la  vie  et  les  œuvres 
de  M.  Noël  Valois,  membre  ordinaire  de  PAcadémie.  Il  annonce  ensuite  la  mort 
de  M.  Michel  Bréal,  membre  ordinaire  de  l'Académie  depuis  1875,  décédé  le 
25  novembre. 

La  séance  est  levée  en  signe  de  deuil. 

SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE  1915 

M.  JuUian  communique  les  résultats  des  travaux  de  M.  Commont,  directeur 
d'école  à  Saint-Acheul.  Avec  l'aide  de  la  municipalité  d'Amiens  et  de  M.  Piquet, 
sénateur  et  maire,  il  a  mis  au  jour  un  puits  gallo-romain  de  dimensions  inusi- 
tées (8  m.  50  d'ouverture  et  37  de  profondeur). 

M.  Collignon  lit  un  travail  sur  l'emplacement  du  hiéron  de  Cécrops  à  l'Acro- 
pole d'Athènes.  Les  inscriptions  relatives  aux  travaux  de  TErechtheion  le 
signalent  dans  le  voisinage  immédiat  du  portique  des  Corés.  Les  travaux  de 
la  Société  archéologique  d'Athènes  pour  la  restauration  de  l'Erechtheion  ont 
permis  d'arriver  à  plus  de  précision.  Certaines  particularités  de  construction 
dans  le  mur  ouest  témoignent  que  l'architecte  du  temple  avait  subi  la  nécessité 
de  respecter  un  petit  monument  qu'il  ne  pouvait  ni  détruire  ni  déplacer.  C'était, 
selon  toute  vraisemblance,  un  tombeau  ancien  datant  de  l'époque  mycénienne, 
et  que  la  tradition  identifiait  avec  la  sépulture  de  Cécrops,  le  premier  roi  légen- 
daire d'Athènes.  Le  nom  de  Cécropion  désignait  à  la  fois  le  tombeau  et  une 
enceinte  consacrée,  limitée  d'un  côté  par  le  Pandroseion  et  de  l'autre  par  le 
soubassement  de  l'Hécatompédon. 

M.  Héron  de  Villefosse  entretient  l'Académie  des  fouilles  que  son  correspon- 
dant, leR.  P.  Delattre,  poursuit  dans  une  vaste  basilique  chrétienne,  qui  ne 
comportait  pas  moins  de  sept  nefs.  Il  est  problable  qu'il  est  sur  l'emplacement 
d'une  des  basiliques  de  saint  Cyprien,  celle  dont  parle  Procope,  qui  avait  été 
occupée  par  les  Vandales.  Les  noms  relevés  sur  certaines  épitaphes  tendraient 
à  le  faire  croire.  Dans  le  sous-sol  il  a  rencontré  quelques  inscriptions  païennes: 
l'une  d'elles,  qui  a  un  caractère  votif,  mentionne  un  temple  de  la  Sécurité  et 
permet  de  croire  que  la  basilique  chrétienne  fut  construite  sur  l'emplacement 
de  ce  temple  païen. 

M.  George  Foucart,  directeur  de  l'Institut  français  d'archéologie  orientale 
du  Caire,  lit  une  note  sur  les  travaux  et  publications  de  cet  institut  durant 
l'année  1915  et  les  projets  que  l'on  essaiera  de  réahser  en  1916,  dans  la 
mesure  oij  le  permettront  les  événements. 

{Revue  critique.)  Léon  Dorez. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE 


MICHEL  BRÉAL 

Né  en  1832  à  Landau,  de  parents  français,  Michel 
Bréal  est  mort  à  Paris,  le  25  novembre  1915,  dans 
sa  quatre-vingt  quatrième  année.  Alourdi  par  l'âge 
et  marchant  avec  peine,  il  avait  renoncé,  depuis  dix 
ans,  à  ses  chaires  du  Collège  de  France  et  de  l'École 
des  Hautes-Études  en  faveur  de  son  brillant  élève 
M.  Maillet:  mais  il  restait,  du  moins  en  titre,  secré- 
taire de  la  Société  de  Linguistique,  fondée  en  1864, 
dont  il  était  déjà  secrétaire,  avec  Bergaigne  comme 
adjoint,  en  1868.  Tant  que  sa  santé  lui  permit  de 
sortir,  Bréal  ne  manqua  pas  une  séance.  Déjà  vieux, 

il  m'écrivait  un  jour  :  «Impossible  d'aller  à  votre  conférence,  ce  que  je  regrette; 

mais  il  y  a  Soc.  de  Ling.,  chose  sacrée.  » 


I 

Après  avoir  fait  ses  premières  études  à  Wissembourg  et  à  Metz,  Bréal 
entra  au  lycée  Louis-le-Grand  pour  se  préparer  à  l'École  Normale.  Il  y  fut 
admis,  avec  Perrot,  Benoist,  Goumy  et  Wescher,  en  1852.  J'ai  déjà  raconté 
ici*  comment  il  manqua  n'y  point  entrer.  On  était  alors  en  pleine  réaction. 
Quelques  semaines  avant  le  concours,  Perrot  et  Bréal,  s'étonnant  de  ne  point 
recevoir  de  lettre  de  convocation,  allèrent  aux  renseignements;  ils  apprirent 
q;je  l'Université  «  ne  désirait  passe  recruter  parmi  les  protestants  et  les  juifs  » 
(Bréal  était  Israélite,  et  Perrot  protestant).  Heureusement,  Bréal  avait  un  protec- 
teur qui  alla  trouver  le  ministre  Fould,  Israélite  lui-même,  dont  le  Prince  Prési- 
dent était  l'obligé;  Fould  intervint  d'urgence  et  fit  envoyer  des  lettres  aux 
candidats.  Sans  lui,  l'Université  de  France  et  la  science  française  eussent  été 
privées  d'un  Perrot  et  d'un  Bréal. 

L'École  Normale,  jusqu'au  ministère  de  Duruy,  resta  suspecte  au  pouvoir  ; 
Bréal  n'avait  pas  conservé  que  des  souvenirs  agréables  du  séjour  qu'il  y  fit  et 
de  l'enseignement  qu'il  y  reçut. 

3  avril  1909  :  «  Je  ne  cesse  de  me  mettre  en  rage  contre  ceux  qui,  vera  1851, 
ont  prétendu  discipliner  l'Université  et  «  réprimer  les  curiof^ilés  intliscrètes.  » 
C'est  sur  mon  année  à  l'École  Normale,  sur  celle  de  Perrol  et  dHt'Uz«y,  que  le 
système  a  été  inauguré.  Le  résultat,  vous  le  connaissez.  Une  certaine  entente  de 


1.  Rev.  archéol.,  1914,  II,  p.  122. 


140  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

l'art  d'écrire,  c'est  tout  ce  qu'on  voulait  nous  laisser.  11  fallait  être  d'une  foi 
résistante,  comme  Fustel  de  Goulanges,  pour  survivre  à,  un  tel  régime.  On  ne 
saura  jamais  au  juste  les  forces  qui  se  sont  perdues,  » 

12  janvier  1881  :  «  Je  n'ai  jamais  pu  lire  deux  pages  de  suite  d'une  grammaire 
dogmatique.  La  grandeur  de  Darwin  est  d'avoir  apporté  l'histoire  dans  la  zoolo' 
gie  et  dans  la  botanique.  Une  des  choses  qui  rendaient  l'étude  d'une  sécheresse 
rebutante  au  temps  de  ma  jeunesse,  c'est  que  le  professeur  s'appliquait  à  con- 
vaincre ses  élèves  que  tout  était  trouvé  et  quil  était  bien  permis  d'apprendre, 
mais  défendu  de  chercher.  C'est  la  même  idée  qui  a  régné  chez  les  Orientaux  et 
qui  donne  à  leur  philosophie  et  à  leur  poésie  un  fond  de  tristesse  et  de  décou- 
ragement. » 

Un  caprice  du  ministre  Forloul  fit  cependant  que  Bréal  apprit  à  l'École  l'exis- 
tence d'une  science  qui  s'appelait  la  grammaire  comparée. 

«  En  1852,  une  chaire  de  grammaire  comparée  fut  érigée  à  la  Sorbonne. 
C'était  une  science  d'origine  allemande,  dont  le  ministre  d'alors,  M.  Fortoul, 
avait  vaguement  entendu  parler.  Qui  pouvait-on  prendre  pour  l'enseigner?  La 
chose  n'était  pas  douteuse.  N'avait-on  pas  M.  Hase,  helléniste  illustre,  grammai- 
rien émioent,  qui  résumait  en  lui  toute  la  science  allemande?  On  avait  oublié 
une  seule  chose  :  c'est  que  la  grammaire  comparée  avait  été  créée  longtemps 
après  que  M.  Hase  eut  quitté  l'Allemagne  et  que  celui-ci,  occupé  d'autres  études, 
n'avait  probablement  jamais  lu  les  ouvrages  où  elle  était  exposée.  M.  Hase  se 
soumit  à  la  décision  du  ministre  :  il  commença  à  soixante-douze  ans  un  ensei- 
gnement nouveau,  ou  portant  un  titre  nouveau,  et  dans  un  cours  qui  ne  man- 
quait ni  d'intérêt  ni  de  charme,  il  apprit  à  ses  auditeurs  beaucoup  d'excellentes 
choses,  philologie,  épigraphie,  paléographie,  qui  ne  sont  pas  absolument  étran- 
gères à  la  grammaire  comparée.  » 

J'extrais  ces  lignes  d'un  joli  article  de  Bréal  sur  la  jeunesse  de  Hase*.  En 
1913,  je  mis  la  main  sur  un  résumé,  écrit  par  Diibner,  des  volumineux 
mémoires  manuscrits  de  Hase  (qui  ont  disparu)  et  je  communiquai  à  Bréal 
quelques  lignes  qui  le  concernaient  —  je  les  donnerai  plus  loin.  Bréal  me 
répondit  : 

«  Ce  bon  M.  Hase!  Comme  il  a  dû  se  moquer  de  nous,  avec  cet  air  naïf  qui 
répondait  si  bien  à  l'idée  qu'on  se  faisait  des  bons  Allemandsl 

Mais  comme  il  a  dû  souffrir  aussi  en  voyant  méconnues  et  méprisées  toutes  les 
belles  choses  qu'il  avait  apprises  à  Gœttingne  et  qu'il  enseignait  à  un  auditoire 
indifférent  ! 

Et  tout  de  même  il  ne  les  a  pas  enseignées  en  vain,  puisque  son  goût  de  la 
philologie  s'est  retrouvé  en  moi  et  qu'il  s'est  retrouvé  ensuite  chez  vous  et  chez 
beaucoup  d'autres 

Tout  de  même,  si  l'on  pense  à  l'École  d'Athènes,  à  celles  de  Rome,  d'Alger,  de 
Hanoi,  nous  pouvons  soutenir  la  comparaison.  Je  vois  venir  le  temps  où  les  étu- 
diants de  Gœttingue  viendront  se  perfectionnera  Paris.  » 

Ce  «  bon  M.  Hase  »  était  un  vilain  bonhomme,  cynique,  égoïste,  bas  adu- 
lateur ;  mais  il  est  certain  qu'il  a  joué  un  rôle  important  dans  l'histoire  de 


1.  Revue  des  deux  Mondes,  15  mars  1883,  p.  366. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  EÎ  CORRESPONDANCE    141 

la  philologie  française  en  y  maintenant  la  tradition  des  études  grecques  et  en 
ramenant  de  Goettingue  à  la  Sorbonne  «  notre  ancienne  science  française,  qui 
est  devenue  la  science  allemande*.  »  On  sait  qu'arrivé  tout  jeune  à  Paris  et 
protégé  par  Villoison,  il  avait  été  précepteur  des  fils  de  la  reine  Hortense; 
d'abord  employé,  puis  conservateur  à  la  Bibliothèque,  il  devint  professeur  à  la 
Sorbonne  en  1852  et  le  resta  jusqu'à  sa  mort  (1864). 

Les  Normaliens  de  1852  ne  pouvaient  pas  passer  l'agrégation  à  la  fin  de  la 
troisième  année  d'École  ;  ils  devaient  d'abord  faire  un  stage  dans  l'enseigne- 
ment. Ce  stage  accompli,  Bréal  fut  reçu  agrégé  (1857)  et  partit  pour  l'Alle- 
magne, afin  d'apprendre  le  sanscrit,  le  zend  et  la  grammaire  comparée  à 
l'école  de  Bopp  et  de  Weber.  Entre  autres  savants  d'avenir,  il  connut  à  Berlin 
Sophus  Bugge;  voici  un  extrait  d'une  lettre  oùil  parle  de  lui  (11  juillet  1907)  : 

«  J'apprends  par  votre  lettre  le  départ  de  mon  vieux  compagnon  d'études, 
mon  commililo  de  1858,  Sophus  Bugge,  pour  qui  j'avais  un  véritable  respect 
depuis  le  jour  oùil  nous  est  arrivé  au  cours  de  M.  Albrecht  Weber,  déjà  précédé 
d'une  réputation  de  philologue.  Il  était  de  deux  ou  trois  ans  plus  jeune  que  moi. 
Il  avait  déjà  publié  des  articles  osques  et  ombriens  dans  le  Journal  de  Kuhn. 
Pour  un  élève  frais  émoulu  de  la  rue  d'Ulm,  nourri  de  la  bonne  direction  de 
M.  Nisard  et  de  M.  Jacquinet,  c'était  prodigieux!  Mais  il  n'y  avait  pas  de  bluff. 
11  avait  rétincelle  qui  faille  savant.  Aussi  a-t-il  toujours  choisi  les  tâches  diffi- 
ciles... Le  caractère  était  à  la  hauteur  de  l'intelligence.  Gaston  Paris,  qui  l'avait 
vu  à  Christiania,  en  avait  été  frappé.  Il  nous  a  raconté  plusieurs  fois  comment 
il  avait  été  reçu  par  lui  et  comment  il  l'avait  vu  pleurer  en  parlant  des  désastres 
de  la  France.  Le  voilà  disparu,  lui  aussi!  Ascoli,  G.  Paris,  Bugge,  les  avertisse- 
ments se  succèdent  en  se  rapprochaut.  Ma  consolation  est  de  penser  que  je  lais- 
serai, pour  défendre  à  l'occasion  ma  mémoire,  un  ami  comme  vous...  » 

Revenu  à  Paris,  Bréal  publia  un  article  sur  les  livres  sacrés  de  la  Perse, 
sujet  qu'il  ne  perdit  jamais  de  vue  et  dont  il  inspira  le  goût  à  son  élève  James 
Darmesteter,  maintenant  ainsi,  dans  la  science  française,  la  tradition  d'Anque- 
til-Duperron  et  de  Burnouf. 

27  décembre  1893  :  «  Le  morceau  «  sur  la  composition  des  livres  zends  »  a  paru 
dans  le  Journal  asiatique  de  1862.  C'a  été  mon  premier  travail.  Si,  comme  je  le 
suppose,  vous  rendez  compte  du  livre  de  Darmesteter,  prenez  garde,  n'allez  pas 
trop  loin  à  sa  suite!  Il  a  été  obligé  de  dire  que  tout  était  moderne.  C'est  une 
exagération.  Je  vais  traiter  cette  question  dans  le  Journal  des  Savants.  » 

Le  18  mars  1863,  Bréal  fut  reçu  docteur  avec  deux  thèses,  l'une  sur  Hercule 
et  Cacus,  l'autre  sur  les  noms  perses  chez  les  écrivains  grecs  (De  Persicis  nomi- 
nibus  apud  scriptores  grœcos).  Voici  la  note  que  Hase,  un  de  ses  juges,  écrivit 
le  soir  de  la  soutenance  ;  je  la  donne  comme  spécimen  de  cet  abrégé  de 
m.émoires  rédigés  en  grec  *. 

1.  Bréal,  lettre  du  3  avrit  1909. 

2.  Il  est  impossible  de  publier  intégralement  ces  extraits  à  cause  de  leur  basse 
obscénité.  Ils  sont  de  la  maiu  de  DUbner,  élève  préféré  de  Hase,  qui  parait  sur- 
tout avoir  copié  les  passages  scabreux  et  malveillants.  —  Sur  la  fausseté  et  l'in- 
gratitude de  Duboer,  inspiré  des  mômes  principes  que  son  maître,  voir  les  détails 
donués  par  D.  iNi^ard,  Souvenirs  biographiques^  t.  Il,  p,  14  et  suiv. 


142  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

18  Mars  1863.  'EÇÉTadi;  toO  SoxTopl^ovxo;  Bréal.  Ilaprjarav  Leclerc,  Wallon, 
Egger,  Patin,  Himly.  Ka\  ï6r\^oi.,  çeO,  àvà  xpàro;.  *0  Egger  ax^ooy  àvuTcoGpopyjxo;. 
Ilaprjdav  6è  wç  ôeaxat  Renan,  Stanislas  JuUien,  Adolphe  Régnier.  'EXcixcoÇa  ôà 
açoSpûç  jjSTa^ù  Ttbv  èÇeTacrecav. 

II 

Bréal  était  alors  employé  à  la  Bibliothèque  impériale.  L'année  suivante,  Hase 
étant  mort,  la  chaire  de  grammaire  comparée  fut  transférée  de  la  Sorbonne  au 
Collège  de  France;  Bréal  fut  chargé  de  cet  enseignement  à  titre  provisoire,  puis 
titularisé  en  1866. 

Cette  année  même,  il  commença  à  prendre  une  part  active  à  la  rédaction  de 
la  Revue  critiqué,  où  il  a  écrit  un  grand  nombre  d'articles  de  philologie  indo- 
européenne et  dont  il  fut,  de  1872  à  1878;  un  des  directeurs. 

En  1868,  lors  de  la  création  de  l'École  des  Hautes-Études  par  Duruy,  Bréal 
devint  un  des  directeurs  de  la  section  de  philologie  et  d'histoire.  Il  travaillait 
alors  à  son  ouvrage  le  plus  considérable,  la  traduction  de  la  Grammaire  comparée 
de  Bopp  (1867-1872),  augmentée  de  remarquables  introductions.  On  est  d'accord 
pour  reconnaître  que  Bréal  a  fort  amélioré  son  modèle  ;  dans  la  mesure  res- 
treinte où  Bopp  est  encore  cité,  c'est  à  l'édition  française  que  l'on  renvoie. 

L'influence  de  l'exégèse  mythologique  de  Kuhn  et  de  Max  Mùller  avait  ins- 
piré la  thèse  française  de  Bréal  ;  elle  n'est  pas  moins  dominante  dans  son  long 
mémoire  sur  le  mythe  d'OEdipe,  publié  dans  la  Revue  archéologique  de  1863. 
Cet  écrit,  comme  la  thèse  sur  Hercule  et  Gacus,  est  rempli  de  choses  excel- 
lentes qu'on  aurait  tort  d'oublier;  mais  Bréal  reconnut  bientôt  lui-même  com- 
bien le  système  Kuhn-Muller  était  outré.  Il  n'aimait  pas  beaucoup  qu'on  lui 
parlât  de  ces  œuvres  de  jeunesse  et  je  ne  sais  à  quel  moment  précis  il  revint 
de  ses  erreurs  ;  toujours  est-il  qu'il  se  garda  d'y  retomber.  Un  service  qu'il 
rendit  à  la  science  française,  par  ces  deux  écrits,  fut  de  décréditer  le  symbo- 
lisme de  Creuzer.  Ce  n'est  donc  pas  sans  surprise  qu'on  a  dû  lire  dans  le 
TempSy  au  lendemain  de  la  mort  de  Bréal  :  «  Dans  ses  premiers  essais  appa- 
raît rinfluence  du  professeur  Kreuzer  {sic),  dont  le  regretté  Guigniaut  tradui- 
sait alors,  très  patiemment,  l'obscure  Symbolique.  »  C'est  exactement  le  contre- 
pied  de  la  vérité.  Le  Max-muUérisme  a  été  tué  par  H.  Gaidoz  et  A.  Lang;  mais 
c'est  Bréal,  en  France  du  moins,  qui  tua  le  Creuzérisme,  et  il  faut  lui  en  savoir 
quelque  gré,  bien  qu'il  l'ait  abattu  aux  pieds  d'une  idole  qui  n'était  pas  plus 
solide  et  s'est  maintenue  debout  encore  moins  longtemps. 

Après  la  guerre  de  1870-1871,  Bréal,  sans  négliger  la  linguistique,  s'occupa 
beaucoup  de  questions  d'enseignement;  son  petit  livre.  Quelques  mots  sur  ^ins- 
truction publique  en  France (1872),  fut  très  lu  et  exerça  une  influence  considé- 
rable sur  les  réformes  alors  en  cours.  Son  activité  philologique  se  portait  de 
préférence  sur  les  dialectes  de  l'Italie  ancienne;  il  publia,  en  1875,  un  ouvrage 
important.  Les  tables  Eugubines  (texte,  traduction  et  commentaire),  qui  con- 
tinue à  faire  autorité  et  lui  valut  le  titre  inattendu  de  v  citoyen  d'honneur  de 
Gubbio.  »  Bréal  n'a  jamais  cessé  de  se  tenir  au  courant  des  découvertes  épigra- 
phiques  relatives  aux  parlers  anciens  de  la  péninsule  et  leur  a  consacré  de  nom- 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE         143 

breux  mémoires*;  lors  de  la  publication  du  grand  ouvrage  de  Corssen  sur  la 
langue  étrusque,  il  fut  le  premier  à  démontrer  la  fragilité  d'une  méthode  d'in- 
terprétation qui  faisait  de  l'étrusque  «  du  latin  mal  prononcé  »  «.  Élu  membre 
de  l'Académie  des  Inscriptions  en  1875,  à  la  place  de  Brunet  de  Presle,  il 
publia,  deux  ans  après,  les  Mélanges  de  mythologie  et  de  linguistique,  précieux 
recueil  de  ses  travaux  les  plus  importants  •  ;  on  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas 
donné  d'autres  volumes  de  Mélanges,  car  la  dispersion  de  ses  écrits  est  extrême 
et  il  faut  avoir  sous  la  main  un  très  grand  nombre  de  brochures,  de  Mélanges 
un  tel  et  de  périodiques  *  pour  y  recueillir  l'expression,  toujours  élégante  et 
spirituelle,  de  ses  idées.  Sa  correspondance  ne  mériterait  pas  moins  d'être 
recueillie,  et,  sinon  imprimée  de  notre  temps  —  car  il  écrivait  avec  beaucoup 
de  franchise  —  du  moins  mise  en  lieu  sûr  pour  l'instruction  et  l'agrément 
de  l'avenir. 

III 

Bréal  ne  ménageait  pas  sa  peine  quand  il  s'agissait  de  créer  ou  de  déve- 
lopper des  institutions  utiles,  de  rendre  service  à  des  débutants,  d'instruire  la 
jeunesse  des  Ecoles  ou  le  corps  enseignant  à  tous  les  degrés.  11  fut  un  des  fon- 
dateurs de  la  Société  de  l'enseignement  secondaire  (1879),  de  VÉcole  alsacienne 
et  du  Collège  Sévigné  (enseignement  secondaire  des  jeunes  filles),  où  il  me  fit 
confier,  en  1885,  une  chaire  de  l'histoire  de  l'art.  Allié,  par  son  mariage,  à  des 
banquiers  opulents,  il  sut  user  de  son  crédit  auprès  d'eux  dans  l'intérêt  des 
desseins  élevés  qu'il  poursuivait. 

Parmi  ses  nombreux  élèves,  nul  ne  lui  fut  plus  cher  que  James  Darmesteter, 
dont  la  courte  et  rayonnante  carrière  a  été  retracée  par  lui  avec  émotion  ^. 
MM.  Meillet,  Sylvain  Lévi,  l'auteur  de  ces  lignes  et  bien  d'autres  encore  ont 
éprouvé  les  effets  de  sa  bienveillance,  autant  que  la  libéralité  de  son  savoir.  En 


1.  Le  chant  des  Arvales,  la  table  de  Bantia  (Afém.  Soc.  ling.,  t.  IV)  ;  trois  ins- 
criptions italiennes,  1876;  inscriptions  péligniennes,  1877;  la  plus  ancienne 
inscription  latine,  1882,  etc.  Il  s'occupa  aussi,  à  plusieurs  reprises,  de  textes  grecs 
dialectaux  :  déchiffrement  des  inscriptions  chypriotes,  1877;  texte  de  loi  de  Crète, 
1878  ;  inscription  de  Naupacte,  1879. 

2.  Revue  critique,  1874,  II,  p.  321  ;  1876,  I,  p.  81. 

3.  Hercule  et  Cacus  ;  le  mylhe  d'OEdipe  ;  la  géographie  de  l'Avesta  ;  la  légende 
du  Brahmane  converti  par  Zoroastre  ;  la  composition  des  livres  zeuds  ;  la 
méthode  comparative  appliquée  à  l'étude  des  langues;  la  forme  et  la  fonction  des 
mots;  les  progrès  de  la  grammaire  comparée;  les  idées  latentes  du  langage; 
quelle  place  doit  tenir  la  grammaire  comparée  dans  l'enseignement  classique  ; 
l'enseignement  de  la  langue  française;  les  racines  indo-européennes. 

4.  Journal  des  Savants.  Journal  Asiatique,  Revue  critique,  Revue  archéologique, 
Mélanges  de  Rome,  Mémoires  et  Bulletin  de  la  Société  de  Linguistique,  Comptes- 
rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  Revue  des  Deux-Mondes,  Revue  de  Paris, 
Revue  Bleue,  Revue  du  Palais,  etc.  Il  écrivit  aussi  au  Temps,  aux  Débats  et  dans 
d'autres  journaux.  Sa  bibliographie  complète  (à  moins  qu'il  n'en  ait  laissé  les 
éléments)  ne  sera  pas  facil<;  à  dresser. 

5.  L'œuvre  sciunlifique  de  James  Darmesteter,  dans  V Annuaire  de  C École  des 
llautes^Eludes,  1895. 


144  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

1879,  pendant  que  j'étais  à  l'Ecole  Normale,  Bréal  obtint  du  directeur,  Ernest 
Bersot,  l'autorisation  de  faire,  à  litre  gracieux,  une  douzaine  de  leçons  sur  la 
phonétique  indo-européenne.  Comme  chef  de  section,  j'avais  mission  de  les 
rédiger,  de  recevoir  le  professeur  à  la  porte  de  l'Ecole  et  de  l'y  reconduire. 
C'était  une  occasion  de  causer;  je  ne  la  perdis  point.  L'amitié  de  Bréal  ne  m'a 
jamais  fait  défaut  pendant  trente-cinq  ans.  En  1880,  il  annonça  mon  Manuel  de 
Philologie  dans  la  Revue  critique,  avec  une  indulgence  tempérée  de  quelque 
ironie,  mais  qui  me  parut  d'autant  plus  encourageante  que  Charles  Graux, 
moins  aimable,  avait  fait  suivre  l'article  de  Bréal  d'un  «  éreintement  ».  Long- 
temps après,  quand  parut  son  livre  sur  Homère,  Bréal  me  rappela  son  article  de 

1880,  en  me  demandant  de  le  critiquer  à  mon  tour.  Il  voulut,  vers  1886,  me 
faire  confier,  à  l'Ecole  des  Hautes-Études,  une  conférence  d'Introduction  à  la 
philologie,  projet  très  raisonnable  que  l'opposition  de  Tournier  fit  échouer, 
non  qu'il  me  fût  hostile,  mais  parce  qu'il  condamnait,  chez  les  philologues, 
toute  prétention  au  savoir  encyclopédique.  Je  ne  suis  plus  candidat,  mais  je 
continue  à  croire  que  cet  enseignement  fait  défaut  à  Pariset  qu'il  devrait  y  être 
institué,  non  moins  que  celui  de  l'histoire  générale  de  l'art. 

A  la  différence  de  son  maître  Hase,  Bréal  n'était  pas  prodigue  de  compli- 
ments et,  comme  il  avait  l'esprit  caustique,  il  mêlait  volontiers  un  grain  de 
poivre  à  ses  éloges.  J'en  pourrais  tirer  des  exemples  amusants  de  ses  articles 
imprimés;  j'aime  mieux  recourir  à  sa  correspondance,  fût-ce  à  mes  dépens. 

12  janvier  1881  :  «  Vos  étymologies  me  démontrent  qu'une  étude  prolongée  et 
sérieuse  de  la  phonétique  vous  fera  le  plus  grand  bien.  La  phonétique  ne  s'em- 
porte pas  d'as?aut...  C'est  là  le  côté  dangereux  de  ce  panorama  de  cours  qu'on 
fait  défiler  devant  les  élèves  de  lÉcole  Normale.  Ils  croient  avoir  vu  les  pays 
étrangers,  quand  ils  n'ont  vu  qu'une  toile  bien  éclairée  pendant  un  instant  sous 
un  verre  grossissant.  » 

Je  venais  de  lui  envoyer  Alluvions  et  cavernes,  sujet  qui  ne  l'intéressait 
guère  : 

11  août  1889  :  «  Je  ne  vous  comparerai  pas  à  l'autruche  qui  avale  des  cailloux  et 
digère  des  ressorts  de  montre  :  la  comparaison  serait  peu  obligeante.  Mais  la 
chimie  moderne  fait  de  la  vanille  et  du  sucre  avec  des  substances  inorganiques  ; 
ainsi  vous  transformez  les  bâtons  et  les  silex  en  une  sorte  de  philologie  •,  » 

Je  lui  annonçais  ma  candidature  à  l'Académie  : 

Octobre  1895  :  «  La  «  masse  de  vos  travaux  »  doit  être  diminuée  de  quelques 
étymologies,  qui  peuvent  compter  comme  contre-poids.  » 

Répondant  à  une  question,  je  lui  avais  proposé  un  schéma  de  je  ne  sais 
quoi  : 

20  novembre  1895  :  «  Les  schémas  (quel  mot!)  étant  généralement  destinés  à 
obscurcir  ce  qui  est  simple  et  clair,  le  vôtre  ne  laisse  rien  à  désirer.  » 


1.  Critique  très  juste  d'un  livre  qui  a  les  allures  d'un  manuel  d'antiquités 
gréco-romaine?,  alors  qu'il  s'agit  de  choses  toutes  différentes  —comme  les  pre- 
miers vapeurs  conservèrent  la  silhouette  des  voiliers. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  Et  CORRESPONDANCE    145 

Une  fois  de  plus  j'avais  hasardé  des  étymologies  : 

2  février  1903  :  «  Je  vous  trouve  étonnant.  SI  vous  étiez  bon  étymologiste,  que 
vous  manquerait-il  donc?  » 

Quand  la  critique  s'exprime  avec  tant  de  grâce,  quel  balourd  pourrait  s'en 
offenser? 

En  1879,  Bréal  fut  nommé  inspecteur  de  l'enseignement  supérieur,  emploi 
qui  fut  supprimé  avec  raison  quelque  temps  après.  Il  fit  des  voyages  fatigants 
et  alla  entendre  des  leçons  dans  diverses  Facultés.  Je  m'imagine  qu'il  dut  alors 
prodiguer  les  «  très  bien  >.  à  la  manière  de  Hase  et  garder  son  opinion  pour 
lui.  Mais  revenons  à  son  activité  philologique  qui,  vers  cette  époque,  allait  entrer 
dans  une  nouvelle  voie. 

IV 

Bréal  était  un  linguiste  philosophe;  l'étymologie  ne  lui  semblait  pas, 
comme  à  Pott,  l'objet  suprême  de  la  science  des  langues.  De  bonne  heure, 
comme  le  prouvent  ses  essais  Delà  forme  et  de  la  fonction  des  mois  (1866),  Les 
idées  latentes  du  langage  (1868),  il  prouva  qu'il  attachait  autant  et  plus  d'im- 
portance aux  sens  qu'aux  sons.  Lorsque  l'édifice  construit  par  Bopp  commença 
d'être  battu  en  brêclie  et  que  la  phonétique,  grâce  à  Saussure  (1879),  entra 
dans  une  voie  plus  étroite  et  plus  hérissée,  Bréal,  sans  cesser  de  la  cultiver 
—  car  il  la  considérait  comme  un  garde-fou  indispensable  —  s'appliqua  de  pré- 
férence à  l'étude  de  l'évolution  des  sens,  branche  de  la  philosophie  du  langage 
créée  par  Reisig  (1839)  sous  le  nom  rébarbatif  de  sémasiologie.  Bréal  y  subs- 
titua le  joli  mot  de  sémantique,  qui  a  fait  fortune,  et  écrivit  sur  cette  science  un 
livre  charmant  (1897  ;  5«  éd.,  1915).  Arsène  Darmesteter  avait  déjà  traité  de  la 
«  vie  des  mots  »  ;  mais  cette  conception  des  mots  vivants  recelait  une  trace  de 
mysticisme  qui  répugnait  à  l'esprit  cartésien  de  Bréal,  imbu  des  traditions  du 
xvru*  siècle  et  plus  voisin  de  Gondillac  que  des  frères  Grimm.  Il  regrettait 
un  jour,  traitant  de  la  loi  d'i  Grimm,  «  le  grain  de  mysticisme  que  l'auteur  de 
la  Deutsche  Grammatik  portait  en  toutes  ses  recherches.  »  Écartant  les  idées 
germaniques  sur  le  développement  spontané  des  langues  et  des  mots,  Bréal 
insista,  au  contraire,  sur  le  rôle  conscient  de  l'homme,  pliant  la  langue  à 
l'expression  de  ses  pensées,  ainsi  que  sur  les  influences  sociales,  l'école,  la 
littérature,  le  langage  des  classes  dirigeantes*.  Profondément  pensé,  admira- 
blement écrit,  ce  livre  contient  déjà  en  germe  VHomère  de  Bréal  :  c'est  une 
réaction  contre  toutes  les  théories  de  1'  «  inconscient  ». 

S'amusant  de  la  sémantique,  comme  d'un  enfant  de  sa  vieillesse  commen- 
çante, Bréal  écrivit  beaucoup  de  petits  articles  pour  en  appliquer  les  principes  : 

•<  Vous  qui  lisez  tout,  lisez-vous  la  Revue  Bleue?  J'y  fais  des  Variétés  philolQ- 
ffiques  dont  je  vous  envoie  un  spécimen.  C'est  Je  la  graine  jetée  un  peu  au 
hasard.  Gela  germe  quelquefois  mieux  qu'eu  serre  chaude.  » 

Ges   Variétés  philologiques  ne  portent  pas  seulement  sur  la  sémantique; 

1.  Cf.  Meillet,  Hevue  critique,  1898,  I,  141. 

V«  SÉRIE,    T.  m  "10 


146  REVUE  AftCHÉOLOGIQUE 

dans  le  nombre,  il  y  a  un  article  devenu  célèbre  sur  la  loi  de  Grimm  (1907),  où 
Bréal  ne  fut  pas  loin  de  conclure  que  les  Germains,  comme  les  Ibères  et  les 
Ligures,  avaient  adopté  une  langue  indo-européenne,  sans  être  Indo-européens 
eux-mêmes;  mais  il  jeta  cette  idée  hardie  sans  s'y  arrêter*. 

La  pédagogie  n'avait  jamais  cessé  de  l'intéresser.  Il  publia  des  Souvenirs  d'un 
voyage  scolaire  en  Allemagne  (1875),  des  Excursions  pédagogiques  (1882),  des 
brochures  et  articles  sur  l'enseignement  des  langues  vivantes  (1889),  sur  la 
nécessité  de  garder  le  latin  (1898),  sur  la  réforme  de  l'orthographe,  qu'il  vou- 
lait surtout  faite  de  tolérance  (1889),  etc.  Il  composa  aussi,  avec  Person  et 
Bailly,  quelques  ouvrages  solides  pour  l'enseignement  secondaire,  Les  mots 
latins  (1881),  Dictionnaire  étymologique  latin  (1885,  encore  utile),  Grammaire 
latine  (1888). 

2  novembre  1887  :  «  Savez-vous  à  quoi  j'ai  passé  mes  vacances?  A  rédiger  une 
grammaire  latine  pour  les  classes.  Je  vous  ai  lu,  j'ai  lu  Havet,  Guardia,  Riemann, 
tous  les  Lhomond,  et  ma  conclusion  est  que  ce  qu'il  y  aurait  de  mieux  à  faire 
serait  de  prendre  Burnouf.  Il  avait  un  peu  trop  de  propension  pour  les  abstrac- 
tions philosophiques,  ce  que  vous  lui  reprochez  avec  raison.  Mais  pour  la  dis- 
position des  matières  et  le  choix  des  exemples,  il  est  difficile  de  faire  mieux.  Si 
on  avait  continué  de  pratiquer  Burnouf  dans  les  classes,  en  le  perfectionnant  peu 
à  peu,  comme  on  a  fait  en  Allemagne  pour  le  Zumpt,  les  études  latines  s'en 
trouveraient  mieux  aujourd'hui.  Mais  là  aussi  il  y  a  eu  solution  de  continuité  et 
la  grammaire  latine  est  devenue  chez  nous  un  terrain  mouvant  sur  lequel  rien  ne 
tient  plus  debout.  » 

De  1880  à  1896,  Bréal  fut  un  des  membres  les  plus  actifs  du  Conseil  supé- 
rieur de  l'Instruction  publique,  où  il  avait  été  appelé  par  Jules  Ferry.  Avec 
une  persévérance  infatigable,  il  y  soutint  la  cause  des  études  classiques  et 
combattit  des  réformes  qui,  bien  que  se  réclamant  parfois  de  ses  Quelques  m.ols, 
lui  semblaient  porter  atteinte  à  l'enseignement  des  humanités.  «  En  1896,  lors 
d'un  renouvellement  du  Conseil  supérieur,  un  ministre  raya  le  nom  de  Michel 
Bréal  de  la  liste  des  conseillers  à  sa  nomination*.  »  Cette  injustice  ne  l'em- 
pêcha pas,  en  1899,  de  se  présenter  en  accusateur  devant  la  commission  d'en- 
quête parlementaire  présidée  par  M.  Ribot.  «  Il  signala  publiquement  les  fautes 
commises  et  dégagea  sa  responsabilité,  demanda  le  retour,  pour  l'enseignement 
sans  lalin,  aux  conceptions  de  Duruy,  protesta  contre  l'idée  d'amputer  encore 
de  grec  les  études  classiques,  critiqua  le  monopole  de  fait  dont  jouissait  l'alle- 
mand, de  par  les  programmes  des  grandes  écoles,  montra  l'impossibilité  d'intro- 
duire en  France,  à  la  place  du  baccalauréat,  le  système  de  l'examen  intérieur, 
demanda  des  programmes  allégés  et  pour  les  lycées  plus  d'autonomie  effec 
tive  »».  Malheureusement  il  ne  fut  point  écouté;  il  le  sera  peut-être  demain. 

Dans  ses  réponses  à  Frary,  Lemaître  et  autres,  qui  songeaient  à  la  suppres- 

1.  Bréal  connaissait  très  bien  les  origines  germaniques  (Influences  de  Rome  sur 
le  monde  germanique,  1889)  et  la  littérature  allemande  du  xvm^  siècle  {Deux 
éludes  sur  Gœlhe,  1898). 

2.  H.  Bernés,  L'Enseignement  secondaire,  nov.-déc.  1913,  p.  77. 

3.  Jbid. 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  147 

sion  du  latin,  Bréal  insistait  sur  la  valeur  éducative  de  Ja  pensée  des  anciens, 
saisie  sans  intermédiaire,  sur  ces  éternels  lieux  communs  de  la  sagesse  —  mépris 
de  l'argent,  respect  de  la  parole  donnée  —  qu'ils  sont  seuls  capables  d'enseigner 
et  d'imprimer  dans  les  âmes.  Bréal  avait  fait  sienne  cette  opinion  de  Renan  : 
«  La  langue  ancienne  subsiste  comme  une  forme  antique  dans  laquelle  la 
pensée  moderne  devra  venir  se  mouler,  au  moins  pour  le  travail  de  l'éduca- 
tion ».  Partageant  sa  conviction  sur  la  valeur  éducative  de  la  littérature 
romaine,  je  choisis  en  conséquence  les  exemples  et  les  courtes  phrases  de  ma 
troisième  grammaire  latine,  Cornélie.  Il  m'écrivit  à  ce  sujet  (12  octobre  1912)  : 

«  C'est  une  idée  féconde  et  vraiment  humaine  d'associer  l'éducation  morale  à 
la  philologie.  C'est  aussi  le  retour  à  la  tradition  et  aux  origines.  Le  fait  est  que 
j'ai  été  souvent  affligé  de  lire  les  exemples  insignifiants  et  pitoyables  dont  sont 
remplies  nos  grammaires.  Quelle  meilleure  occasion  pourtant  de  graver  —  sans 
en  avoir  expressément  l'intention  —  de  belles  pensées,  d'utiles  et  salutaires 
maximes  dans  Tesprit  des  enfants  ?  J'espère  que  votre  petit  livre  fera  école  et 
marquera  comme  un  modèle  à  suivre  chez  nos  grammairiens,  trop  exclusivement 
occupés  soit  de  phonétique,  soit  d'étymologie  ou  de  règles  d'accord.  » 

Bréal  suivit  de  f)rès  mes  travaux  d'histoire  religieuse  et  d'exégèse  mytholo- 
gique; il  m'écrivit  souvent  pour  les  approuver  ou  les  critiquer.  Mais  lui,  qui 
avait  débuté  par  ces  études,  leur  avait  dit  un  adieu  définitif.  S'il  s'intéressait 
toujours  aux  recherches  de  folklore,  écrivant  la  préface  de  la  réédition  du  livre 
de  Maury  sur  les  légendes,  lisant  et  admirant  les  écrits  du  grec  Politès,  s'em- 
ployant  à  trouver  des  souscriptions  pour  la  publication  posthume  de  (a  Flore  de 
Rolland,  il  s'abstint  de  toute  intervention  dans  les  controverses  suscitées  par  le 
modernisme  et  la  nouvelle  école  d'exégèse  mythologique.  Sa  philosophie  reli- 
gieuse était  celle  du  xviii*  siècle;  il  condamnait  tous  les  fanatismes,  même  le 
fanatisme  incroyant.  J'ai  lieu  de  penser  qu'il  ne  resta  pas  étranger  au  mouve- 
ment moderniste  (il  connut  au  moins  quelques  écrits  de  M.  Loisy),  mais  il  se 
retranchait  derrière  son  «  ignorance  »  quand  on  lui  demandait  son  avis  sur  ces 
choses-là.  Quelques  extraits  de  ses  lettres  viendront  à  l'appui  de  ce  que  j'écris. 

30  octobre  1907  :  «  Je  voudrais  surtout  aller  aux  séances  oh  l'on  nomme  ou 
propose  des  correspondants.  J'ai  un  candidat,  un  Grec  d'Athènes,  qui,  par 
extraordinaire,  ne  fait  pas  d'archéologie.  Il  s'appelle  N.  G.  Politès;  il  est,  je  crois, 
professeur  à  l'Université  d'Athènes.  Je  ne  le  connais  pas  et  il  ne  se  doute  cer- 
tainement pas  que  je  lis  ses  ouvrages.  Mais  je  suis  dans  l'admiration  de  sa 
science.  Je  ne  connais  pas  en  ce  moment  un  second  folkloriste  de  sa  force.  » 

2  août  1904  :  «  Ne  vous  attendez  pas  à  trouver  en  moi  un  docteur  en  Écriture 
sainte.  Je  suis  particuUèrement  ignorant  eu  cette  matière,  un  vrai  am-koorez, 
comme  disait  une  vieille  tante  à  moi.  Il  faut  vous  dire  que  j'ai  été  exclusivement 
uourri  de  vers  latins.  J'ai  reconnu  plus  tard  les  inconvénients  de  ce  régime 
échauffant  et  peu  fortifiant,  mais  il  était  trop  tard  pour  y  porter  remède.  » 

26  juillet  1902  :  «  Le  Saint  Office  est  peut-être  mort,  mai»  son  esprit  n'est  pas 
près  de  disparaître.  » 

29  juillet  1908  :  «  Je  viens  de  lire  votre  article  sur  naquisition  d'Espagne.  Ne 
croyez  pas  qu'elle  ne  pourrait  revenir.  Elle  pourrait  très  bien  revenir,  quoique 
sporadiquemeut  et  pour  peu  de  temps.  Nous  avons  des  journaux  qui  font  de  leur 


148  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

mieux   pour  en   préparer  le  retour...    Mais  ce   sont   des  prévisions  qu'il   faut 
écarter.  » 

8  février  1908  (il  s'agissait  du  prix  Lefèvre-Deumier,  dont  l'attribution  souleva 
des  controverses  qui  eurent  un  écho  indiscret  dans  la  presse;  cf.  Cultes,  mythes, 
t.  IV,  p.  444  et  suiv.j  «  Je  proposerais  qu'on  votât  d'abord  sur  Loisy,  auquel  je 
suis  prêt  à  donner  ma  voix.  S'il  n'a  pas  de  majorité,  je  serais  disposé  à  proposer 
Mélasine.  » 


J'en  viens  à  rimporlant  ouvrage  sur  Homère  qui,  préparé  par  toute  une 
série  d'articles  et  de  notices,  marque  le  terme  de  l'aclivilé  scientifique  de  notre 
maître  et  ami.  Bréal  ne  pouvait  qu'éprouver  de  la  méfiance  à  l'égard  des  théo- 
ries, très  en  faveur  au  temps  de  sa  jeunesse,  qui  faisaient  des  poèmes  homé- 
riques l'expression  quasi  inconsciente  du  génie  grec  encore  au  berceau.  Il  relut 
Homère,  Vlliade  surtout,  et  se  fit  une  opinion  toute  différente.  Mais  je  vais, 
le  plus  possible,  le  laisser  parler. 

3  février  1903  ;  «  Vous  allez  recevoir  une  épreuve  de  mon  article  sur  Homère 
[Revue  de  Paris].  Faites-moi  toutes  les  critiques  que  vous  jugerez  à  propos, 
mais  surtout  avertissez-moi  s'il  y  a  des  erreurs  matérielles.  » 

8  février  1903  :  «  Je  vous  remercie  pour  vos  observations  qui  m'ont  toutes  paru 
fondées  et  dont  j'ai  pu  encore  profiter.  Le  dernier  mot  m'a  récompensé  de  mes 
trois  mois  de  travail...  J'ai  lu  ce  Paley  que  vous  m'avez  fait  connaître.  H  a  du 
bon  sens,  comme  eu  général  les  Anglais  quand  ils  suivent  leur  propre  instinct.  » 

8  mars  1905  :  «  Je  vois  bien  que  j'ai  tort  de  ne  pas  être  archéologue  ;  mais  que 
voulez-vous  ?  Gela  tient  à  mon  âge.  L'objet  que  je  m'étais  proposé  surtout  dans 
ce  second  article  était  de  montrer  comment  un  tel  amas  de  poésie  (16.000  vers) 
pouvait  s'expliquer.  Je  l'explique  : 

1°  Par  la  supposition  d'un  sanctuaire.  Je  substitue  une  corporation  à  l'idée 
d'un  poète  isolé; 

2»  Par  la  supposition  d'envois  successifs  et  obligés.  Ce  ne  sont  pas  des  suites 
bénévoles,  comme  quand  Gœthe  a  fait  son  Achilléide.  De  cette  façon  s'expliquent 
certains  morceaux  qui  sont  de  véritables  pensums.  Il  fallait  fournir  quelque  chose 
de  nouveau  pour  la  fête  annuelle  et  quinquennale...  Je  ne  sais  si  mon  idée  est 
neuve.  Mais  elle  fait  comprendre  l'existence  et  la  conservation  par  écrit  de  ces 
grandes  compositions...  Je  ne  demande  pas  mieux  que  d'être  juste  pour  la  civi- 
lisation égéenne.  Mais  je  la  connais  encore  trop  peu  pour  en  parler...  Où  pour- 
rais-je  me  renseigner  sur  ce  Dipylon  qui  fait  tant  parler  de  lui  et  qui  m'a  l*air 
d'être  un  parent  éloigné  du  Pirée  ?  >; 

15  avril  1905  :  «  Je  vois  que  vous  avez  de  la  peine  à  digérer  les  sanctuaires 
d'Egypte.  J'ai  eu  le  tort,  en  effet,  de  parler  de  ce  que  je  ne  connais  pas  ou  de  ce 
que  je  connais  mal.  Mais  ne  croyez  pas  que  j'aie  pris  mon  mince  savoir  chez  X... 
Mon  respect  pour  la  science  égyptienne  remonte  plus  loin  :  eu  cherchant  bien,  je 
crois  que  cela  vient  en  ses  premiers  commencements  d'une  pièce  fugitive  de 
Schiller.  Ce  que  racontent  les  Grecs  de  la  sagesse  égyptienne  ne  pouvait  que  me 
confirmer  dans  cette  opinion.  Après  tout,  cela  n'est-il  pas  plus  près  de  la  Grèce 
que  les  visions  stolides  et  grossières  des  indigènes  de  l'Amérique  et  del'Océanie? 
Si  c'est  de  là  que  doit  nous  venir  la  lumière,  je  cède  la  parole...  » 

Pour  mieux  connaître  Homère  parut  en  novembre  1906.  Bréal  désirait  que 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE    149 

j'en  rendisse  compte  à  la  Revue  critique;  mais  je  lui  objectai  que  cet  honneur 
revenait  à  My  (Mondry-Beaudouin),  dont  l'excellent  article  ne  tarda  pas  à 
paraître  {Rev.  crit.,  1907,  I,  p.  96-99).  My  fit  surtout  des  réserves  sur  la  date 
trop  basse  proposée  par  Bréai,  le  début  du  vii«  siècle  : 

«  11  faut  qu'Homère  ait  été  séparé  de  Pisisirate  de  plus  de  150  ans  si  récriture 
était  en  usage,  si  peu  même  que  ce  fût,  pour  que,  dans  ce  court  espace  de  temps, 
l'origine,  la  personnalité,  la  vie  d'un  personnage  si  universellement  respecté, 
admiré,  imi'é,  aient  totalement  diï^paru  de  la  mémoire  des  hommes...  J'ajoute  que 
dans  ces  poèmes  «  composés  pour  faire  partie  du  programme  des  jeux  et  des 
fêtes  dans  le  pays  de  Lydie  »,  il  est  à  peiue  question  de  la  Méonie...  » 

Mon  compte-rendu  —  plus  bref  —  parut  dans  la  Revue  des  Études  grecques 
(l907,  p.  99).  J'y  rendais  surtout  hommage  à  la  partie  grammaticale,  le  nou- 
veau et  aimable  Lexilogus.  Bréal  en  fut  un  peu  froissé,  mais  son  mouvement 
d'humeur,  que  j'aurais  dû  prévoir,  ne  dura  point  : 

«  Je  vois  bien  que  vous  me  renvoyez  à  ma  grammaire.  Je  suppose  que  ce  sera 
le  ton  général  de  la  presse,  au  moins  de  la  presse  universitaire.  C'est  toujours 
l'objection  qu'on  fait  à  un  homme  qui  a  été  classé.  Un  grammairien  se  permettre 
un  jugement  en  histoire,  en  littérature!...  Mais  cela  m'est  égal.  Je  crois  que 
l'avenir  me  donnera  raison,  » 

«  Je  me  rappelle  que  vous  m'avez  donné,  il  y  a  quelques  années,  une  liste  de 
savants  anglais  et  américains  s'intéressant  au  grec.  Je  voudrais  faire  la  même 
chose  pour  la  question  homérique.  Mais  comme  il  peut  y  avoir  eu  des  change- 
ments, je  viens  vous  demander  de  me  donner  une  édition  révisée  et  complétée 
de  votre  liste  de  scholars  capables  de  juger,  disposés  à  approuver  et  —  ce  qui 
ne  vaudrait  pas  moins  —  à  combattre  les  conclusions  que  je  propose...  J'ai  vu 
hier  ce  bon  Jullian  qui  m'a  fait  bien  plaisir  en  me  disant  qu'il  était  absolument 
dans  les  mêmes  idées.  Faisons  la  guerre  aux  légendes,  combattons  la  supersti- 
tion sous  toutes  ses  formes  !  » 

9  octobre  1907  :  «  Avez-vous  vu,  dans  la  Neue  Philologische  Rundschau,  un 
article  sur  VHomere  de  votre  serviteur?  Un  éreinlement  !  J'espère  que  mainte- 
nant les  autres  vont  venir,  et  qu'on  sera  plus  équitable.  » 

En  général,  la  critique  allemande  fut  peu  bienveillante  et  surtout  trop  som- 
maire ;  mais  les  éloges  d'un  helléniste  comme  Gildersleeve  (dans  V American 
tournai  of  Philology)  et  d'un  archéologue  comme  son  vieux  camarade  Perrot 
(dans  le  Journal  des  Savants)  durent  être  sensibles  à  Bréal.  On  dit  souvent,  et 
fort  à  la  légère,  qu'un  ouvrage  «  fait  époque  »  ;  je  suis  convaincu  qu'on  ne  le 
dit  pas  en  vain  de  celui-là,  en  dépit  de  ses  exagérations  et  de  ses  lacunes. 
C'est  à  la  critique  française  de  veiller  désormais  à  ce  que  les  idées  neuves  de 
Bréal  ne  nous  reviennent  pas  démarquées  du  dehors,  comme  cela  c'est  déjà  vu. 
Mais  il  sera  juste  de  ne  pas  oublier  que  cette  nouvelle  exégèse  homérique, 
dégagée  de  tout  mysticisme  ethnique,  était,  comme  on  dit,  «  dans  l'air  »  ;  il 
peut  y  avoir  rencontre  sans  emprunt*. 


1.  Pendant  qu'il  imprimait  son  livre,  Bréal  reçut  la  visite  d'un  célèbre  savant 
allemand  et  lui  exposa  sa  thèse.  —  «  Mais  c'est  ce  que  uous  enseignons,  dit  le  phi- 


150  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

VI 

Bréal  n'avait  rien  d'un  athlète  —  une  tête  puissante  juchée  sur  un  petit 
corps,  des  jambes  et  des  bras  trop  courts.  Mais  il  aimait  beaucoup  le  sport  chez 
les  autres  et  l'encouragea  tout  d'abord  dans  sa  famille.  En  1896,  lorsque  la 
tradition  des  jeux  olympiques  fut  reprise  en  Grèce,  il  offrit  la  coupe  de  Mara- 
thon et  eut  même  un  instant  le  projet  de  la  remettre  lui-même  au  vainqueur. 

9  mars  1896  :  «  Je  vous  serais  bien  obligé  de  me  dire  si  votre  luteution  est  de 
vous  trouver  à  Athènes  pour  le  commencement  des  jeux  olympiques.  Vous 
devinez  que  c'est  pour  la  coupe  de  Marathon^  que  je  voudrais  confier  à  vos  soins, 
avec  prière  de  la  remettre  là-bas  à  M.  Bikelas.  J'ai  encore  réfléchi  au  voyage 
d'Athènes  et  je  me  suis  convaincu  que  le  temps  dont  je  pourrais  disposer  serait 
trop  court  pour  m'imprégner  l'esprit  et  les  yeux  comme  je  voudrais  le  faire.  Je 
remets  ceci  (c'est  peut-être  un  vain  espoir  dont  je  me  berce)  à  un  autre  moment.  » 

Ce  moment  ne  devait  jamais  venir.  Pourtant,  pendant  neuf  ans  encore, 
Bréal  ne  sentit  guère  les  atteintes  de  la  vieillesse;  c'est  depuis  1905  seulement 
qu'il  cessa  de  fréquenter  régulièrement  l'Académie  et  la  Société  de  Linguis- 
tique. 

15  août  1905  :  «  Ma  santé,  qui  avait  été  (sauf  le  mal  de  genou)  excellente  jus- 
qu'à présent,  a  l'air  de  vouloir  se  déranger  et  m'oblige  à  des  ménagements.  » 

30  octobre  1907  :  «  Ne  croyez  pas  qu'il  ne  m'en  coûte  pas  de  devenir  si  rare  à 
l'Institut.  Mais  tous  les  mouvements  chez  moi  sont  difficiles  ...  Descendre  de  voi- 
ture est  toute  une  affaire...  » 

On  vit  encore  Bréal,  de  loin  en  l©in,  aux  jours  d'élection;  mai?  sa  démarche 
lente  et  pénible  faisait  pitié.  L'intelligence  resia  intacte,  sinon  jusqu'à  la  fin, 
du  moins  beaucoup  plus  longtemps  que  les  facultés  motrices.  Bréal  s'est  éteint 
doucement,  entouré  de  soins  affectueux.  Veuf  depuis  vingt-cinq  ans,  il  laissa 
deux  fils  et  une  fille;  un  de  ses  fils  s'est  fait  connaître  par  de  bons  livres  sur 
Rembrandt  et  sur  Vélasquez;  un  autre  a  fait  des  efforts  tenaces,  secondés  par 
l'opinion,  pour  simplifier  le  style  de  la  procédure.  Combattre  le  jargon  et  le 
verbiage,  c'était  là  une  tâche  digne  d'un  Bréal  *. 

Salomon  Reinach. 


lologue.  —  Alors,  répartit  Bréal,  c'est  dans  votre  enseignement  ésotérique,  car 
ceux  de  vos  livres  que  j'ai  lus  disent  tout  autre  chose  ».  —  Qui  nous  donnera  une 
histoire  de  la  critique  homérique  depuis  les  fouilles  de  Schliemann,  moins  exclu- 
sivement allemande  et  plus  lisible  que  les  Jahresberichte  de  Bursian  et  autres, 
attachant  autant  et  plus  d'importance  aux  articles  qu'aux  livres,  puisqu'un  livre, 
au  moment  où  il  paraît,  est  déjà  en  retard? 

1.  On  a  discuté  sur  l'origine  du  nom  de  Bréal  qui  ne  se  retrouve  pas  en  dehors 
de  la  famille  de  ce  savant.  Peut-être  n'est-ce  qu'une  mauvaise  lecture  du  nom 
Bruel  (Brûl),  due  à  un  greffier  alsacien  d'autrefois  qui  savait  à  peine  le  français. 
Les  noms  Bigart,  Biguart,  Picquart  ne  sont  de  même  que  des  variétés  du  nom 
Picard,  mal  articulé  ou  mal  transcrit.  Je  dois  cette  hypothèse  à  l'obligeance  de 
M.  Jacques  Bigart. 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE         151' 
CHARLES  AVEZOU 

Un  nouveau  deuil  atteint  l'École  française  d'Athènes,  après  la  mort  de  Gabriel 
Leroux,  et  alors  que  l'absence  de  nouvelles  de  A.  J.-Reinach,  de  J.  Paris  el 
de  G.  Blum  prête  aux  plus  graves  inquiétudes.  Charles  Avezou,  membre  de 
quatrième  année  de  TÉcole,  a  été  tué  à  l'ennemi  en  Serbie.  Depuis  le  début 
de  la  guerre,  Avezou  avait  montré  la  plus  brillante  bravoure.  Sergent  d'infan- 
terie, il  est  cité  à  l'ordre  du  jour  «  pour  ses  qualités  exceptionnelles  de  sang- 
froid  et  de  décision  sous  le  feu  ».  Blessé  en  Artois,  le  18  septembre  1914,  il 
reçoit  la  médaille  militaire;  à  peine  guéri,  il  rejoint  son  régiment;  il  est  blessé 
une  seconde  fois  en  Picardie,  et  promu  sous-lieutenant.  Chargé  de  former 
une  compagnie  de  volontaires  hellènes,  il  est  ensuite  nommé  lieutenant  au 
2"  régiment  étranger.  Il  commandait  en  Serbie  une  compagnie  de  zouaves, 
lorsqu'il  fut  tué  d'une  balle  au  front,  à  Kosturino,  en  entraînant  ses  hommes 
pour  repousser  une  contre-attaque  bulgare.  C'est  à  la  fois  avec  douleur  et  fierté 
que  l'École  d'Athènes  enregistre  dans  son  histoire  la  mort  héroïque  d'Avezou. 

Entré  à  l'École  Normale  en  1907,  il  n'avait  pas  tardé  à  manifester  sa  vocation 
pour  des  études  qu'il  avait  le  désir  de  poursuivre  en  Grèce.  Agrégé  en  1910,  il 
était,  la  même  année,  admis  à  l'École  d'Athènes.  Il  avait  au  plus  haut  degré  les 
qualités  de  l'archéologue  militant,  le  goût  de  la  vie  active  et  des  voyages.  En 
1911,  il  explorait  l'île  de  Thasos  avec  son  collègue,  M.  Ch.  Picard,  et  l'aidait  à 
y  ouvrir  un  premier  chantier  de  fouilles.  Il  resta  son  collaborateur  très  actif 
dans  les  deux  campagnes  de  1912  et  de  1913,  et  signa  avec  lui  des  rapports 
adressés  à  l'Académie  des  Inscriptions  sur  le  dégagement  de  l'enceinte  de  la 
ville,  des  portes  ornées  de  bas-reliefs,  et  sur  la  découverte  du  Prytanée  [Comptes- 
rendus,  1912,  p.  360;  1913,  p.  276).  En  1911,  il  avait  été  chargé  par  M.  Hol- 
leaux,  directeur  de  l'École,  de  diriger,  en  collaboration  avec  son  collègue, 
M.  Plassart,  l'exploration  du  gymnase  de  Délos  qu'il  poursuivit  dans  les  années 
suivantes.  On  lui  doit  la  découverte  et  l'interprétation  de  l'inscription  gravée 
en  l'honneur  du  légat  C.  Valérius  Triarius,  qui  fixe  un  point  important  de  la 
topographie  de  l'île.  Ces  recherches  ont  fourni  la  matière  d'un  article  signé  par 
lui  et  par  Gh.  Picard  dans  les  Mélanges  Holleaux  (1913).  Il  avait  mis  en  œuvre 
les  résultats  de  ses  fouilles  déliennes  dans  un  mémoire  sur  les  établissements 
gymnastiques,  soumis  à  l'Académie  des  Inscriptions;  le  rapporteur,  M.  Pottier, 
le  jugeait  assez  complet  pour  former  un  fascicule  de  l'ouvrage  consacré  aux 
Fouilles  de  Délos.  Des  mains  amies  le  publieront  sans  doute.  Mais  bien  d'autres 
espérances,  que  justifiaient  les  qualités  d'esprit  et  de  caractère  de  Ch.  Avezou, 
sont  anéanties  par  une  mort  prématurée. 

Max.  COLLIONON. 

SIR  JOHN  RHYS 

Principal  de  Jésus  Collège  à  Oxford,  Sir  John  Rhys  est  mort  à  Oxford  le 
17  décembre  1915,  à  l'âge  de  75  ans.  Cet  éminent  celtiste  était  gallois  et  parlait 
le  gallois  comme  l'anglais.  Né  dans  le  Cardiganshire  en  1840,  il  eut  des  débuts 
humbles  et  difficiles  ;  il  débuta  dans  l'enseignement  primaire  et  ce  ne  fut  pas 


152  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

sans  peine  qu'il  réussit  à  se  faire  admettre  comme  étudiant  à  Oxford.  En  1869, 
il  obtint  à  l'élection  le  titre  de  fellow  de  Merton  Collège,  qui  lui  assurait 
quelques  ressources.  De  1868  à  1871,  il  suivit  des  cours  à  la  Sorbonne,  au 
Collège  de  France,  puis  à  Heidelberg,  à  Leipzig  et  à  Gôttingen.  A  son  retour, 
il  fut  nommé  inspecteur  des  écoles  du  pays  de  Galles.  Depuis  1877,  il  occupa 
à  Oxford  la  chaire  de  celtique  qu'il  a  illustrée.  Ses  mérites,  universellement 
reconnus  (d'Arbois  faisait  le  plus  grand  cas  de  Rhys  et  avait  pour  lui  une  vive 
amitié),  lui  valurent  la  situation  enviée  de  principal  d'un  collège,  les  titres  de 
chevalier  (1907)  et  de  conseiller  privé  (1911).  Au  cours  de  ces  dernières 
années,  Rhys  a  fait  de  nombreux  voyages  en  France  et  en  Italie  pour  exami- 
ner sur  place  les  inscriptions  celtiques  dont  il  a  publié  un  Corpus  dans  les 
Proceedings  de  l'Académie  Britannique.  C'est  aujourd'hui  le  point  de  départ 
obligé  de  toute  étude  sur  ces  textes  difficiles;  les  commentaires  de  Rhys, 
souvent  hardis,  attestent  à  la  fois  sa  science  profonde  et  sa  parfaite  loyauté. 
Comme  d'Arbois,  il  avait  une  âme  candide  ;  les  souvenirs  de  ces  deux  savants 
hommes  de  bien  resteront  étroitement  associés*. 

S.  R. 

NOËL  VALOIS 

Membre  de  l'Académie  des  Inscriptions,  où  il  succéda  en  1902  à  Jules 
Girard,  Noël  Valois  est  mort  subitement  à  Paris  au  mois  de  novembre  1915. 
Après  avoir  fait  ses  études  au  Lycée  Louis-le-Grand,  il  était  entré,  en  1875,  à 
l'École  des  Chartes;  docteur  ès-lettres  avec  une  thèse  remarquée  sur  Guillaume 
d'Auvergne,  conseiller  de  Saint-Louis,  il  fut  nommé,  en  1881,  archiviste  aux 
Archives  Nationales.  En  1889,  il  recevait  le  grand  prix  Gobert,qui  lui  fut  attribué 
de  nouveau  en  1896  pour  sa  monumentale  Histoire  du  grand  schisme  d'Occi- 
denty  terminée  en  1902.  A  d'autres  travaux,  tous  relatifs  à  l'histoire  de  l'Église 
et  de  la  papauté  au  moyen-âge,  Valois  ajouta,  depuis  son  entrée  à  l'Institut, 
d'importantes  contributions  à  VHistoire  littéraire  de  la  France  (t.  XXXIV).  Il 
s'occupa  aussi,  avec  sa  conscience  ordinaire,  du  procès  de  Gilles  de  Rais;  j'ai 
dit  ici  même  qu'il  s'inscrivit  en  faux  contre  la  réhabilitation  que  j'ai  tentée  de 
ce  personnage,  tout  en  ajoutant  des  faits  nouveaux  au  dossier  déjà  si  lourd 
de  ses  accusateurs  (cf.  Rev.  archéoL,  1913, 1,  p.  447). 

Valois  était  le  petit-fils  du  sculpteur  Achille  Valois  et  se  rattachait,  par  sa 
mère,  aux  familles  des  peintres  Halle  et  Drouais.  Son  oncle,  le  peintre  Timbal, 
dont  la  très  importante  collection,  formée  en  Italie,  appartient  en  grande  partie 
aux  héritiers  de  Gustave  Dreyfus,  lui  avait  légué  un  admirable  tableautin  de 
Fra  Angehco,  que  Valois  publia,  avec  un  commentaire  excellent,  dans  le  volume 
du  Cinquantenaire  des  Antiquaires  de  France  (p.  411  et  pi.  24;  au  trait  dans  mon 
Rép.  des  peintures,  t.  Hl,  p.  203).  Il  tenait  de  famille  un  goût  très  vif  pour  les 

1.  Lectures  on  Welsh  philology,  1877;  Cellic  Britain,  1882;  Cellic  Ueathendom, 
1886  ;  Studies  in  ihe  Arthiirian  legend,  1891  ;  Inscriptions  and  language  of  the 
Northern  Picts,  iS92;  The  Welsh  peoplê,  1900;  Cellic  Folklore,  1901  ;  Ogam- 
inscribed  stones  in  Dublin^  1901  ;  Studies  in  early  Irish  History,  1903  ;  Celtae  and 
Gain,  1905;  Celtic  inscriptions  of  France  and  Italy,   1906  et  suiv. 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  153 

belles  choses  et  n'était  indifférent  à  aucun  raffinement  de  l'esprit.  C'était,  dans 
toute  la  force  du  terme,  un  homme  de  forte  culture,  doublé  d'un  spécialiste  de 
haute  valeur  et  universellement  estimé.  S.  R, 

PABLO  BOSCH 

Le  19  octobre  est  mort  à  Madrid  l'excellent  amateur  Pablo  Bosch,  un  des 
Espagnols  qui  connaissaient  le  mieux  les  monnaies  et  les  médailles  de  la 
péninsule  et  le  plus  expert  des  collectionneurs  de  tableaux  flamands  primitifs 
dans  ce  pays.  Il  m'a  dit  souvent  que  la  belle  galerie  formée  par  lui  était  destinée 
à  sa  ville  natale  de  Barcelone.  Entre  autres  œuvres  importantes,  elle  contient 
une  Vierge  et  Enfant  de  Gérard  David  {Les  Arts,  1903,  n»  22,  p.  22),  une  autre 
de  Melsys  {ibid.,  p.  19),  la  plus  belle  Sainte  famille  connue  de  B.  van  Orley 
{Jahrbuch  Pr.  K.  S.,  1909,  p.  9),  un  Christ  en  croix  de  Rog\ev  {Burlington 
Magazine,  IX,  p.  186).  Il  possédait  aussi  un  Morales  {Les  Arts,  ibid.,  p.  20)  et 
un  curieux  portrait  delà  fille  du  Titien  par  Paul  Véronèse  {ibid.,  p.  21).  Bosch 
était  un  homme  aimable  et  libéral,  qui  rendait  volontiers  service  aux  travail- 
leurs. Il  fut  de  ceux  qui  essayèrent  d'empêcher  l'exportation  du  Van  der  Goes 
de  Monforte  et  qui  ressentirent  cruellement  cette  blessure  faite  par  des 
germanisants  à  l'amour-propre  et  au  patrimoine  artistique  de  l'Espagne. 

S.  R. 

SALOMON  SCHECHTER 

Avec  S.  Schechter,  mort  le  19  novembre  1915,  la  science  anglo-saxonne  a 
perdu  un  hébraïsant  qui  était  peut-être  le  plus  éminent  de  son  époque.  Né  en 
Roumanie  en  1847,  il  étudia  à  Vienne  et  à  Berlin,  puis  se  fixa  en  Angleterre 
(1882),  où  il  devint  lecturer  in  Talmud  à  l'Université  de  Cambridge  (1890). 
En  1896,  il  découvrit  le  premier  feuillet  du  texte  hébreu  de  V Ecclésiastique  ; 
une  mission  en  Egypte  lui  permit  de  compléter  ses  recherches  et  il  revint  du 
Caire  avec  toute  une  cargaison  de  manuscrits  tirés  des  favissae  des  vieilles 
synagogues.  Ces  documents  sont  conservés  à  Cambridge.  Les  fragments 
recouvrés  de  V Ecclésiastique  hébreu  furent  publiés  par  Schechter  et  Tylor  en 
1899.  En  1901,  Schechter  s'établit  aux  États-Unis,  comme  président  du  sémi- 
naire de  théologie  israélite,  où  il  enseigna  jusqu'à  sa  mort.  On  lui  doit,  entre 
autres,  l'article  Talmud  du  Dictionnaire  de  la  Bible  de  Hastings  et  nombre 
d'articles  importants  dans  la  Jewish  Encyclopaedia*. 

S.  R. 
ADRIEN  KREBS 

Ancien  professeur,  puis  préfet  des  études  à  l'Ecole  Alsacienne,  Adrien  Krebs 

nst  mort  à  Paris  au  mois  de  janvier  1916.  On  lui  doit  de  solides  articles  dans 

le  IHctionnairii  des  Antiquités-,  il  connaissait  fort  bien  les  institutions  de  la 

Grèce.  Depuis  plusieurs  années,  il  était  un  des  directeurs  de  la  fl«v«drfes  Revues, 

annexée  à  la  Bévue  de  Vhi'ologie. 

S.  R. 

1.  Voir  une  nécrologie  anonyme  «le  Schechter,  écrite  avec  une  émotioa  élo- 
quente, dans  Itjs  B'nai  Britk  News,  Chicago,  déc.   1915,  p.  8-9. 


154  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

PAUL  PIERRET 
Né  à  Rambouillet  en  1836,  Paul  Pierret  fut  attaché  en  1867  au  Musée  égyp- 
tien du  Louvre;  nommé  conservateur  en  1873,  il  prit  sa  retraite  en  1905.  Il  est 
mort  à  Versailles,  où  il  avait  fixé  sa  demeure,  à  Tâge  de  79  ans,  le  10  janvier 
1916.  Sans  avoir  été  un  savant  de  premier  ordre,  Pierret  a  rendu  de  réels  ser- 
vices à  la  science  par  des  travaux  bien  informés  et  lucides,  notamment  son 
Dictionnaire  d'archéologie  égyptienne  (1875),  son  Panthéon  égyptien  (1881),  sa 
traduction  du  Livre  des  morts  (1882)  Ml  fut  aussi,  pendant  de  longues  années, 
professeur  d'archéologie  égyptienne  à  PEcole  du  Louvre.  C'était  un  excellent 
homme,  serviable,  paisible,  et  qui  s'acquitta  toujours  avec  conscience  de  ses 
fonctions. 

S.  R. 

FRANGESGO  NOVATI 

La  science  vient  de  faire  en  Italie  une  perte  considérable  par  la  mort  de 
Francesco  Novati,  professeur  d'histoire  comparée  des  littératures  néolatines  à 
l'Académie  royale  de  Milan,  ancien  président  de  cette  Académie,  mort  à  San 
Remo,  le  27  décembre  dernier.  Novati  était  né  à  Crémone,  le  10  janvier  1859, 
et  avait  fait  ses  études  à  l'Université  de  Pise  sous  Alessandro  d'Ancona,  dont 
il  resta  l'élève  préféré  et  dont  il  hsait  l'an  dernier  aux  Lincei  la  commémora- 
tion funèbre  (séance  du  17  janvier  1915).  C'est  sous  la  direction  de  d'Ancona 
qu'il  entreprit  ses  recherches  sur  l'œuvre  et  le  temps  du  chancelier  de  Florence, 
Goluccio  Salulati,  qu'il  devait  poursuivre  toute  sa  vie,  à  travers  une  carrière 
laborieuse,  remplie  des  travaux  les  plus  variés  {La  giovinezza  di  Cololuccio 
Salutaii,  Turin,  1888;  Epistolario  di  G.  S.,  Rome,  1891-1911,  quatre  volumes 
formés  presque  entièrement  de  textes  inédits  et  d'une  annotation  portant  sur 
près  de  cinq  cents  personnages,  publication  capitale  pour  l'histoire  de  l'huma- 
nisme après  Pétrarque).  Novati  avait  aussi  profondément  étudié  le  moyen-âge, 
comme  en  témoignent,  par  exemple,  ses  leçons  sur  VInflusso  del  pensiero  latino 
sulla  civiltà  italiana  del  medio  evo,  ses  Freschi  e  minii  del  Dugento  (Milan, 
1909)  et  le  volume  des  Origini  en  cours  de  publication  dans  la  grande  histoire 
littéraire  de  l'éditeur  Vallardi. 

Après  avoir  inauguré  la  chaire  de  littératures  néolatines  à  l'Université  de 
Palerme.en  1886,  Novati  a  enseigné  à  l'Université  de  Gênes  en  1889,  et,  depuis 
1890,  à  l'Académie  de  Milan,  où  il  est  devenu  ordinario  en  1892,  ei  préside 
en  1903.  Il  a  formé  de  nombreuses  générations  de  travailleurs  qui  se  sont 
réunis  pour  le  fêter  solennellement  en  1909,  et  ont  publié  à  cette  occasion  une 


4.  Études  égypto logiques,  1873-78,3  vol.;  Recueil  d'inscriptions  inédites  du 
Louvre,  1874-78,2  vol.;  Vocabulaire  hiéroglyphique,  1875;  Catalogue  de  la  salle 
hisloiique  du  Louvre,  1877;  Le  décret  de  Canope,  1881;  ErpLication  des  monu- 
ments de  VEgypLe  et  de  l'Ethiopie,  1885  et  suiv.  Pierret  a  publié  de  nombreux 
articles  égyptologiques  dans  la  Grande  Encyclopédie. 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES   ET   CORRESPONDANCE  155 

bibliographie  de  ses  ouvrages,  précédée  d'une  préface  de  Mi  Henry  Cochin. 
Elle  ne  compte  pas  moins  de  420  numéros,  nombre  qui  s'est  augmenté  depuis. 
Novali  dirigeait  depuis  189i  une  Biblioteca  storica  délia  lelteratura  italiana 
(inaugurée  par  son  volume  sur  la  ISavigatio  âe  S.Brendanen  ancien  vénitien), 
la  Collezione  Novati,  fondée  en  1902  pour  la  reproduction  soignée  de  manus- 
crits précieux  et  qui  n'a  publié  que  deux  volumes,  la  collection  des  Studi  medie- 
vali^  le  bulletin  de  la  Società  bibliografica  italiana,  qui  a  pour  titre  II  Libro  e 
la  stampa.  Il  avait  eu  une  grande  part  dans  la  rédaction  de  VArchivio  storico 
lombardo.  Mais  le  plus  important  périodique  auquel  son  nom  reste  attaché 
est  le  Giornale  storico  délia  Ittleratura  italiana,  qu'il  avait  fondé  dès  1883 
avec  Renier  et  Graf,  et  dont  il  demeurait  en  ces  derniers  temps  l'unique  direc- 
teur. Novati  ne  dédaignait  pas  d'écrire  quelquefois  pour  le  grand  public  ;  il  avait 
réuni  quelques  essais  dans  le  volume  intitulé  A  ricolta  (Bergame,  1907),  où  se 
trouve  une  étude  exquise  sur  son  ami  Gaston  Paris.  Son  dernier  travail  Sten- 
dhal e  ranima  italiana  (Milan  1915),  est  précieux  à  un  double  titre  pour  les 
Français,  par  le  sujet  traité  de  la  façon  la  plus  neuve  et  par  la  dédicace  qui 
rappelle,  au  milieu  de  la  guerre  présente,  la  fraternité  indestructible  de  nos 

deux  pays. 

Pierre  de  Nolhag. 

JEAN  POTTIER 
Uu  des  directeurs  de  cette  Revue  a  été  cruellement  éprouvé.  Jean  Pottier,  fils 
unique  de  M.  Edmond  Pottier,  jeune  homme  voué  aux  lettres  et  qui  donnait 
de  belles  espérances,  a  été  tué  le  21  décembre  en  Alsace,  à  la  tête  de  sa  sec- 
tion. Il  est  mort  en  brave  officier,  conscient  de  son  devoir.  Les  lecteurs  de  la 
Revue  prendront  leur  part  des  regrets  qu'éveillent  cette  fin  prématurée  et  ce 
noble  deuil.  îs-  R. 

Montaigne  et  la  Bataille  de  Platées.. 

A  M.  Edmond  Pottier, 
Mon  cher  Directeur, 

Gomme  moi,  vous  avez  jugé  que  deux  extraits  des  Essais  de  Montaigne 
feraient  une  manière  d'épilogue  à  la  belle  étude  technique  du  Colonel  Boucher 
parue  dans  le  dernier  fascicule  de  la  Revue. 

Michel  de  Montaigne,  loin  de  se  donner  pour  un  helléniste,  confesse  la 
médiocrité  de  ses  connaissances  en  la  langue  «  grégeoise  ».  Néanmoins  on 
peut  dire  que,  comme  tous  les  seizièmistes,  il  l'aimait  passionnément,  et 
qu'aussi  bien  que  les  plus  érudits  contemporains,  il  en  comprenait  les  beautés 
et  en  pénétrait  l'esprit  sans  abandonner  rien  de  sa  nerveuse  originalité. 

Dans  la  première  citation  *,  —  que  nous  intitulerons  :  Pendant  la  Bataille^ —  il 
raconte  l'épisode-type  du  combat  en  traçant  par  quelques  lignes  piquantes  une 
bataille  de  la  Marne,  —  en  miniature  si  l'on  envisage  le  nombre  des  combat- 
tants, —  d'importance  égale  si  l'on  envisage  les  conséquences  : 

'<  Plusieurs  nations  très  belliqueuees  se  servoyent,  en  leurs  faicta  d'arme»,  de  la 
fuyte,  pour  advantage  principal,  et   raontroyeut  le  dos  à  l'euneray  plu»  dauge- 

1.  Livre  1,  chapitre  XII,  Ue  la  Constance,  p.  48  et  49,  édition  Maigeou. 


156  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

reusement  que  leur  visage  :  les  Turcs  en  retienaent  quelque  chose.  Et  Socrates, 
en  Platon,  se  mocque  de  Lâchés  qui  avoit  definy  la  fortitude,  «  Se  tenir  ferme 
en  son  reng  contre  les  ennemis  «  :  Quoy,  feit-il,  seroit-ce  doncqnes  lascheté  de 
les  battre  en  leur  faisant  place?  et  luy  allègue  Homère,  qui  loue  en  Aeneas  la 
science  de  fuir.  Et,  parce  que  Lâchés  se  r'advisant  advoue  cet  usage  aux  Scythes 
et  entin  généralement  aux  gents  de  cheval,  il  lui  allègue  encores  l'exemple  des 
gents  de  pied  lacédémonieus,  nation  sur  toutes  duicte  à  combattre  de  pied  ferme, 
qui,  en  la  journée  de  Platées,  ne  pouvant  ouvrir  la  phalange  persienne,  s'advisérent 
de  s'escarter  et  sier  arrière;  pour,  par  l'opinion  de  leur  fuyte,  faire  rompre  et 
dissouldre  cette  masse  en  les  poursuivant,  par  où  ils  se  donneront  la  victoire  ». 

Gomme  s'il  n'était  pas  satisfait  de  ce  polyptique  où  sa  verve  s'étale  en  brefs 
appels  à  la  Fable  ou  à  rplisloire  et  où  sa  thèse  de  la  fuyte  s'appuie  sur  des 
exemples  piquants,  il  revient  à  la  victoire  sur  les  Perdes  qui  a  changé  du  tout 
au  tout  l'évolution  mondiale  pour  parler  de  la  vertu  et  des  manifestations  guer- 
rières de  ce  sentiment. 

Si  je  joins  cette  deuxième  citation  qui  traite  moins  directement  de  la  Grande 
Bataille  elle-même,  c'est  que  le  Colonel  A.  Boucher,  dans  son  œuvre  principale 
sur  Xénophon  et  l'art  grec  de  la  guerre,  étudie  le  courage  en  sa  technicité  mili- 
taire et  qu'il  y  a  là,  en  ce  trait  de  la  mort  volontaire  d'Aristodème,  qui  seul 
s'était  sauvé  du  combat  des  Thermopyles,  quelque  chose  comme  un  paradoxe 
sublime  dont  notre  France  a  donné  des  exemples. 

Dénommons  cet  extrait  :  Après  la  Bataille. 

«  En  cette  grande  battaille  de  [Platées],  que  les  Grecs  soubs  Pausanias  gaiguèrent 
contre  Mardonius  et  les  Perses,  les  victorieux,  suyvant  leurcoustume  venants  à 
partir  entre  eu'x  la  gloire  de  l'exploict,  attribuèrent  à  la  nation  Spartiate  la  pré- 
cellence  de  valeur  en  ce  combat.  Les  Spartiates,  excellents  juges  de  la  vertu, 
quand  ils  vindrentà  décidera  quel  particulier  [de  leur  nation]  debvoit  demourer 
l'honneur  d'avoir  le  mieulx  faict  en  cette  journée,  trouvèrent  qu'Aristodème 
s'estoit  le  plus  courageusement  hazardé  ;  mais  pourtant  il  ne  luy  en  donnèrent 
point  de  prix,  parce  que  sa  vertu  avoit  esté  incitée  du  désir  de  se  purger  du 
reproche  qu'il  avoit  encouru  au  faict  des  Thermopyles,  et  d'un  appétit  de  mourir 
courageusement  pour  garantir  sa  honte  passée*  ». 
En  respectueuse  sympathie, 

Votre 
P.  R.  DU  Costal. 

Un  récit  sumérien  du  Déluge  et  de  la  Chute. 

M.  Steph.  Langdon  a  publié  à  Philadelphie  {Sumerian  Epie  ofParadise,  the 
Flood  and  the  Fait  of  Man)  le  texte  et  le  commentaire  d'un  texte  sumérien  de 
Nippur  où  l'éditeur  croit  reconnaître  ce  qui  suit  :  le  Déluge  aurait  eu  lieu 
avant  la  Ghute;  le  survivant  du  Déluge,  Tagtug,  aurait  mangé  de  la  cassia  et 
perdu  ainsi  l'immortalité  qui  était  son  partage. 


1.  Livre  I,  chap.'XXXVI,  Du  jeune  Caton,  p.  264.  Montaigne  a  écrit  par  méprise 
Potidée  au  lieu  de  Platées.  Toutes  les  éditions  mentionnent  ce  lapsus,  mais  le 
conservent  pieusement;j'ai  cru  devoir  le  corriger  et  le  signaler  en  note. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE    157 

Un  long  article  critique  de  la  Nation  (1915,  II,  p.  597-598),  probablement  de 
M.  Jastrow,  rappelle  les  sumérologues  à  la  prudence.  L'interprétation  du  sumé- 
rien, qui  a  fait  des  progrès  notables,  reste  très  incertaine.  Le  critique  met  en 
évidence  certaines  traductions  de  M.  Langdon  auxquelles  on  en  peut  opposer  de 
toutes  différentes.  Il  y  a  là  de  quoi  faire  sourire  la  galerie  des  non-sumérisants 
et,  mieux  encore,  de  quoi  leur  inspirer  quelque  scepticisme.  En  réalité,  suivant 
le  critique  américain,  il  n'est  question  ni  de  Paradis,  ni  de  Déluge,  ni  de 
Chute;  Tagtug  est  une  lecture  arbitraire,  et  le  reste  à  l'avenant.  «  Et  pourtant, 
ajoute  le  critique,  le  D'  Langdon  a  répandu  à  travers  la  presse  la  nouvelle 
sensationnelle  que  c'est  TagLug-Noé,  et  non  Adam,  qui  mangea  le  fruit 
défendu.  »  L'article  est  très  poli,  mais  la  conclusion  qui  s*en  dégage  obligera 
M.  Langdon  à  répondre. 

S.  R. 
L'Eros  de  Lemnos. 

La  première  statue  découverte  à  Lemnos  l'a  été  par  une  compagnie  du  corps 
expéditionnaire  français,  au  mois  d'octobre  1915,  sur  l'emplacement  de  Palaeo- 


Fig.  \.  —  L'Eros  du  Louvre  (Campana)  et  l'Eros  de  Lemuos. 


polis  (Héphestia).  L'Illustration  du  6  novembre  (p.  189)  a  publié  une  photogra- 
phie avec  la  légende  :  UEros  de  Palaeopolis  au  milieu  du  groupe  de  poilus  qui 
l'ont  découvert.  Bien  que  le  hasard  (ou  une  retouche  du  cliché)  ait  fait  disparaître 
toute  trace  du  sexe,  il  s'agit  non  seulement  d'un  Eros  (les  attaches  des  ailes 
sont  visibles),  mais  d'une  réplique  du  motif  bien  connu  d'Eros  meliéphèbe  ban- 
dant son  arc,  dont  l'original  a  été  attribué  à  Lysippe.  Je  donne  ici  un  croquis 
du  nouvel  Eros  juxtaposé  à  celui  d'une  des  répliques  restaurées  (fig.  1). 

S.  B. 

Antiquités  de  Vlonie. 

La  vieille  Société  des  Dileltanti  annonce  la  publication  d'une  cinquième  par-» 
tie  (supplément  à  la  troisième  partie)  des  Antiquities  of  lonia»  Les  planches  ont 


158  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

été  gravées  entre  1820  et  1840,  d'après  des  dessins  remontant  à  1811  ;  elles 
avaient  été  complètement  oubliées  lorsque,  en  19i2,  une  collection  d'épreuves 
fut  donnée  à  la  Société  qui  retrouva  les  cuivres  et  se  décida  à  les  faire  connaître 
par  les  soins  de  M.  VV.-R.  Lethaby.  Ce  volume  (coûtant  3  livres  3  s.  avant  la 
publication,  4  livres  4  s.  après)  comprend  les  chapitres  suivants  :  temple  d'Ar- 
témis  à  Magnésie;  théâtre  et  tombes  de  Myra;  tombes  de  Telmessos,  d'Anti- 
phellos,  de  Phellos  et  de  Lindos.  Le  frontispice  est  une  excellente  gravure 
d'après  un  bas-relief  autrefois  à  Rhamnus  qui,  transféré  par  un  certain  Deering 
en  Angleterre,  y  a  disparu  comme  le  puteal  de  Lord  Guilford. 

S.  R. 

Le  «  Muséum  Journal  »  de  Philadelphie. 

On  peut  regretter,  au  point  de  vue  des  convenances  bibliographiques,  la  mul- 
tiplication des  périodiques  destinés  à  enregistrer  les  acquisitions  des  Musées 
des  États-Unis;  mais  il  est  impossible  d'en  faire  abstraction,  car  les  documents 
qu'ils  nous  offrent  sont  souvent  de  la  plus  grande  importance.  A  cet  égard,  je 
signalerai  particulièrement  le  Muséum  Journal  dedéc.  1913  (vol.  IV,  n»  4),  On  y 
trouve  notamment  :  !<>  une  très  belle  collection  de  verrerie  antique  (392  pièces), 
acquise  à  Jérusalem,  publiée  avec  d'excellentes  reproductions;  2°  la  pre- 
mière publication  photographique  d'un  grand  relief  romain  de  Pouzzoles 
(p.  143),  connu  seulement  par  une  esquisse  du  Rép.  des  reliefs  (t.  IJ,  p.  208); 
au  revers  est  une  inscription  latine  entièrement  martelée  (phot.  à  la  p.  145),  où 
il  semble  qu'on  pourrait  discerner  quelques  mots  en  dehors  de  PVTEOLANA 
(4«  ligne  av.  la  fin);  3°  une  série  de  fragments  de  vases  provenant  d'Orvieto, 
quelques-uns  de  très  bonne  qualité  (voir  notamment  le  type  polygnoléen,  p.  157 
et  l'archer  scytheavec  cheval,  p.  158);  4°  une  cylixà  figures  rouges  où  l'on  voit 
un  éphèbe  tenant  un  goret  de  la  main  dr.,  un  objet  comparable  aux  «  cornes  de 
consécration  »  de  la  main  g.  ;  5o  la  statue  de  Dionysos  assis  (tête  moderne), 
autrefois  propriété  des  Gaetani  (Gultrera,  Dioniso  e  il  leone,  Rome,  1911).  L'au- 
teur de  l'article  aurait  dû  donner  cette  indication  bibliographique  (et  d'autres)  ; 
il  aurait  dû  aussi  s'abstenir  d'appeler  «  palais  Oldtemps  »  ce  qui  est  le  palais 
AUemps  (Matz-Duhn,  ÏII,  p.  296). 

S.  R. 

Statues  enclouées. 

On  a  beaucoup  écrit  sur  la  statue  en  bois  d'un  général  allemand,  où  les 
Berlinois  sont  admis  à  enfoncer  des  clous  moyennant  finances.  L'Intermédiaire 
publie  à  ce  sujet  une  note  qui  intéresse  le  folklore  : 

L'histoire  des  Suisses  fournit  un  rapprochement  qui  n'a  pas  été,  que  je  sache  , 
signalé  jusqu'à  présent.  Il  s'agit  de  la  «  Mazze  »,  célèbre  dans  le  Valais. 

La  «  Mazze  »  était  un  bois  rustiquement  taillé  en  forme  de  figure  humaine, 
qui  représentait  la  justice  offensée.  Les  agitateurs  populaires  promenaient  cette 
image,  en  cas  de  tumulte,  et  ceux  qui  croyaient  avoir  des  griefs  à  venger  y 
venaient  enfoncer  des  clous. 

Les  gens  du  Haut- Valais  sont  de  race  et  de  langue  allemandes,  pour  la  plu- 
part. La  levée  de  la  «  Mazze  »  dérivait  sans  doute  d'une  ancienne  coutume  germa- 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  159 

uique  dont  l'origiue  peut  bieu  se  retrouver  daus  le  paganisme,  mais  qui  s'est 
transformée  comme  tant  d'autres.  Je  ne  crois  pas  que  la  statue  du  maréchal  de 
Iliudenburg  représente,  pour  les  Prussiens,  «  le  \ieux  dieu  allemand  »,  dont  on 
parle  beaucoup  chez  nous  aujourd'hui,  mais  plutôt  ce  que  les  Valaisiens 
voyaient  dans  la  «  Mazze  »,  et  je  pense  qu'ils  y  enfoncent  des  clous  dans  le 
même  esprit.  (Hyrvoix  de  Landosle.) 

X. 

Vinfluence  de  la  littérature  sur  les  mythes. 

A  la  fin  de  septembre  1914,  VEvening  News  publia  une  courte  nouvelle  inti- 
tulée «  les  Archers  »,  dans  laquelle  l'auteur,  un  Gantois  devenu  journahste  à 
Londres,  racontait  qu'un  «  Tommy  »,  pendant  la  retraite  qui  suivit  la  bataille 
de  Gharleroi,  songea  tout  à  coup,  au  milieu  de  la  mêlée  furieuse,  à  l'image 
d'un  saint  Georges  que  portaient  les  assiettes  d'un  restaurant  végétarien  de 
Londres.  Au  même  instant,  ce  «  Tommy  »  entendit  des  voix  criant  :  «  Saint 
Georges!  Saint  Georges!  »  et  d'autres  voix  implorant  :  «  Ah!  Messire,  ah! 
donne-nous  prompte  délivrance!  »  —  «  Monseigneur  saint  Georges,  secourez- 
nous!  »  Le  soldat  anglais  vit,  de  l'autre  côté  des  tranchées,  «  une  longue  ligne 
de  formes  entourées  d'un  rayonnement  »  et  lançant  un  nuage  de  flèches  vers 
les  masses  allemandes.  Les  Germains  tombèrent  par  milliers  et  l'on  constata 
que  leurs  cadavres  ne  portaient  pas  de  blessures  apparentes.  En  somme,  c'était 
là  un  conte  comme  il  s'en  publie  beaucoup  actuellement  et  qui  révèle  chez  son 
auteur  certaines  qualités  d'imagination.  Telle  quelle,  cette  fantaisie  frappa 
vivement  le  directeur  de  la  Revue  occulte,  qui  demanda  au  conteur  ce  qui  avait 
servi  de  base  à  son  histoire,  quel  fait  l'avait  inspiré.  L'auteur  des  «  Archers  » 
répondit  qu'il  n'y  avait  aucun  fait  et  que  c'était  là  un  simple  produit  de  son 
imagination.  Des  journaux  paroissiaux  sollicitèrent  alors  l'autorisation  de  repro- 
duire son  histoire  ;  des  éditeurs  lui  proposèrent  de  la  publier  en  brochure,  avec 
une  préface  dans  laquelle  il  citerait  «  ses  sources  ».  L'heureux  écrivain  accepta, 
mais  déclara  loyalement  qu'il  n'avait  pas  de  «  sources  »  à  citer.  On  lui  répliqua 
('  qu'il  devait  se  tromper  »,  que  le  fait  des  «  Archers  »  devait  être  véridique, 
qu'il  avait  dû  se  borner  à  présenter  une  histoire  vraie. 

Les  choses  n'en  restèrent  pas  là.  L'auteur  avait  beau  se  défendre,  la  légende 
se  créait,  évoluait,  se  propageait,  enflait.  Des  versions  nouvelles  étaient  pro- 
duites. C'était  un  officier  qui  avait  invoqué  saint  Georges  avec  succès;  les 
Allemands  tués  portaient  réellement  des  blessures  produites  par  des  flèches; 
c'était  un  «  nuage  »  resplendissant  qui  s'était  interposé  entre  les  soldats 
anglais  et  les  Allemands.  Et  Ton  finit  par  trouver  des  témoins  :  \&Revue  occulte 
publia  le  témoignage  d'un  soldat  ainsi  conçu  :  «  Ceux  qui  pouvaient  voir  virent 
un  rang  d'êtres  resplendissants  entre  les  armées.  »  On  discuta  ces  témoignages 
dans  les  journaux  et  les  périodiques;  on  chercha  des  explications  scientifiques 
des  visions  ;  on  parla  de  la  théorie  de  l'hallucination  sensorielle.  La  légende  des 
«  Anges  de  Mons  »  existait  et  rien  ne  pourra  désormais  la  tuer  dans  l'esprit 
populaire  anglais. 

Le  plus  curieux  de  l'atîaire,  c'est  que  seul  l'auteur  du  conte  qui  y  donna  nais- 
sance ne  veut  pas  croire  au  miracle.  Son   succès   fait  son  malheur.  Très  flatté 


160  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

d'abord,  il  commence  à  en  être  prodigieusement  agacé,  car  on  va  jusqu'à  lui 
contester  tout  le  mérite  de  son  œuvre  :  en  effet,  certaine  version  prétend  qu'il 
tint  son  récit  —  dactylographié  —  des  mains  d'une  dame  d'honneur  de  la  Cour  I 
Les  «  croyants  »  s'en  prennent  durement  au  pauvre  écrivain,  trop  honnête 
pour  se  prêter  â  un  mensonge,  fût-il  pieux,  et  il  est  obligé  de  discuter  tous  les 
«  témoignages  »  qui  chaque  jour  sont  produits  dans  les  formes  les  plus  caté- 
goriques, comme  celui  d'une  infirmière,  miss  Phillis  Campbell,  qui  déclare  tran- 
quillement que  «  tous  ceux  qui  ont  combattu  de  Mons  à  Ypres  »  ont  vu  les 
anges,  que  tous  en  sont  d'accord  et  qu'ils  n'ont  aucun  doute  quant  à  l'issue 
finale  de  leur  intervention i. 

{Temps,  4  décembre  1915). 

Roland  de  Mares. 

The  Antiquary. 

Après  une  carrière  de  36  ans,  principalement  consacrée  à  l'archéologie 
médiévale,  The  Antiquary  cesse  sa  publication;  le  dernier  numéro  est  celui  de 
novembre-décembre  1915.  Il  est  à  prévoir  que  l'appauvrissement  général,  résul- 
tat de  la  tourmente  déchaînée  par  l'Allemagne  sur  le  monde,  aura  pour  con- 
séquence la  disparition  de  bien  des  recueils  qui  avaient  déjà  quelque  peine  à 
faire  leurs  frais.  Le  mieux  serait  de  «  fusionner  »,  comme  on  dit  aujourd'hui, 
des  Revues  ayant  le  même  horizon,  et  alors  on  pourrait  dire  que  le  mal  aurait 
produit  quelque  bien.  J'ai  déjà  souvent  préconisé  l'idée  d'un  congrès  de  biblio- 
thécaires destiné  à  mettre  obstacle  à  la  multiplication  des  périodiques  ;  en  des 
temps  meilleurs,  il  y  faudra  revenir. 

La  Revue  archéologique  s'associe  aux  archéologues  anglais  et  américains  qui 
ont  enregistré  avec  regret  la  disparition  de  V Antiquary  et  adresse  ses  condo- 
léances au  rédacteur  en  chef,  qui  occupait  son  poste  depuis  dix-sept  ans. 

S.  R. 

Opinions  téméraires. 

J*extrais  celles-ci  d'un  ouvrage  qui  n'est  pas  sans  mérite  et  que  j'ai  lu  avec 
intérêt,  bien  qu'il  tourne  trop  souvent  à  l'énumération  (Florian-Parmenlier, 
Histoire  contemporaine  des  lettres  françaises  de  1883  à  I9iâ,  2^  éd.,  Paris 
Figuière,  1915)  : 

P.  38  et  suiv.  «  La  vérité  historique,  la  voici.  Plus  de  vingt  siècles  avant 
notre  ère,  Galls  bruns  et  Kymris  blonds  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les 
Gimbres  ou  Gimmériens  du  Pont-Euxin,  émigrants  beaucoup  plus  tardifs), 
revenant  de  l'Inde  qu'ils  étaient  allés  peupler  lors  de  l'engloutissement  diluvien, 
s'établirent  dans  le  N.-O.  de  l'Europe  et  fondèrent  la  Gaule,  d'où  ils  s'éten- 
dirent successivement...  {En  note  :  On  ignore  généralement  que  ces  mêmes 
Galls,  qui  établirent  leurs  cités  sur  le  Rhin,  y  changèrent  leur  nom  en  celui  de 
Francs  avant  leur  retour  en  Gaule).  Nos  aïeux  parlaient  la  langue  celtique,  et 

(1)  Sur  cette  même  affaire  si  instructive  des  «  Anges  de  Mons  »,  voir  The 
Nation  (New-York),  1915,  II,  p.  455.  —  S.  R. 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES   ET   CORRESPONDANCE         161 

leur  influence  fut  telle  que  de  leur  alphabet  primitif  sont  sortis  tous  les 
alphabets  européens.  (En  note  :  M.  Loth,  professeur  à  l'École  de  France  [sic]. 
Rapport  à  l'Académie  des  Inscriptions  [sic]).  En  Italie  les  Ramnenses  et  les 
Titienses  eux-mêmes  avaient  adopté  la  langue  celtique,  lorsque  survint,  vers 
1200  av.  J.-C,  du  fond  de  l'Asie-Mineure,  une  colonie  sémite,  les  Rhasénas, 
qui  modifia  le  parler  des  Italiotes. ..  Se  peut-il  qu'il  y  ait  encore  des  gens  pour 
prétendre  que  notre  langue  est  celle  des  conquérants?  Ignore-t-on  vraiment  que 
tous  les  mots  latins  ayant  de  la  sonorité,  de  la  couleur,  de  la  vie,  ont  une  éty- 
mologie  celtique?  (En  note:  V.  Quintilien.  V.  aussi  Pezron)i.  A-t-on  oublié 
que  le  latin  que  nous  nous  sommes  incorporé  est  le  latin  populaire  propagé  par 
les  soldats  celtes  de  l'Italie  septentrionale?  Et  faut-il  demander  à  quelle  époque 
le  peuple  franc  a  parlé  latin  ?  Ne  sait-on  pas  qu'il  laissa  cette  fantaisie  à  ses 
prieurs  et  à  ses  pédagogues  ?...  Aussi  comprendrais-je  qu'on  pensât  obliger 
l'écrivain  à  étudier  le  celte  et  le  sanscrit  {En  note  :  La  parenté  entre  le  français 
et  le  sanscrit  n'est  plus  un  mystère  pour  personne).  Mais,  du  latin,  n'en 
saura-t-il  pas  toujours  assez,  s'il  n'en  est  pas  tout  à  fait  ignorant?  » 

Puisqu'on  peut  imprimer  de  pareilles  choses,  il  s'en  faut  que  les  œuvres 
de  d'Arbois,  de  Jullian  et  de  Déchelette,  pour  ne  point  parler  de  beaucoup 
d'autres,  aient  encore  produit  sur  les  lettrés  l'effet  salutaire  qu'on  en  attend. 

S.  R. 

A  Gallipoli. 
On  lit  dans  i'Atkenaeum  (25  déc.  1915,  p.  485)  ! 

«  La  présente  guerre  a  fourni  ce  qui  est  sans  doute  le  premier  exemple  d'un 
archéologue  honoré  d'un  ordre  militaire  pour  avoir  montré  du  courage  au 
cours  de  fouilles.  Cette  distinction  méritée  est  échue  au  P.  Dhorme,  professeur 
au  collège  de  S.  Joseph  à  Beyrouth,  qui,  pendant  plusieurs  semaines,  a  sauvé 
des  tranchées  de  Gallipoli,  sous  la  fusillade  et  les  obus,  une  collection  de  vases 
et  de  statuettes  helléniques. 

«  Comme  les  troupes  avaient  déjà  mis  la  main  sur  des  antiquités,  le  général 
français  et  le  P.  Dhorme  décidèrent  de  commencer  des  fouilles,  avec  l'aide  de 
quatre  poilus  {sic)  dont  un  tomba  malade  et  d'autres  furent  blessés.  Le 
P.  Dhorme  n'en  persévéra  pas  moins  dans  ses  recherches.  Outre  des  statuettes 
et  des  vases,  il  a  découvert  au  moins  cinq  sarcophages',  une  belle  coupe 
ornée  de  guerriers  et  de  cavaliers  et  quelques  bijoux.  » 

*^» 

Couteaux  à  trancher. 
Aux  renseignements  sur  les  couteaux  à  trancher  réunis  par  V.  Oay  dans  son 
Glossaire  archéologique  doit  s'ajouter  un  article  de  M.  A.  van  de  Put  {Notes 

i.  Quintilien  n'a  jamais  rien  dit  de  tel.  Pezron  était  un  peu  fou;  il  mourut 
d'ailleurs  en  1706. 

2.  Splendid  sarcophagi,  dit  le  texte.  Les  photographies  que  J'ai  vues  ne  per* 
mettent  pas  de  maintenir  cette  épithète. 

V«  SÉRIE,  T.   m  ^^ 


162  BEVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

and  Queries,  15  janvier  1916,  p.  41  sq.),  qui  concerne  particulièrement  les 
n""  d  38-140  de  la  collection  Wallace.  Le  n»  140  porte,  dit-on,  les  armoiries  du 
sire  de  Daucourt,  grand  maître  de  l'artillerie  de  Philippe  le  Bon  (vers  1440). 
Ce  sire  de  Daucourt  est  très  peu  connu.  M.  Van  de  Put  établit  que  le 
couteau  en  question  a  été  fabriqué  non  pour  Daucourt,  mais  pour  Gaucourtde 
Picardie  et  que  les  armoiries  portent  témoignage  du  mariage  de  Charles  I" 
de  Gaucourt  avec  Agnès  de  Vaux.  Daucourt  ne  serait  qu'une  erreur  de  trans- 
cription pour  Gaucourt. 

S.  R. 

VAthenaeum  et  la  Revue  critique. 

VAthenaeum,  fondé  en  1828,  va  devenir  mensuel  au  lieu  d'hebdomadaire 
qu'il  était.  On  en  donne,  entre  autres,  cette  raison  que  des  comptes-rendus 
rapides  des  livres  courants  paraissent  aujourd'hui  dans  les  journaux  quoti- 
diens, et  qu'il  faut  aux  rédacteurs  de  Revues  plus  de  loisir  pour  analyser  des 
livres  importants  ou  des  groupes  d'ouvrages  sur  le  même  sujet.  A  quoi  je  me 
permettrai  d'objecter  que  les  comptes-rendus  publiés  dans  les  quotidiens, 
fussent-ils  excellents,  sont  rarement  conservés  dans  les  bibliothèques,  alors 
qu'on  y  conserve  VAthenaeum.  Espérons  donc  que  l'on  continuera  à  examiner 
un  grand  nombre  de  livres  dans  VAthenaeuniy  dût-on  consacrer  parfois  des 
articles  très  développés  à  un  seul. 

L'année  1915  a  vu  s'opérer  sans  bruit,  dans  la  Revue  critique,  une  modifica- 
tion fort  intéressante.  Pour  la  première  fois,  il  y  a  été  rendu  compte  de  romans, 
à  tendances  ou,  du  moins,  à  prétentions  philosophiques.  C'était  le  rêve  de  Gas- 
ton Paris  de  voir  la  Revue  critique  élargir  son  horizon  et,  comme  VAthenaeum 
et  VAcademy  d'autrefois,  essayer  de  renseigner  ses  lecteurs  sur  tout  ce  qui 
mérite  d'être  lu,  sur  tout  ce  qui  se  découvre,  se  pense  de  considérable  ou  de 
nouveau,  S.  R. 

Un  collaborateur  de  la  «  Revue  »  à  l'ordre  du  jour. 

Nos  lecteurs  auront  apprécié  à  sa  valeur  l'excellent  article  de  M.  le  colonel 
Boucher  sur  la  bataille  de  Platées  dans  \di]Hevue  de  novembre- décembre.  L'Of- 
ficiel du  10  janvier  1916  rend  justice,  dans  les  termes  que  voici,  à  d'autres 
mérites  de  l'auteur  : 

Arthur  Boucher,  colonel,  commandant  une  brigade  :  ayant  repris  du  service 
malgré  son  âge  (soixante-neuf  ans)  dès  le  début  de  la  campagne,  a  fait  preuve 
au  feu,  dans  des  situations  difficiles,  des  plus  solides  qualités  de  chef.  S'est 
dépensé  sans  compter  jusqu'à  l'extrême  limite  de  ses  forces,  ne  cessant  de  rendre 
les  services  les  plus  appréciés  et  donnant  à  tous  un  magnifique  exemple  de 
dévouemeût  au  devoir  militaire  et  au  pays. 

(Le  colonel  Boucher  avait  été;  après  la  bataille  d'Ypres,  ofi  il  commandait  une 
des  deux  divisions  territoriales  qui  se  sont  particulièrement  distinguées  eu  Bel- 
gique, l'objet  de  la  citation  suivante  à  l'ordre  de  l'armée  :  «  A  commandé  sa  bri- 
gade, et  pendant  quelque  temps  une  division  avec  la  plus  grande  distinction  et 
la  plus  belle  énergie.  A  rendu  les  plus  éminents  services  au  cours  des  derniers 
combats.  ») 


BIBLIOGRAPHIE 


W.  Deonna.  Les  lois  et  les  rythmes  dans  Vart^  Paris,  Flammarion,  1914. 
In-8, 187  p.  —  On  ne  peut  accuser  l'auteur  d'être  infidèle  à  ses  doctrines  ;  quand 
il  ne  les  réitère  pas,  il  les  résume*.  C'est  sous  cette  forme,  d'ailleurs,  qu'elles 
se  présentent  avec  le  plus  d'avantage,  parce  que  la  concision,  en  archéologie, 
est  décidément  une  bonne  chose.  M.  Deonna,  on  le  sait,  croit  avoir  découvert  un 
principe  plus  général  qui  englobe  tous  les  principes  qui  dirigent  la  marche  de 
l'art  :  c'est  que  l'ensemble  de  l'évolution  artistique  se  déroule  suivant  un  rythme 
semblable  et,  dans  chaque  art,  passe  par  plusieurs  phases  dont  l'ordre  de  suc- 
cession est  constant.  11  faut  certes  tenir  compte  des  différences,  et  nul  ne  pré- 
tend à  une  répétition  identique  des  mêmes  formes  d'art  (je  cite  textuellement 
et  je  le  dis,  non  seulement  par  honnêteté,  mais  parce  que  j'ai  ma  manière  d'énon- 
cer les  choses,  qui  n'est  pas  celle^de  M.  Deonna).  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'au- 
dessus  des  divergences  individuelles,  il  y  a  de  fortes  ressemblances,  qui  s'ex- 
pliquent par  les  lois  psychologiques  de  l'esprit  humain.  ~  Suit  un  exposé  du 
parallélisme  entre  l'évolution  de  l'art  grec  jusqu'à  la  fin  du  vi*  siècle  et  de  l'art 
chrétien  jusqu'à  la  fin  de  l'époque  romane.  Toute  part  faite  aux  différences, 
cela  est  exact  en  gros,  mais  peut-on  en  conclure  (p.  153)  à  la  «  parfaite  identité 
de  l'esprit  qui  anime  l'art  du  v«  siècle  grec  et  celui  du  xiW  siècle  chrétien  »? 
Est-il  vrai  de  dire  que  ces  arts,  rationnalistes,  spéculatifs,  idéologues,  s'adres- 
sent uniquement  à  l'intelligence,  alors  que  ceux  du  iv»  comme  du  xiv*  siècle 
s'adressent  à  la  sensibilité'!  Est-il  vrai  que  l'art  minoen  ressemble  à  l'art 
hellénistique,  comme  ce  dernier  à  l'art  du  xv"  siècle  et  à  celui  du  xviu*?  Assu- 
rément, il  y  a  des  analogies  et  dont  l'intérêt  a  été  mis  en  lumière  par 
M.  Deonna;  mais  cela  dit,  l'étude  des  différences,  dues  à  la  religion,  aux  insti- 
tutions, aux  mœurs,  est  beaucoup  plus  fructueuse  que  celle  des  analogies. 
Et  comment  M.  Deonna  peut-il  voir  dans  ce  «  perpétuel  recommencement  de 
formules  déjà  connues  »  la  découverte  d'une  formule  qui  met  fin  à  la  confusion 
de  l'évolution  artistique  ?  Gomment  peut-il  écrire  (p.  183)  :«  L'histoire  de 
l'art,  ainsi  envisagée,  perd  son  caractère  chancelant  pour  revêtir  une  forme 
austère,  pour  devenir  l'histoire  même  des  idées  »  ? 

Je  comprends  tout  ce  qu'écrit  M.  Deonna  ;  je  l'approuve  même  en  grande 
partie  ;  mais  je  ne  vois  pas  toujours  «  où  il  veut  en  venir  »  et  ne  saisis  pas  bien 
nettement  sa  conclusion. 

S.  R. 


1.  Je  profite  de  l'occasion  pour  signaler  deux  article»  forts  Intéressants  concer- 
n.mt  les  théories  de  l'auteur  :  G.  Leroux,  Revue  des  Éludes  anciennes,  1913, 
p.  213  sq.;  M.  CoUignon,  Journal  des  Savants^  nov.  1915,  p.  481. 


164  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Eugrénie  Etrong.  Apotheosis  and  afterlife...  Certain  phases  of  art  and 
religion  in  ihe  Roman  Empire.  Londres,  Constable,  1915  In-8,  xx-293p.,  avec 
nombreuses  gravures.  —  Né  de  leçons  professées  aux  États-Unis,  cet  aimable  et 
brillant  volume  traite  d'un  sujet  qui,  bien  que  souvent  abordé  depuis  dix  an?, 
est  loin  d'être  encore  épuisé  :  le  symbolisme  sépulcral  dans  l'art  antique,  en  parti- 
culier dans  l'art  romain.  On  sait  que  l'autrice  connaît  fort  bien  l'art  romain  de 
Rome;  nous  voyons  ici  qu'elle  n'est  pas  moins  familière  avec  l'art  provincial 
et  qu'elle  le  traite  avec  une  singulière  indulgence  î  «  La  beauté  du  dessin  (il 
s'agit  du  monument  d'Igel  près  de  Trêves)  est  une  surprise  pour  ceux  qui  se 
figurent  l'art  des  provinces  romaines  comme  un  art  décadent,  ou  même  pire.  Par 
exemple,  les  putti  exquis  qui  ornent  les  montants  sur  les  quatre  faces  ne 
seraient  pas  indignes  d'un  maître  àa  quattrocento  toscan  »  (p.  230).  C'est  affaire 
de  goût;  on  peut  être  d'un  avis  contraire.  Mais  que  cette  sculpture  romaine, 
pour  insipide  qu'elle  soit  souvent,  présente  un  vif  intérêt  par  les  clartés  qu'elle 
répand  sur  les  idées  religieuses,  la  vie  de  famille,  l'activité  commerciale,  etc., 
c'est  ce  que  tout  le  monde  sera  disposé  à  concéder.  Bien  plus,  on  n'ignore 
plus,  depuis  Wickhoff  (qui  a  pourtant  exagéré  bien  des  idées  justes),  que  l'art 
romain  n'est  ni  une  stagnation,  ni  un  recul,  mais  une  phase  dans  l'évolution 
d'où  l'art  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  devait  sortir. 

Les  notes  ne  sont  pas  moins  instructives  que  le  texte  et  contiennent  une 
foule  d'indications  et  d'observations  bonnes  à  retenir.  Les  illustrations  repro- 
duisent en  partie  des  monuments  peu  connus.  Il  y  a  une  très  éloquente  et 
touchante  dédicace  à  un  jeune  officier  de  l'armée  française,  Christian  Mallel*. 

S.  R. 


E.  Naville,  E.  Peet,  H.  R.  Hall,  K.  Ha  idon.  The  cimeterie$  of  Aby- 
dos.  Part  I  (Egypt  Exploration  Fund,  XXXIII).  Londres,  Kegan  Paul,  1914. 
In-4,  xii-54  p.,  avec  21  planches.  —  Le  cimetière  E  d'Abydos,  souvent  mis  au 
pillage  depuis  Mariette,  a  été  fouillé  par  M.  Peet;  M.  Naville,  qui  a  surveillé 
les  fouilles,  en  tire  des  conclusions  graves.  El  n'hésite  pas  à  admettre  que  des 
tombes  pharaoniques  ont  été  usurpées  par  des  indigènes,  des  Anu,  qui  ont 
introduit  là,  en  pleine  civilisation  égyptienne,  leur  barbarie  retardataire  et  leurs 
rites  primitifs,  par  exemple  l'ensevelissement  dans  l'attitude  accroupie.  Assuré- 
ment, il  ne  nie  pas  le  «  préhistorique  »  ou  le  «  prédynastique  »  égyptien,  mais 
sa  manière  de  voir  se  rapproche  de  celle  que  M.  Maspero  opposait  autrefois  à 
Amélineau  et  à  J.  de  Morgan  ;  il  ne  faut  pas  qualifier,  hic  et  nwnc,  de  préhis- 
torique, en  impliquant  par  ce  mol  une  date,  ce  qui  peut  n'être  qu'indigène  ou 
arriéré,  parfois  superposé  à  des  éléments  plus  évolués  par  suite  de  retours  dus 
à  des  commotions  politiques.  Quant  à  la  classification  de  la  poterie  suivant  une 

1.  M^"  Strong  ne  présume-t-elle  pas  trop  de  la  patience  humaine  quand  elle 
prescrit  aux  étudiants  (p.  252)  de  read  through  la  Mythologie  de  Gruppe?  Qui, 
sauf  l'auteur,  a  jamais  pu  faire  cela?—  P.  260,  l'ouvrage  de  E.  Pottier  sur  les 
lécythes  blancs  n'a  pas  paru  dans  les  Mélanges  des  Écoles,  etc.  Il  y  a  d'ailleurs 
bien  peu  de  lapsus  de  ce  genre. 


BIBLIOGRAPHIE  165 

loi  d'évolution  stricte  et  précise,  c'est  une  .thèse  tout  à  fait  chimérique  de 
M.  Flinders  Pétrie.  Rien  de  plus  individuel,  de  plus  capricieux  que  la  poterie; 
à  la  même  époque,  deux  villes  peu  éloignées  du  même  pays,  comme  Athènes  et 
Sparte,  fabriqueront  des  poteries  toutes  différentes;  la  poterie  faite  à  la  main  a 
survécu  à  la  poterie  faite  au  tour,  puisqu'on  fabrique  encore  de  cette  dernière  eu 
certaines  régions.  La  prétention  de  dater  une  couche  quelconque  d'un  point 
quelconque  de  l'Egypte  par  les  types  et  les  particularités  techniques  de  la  céra- 
mique qu'on  y  recueille,  est  une  erreur  fondamentale  de  méthode;  les  tessons 
ne  sont  pas  des  «  fossiles  directeurs  »  ;  il  faut  en  tenir  compte,  mais  sans 
négliger  d'autres  éléments.  «  Pour  la  poterie,  la  seule  classification  vraie  n'est 
pas  chronologique  î  elle  est  géographique,  ou  plutôt  locale...  L'histoire  ne  peut 
pas  se  reconstituer  avec  des  tessons  seulement  ».  On  attendra  avec  curiosité  la 
réponse  de  M,  Flinders  Pétrie  à  M,  Naville. 

S.  R. 

Morris  Jastro^v.  Hebrew  and  Babylonian  traditions.  Londres,  Fisher 
Unwin,  1914.  In-8,  xv-376  p,  —  On  a  beaucoup  insisté  sur  les  influences 
exercées  par  les  Babyloniens  sur  les  Hébreux.  M.  Jastrow  ne  les  nie  pas,  mais 
il  se  demande  avec  raison  pourquoi,  ces  influences  admises,  Hébreux  et  Baby- 
loniens ont  suivi,  à  tous  égards,  des  routes  si  différentes.  C'est  sans  doute  que 
les  Hébreux  ont  subi  de  bonne  heure  des  influences  particulières,  que  nous 
connaissons  mal  ou  sur  lesquelles  on  n'insiste  pas  assez,  comme  celles  des 
Arabes  nomades,  des  Cananéens  agricoles,  des  Égyptiens.  Le  but  des  leçons  de 
M.  Jastrow,  réunies  dans  ce  volume,  est  de  mettre  en  lumière  les  différences 
entre  les  mythes,  les  croyances,  les  usages  des  Babyloniens  et  «  la  forme  fina- 
lement assumée  par  les  traditions  hébraïques  correspondantes  ».  L'auteur  n'a 
pas  étendu  ses  recherches  à  l'ensemble  des  domaines  qu'occupent  la  vie  intel- 
lectuelle des  Babyloniens  et  celle  des  Hébreux  î  il  s'occupe  des  mythes  de  la 
création,  du  sabbat,  des  idées  sur  la  vie  future,  de  la  morale.  Dans  un  appen- 
dice, il  a  traité  avec  détail,  d'après  les  découvertes  les  plus  récentes,  des  tradi- 
tions hébraïques  et  babyloniennes  sur  le  déluge  ;  c'est  à  ce  chapitre  qu'il  faudra 
se  reporter,  jusqu'à  nouvel  ordre,  quand  on  abordera  cet  important  et  difficile 
sujet.  Assurément,  il  y  a  une  source  mythique  commune,  mais  qui  a  été  colo- 
rée, en  traversant  la  pensée  juive,  par  une  préoccupation  dominante  des  idées 
de  piété,  de  moralité,  de  justice.  L'histoire  du  déluge  biblique,  comme  celle  de 
la  chute  de  l'homme,  est  un  sermon  (p.  364).  Nous  savions  cela  déjà,  mais 
M.  Jastrow  l'a  exposé  à  son  tour  avec  des  détails  et  une  insistance  qui  ne  sont 
pas  du  tout  superflus. 

S.  R. 

Henri  Graillot.  Le  culte  de  Cybèle,  mère  des  Dieux,  à  Rome  et  dans 
VEmpire  romain.  Paris,  Fontemojng,  1912  (publié  en  1915).  Gr.  in-8,  602  p., 
avec  12  planches.  —  Ouvrage  très  considérable,  fruit  de  longues  années  de  tra- 
vail, la  thèse  de  M.  Graillot  prend  rang  parmi  les  meilleures  monographies 
mythologiques  qu'ait  produites  l'érudition  française;  on  aura  sans  cesse  recours 
à  ce  trésor  de  faits  et  d'idées,  quand  on  touchera  à  l'une  quelconque  des  prO' 


166  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

vinces  du  vaste  domaine  que  l'auteur  n'a  pas  craint  d'embrasser.  L'analyse 
détaillée  d'un  pareil  ouvrage  serait  impossible,  du  moins  dans  celte  Revue,  où 
l'espace  est  mesuré  aux  comptes-rendus  ;  il  serait  d'ailleurs  peu  équitable  de 
n'en  discuter  que  des  détails.  Il  y  a  un  index  assez  étendu  et  une  table  des 
matières  trop  sommaire.  Voici  l'économie  du  livre,  dont  l'introduction  expose 
les  origines  du  culte  métroaque  :  L  L'introduction  du  culte  à  Rome.  IL  Le 
culte  à  Rome  sous  la  République.  III.  Le  culte  public  sous  l'Empire.  Fêtes 
phrygiennes  du  printemps  à  Rome.  IV.  Tauroboles  et  mystères.  Diffusion  du 
taurobole  au  ii«  siècle.  V.  La  doctrine  métroaque  au  iii»  siècle.  Gybèle  et  Attis, 
dieux  tout  puissants,  VI.  Le  clergé  et  le  personnel  des  temples.  VII.  Les  con- 
fréries. VIII.  Les  Galles.  IX.  Sanctuaires  de  la  Magna  Mater,  à  Rome  et  à 
Ostie.  X.  Le  culte  en  Asie  Mineure  à  l'époque  impériale.  XI.  L'expansion  du 
culte  en  Italie  et  dans  les  provinces.  XII.  Le  culte  dans  l'Europe  orientale  et  les 
provinces  d'Afrique.  Xlll.  Le  culte  au  iv*  siècle;  la  résistance  au  Christianisme. 
XIV.  Conclusions.  «  Le  culte  d'une  Mère  divine  est  l'un  des  plus  anciens  que 
nous  connaissions  dans  le  bassin  de  la  mer  Egée.  Sa  protohistoire  commence 
pour  nous  dans  le  palais  minoen  de  Cnossos  et  sur  les  cîmes  de  l'Ida  crélois... 
Dans  la  Grèce  hellénique,  la  Grande  Mère  aux  lions  fut  supplantée  par  Démê- 
ler; en  Asie  Mineure,  elle  est  demeurée  au  premier  rang  des  divinités  natio- 
nales. Les  divers  conquérants  du  sol  l'ont  tour  à  tour  adoptée.  [Ce  culte]  fut  l'un 
de  ceux  en  qui  le  paganisme  gréco-romain  mit  ses  dernières  espérances.  Nous 
pouvons  suivre  ainsi  le  cours  de  ses  destinées  pendant  près  de  vingt  siècles,  dont 
six  appartiennent  à  l'histoire  de  Rome.  »  Et  plus  loin  :  «  Ce  succès,  Cybèle  et 
Altis  ne  le  devaient  pas  seulement  à  la  protection  de  Rome  et  au  fanatisme  de 
leurs  zélateurs.  Ils  ont  aussi  conquis  le  monde  par  leurs  propres  vertus.  Ils 
l'ont  conquis,  selon  les  cas,  par  ce  qu'il  y  avait  de  plus  grossièrement  primitif 
dans  leur  vieux  fonds  de  naturalisme,  et  par  ce  qu'il  y  avait  de  plus  moderne 
dans  le  spiritualisme  doctrinal  de  leur  mystique...  Ce  qui  nous  intéresse  aujour- 
d'hui, c'est  de  voir  l'effort  constant  du  vieux  culte  pour  s'affranchir  du  natura- 
Hsme  original  et  pour  s'élever  aux  formes  supérieures  de  la  dévotion  ».  Ces 
judicieuses  observations,  présentées  en  un  boR  langage,  valent  aussi  pour  le 
culte  d'Eleusis  ;  il  est  à  propos  de  le  rappeler. 

S.  R. 

H.  C.  Butler,  E.  Littmano,  D.  Magie,  D.  R.  Stuart.  Haurân  Plain 
and  Djebel  Haurân  {Princeton  University  Expéditions  to  Syria,  1904-1909, 
Division  II  and  III,  Section  A,  Part  5).  Leyde,  Brill,  1915.  In-4,  p.  297-358, 
avec  nombreuses  planches  et  gravures.  —  On  est  heureux  de  voir  progresser 
régulièrement  la  magnifique  publication  de  la  Princeton  University  sur  la  Syrie. 
En  dehors  de  la  géographie,  des  itinéraires,  des  textes  syriens,  safaïtes  et 
arabes,  il  ne  reste  plus  à  publier  que  les  trois  sections  de  Sî,  Ledjâ  et  Djebel 
Simân.  Le  présent  fascicule  contient  nombre  de  planches  d'architecture  très 
intéressantes,  d'après  les  dessins  et  les  lavis  de  H.  C.  Butler  ou  d'après  des 
photographies  donnant  les  états  actuels.  «  M.  de  Vogiié,  dit  l'auteur,  a  décou- 
vert les  merveilles  architecturales  du  Djebel  Haurân;  ses  planches,  reprodui- 
sant une  vingtaine  de  monuments  antiques,  sont  d'autant  plus  importantes  que 


BIBLIOGRAPHIE  167 

tant  d'édifices  ont  disparu  depuis  ou  ont  été  ruinés  plus  complètement.  »  Pour 
les  inscriptions,  le  recueil  de  Waddington  reste  toujours  l'œuvre  capitale. 
L'expédition  américaine  s'est  surtout  proposé  de  vérifier  et  de  photographier 
ce  que  les  explorateurs  précédents  avaient  signalé  ;  mais  il  ne  njanque  pas  de 
nouveautés,  tant  dans  la  partie  architecturale  que  dans  la  section  épigraphique. 
Les  inscriptions  sont  publiées  en  fac-similé,  transcrites,  traduites  et  commen- 
tées avec  soin.  Toutes  les  difficultés  n'ont  pas  été  résolues,  mais  aucune  n'a  été 
esquivée;  c'est  de  la  bonne  besogne. 

S.  R. 

F.  Haverfleld.  Roman  Britain  in  49 ii.  Londres,  Milford,  1915.  In-8, 
68  p.,  avec  gravures.  —  Ce  rapport,  très  richement  illustré,  est  divisé  en  trois 
parties  :  1«>  découvertes  faites  en  1914;  2®  inscriptions  latines  trouvées  en 
Grande-Bretagne  au  cours  de  la  même  année  ;  3®  livres  et  articles  relatifs  à  la 
Bretagne  romaine.  Les  trouvailles  ont  été  moins  abondantes  qu'en  1913  ;  la 
plus  importante  peut-être  est  celle  de  la  fabrique  de  tuiles  et  de  poterie  de  la 
20«  légion,  explorée  à  Holt,  à  8  milles  au  S.  de  Ghester,  par  M.  Arthur  Acton. 
Il  a  été  possible  de  restituer  un  plan  en  relief  de  cet  important  établissement 
(fig.  9).  Parmi  les  poteries,  il  faut  signaler  particulièrement  des  tessons  estam- 
pés d'un  rouge  pâle,  avec  une  décoration  originale  dont  on  ne  connaissait  pas 
encore  d'exemple  ;  des  têtes  de  profil,  encadrées  dans  un  ovale,  ont  été  obtenues 
au  moyen  d'une  bague  avec  chaton  gravé.  On  a  découvert  au  même  endroit  un 
poinçon  avec  tête  de  Silène  en  relief. 

Incidemment,  M.  Haverfield  parle  du  manque  de  soin  très  fréquent  chez  Hûb- 
ner,  «  d'où  il  résulte  que  le  septième  volume  du  Corpus  est  très  inférieur  au 
reste  de  la  série  ».  Mais  n'oublions  pas  que  c'est  un  des  plus  anciens. 

S.  R. 

O.  Schlumberger  et  A.  Blanchet.  Collections  sigillographiques.  Paris, 
Picard,  1914.  In- 4,  ix-228  p.,  avec  28  pi.  —  Les  auteurs  ont  mis  en  commun, 
pour  les  publier,  690  sceaux  et  bagues,  reproduits  sur  de  très  bonnes  planches 
et  expliqués  dans  des  notices  précises,  le  tout  complété  par  un  index  qui  paraît 
fait  avec  soin.  «  En  dépit  de  recherches  longues  et  ardues,  disent  MM.  S.  et  R., 
plus  d'une  matrice  reste  énigmatique.  Gela  est  vrai  surtout  lorsqu'il  s'agit 
d'un  sceau  étranger  à  la  France.  Nous  avouons  sans  honte  que  des  spécialistes 
de  divers  pays  trouveront  sans  doute  des  identifications  qui  nous  ont  échappé  : 
nous  aurons  du  moins  le  mérite  d'avoir  fait  connaître  des  monuments  qui 
eussent  peut-être  été  perdus  ».  On  lit,  sur  beaucoup  de  sceaux,  les  noms  latins 
de  villes  ou  de  villages,  ce  qui  est  intéressant  pour  la  toponymie  et  l'élymolo- 
gie  des  noms  de  lieu  ;  ce  recueil  fournirait  de  bonnes  additions  au  Trésor  cel- 
tique de  llolder.  Quelques-unes  de  ces  légendes  locales  présentent  de  grandes 
difficultés  de  lecture.  Que  faire  (p.  39,  n.  H 7)  de  celle-ci  :  S.CVRIE  SCI 
ROMITICAST?  Les  auteurs  n'expliquent  pas  S.  liomiti  Castri^  qui  me  semble 
inadmissible.  Sur  la  photographie,  je  crois  qu'on  peut  lire  S.  Homoli  Castrif 
qui  ferait  songer  à  S.  Romole  ou  Romble,  abbé  berrichon.  L'attention  du  lec- 
teur aurait  pu  être  attirée  plus  expressément  sur  ces  points  obscurs.  Ainsi 


168  lîEVUÈ  AHCHÉOLOGIQUË 

(p.  47),  on  nous  dit  bien  que  Dovaria  est  Le  Jan  ;  mais  on  ne  nous  dit  rien  sur 
Aganticwn  (p.  46)*,  sur  Auffegives  (p.  47),  etc.;  on  ne  nous  dit  pas  (p.  48) 
que  Boucheviler  est  peut-être  Bouchevilliers  (Eure),  alors  qu'on  nous  avertit 
(p.  51)  de  l'existence  de  différents  Givry.  Joanne  m'apprend  que  le  château  de 
la  Bourgonnière  est  en  Maine-et-Loire;  mais  j'aurais  voulu  apprendre  cela, 
sans  ouvrir  Joanne,  à  propos  du  sceau  de  Jacques  Gautier,  chevalier  de  ce  lieu 
(p.  66)2.  X. 

A.  Merlin.  Guide  du  Musée  Alaoui.  Tunis,  au  Musée,  1915,  2e  édition. 
In-12,  74  p.,  avec  gravures.  —  Joli  petit  guide,  élégamment  et  discrètement 
illustré.  On  sait  que  le  Musée  de  Tunis,  fondé  sous  le  règne  d'Ali-Bey  (1882- 
1902),  auquel  il  doit  son  nom,  comprend  deux  sections,  l'une  d'art  antique, 
l'autre  d'art  arabe;  la  première  est  la  plus  considérable  et,  depuis  qu'elle  a  reçu 
les  bronzes  de  Mahdia,  provenant  du  Pirée,  a  pris  rang  en  tête  des  musées 
d'antiques  de  second  rang.  Le  Musée  Alaoui  est  d'ailleurs  le  plus  riche  du 
monde  en  mosaïques  et  promet  de  s'accroître  encore,  vu  le  nombre  et  le  luxe 
des  pavements  romains  en  Tunisie.  Rappelons  que  La  Blanchère  et  Gauckler  ont 
publié  en  1897  un  catalogue  scientifique  du  Musée,  complété  par  quatre  supplé- 
ments, en  vente  au  Musée  (1907-1910)».  S.  R. 

A.  Farault.  Réptrtoire  des  dessins  archéologiques  légués  par  A.  BouneauU  à 
la  Bibliothèque  de  Niort.  Niort,  Clouzot,  1915.  Gr.  in-8,  xi-253  p.  avec  une 
planche.  —  Ernest-Alexandre-Arthur  BouneauU  (1839-1910),  ancien  conserva- 
teur du  musée  lapidaire  de  Niort,  a  relevé  pendant  de  longues  années,  avec  une 
ardeur  infatigable,  les  sculptures  du  département  des  Deux-Sèvres  qui  présentent 
un  intérêt  archéologique  (blasons,  monogrammes,  initiales,  devises,  inscriptions , 
tombeaux,  croix,  chapiteaux,  clefs  de  voûte,  caissons,  cheminées,  enseignes, 
etc.).  La  collection  de  ses  2.681  dessins,  entrée  en  1910  à  la  bibliothèque  muni- 
cipale de  Niort,  a  été  inventoriée  avec  une  pieuse  précision  par  M.  A.  Farault, 
conservateur-adjoint  de  la  bibliothèque,  qui  a  fait  suivre  sa  nomenclature  des 
pièces  (classées  par  ordre  géographique  et  alphabétique)  de  deux  excellents 
index  des  noms  de  personnes  et  de  choses  (ce  dernier  improprement  qualifié 
de  table  de  matières).  Le  dessin  du  portail  N.  de  l'Église  N.-D.  de  Niort  (détail 
de  la  balustrade),  reproduit  en  tête  de  l'ouvrage,  donne  une  idée  avantageuse 
de  la  manière  de  l'auteur,  dessinateur  habile,  ferme  et  sobre.  Ce  Répertoire 
sera  souvent  consulté  par  les  archéologues  de  tous  pays  en  quête  de  rapproche- 
ments et  de  parallèles.  On  espère  qu'il  leur  sera  toujours  facile  d'obtenir  des 
photographies  des  originaux  ;  la  municipalité  pourrait  traiter,  à  cet  effet,  avec 
un  photographe  local,  qui  consentirait  un  prix  uniforme,  par  exemple  celui  de 
5  fr.  par  cliché  13  X  18  (prix  du  Musée  de  Saint-Germain).  S.  R. 

1.  Ancien  nom  de  Ganges  (Hérault). 

2.  P.  197,  n.  667,  la  légende  du  précieux  sceau  latin  de  Mitylène  forme  un 
pseudo-hexamètre,  ce  qui  était  à  dire  :  Mutiliana  tuum  servato  libéra  decus. 

3.  Une  déplorable  habitude,  qui  se  généralise,  consiste  à  ne  pas  imprimer  de 
titre  au  dos  dôs  livres.  Comment  veut-on  alors  qu'on  les  retrouve  sur  les 
rayons? 


L'ALESSANDRO  DI  CIRENË 


Una  brève  campagna  di  scavi,  condotta 
a  Girene  nel  giugno-luglio  1914,  sul  luogo 
ove  casualmente  era  tornata  in  luce 
TAfrodite,  haconseguito  esito,  oltre  ogni 
aspettativa,  fortunato.  Un  notevole  grup- 
po  di  sculture  è  andato  cosi  ad  arric- 
chire  il  sorgente  museo  di  Bengasi  e,  fra 
queste,  una  statua  colossale  diAlessandro 
Magno,  priva  soltanto  délie  braccia. 

Il  rigoroso    riserbo  che,   da    qualche 
tempo,  si  sono  imposto  quegli  archeo- 
logi,  ai  quali  il  Governo  italiano  ha  affî- 
dato  i  servizi  per  le  antichità,  non  per- 
mette agli  altri  —  archeologi  di  vocazione 
L'Aiessandro  di  cirene.    —  d'intervenire    prima   délie    relazioni 
ufficiali.  E  questa  la ragione  del  ritardo  con  oui  mi  accingo a trat- 
tare  una  questione,  che  interessai  miei  recenti  studi  su  Lisippo. 
L'identificazione  délia  statua  trovata  a  Girene,  come  ritratto 
di  Alessandro  il  Macedone,  non  è  messa  in  dubbio  da  chi  ha 
jjotuto  esaminarla  direttamente.  Dopo  le  riproduzioni  pubbli- 
cate  dai  Lincei,  neppure  noi  troveremmo  ragioni  per  incertezze 
tra  Tidentificazione  in  Alessandro  e  quelFaltra,  che  legittima- 
mente  suggeriva  la  notizia  del  restauro,  per  cura  di  Adriano, 
delTedificio  nel  quale  avvenne  il  trovamento  :  il  nome  di  An- 
tinoo  era  anche  suggerito  dal  soggetto  di  giovane  divinizzato, 
e  Taspetto  délia  figura,  dall'ampio  torace,  sembrava  confer- 
rnarlo. 
Gol  nome  di  Alessandro  è  tornata  in  discussione  la  supposta 

V"  SÉHIK,  T.  m.  12 


170  REVUE  ARCHEOLOGIQUE 

possibilità  che  la  statua  sia  copia  del  celebrato  Alessandro  con 
la  lancia,  bronzo  di  Lisippo.  È  questa  un'opera,  per  la  quale  ho 
proposto  un'ipotesi,  in  quel  mio  libro  su  Lisippo,  che  ha  avuto 
l'onore  di  venir  presentato  al  pubblico  in  questa  rivista,  dal  suo 
illustre  Direttore  *  ;  onore  che  mi  compensa  ad  usura  del  silen- 
zio  che  lo  circonda  in  patria.  La  mia  ipotesi,  riguardante  TAles- 
sandro  doriforo,  pu6  essere  sembrata  arrischiata,  maio  ritengo 
di  poterla  mantenere  ed  anche  rafïorzare  con  un'altra  signifi- 
cativa  testimonianza,  di  cui  dire  in  fine. 

In  queste  mie  parole  è  implicito  che  non  credo  TAlessandro 
di  Girene  replica  délia  nota  opéra  di  Lisippo.  Non  lo  crede 
neanche  il  prof.  L.  Mariani,  Direttore  générale  per  i  servizi 
archeologici  délia  Libia%  va  anzi  fîno  ad  ammettere  che 
Lisippo  non  sia  Fautore  delForiginaie;  ma,  seguendo  una  nota 
scuola  di  archeologi,  non  si  mostra  completamente  negativo 
nella  sua  esclusione  e  lascia  la  via  aperta  all'opposta  ipotesi.  Il 
Mariani,  parlando  di  Lisippo  e  délie  principali  questioni  che 
concernono  Fattività  di  queU'artista,  non  crede  di  dover  pren- 
dere  in  considerazione  il  mio  studio,  non  solo,  ma  non  vi  fa 
neanche  il  più  lontano  accenno,  tanto  che  un  lettore  superfî- 
ciale  potrebbe  perfîno  credere  che  lo  ignori,  quattordici  mesi 
dopo  la  pubblicazione. 

Non  seguirù  Fesempio;  anzi,  prima  di  venire  al  mio  contri- 
buto,  dovendo  —  in  omaggio  al  buon  metodo  —  riassumere  lo 
stato  délia  questione,  lo  farô  nel  modo  più  fedele,  riportando 
le  parole  stesse  délia  relazione  ufficiale  : 

((  La  robusta  persona  planta  suUa  gamba  sinistra,  come  se 
si  fosse  in  quel  momento  arrestata,  la  gamba  destra  è  ancora 
mossa  airindietro...  Il  braccio  destro  pendeva  inerte  e  sulla 
coscia  è  rimasto  Tattacco  per  la  mano.  Il  braccio  sinistro... 
stringeva  in  alto  la  lancia  di  cui  rimane  la  meta  inferiore  attac- 
cata  al  tronco  di  sostegno...  L'opéra  è  di  fattura  un  pu  grosso- 
lana,  decorativa  e  si  rivela  subito  per  una  copia...  L'esecuzione 

1.  Revue  archéologique^  1914,  II,  p.  157. 

2,  Rendiconti  délia  R.  Ace.  dei  Lincei,  1915,  p.  93. 


l'alessandro  di  cirene  171 

délia  copia  è  tuttavia  buona...  lutto  fa  pensare  che  non  si  tratli 
di  una  copia  fredda  e  meccanica  dei  tempi  romani,  ma  bensi 
di  unareplica  ellenistica...  L'impianto  délia  figura,  la  sua  pon- 
derazione,  le  proporzioni  svelte  del  corpo  corrispondono  aile 
concezioni  délia  scuola  di  Lisippo...,  ma  la  modellatura  del 
torace  e  la  rigida  frontalità  di  lutta  la  figura  ricordano  invece 
molto  le  opère  policletee  ».  Lo  studio  su  Lisippo  «  applicato 
all'Alessandro  di  Cirene  non  ci  saràpermesso  se  non  sulForigi- 
nale...  Intanto  si  puô  dire  che  con  Tapoxyomenos  non  ha 
comune  la  sveltezza  délie  proporzioni,  la  libertà  del  motivo 
plaslico  e  la  finezza  e  varietà  di  modellatura...  Dovremo  anche 
in  questo  caso  pensare  ad  un  Alessandro  di  Euphranor  ?... 
Quanto  al  ritratto  lisippico  celebrato  col  nome  di  Alessandro 
con  la  lancia...  mi  sembra  che  la  composizione  non  corris- 
ponda  a  quella  descritta...  Non  mi  pare  si  nasconda  in  questa 
concezione  plastica  la  personalità  superiore,  quale  doveva 
essere  Lisippo  e  neanche  quella  d'uno  dei  minori,  ma  più  noti 
scultori  contemporanei,  che  sappiamo  aver  eseguito  ritratti  di 
Alessandro...  È,  a  mio  avviso,  la  statua  di  Cirene  replica  di 
una  statua  di  Dioscuro  di  stile  tardo-policleteo,  rianimata  con 
la  testa  di  Alessandro.  « 

Devo,  anzitutto,  rilevare  délie  inesattezze  nella  descrizione, 
e  me  ne  dispiace,  perché  arrischio  di  disporre  maie  a  mio 
riguardo  il  lettore,  al  quale  devo  confessare  di  conoscere  la 
statua  soltanto  attraverso  le  riproduzioni  dei  Lincei,  per  non 
citare  quelle  altre  insufficienti  dei  giornali,  mentre  poi  lo 
stesso  lettore  s'immaginerà  che  il  Direttore  générale  per  i  ser- 
vizi  archéologie!  délia  Libia,  pur  non  avendo  veduto  la  statua, 
disponga  di  fotografie  dettagliate  e,  magari,  di  qualche  calco. 
Dovro  afïrontare  la  taccia  di  presunzione,  dicendo  che  l'asta,  a 
sinistra  délia  figura,  non  mi  ha  Taspetto  di  una  lancia  perché 
è  troppo  grossa  e,  soprattutto,  perché  aU'estremità  inferiore 
non  ha  il  calce  (craupwiVjp^  che  vediamo  diligentemente  ripro- 
dotto  in  moite  pitture  vascolari,  malgrado  le  modeste  propor- 
zioni loro.   Qui  in  un'opera  plastica,  di  grandezza  maggiore 


172  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

del  vero,  la  mancanza  del  calce  è  sufficiente  per  farci  respin- 
gere  l'interpretazione  data  e  credere  che  si  tratti  d'uno  sceltro. 

Altra  inesattezza  vedo  neirinterprelazione  del  residuo  sulla 
gamba  destra.  Non  mi  sembra  un  attaco  per  la  mano,  ma  un 
pezzo  lavorato,  spezzato  superiormente  e  non  di  lato,  come 
dovrebbe  essersi  spezzato  se  fosse  un  attacco  per  la  mano. 
Credo,  invece,  che  si  tratti  del  residuo  dell'oggetto  sostenuto 
dal  braccio. 

Per  chiarezza  d'esposizione  vengo,  senz'altro,  ad  enunciare 
la  mia  ipotesi  interpretativa  e  ricostruttiva  :  rappresenta, 
secondo  me,  un  Alessandro-Helios  con  la  cornucopia  nella 
destra,  lo  scettro  nella  sinistra.  La  protome  equina  è  da  attri- 
buire  al  copista,  che  lo  tradusse  dal  bronzo. 

Gioverà  ch'io  rifaccia,  per  il  lettore,  la  strada  che  mi  ha  con- 
dotto  ad  una  simile  interpretazione. 

Dal  mio  lavoro  sugli  Attribud  dei  soUegià  nella  statuaria 
antica  risulta  che  le  protomi  equine',  fréquent  i  con  statue  di 
Dioscuri,  sono  date  anche  ad  una  statua  di  Helios.  È  questa  il 
marmo  del  Louvre  nel  quale  il  Sole  è  rappresentato  come 
auriga,  cosi  che  le  due  protomi  di  sostegno  furono  interpretate 
come  un  abbreviato  délia  quadriga;  possono,  invece,  rappre- 
sentare  il  carro  solare  tirato  da  due  cavalli,  come  vediamo  in 
qualche  pittura  vascolare^  Lo  Helios  in  questione  ha  nella 
destra  una  cornucopia. 

Appurato  che  la  cornucopia  è  moderna  e  che,  in  ogni  caso, 
TAlessandro  di  Cirene  non  è  rappresentato  come  auriga,  avrei 
dovuto  deporre  l'idea  di  mettere  in  relazione  le  due  statue  ed 
accettare,  con  gli  altri,  l'identifîcazione  in  Dioscuro.  Senonchè 
a  questa  si  oppongono  troppi  ostacoli,  a  cominciare  dallo  scettro 
in  luogo  délia  lancia,  per  finire  con  la  difficoltà  di  ammettere 
che  una  personalità  splendidamente  isolata,  come  Alessandro 
il  Macedone,  sia  stata  idealizzata  in  un  concetto  divino,  che 
comprende  due  individui  gemelli.  Mentre,  aU'incontro,  l'ipotesi 


1.  ilôm.  Mitteilungen,  1913,  p.  88. 

2.  Roscher,  Lexikon^  Helios,  p.  2007,  figura. 


173 

deiresistenza  di  ritratti  di  Alessandro,  divinizzato  in  Helios  è 
tanto  probabile,  che  è  già  stata  proposta  in  altre  occasioni. 
Nel  nostro  caso,  in  favore  del  ravvicinamento  tra  la  statua  del 
Louvre  e  quella  di  Cirene  stanno  le  teste,  notevolmente  affini. 
Ho  continuato,  allora,  sulla  stessa  via,  le  mie  ricerche  e  sono 
giunta  alla  persuasione  che  FAlessandro  di  Cirene  sia  realmente 
un  Alessandro-Helios  ;  persuasione  che  spero  di  poter  comu- 
nicare  ai  lettori. 

L'ipotesi  di  Alessandro,  divinizzato  in  Helios,  credo  rimonti  a 
W.  Helbig*,  a  proposito  délie  teste  del  tipo  capitolino  e 
Barracco.  0.  Bernoulli^  riassumendo  la  questione,  conclude 
col  dire  che,  pur  non  esistendo  fonti  scritte  relative  ad  un 
Alessandro-Helios,  le  ricerche  nel  dominio  dell'arte  fîgurata 
non  sembrano  escluderlo.  Non  è  certoche  il  piccolo  bronzo  del 
Louvre,  proveniente  dal  Delta  del  Nilo,  raffîgurante  il  Sole  con 
nimbo  radiato,  rappresenti  Alessandro,  ma  è  possibile  che  tra 
i  piccoli  bronzi  si  trovino  riproduzioni  di  Alessandro  con 
attributi  solari.  Difatti  G.  Blum  ^  fra  bronzi  e  teste  ne  ha 
messe  insieme  parecchie. 

Fin  qui  lo  stato  présente  délia  questione  relatîva  ad  un 
Alessandro  Helios;  dopo  il  trovamento  di  Cirene,  credo  che  taie 
questione  possa  riprendersi. 

Lo  scettro  dà  alla  statua  di  Cirene  carattere  regale,  ma  che 
Alessandro  vi  sia  rappresentato  nella  sua  umana  regalità  lo 
esclude  la  nudità  ed  il  non  lieve  ostacolo  dcU'attributo,  che 
dobbiamo  supporre  nella  mano  destra.  La  ricerca  resta,  dunque, 
circoscritta  nell'ambito  délia  regalità  divina. 

La  protome  ci  dà  Tinterpretazione  del  copista,  il  quale 
intendeva  certo  designare  la  statua  come  cavalière;  quindi 
anche  la  cerchia  di  divinità  maggiori,  che  si  possano  caratte- 
rizzare  come  cavalieri,  si  restringe  tanto,  da  non  lasciar  posto 
che  ad  una  sola  interpretazione  :  Helios.  So  bene  che  anch'essa 

1.  Monumenti  antichi  dei  Lincei,  1895,  p.  12. 

2.  Die  erhaltenen  Darstellungen  Alexanders,  p.  69. 

3.  Revue  archéologique,  1911,  l[,  p.  295  ;  1914,  Il      .  95. 


i74  REVUE   ARCHÉOLOGÎQUE 

non  si  raccomanda  a  prima  vista  e  che  devo  portare,  elemento 
per  elemento,  le  ragioni  necessarie.  Non  se  ne  dovrà  conclu- 
dere,  perù,  che  l'Alessandro  di  Cirene  sia  caratterizzato  corne 
Helios  in  modo  inusitato  al  pubblico,  al  quale  la  statua  era  desti- 
nata;  le  difficoltà  d'interpretazione  sorgono  per  noi,  che  non 
abbiamo  punti  di  riferimento  con  altre  figure  di  Helios. 

Dipinti  vascolari  e  rilievi  greci  e  greco-romani  ci  presentano 
costantemente  Helios  sulla  sua  quadriga,  ad  eccezione  dei  sar- 
cofagi  col  mito  di  Faetonte,  dove  è  seduto  in  atto  di  ascoltare  il 
figlio  prima,  il  messaggio  délia  sua  morte  poi.  Le  statue  sono 
rarissime  ed  io  non  ho  presenti  che  quella,  già  citata,  del 
Louvre  ed  una  statua  di  Berlino*,  con  dedica  a  Zeus-Helios, 
trovata  sopra  una  tomba  egiziana.  Ci  sarebbero,  poi,  quel 
bronzetto  di  Berlino,  in  cui  vedono  una  replica  del  famoso 
Golosso  del  Sole  di  Rodi,  opéra  di  Ghares*,  qualche  testa  ed 
altri  piccoli  bronzi,  identifîcabili  in  Helios  o  in  ritratti  imperiali 
divinizzati  in  Helios,  per  il  nimbo  radiato. 

Disgraziatamente  questo  materiale  serve  a  poco.  Le  grandi 
statue  sono  prive  degli  attributi  o  li  hanno  di  restauro;  negli 
altri  monumenti  figurati,  non  ho  potuto  trovare  un  Helios  con 
lo  scettro;  quanto  alTattributo  délia  mano  destra,  escluse,  per 
Timpossibilità  di  conciliarle  col  frammento  restato  sulla  gamba, 
la  frusta,  la  fiaccola,  la  patera,  non  resta  che  la  cornucopia-. 
Ritengo,  perciô,  che  sulla  gamba  sia  rimasta  l'estremità  infe- 
riore  délia  cornucopia. 

Nella  statuaria  la  cornucopia  è  fréquente  con  tipi  femminili 
di  Fortuna,  Cibele,  Cerere,  Iside;  con  tipi  maschili  di  Fiumi, 
di  Genî,  di  Serapide  e  d'Arpocrate.  Sulla  scorta  dei  numerosi 
esempi,  non  è  difficile  ricostruire  laposizione  délia  cornucopia 
nella  statua  di  Girene  :  suppongo  il  braccio  destro,  che  la 
sorregge,  abbassato  lungo  il  fianco;  la  mano  disposta  in  modo 


1.  Arch.  Zeitung,  XIX,  tav.  145. 

2.  Schreiber,  Studien  ûber  das  Bildnùa  Alexanders,  tav.  XI. 

3.  Millin,  Galerie  mythologique,  tav.  XXVII,  n.  83  :  Sarcofago  di  Faetonte  a 
Villa  Borghese. 


l'alessandro  di  girene  i75 

da  lasciarne  scendere  Testremità;  la  cornucopia  stessa  deviata 
verso  la  linea  esterna  délia  figura,  tanto  da  lasciar  libère  la 
spalla  e  la  parte  superiore  del  braccio  ',  quella  appunto  che 
resta  nelFAlessandro.  11  taglio  netto  del  braccio,  nella  statua  di 
Cirene,  sembra  confermare  la  mia  ipotesi  :  la  cornucopia  e  la 
parte  superiore  del  braccio,  che  vi  aderiva,  sarebbero  state 
lavorate  a  parte,  a  causa  délia  sporgenza  del  pezzo  dalla  massa 
délia  figura,  e  forse,  anche  per  il  minuto  lavoro  che  richiedeva 
la  cornucopia. 

Passiamo  ora  al  campo  délia  tradizione  scritta. 

Koipavo;  y.apzwv  chiama  il  Sole  Nonnos  '^  :  sovrano  signore  dei 
frutti.  Scettro  e  cornucopia  traducono  in  plastica,  in  modo 
perfetto,  taie  concetto  divino.  Resta  a  vedere  perche  non  ho 
trovato  esempi,  nell'arte  figurata,  di  Helios  con  scettro.  Anzi- 
tutto  va  rilevato  che  il  culto  del  Sole  è  poco  difïuso  nella  Grecia 
dei  tempi  storici  \  Secondo  la  genealogia  greca,  Helios  non  è 
divinità  olimpica,  ma  è  figlio  del  titano  Iperione  e  di  Theia  : 
Èk'.£'!7.cac;  àOavaToicî'.v  è  detto  negli  Injii,  oa(|;.(i)v  in  Pindaro.  Il 
culto  del  Sole  era  forse  difïuso  in  Grecia,  prima  dei  tempi  sto- 
rici, vi  resto  poi,  sporadicamente  localizzato,  fino  alTetà 
ellenistica,  in  cui  rifîori;  si  mantenne  nell'età  romana.  Gli  hni 
or/ici  testimoniano  del  carattere  di  divinità  primaria  del  Sole, 
in  quella  cerchia  religiosa;  in  essi  è  detto  :  7,oa;j.QxpaTa)p,  osarÔTYiç 
■Ai7[j.o'j.  A  taie  divinità  conviene  lo  scettro.  Potremo  spiegarci  la 
mancanza  di  taie  attributo  nelle  raffigurazioni  di  Helios,  che 
finora  conoscevamo,  pensando  ehe  Tarte  ellenistico-romana 
ereditava  dall'arte  greca  classica  il  tipo  sulla  quadriga  e  gli 
altri,  che  lo  designano  coma  divinità  secondaria.  Non  è  ancora 
giunto  il  momento  per  esporre  la  ragione,  che  deve  aver  mosso 
l'autore  greco  di  questo  tipo  di  Helios  a  scostarsi  dalle  consue- 
tudini  più  note  délia  religioneedell'arte  greca;  per  il  momento 


1.  Reinach,  Répertoire  de  la  statuaire,  II,  498,  8  ;  499,  5  ed  allre. 

2.  Dionysiaca,  VI[,  291. 

3.  Saglio,  Dictionnaire  des  antiquités,  Sol  ;  Roscher,  /.  c. 


17G  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

mi  basta  di  peter  afïermare  la  possibilità  d'identificare  con 
Helios  una  figura  scettrata. 

Un  elemento  significative  neiridentificazione  è  una  partico- 
larità  délia  testa,  che  non  credo  possa  altrimenti  spiegarsi  che 
accettando  Tipotesi  d'un  Alessandro-Helios.  La  testa  délia  statua 
non  è  lavorata  nella  meta  posteriore,  ed  il  Mariani  suppone  che 
fosse  coperta  da  un  elmo  o  da  un  ttTXo;  di  métallo  Lasciamo 
andare  che  sarebbe  molto  strano,  se  lo  scultore  délia  statua  in 
questione,  che  pure  non  ha  esitato  a  fare  in  marmo  lo  scettro, 
avesse  creduto  necessario  riportare  in  métallo  Telmo  o  il  xTXoc; 
resterebbe  sempre  che  la  parte  di  testa,  soltanto  sgrossata,  non 
corrisponde  a  quella  che  un  qualunque  copricapo  celerebbe  : 
comprende,  infatti,  tutta  la  parte  posteriore  fino  al  collo,  e 
non  comincia  che  a  meta  del  cranio,  dietro  le  orecchie.  Esatta- 
mente  là,  dove  si  dovrebbe  collocare  il  nimbo  radiato  in  una 
testa  del  Sole.  Particolare  questo  che,  eseguito  in  marmo, 
avrebbe  mancato  il  suo  effetto  e  che  perciù  dobbiamo  supporre 
gli  artisti  aggiungessero  in  métallo  dorato.  Dietro  il  nimbo, 
non  era  visible  la  testa  délia  statua,  collocata  in  una  nicchia  — 
ai  piedi  délia  qualeèstata  rinvenuta  —  e  il  copistapoteva  tras- 
curarla. 

Ho  già  dovuto  dire  che  la  protome  equina,  introdotta  dal  co- 
pista,  caratterizza  il  soggetto  come  cavalière  ;  ciù  ha  bisogno  di 
delucidazione,  essendo  noi  assuefatti  aconsiderareilSolecome 
auriga.  Anche  senza  arrivare,  sulla  scorta  del  Roscher,  ai 
Veda,  dove  il  dio  solare  è  un  cavalière,  ci  possiamo  fermare 
alla  cerchia,  cui  anche  la  statua  di  Alessandro  appartiene,  cioè 
a  quelle  epigrafi,  fra  le  quali  una  di  Pergamo*,  dove  .si  legge  : 
''HXtov  ko  ixTuo).  Siamo  con  ciù  perfettamente  autorizzati  a 
mantenere  Tinterpretazione  di  Alessandro-Helios  per  un 
soggetto  caratterizzato  come  cavalière. 

Un  notevole  appoggio  trova  la  mia  identifîcazione  délia  statua 
di  Cirene  nella  possibilità  di  mettere  in  luce  le  ragioni,  che 

1.  Saglio,  /,  c,  p.  1376,  nota  10, 


177 

potevano  muovere  un  artisla  a  raffigurare  Alessandro  in 
sembianza  di  Sole. 

Conquistato  l'Egitto,  Alessandro,  nel  331  av.  Cr.,  si  fece 
consacrare  figlio  di  Amun-Ra,  entrando  cosi  nella  série  de! 
Faraoni,  i  quali  erano  considerati  successive  reincarnazioni  di 
Ra,  il  Sole*.  Possiamo  quindi  ammettere,  con  la  maggiore 
verisimiglianza,  Tesistenza  di  ritratli  di  Alessandro-Helios, 
dopo  il  331  av.  Cr..  Tanto  piu  saremo  disposti  ad  ammetterne 
Tesistenza su  territorio  egiziano,  di  cui  Girene  fu  parte.  Si  traita, 
dunque,  d'una  creazione  statuaria  greca,  che  esce  perù  dal 
mondo  puramente  greco  per  Tavvenimento  storico  che  l'ha 
motivata  e  forse  anche  per  il  pubblico  al  quale  era  destinata. 
Ciù  spiega,  a  suffîcienza,  la  singolarità  di  questo  tipo  di  Helios, 
in  rapporto  aile  raffigurazioni  comuni  al  mondo  greco, 

Passiamo  ora  alla  questione  stilistica. 

Nella  ricerca  deU'autore  d'un  ritratto  statuario  di  Alessandro, 
Lisippo  si  présenta  subito  alla  nostra  mente.  Peraltro,  diffîcoltà 
non  trascurabili  sorgono  a  prima  vista  :  mancano  le  caratte- 
ristiche  piii  spiccate  dello  stile  di  Lisippo.  La  figura,  infatti, 
non  è  liberamente  mossa  nella  spazio  :  è  in  posa;  il  torace, 
specialmente  nelle  spalle,  ha  tutta  Tampiezza  e  larigidezza  che 
notiamoin  Policleto:  proprio  Topposto  délia  tendenza  di  Lisip- 
po di  restringere  il  torace,  spingendo  avanti  le  spalle. 

Ma,  nella  ponderazione  délia  figura  troviamo  una  prima 
traccia  di  Lisippo  :  la  gamba  alleggerita  è  allontanata  di  lato  e 
tocca  il  suolo  con  Pestremità  del  piede  obliquo.  Feci  altrove 
notare  corne  taie  ponderazione  segni  un  progresse  di  Lisippo 
su  Policleto.  L'aver  noi  riscontrato  questa  caratteristica  — 
tutt'altro  che  fréquente  nelle  statue  maschili  —  in  un'opera 
nella  quale  siamo  autorizzati  a  ricercare  lo  stile  di  Lisippo, 
prima  ed  a  preferenza  di  qualunque  altro,  costituisce  un  ele- 
mento  significative.  A  favore  di  IJsippodepongono  anche  le 
proporzioni  :  è  il  canone  policleteo,  corretto  in  modo  da  far 
apparire  più  alta  la  figura. 

i.  Saglio,  /.  c,  p.  1385. 


178  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Percio,  se  a  questo  punto  del  nostro  esame  dovessimo  trarre 
la  conclusione,  dovremmo  dire  che  abbiamo  présente  un  Ales- 
sandro  con  caratteri  stilistici  policletei  e  lisippei  insieme. 

Ma  noi  sappiamo  che  Lisippo  si  dichiarava  alunno  del  Dori- 
foro  di  Policleto,  ed  io  ho  potuto  altrove  mettere  in  luce  corne 
ciô  corrisponda  alla  realtà  nelle  statue  che  possiamo  con  fon- 
damentoattribuirgli.  Dunque,  poichè  i  caratteri  policletei  di  un 
ritratto  di  Alessandro,  per  ragioni  cronologiche,  non  sono  rife- 
ribili  che  ad  un  seguace  di  quel  maestro,  non  forzeremo  la  con- 
clusione, ammettendo  che  quel  seguace  possa  essere  Lisippo 
stesso,  e  TAlessandro-Helios  un'opera  sua,  più  legata  a  Policleto 
di  quelle  altre  che,  fmora,  avevamo  potuto  identificarè. 

Certo,  nessuno  si  sarà  mai  illuso  di  aver  afîerrato  nella  sua 
totalità,  attraverso  Tesiguo  numéro  di  statue,  per  le  quali  si  è 
potuto,  fondatamente,  fare  il  nome  di  Lisippo,  la  figura  artis- 
tica  deiroperoso  e  longevo  bronzista.  Perciù  possiamo  accon- 
sentire,  senza  sforzo,  a  che  la  cerchia  délia  produzione  lisippea 
si  allarghi,  per  accogliere  qualche  altro  tipo  che,  pur  avendo 
in  comune  col  primo  nucleo  di  attribuzioni  caratteri  essenziali, 
se  ne  discosti  per  altri.  Tanto  più  facilmente  potremo  accon- 
sentirvi,  quando  questi  caratteri  siano  proprio  gli  stessi  del 
maestro  che  Lisippo  si  attribuiva. 

La  data  che  ho  già  fissato  come  termine  posi  quem,  il  331  av. 
Cr.,  e  Tetà  dimostrata  da  Alessandro  non  consentono  la  spiega- 
zione  più  ovvia,  quale  sarebbe  quella  di  accogliere  la  statua  di 
Cirenetra  i  primi  lavori  di  Lisippo;  ma  c'è  un  buon  argomento 
per  poter  accettare  Tidea  che  il  grande  scultore,  già  in  pieno 
possesso  del  suo  caratteristico  stile  innovatore,  abbia  creduto 
di  dover  fare  qualche  passo  indietro,  verso  la  tradizione, 
quando  casuali  esigenze  lo  richiedessero.  E  l'Alessandro  di 
Cirene  costituirebbe  uno  di  tali  voluti  ritorni  parziali;  ritorno 
che  il  soggetto  di  moMale  divinizzato  gli  consigliava. 

La  statuaria  greca  del  tempo  di  Alessandro  aveva,  per  il  tipo 
divino,  una  tradizione,  cho  non  sarebbe  stato  facile,  ne  oppor- 
tunoscuotere.  Era  stala  fissatada  Fidia  con  quelle  suemaestose 


l'alessandro  di  cirene  179 

composizioni  che,  dopo  tre  secoli,  riempivano  ancora  di  reve- 
rente  stupore  i  conquistatori  romani.  Narrano,  infatti,  che 
Paolo  Emilio,  entrando  nel  tempio  di  Olimpia,  ebbe  l'impres- 
sione  di  trovarsi  alla  presenza  dello  stesso  Giove.  Dopo  simili 
imponenti  esempi,  agli  artisti  greci  non  restava  che  imitare, 
e  Lisippo  —  c'è  da  crederlo  —  non  puù  aver  misconosciuto  che, 
sostituendo  le  sue  nuove,  agili  creazioni,  liberamente  mosse 
nello  spazio,  aile  gravi  figure  dal  movimento  misurato,  espres- 
sione  perfelta  di  serenità  inalterabile  e  veramente  divina, 
avrebbe  compromesso  la  comprensione,  da  parte  del  pubblico, 
delTessere  superiore. 

La  folla  umana  che  si  afîaccenda  nella  via,  ecco  il  campo 
che  airarte  di  Lisippo  indicé  Eupompo,  secondo  Taneddoto; 
e  Lisippo  stesso,  infatti,  con  la  nota  espressione*,  fissava  il 
proprio  contributo  alla  statuaria  greca,  nella  rappresentazione 
degli  uomini.  Poseidone,personifîcante  il  mare,Ermete,  araldo 
degli  dei,  offrivano  con  la  loro  spéciale  fisonomia  divina, 
queH'instabilità  che  Lisippo  potè  con  effîcacia  far  esprimere 
dalla  propria  arte  ;  ma,  fuori  di  tali  casi,  era  assolutamente 
necessario  attenersi  aile  esigenze  del  sentimento  religioso  e 
délia  conseguente  tradizione  artistica.  Tanto  più  necessario, 
volendo  rappresentare  un  mortale  in  sembianze  divine. 

Quindi,  per  parte  mia,  non  solo  posso  ammettere  che  Lisippo, 
dopo  il  331  av.  Cr.,  abbia  potuto  plasmare  un  Alessandro- 
Helios  di  stile  tradizionalmente  severo,  quale  ci  è  ofïerto  dalla 
statua  di  Cirene,  ma  giungo  fîno  a  credere  che  Tartista,  il 
quale  si  fosse  diversamente  regolato,  avrebbe  mancato  il  suo 
scopo  :  quello  di  far  apparire  Alessandro  simile  ad  un  dio. 

Detto  ciù  è  appena  necessario  ch'io  rilevi  come  le  obiezioni, 
mosse  dal  Mariani  alTattribuzione  a  Lisippo,  non  costituiscano 
ostacoli  per  me,  ed  anzi  qualcuna  sia  decisamente  favorevole. 
Bisogna  tener  présente  che  Lisippo,  per  il  prof.  Mariani  —  il 
quale  ha  dimostrato  di  non  voler  prendere  in  considerazione  i 

.  Maviglia,  Vattività  artistica  di  Lisippo,  p.  42. 


180  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

miei  recenti  studi  —  è  ancora  l'autore  deirApoxyomenos  del 
Vaticano.  Le  ragioni  contrarie  del  Mariani  sono  le  seguenti  : 
((  La  modellatura  del  torace  e  la  rigida  frontalità  di  lutta  la 
figura  ricordano  molto  le  opère  policletee  ed  hanno  un  carat- 
tere  di  stile  più  severo,  più  arcaico  délie  opère  lisippiche  »; 
((  con  Tapoxyomenos  non  ha  comuni  la  sveltezza  délie  propor- 
zioni,  la  libertà  del  motivo  plastico  e  la  fînezza  e  varietà  di 
modellatura  »;  «  somiglia  molto  alla  statua  Rondanini,  nella 
qnale  ormai  si  riconosce  Alessandro  di  scuola  attica  )). 

Contro  la  prima  obiezione  ho  già  detto  abbastanza. 

Contro  la  seconda,  non  devo  far  altro  che  riafîermare  quanto 
scrissi  altrove  :  cioè,  che  convengo  con  P.  Gardner  nel  ritenere 
l'autore  deirApoxyomenos  del  Vaticano  posteriore  a  Lisippo  ; 
e  perciù,  mentre  sotto  certi  aspetti  esso  risulta  più  evoluto, 
sotto  certi  altri  ci  apparisce  meno  osservante  délia  buona  tra- 
dizione  greca,  mi  riferisco  alla  soverchia  libertà  del  motivo 
plastico  ed  al  canone  diverso  da  quello  di  Policleto,  perfezio- 
nato  da Lisippo. 

Contro  la  terza,  ripeto  che  T Alessandro  Rondanini  présenta 
unacosiimpressionante  somiglianza  di  struttura  con  TApoxyo- 
menos  di  Firenze  —  ch'io  credo  copia  dell'  originale  di 
Lisippo  —  da  confermare  Topinione  di  quegli  archeologi  che  a 
Lisippo  lo  attribuirono.  E  fra  questi  ce  ne  sono  due*  che  il 
Mariani  ha,  altre  volte,  mostrato  di  tenere  nella  piii  alta  consi- 
derazione.  Il  Furtwangler'  credo  sia  stato  il  primo  ad  opporsi 
airattribuzione  a  Lisippo,  ma,  infine,  egli  si  limita  va  a  negare 
che  la  statua  Rondanini  sia  di  stile  lisippeo.  Negava,  in  altre 
parole,  che  la  statua  Rondanini  sia  dello  stesso  autore  deirApo- 
xyomenos del  Vaticano.  Precisamente  quanto  ho  ripetuto  e 
ripeto  anch'io. 

Gli  scrittori  delF  impero  ci  tramandano  di  un  editto  di  Ales- 
sandro, nel  quale  si  proibiva  ad  altri  che  a  Lisippo  di  ritrarlo 
in  bronzo.  E  la  statua  diCireneè  copia  d'un  originale  in  bronzo, 

1.  Brunii,  Glyptothek,  153;  E.  Loewy,  La  scultura  greca,  p.  114. 

2.  Glyptothek,  298. 


l'alessandro  di  girene  181 

ce  ne  dà  fede  il  goffo  sostegno.  Ma  gli  stessi  scrittori  ci  danno, 
poi,  notizia  di  ritratti  di  Alessandro,  anche  in  bronzo,  opéra 
di  altri  artisti  \  Sono  :  Euphranor  di  Gorinio,  contemporaneo  di 
Lisippo;  Euthycrates,  figlioe  scolaro  di  Lisippo;  Chaereas,  che 
secondo  Tipotesi  di  W.  Helbig,  accolta  anche  dal  Furtwângler-, 
da  S.  Reinach*  e  da  Th.  Schreiber*,  s'identifica  con  Chares, 
autore  de!  Colosso  di  Rodi.  Leochares  di  Atene  esegui  un  gruppo 
criselefanlino  délia  famiglia  di  Alessandro. 

Nella  nostra  ricerca  delFaulore  delFAlessandro  di  Girene, 
possiamo  subito  escludere  Euphranor,  perché  us6  un  canone 
dal  corpo  troppo  esile,  in  confronto  délia  testa,  délie  braccia  e 
délie  gambe  troppo  sviluppate*.  Di  Leochares  si  parla  soltanto 
per  una  composizione  criselefantina,  sappiamo  peraltro  che 
lavoro  in  bronzo;  tuttavia,  corne  attico,  non  si  puù  prendere 
in  esame  per  la  statua  di  Girene,  di  stile  decisamente  argolico. 
Restano  Euthycrates  e  Ghares.  Del  primo,  non  avendo  punti  di 
riferimento,  non  potremmo  parlare  con  cognizione;  è  certo, 
pero,  che  la  statua  di  Girene,  essendo  una  copia,  eseguita  per 
un  edificio  molto  sontuoso,  ed  in  proporzioni  maggiori  di 
quelle  délie  altre  statue,  venute  in  luce  nello  stesso  luogo, 
l'autore  del  suo  originale  va,  senza  dubbio,  cercato  fra  gli  autori 
in  grande  fama  Passo  dunque  a  Ghares. 

Ecco  la  questione  :  Ghares,  autore  del  famoso  Golosso  del 
Sole,  puù  essere  Tautore  del  nostro  Alessandro-Helios? 

W.  Helbig  ascrisse  a  Ghares  la  testa  del  tipo  capitolino  di 
Alessandro-Helios,  e  l'attribuzione,  anche  a  me,  come  già  al 
Reinach  ed  allô  Schreiber,  sembra  verosimile  :  quella  patetica 
testa  puù  ben  mettersi  ail'  inizio  délia  scuola  di  Rodi,  che  ci 
ha  dato  il  Laocoonte.  Lo  Schreiber  va  oltre,  ed  in  due  piccoli 
bronzi  di  Londra  e  di  Parma  ha  riconosciuto  il  tipo  statuario, 


1.  Bernoulli,  /.  c,  p.  13. 

2.  Berl.  phUoL  Wochemchrift,  1896,  p.  15l7 

3.  Gazette  des  Beaux-Arts,  1902,  I,  p.  156. 

4.  L.  c,  p.  75. 

5.  Plinio,  XXXV,  128. 


182  kËVUE   ARCHEOLOGIQUE 

al  quale  apparterrebbe  la  testa  capitolina.  Non  posso  giudicare 
dalla  piccola  riproduzione,  che  ci  ha  presentato  lo  Schreiber, 
se  egli  è  nel  vero;  in  ogni  modo,  questa  statuina  di  carattere 
prassitelico  non  ha  nuUa  di  comune  con  TAlessandro  di  Girene, 
e  se  dobbiamo  credere  che  rappresenti  proprio  un  Alessandro 
di  Ghares,  ce  n'è  abbastanza  per  escludere  che  la  statua  di  Girene 
appartengaailostesso  maestro.  Gomunque,  pur  fermandoci  alla 
testa  capitolina  ed  aile  altre,  che  ripetono  quel  tipo,  non  resta 
nessuna  probabilità  per  Tattribuzione  a  Ghares  délia  statua  di 
Girene.  Quella  testa  violentemente  piegata,  agitata,  artificiosa 
nel  sapiente  disordine  dei  capelli,  non  ha  nulla  di  comune  con 
la  testa  severa,  dai  capelli  naturalisticamente  arruffati,  délia 
statua  di  Girene.  E,  fermandoci  a  questi  capelli,  vi  cogliamo 
una  spiccata  caratteristica  di  quell'artista  che  si  era  distinto 
per  le  capigliature  :  Lisippo. 

Non  mi  resta  che  concludere  e  lo  faccio  aiïermando  che,  in 
base  aile  nostre  cognizioni,  a  Lisippo,  più  di  qualunque  altro, 
conviene  Tattribuzione  délia  statua  di  Girene,  e  che,  pertanto, 
fino  a  prova  contraria,  mi  sento  autorizzata  ad  ascriverne  a  lui 
l'originale. 

Gol  trovamento  delF  Alessandro-Helios  di  Girene  il  nostro 
patrimonio  statuario  si  è  notevolmente  arricchito;  vorrei  chiu- 
dere  augurando  che  nella  stessa  misura,  riescano  ad  avvantag- 
giarsene  i  nostri  studi  archeologici. 

*  * 

Ho  detto,  nelle  prime  pagine,  di  aver  trovato  un  nuovoargo- 
mento  per  sostenere  la  mia  ipotesi,  che  il  celebrato  Alessandro 
con  la  lancia,  di  Lisippo,  si  lasci  intravedere  attraverso  il  Posei- 
done  di  Milo,  come  ho  esposto  altrove.  Alludevo  al  piccolo 
bronzo  del  Gabinet  des  Médailles,  trovato  a  Reims*,  riprodu- 
cente  Alessandro  in  trono. 

Le  armi  date  aile  sue  mani  sono  moderne,  ma  la  mossa  del 

1.  Schreiber,  l.  c,  p*    114;  Bernoulli,  /.  c.  p.  116» 


L^ALESSANDRO    DI    CiRENE  183 

braccio  destro  e  Telmo  attestano  Tesattezza  délia  reintegrazione 
délia  lancia.  Ebbene,  chi  guardi  questo  Alessandro,  con  la 
lancia  nella  désira,  avendo  présente  il  Poseidone  di  Milo,  non 
puù  non  restare  colpito  dall'  identità  dei  due  panneggiamenti; 
tanto  più,  traitandosi  di  schéma  non  comune  di  panneggia- 
mento  e  di  due  statue,  seduta  Tuna,  stante  Taltra. 

Secondo  0.  Bernoulli,  TAlessandro  di  Reims  è  la  fusione  di 
un  tipo  di  Zeus  e  di  un  altro  di  Ares.  Sto  anch'  io  per  la  fusione, 
ma,  al  posto  di  Zeus,  melto  un  Alessandro-Zeus,  al  posto  di 
Ares,  un  Alessandro  simile  al  Poseidone  di  Milo  :  ossia  il  cele- 
brato  Alessandro  con  la  lancia,  secondo  la  mia  ipotesi. 

Roma.  Ada  Maviglia. 


LES  ISIAQUES  DE  U  GllJLË 


Dans  les  deux  articles  que  j'ai  déjà  donnés  à  cette  Revue*,  j'ai 
eu  à  m'occuper  d'antiquités  isiaques  trouvées  sur  les  bords  du 
Rhône.  Le  hasard  des  découvertes  attire  maintenant  l'attention 
sur  des  objets  égyptiens  rencontrés  dans  le  bassin  de  la  Saône. 

M.  Bidault  de  Grésigny,  qui  fait  d'intelligentes  recherches 
dans  le  lit  de  cette  rivière,  a  ramené  plusieurs  vases  en  bronze 
d'un  très  beau  style.  Leur  forme  indique  qu'ils  étaient  destinés 
à  contenir  du  vin,  ce  qui  n'a  rien  d'étonnant  puisqu'ils  étaient 
utilisés  dans  les  environs  de  Ghalon. 

L'un  d'eux  est  orné  d'une  très  gracieuse  figurine  d'Horus-Bac- 
chus  :  l'index  de  la  main  droite  montre  la  bouche,  geste  caracté- 
ristique du  fils  d'isis,  et  la  gauche  tient  une  coupe.  Il  n'y  a  pas 
d'autres  attributs,  mais  ce  que  nous  voyons  est  bien  suffisant 
pour  déterminer  nettement  cette  charmante  statuette,  (fig.  1). 

M.  Bidault  do  Grésigny  avait  déjà  trouvé  dans  la  Saône  un 
Horus  en  bronze  sans  tête,  tenant  la  corne  d'abondance. 

Le  5  mai  1914,  M.  Janton  présenta  à  l'Académie  de  Mâcon 
un  petit  Osiris  égyptien  en  bronze  (fig.  2),  trouvé  dans  les 
sables  de  la  Saône  à  Sermoyer  (Ain).  Cette  statuette  est 
munie  de  deux  bélières,  une  dans  le  dos,  l'autre  à  côté  du  pied 
droit;  c'est  un  type  de  basse  époque  égyptienne  et  je  ne  crois 
pas  qu'on  ait  encore  clairement  expliqué  l'usage  de  la  boucle 
qui  accompagne  le  pied. 

Le  16  décembre  1913,  M.  Gadant  présentait  à  la  Société 
Eduenne  une  petite  figurine  en  faïence  verte  représentant  la 
déesse  Sechet  (Sechmet)  à  tête  de  lionne  surmontée  du  disque 
solaire.  C'est  une  amulette  d'un  beau  travail  égyptien.  Elle  a 

1.  Voy.  la  Revue  archéologique^  1900,  I,  p.  75;  1912,  ÎI,  p.  197. 


Fig.  1.       Bronze  découvert  daos  U  Saône. 


LES    ISIÀQUES    DE    LA    GAULE 


185 


été  trouvée  dans  un  jardin  voisin  de  la  gare  d'Autun,  apparte- 
nant à  M.  Laurin,  à  une  profondeur  assez  grande  en  faisant  des 
travaux  de  défoncement. 

On  pourra  lire  la  savante  communication 
de  M.  Gadant  dans  le  tome  XLII  des  Mé- 
moires de  la  Société  Éduenne,  (fig.  '^). 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  Ton 
découvre  à  Autun  des  objets  égyptiens.  En 
1868,  le  célèbre  égyptologueChabas  publiait 
dansle  sixième  volume  de  la  Société  Éduenne 
un  travail  important  sur  une  trouvaille  faite 
à  Autun.  Chabas  explique  que  les  pièces  qui 
lui  sont  soumises  sont  au  nombre  de  huit, 
savoir  : 

Trois  statuettes  funéraires  égyptiennes; 
Trois  statuettes  d'Osiris  infernal; 
Une  statuette  d'Isis  allaitant  Horus; 
Une  statuette  de  femme. 

Ces  figurines  appartiennent  au  Musée  d'x4utun  ou  à  la  col- 
lection G.  BuUiot. 

Elles  ont  été  trouvées  dans  le  sol  d'Autun  ; 
pour  celles  de  terre  cuite,  on  connaît  même 
l'endroit  précis  de  leur  découverte,  sur  le  bord 
de  la  grande  voie  romaine  qui  traversait  la 
ville,  delà  porte  d'Arroux  à  la  porte  de  Rome'. 
L'égyptologue  montre  d'abord  le  sens  des 
trois  oiishabtis  ixxnévdiivQS.  Ces  explications  ont 
déjà  été  données  bien  des  fois  et  il  n'est  pas  un 
touriste  des  bords  du  Nil  qui  ne  connaisse 
parfaitement  le  rôle  de  ces  petits  personnages 
que  l'on  mettait  dans  les  tombeaux  pour  aider 
le  défunt  dans  les  travaux  agricoles  de  l'Amenti. 

1.  El)  1855,  on  voyait  encore  sous  la  porte  d'Arroux  le  pavé  romain  en  gros 
blocs,  avec  les  ornières  creusées  dans  la  pierre  par  les  chars  depuis  l'époque 
romaine. 

V^^    SÉKlEjT.   111.  13 


186  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Puis  il  décrit  ceux  qu'il  a  sous  les  yeux. 

«  N°^  1  et  2  (fig.  4).  Deux  figurines  de  terre  cuite  vernissée, 
toutes  les  deux  brisées  par  le  bas,  et  complétées  en  ciment.  La 
main  gauche  tient  la  houe;  la  droite,  la  pioche  et  le  sac  à 
semence  (dont  on  ne  voit  que  la  corde  de  suspension)  qui  pend 
derrière  l'épaule.  Le  n^  2  n'a  pas  d'inscription;  le  n^  1  était 
décoré  d'une  légende  verticale  contenant  le  nom  et  les  titres 
du  défunt.  La  cassure  a  enlevé  la  fin  de  ce  petit  texte  et  l'on 
n'y  lit  plus  que  :  U  0 sir is  prophète,  chef  des  fantassins.  Ce  titre 
d'Osiris  signifie  simplement  «  le  défunt  ». 

((  N^  3  (Musée  d'Autun,  n*'  441  du  catalogue).  Figurine  en  bronze 
représentant  le  défunt  sous  ses  bandelettes;  les  mains  tiennent 
deux  sacs  aux  semences.  Celui  qui  passait  sur  l'épaule  droite 
n'est  plus  distinct;  probablement  il  n'a  jamais  été  figuré;  on 
n'en  voit  que  la  corde  de  suspension.  Au  dessous  du  sac  qui  se 
distingue  sur  l'épaule  gauche,  est  une  petite  fleurette  d'orne- 
ment composée  de  huit  points  saillants  formant  cercle  et  d'un 
point  central;  ce  même  ornement  est  répété  à  l'endroit  corres- 
pondant de  l'épaule  droite  et  six  fois  sur  le  pilier  d'appui  de  la 
statuette. 

((  Une  ligne  d'inscription  garnit  le  devant  de  la  statuette;  on 
y  lit  en  assez  médiocres  hiéroglyphes  : 

«  Pour  que  ce  texte  devienne  intelligible,  il  faut  admettre 

que  le  graveur  a  confondu  \J]  avec  Cl  et  y^^  avec  ^*' ,  ce 
qui  n'est  pas  absolument  invraisemblable,  s'il  a  transcrit  un 
modèle  hiératique.  On  pourrait  traduire  dans  ce  cas  :  «  Illumi- 
nation de  rOsiris  Am-ap-neter  -  snou  Ouah  -  het  -  phra  fils  de 
la  dame  Touha.  » 

«  Ouah  -  het  -  phra*  est  le  nom  égyptien  dont  les  Grecs  ont 
fait  Apriès.  Je  ne  connais  pas  d'exemple  du  nom  de  femme 
Touha. 

1.  On  pourreit  corriger  cette  lecture  de  Chabas  en  celle  de  Ouah*àb* 
Râ  =  Apriès. 


LES   ISIAQUES    DE  LA    GAULE  187 

«  Quant  au  titre  sacerdotal  x\m-ap-neter-snou,  qui  signi- 
fie celui  qui  est  V organe  des  deux  dieux,  j'en  ai  rencontré  un 
autre  exemple  sur  une  jolie  statuette  de  porcelaine  appartenant 
au  cabinet  de  M.  Emile  Guimet  de  Fleurieu.  Ce  petit  monument 
est  en  apparence  d'exécution  irréprochable  et  cependant  Tins- 
cription  en  est  criblée  de  fautes  grossières.  Nous  devons 
attendre  des  documents  moins  corrompus  pour  disserter  sur 
la  fonction  religieuse  dont  nous  venons  de  parler. 

«  Les  statuettes  funéraires  en  métal  sont  extrêmement  rares. 
Le  savant  conservateur  du  British  Muséum,  M.  S.  Birch,  exclut 
le  métal  de  la  liste  des  matières  qui  pouvaient  servir  à  confec- 
tionner ces  figurines  mystiques.  Le  Musée  du  Louvre  en  pos- 
sède une  qui  serait  de  l'époque  de  Ramsès  IL  Mais  on  doute  de 
son  authenticité. 

((  En  définitive  toutes  celles  de  métal  sont  suspectées  de  faus- 
seté. Le  spécimen  du  Musée  d'Autun  ne  peut  qu'accroître  les 
soupçons  des  égyptologues  :  la  gaucherie  des  hiéroglyphes, 
l'incorrection  du  texte,  l'état  incomplet  d'un  des  sacs  à  semence, 
enfin  l'ornementation  exceptionnelle  du  pilier,  tout  porte  à 
croire  que  ce  petit  monument  est  une  inintelligente  imitation 
d'un  modèle  en  terre  cuite  de  l'époque  saïte.  » 

On  voit  que  le  savant  est  en  défiance.  Il  flaire  le  faussaire. 
Eh  bien,  tous  les  détails  qui  le  font  douter  de  l'authenticité 
me  confirment,  au  contraire,  dans  la  pensée  que  cet  oushabti 
de  bronze  est  d'un  travail  gallo-romain.  A  plusieurs  reprises 
j'ai  dit,  écrit,  imprimé,  que  lorsqu'il  s'agit  de  ces  objets 
douteux  quoique  antiques,  il  ne  faut  pas  parler  de  faussaires. 
Ils  n'ont  pas  été  fabriqués  pour  tromper  les  naïfs  collection- 
neurs, ils  ont  été  commandés  par  les  Isiaques  qui,  lorsqu'ils 
n'avaient  pas  sous  la  main  pour  placer  dans  les  tombeaux  des 
figurines  venant  d'Egypte,  en  faisaient  faire  des  imitations  plus 
ou  moins  exactes. 

Parmi  les  défauts  signalés  par  Ghabas  sur  cette  figurine,  il 
parle  du  second  sac  à  semences  qui  manque  sur  l'épaule  droite. 
Ce  n'est  pas  une  erreur.  Ges  «  répondants  »  ne  tenaient  qu'un 


i88  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

sac  sur  l'épaule  gauche,  et  il  y  est.  Si  ron  voit  une  corde  devant 
répaule  droite,  c'est  là  Terreur.  Il  faudrait  vérifier  si  ce  que 
Ton  prend  pour  une  corde  n'est  pas  un  manche  de  pioche.  Mais 
pour  faire  cette  vérification,  une  grande  difficulté  se  présente  : 
cette  statuette  n'est  plus  au  Musée  d'Autun;  elle  a  disparu,  elle 
est  perdue. 

Comment?  Pourquoi?  Les  conservateurs  l'ignorent. 

Je  crois  pouvoir  raconter  ce  qui  a  pu  se  passer. 

Un  jour,  un  savant  «  autorisé  »  a  visité  le  Musée  d'Autun; 
il  a  vu  la  statuette,  a  reconnu  qu'elle  n'est  pas  égyptienne  et 
s'est  écrié  : 

tt  —  Voilà  une  pièce  fausse  dont  il  faut  vous  débarrasser; 
elle  déshonore  votre  belle  collection!  » 

Et  le  document  a  été  jeté  à  la  rivière  ou  porté  au  fondeur. 

Combien  de  fois  j'ai  eu  à  lutter  contre  des  spécialistes  qui 
voulaient  absolument  me  faire  retirer  de  mes  vitrines  des  spé- 
cimens précieux,  authentiques,  trouvés  dans  des  tombeaux 
romains,  mais  qui  n'étaient  que  des  imitations  maladroites, 
faites  pour  des  Isiaques,  et  par  conséquent  tout  à  fait  sincères. 

Lorsque  j'ai  parlé  à  l'Académie  des  Inscriptions  de  Vlsis 
romaine,  je  disais  :  «  Les  documents  mis  au  jour  sont  dédaignés 
ou  détruits.  Si  ce  sont  des  pièces  d'origine  égyptienne,  elles 
trouvent  leur  place  dans  les  séries  de  l'Egypte  antique,  et  la 
provenance  européenne  est  vite  oubliée  ;  si  ce  sont  des  objets 
imités  à  l'époque  romaine,  on  les  déclare  faux  et  on  les  brise.  » 

11  faut  dire  un  mot  des  a  petites  fleurettes  d'ornement  com- 
posées de  huit  points  saillants  formant  cercle  et  d'un  point 
central  »,  qui  ornent  le  dos  de  la  statuette.  C'est  un  symbole 
bien  connu  qui  représente  le  soleil  au  milieu  des  étoiles.  On 
le  trouve  fréquemment  sur  les  enveloppes  de  momies  et  sur  les 
linceuls  d'Antinoë  avec  le  sens  de  lumière,  de  vie  future,  d'éter- 
nité; il  est  adopté  à  la  fois  par  les  derniers  Isiaques  et  les  pre- 
miers chrétiens.  Sa  présence  sur  le  monument  qui  nous  occupe 
est  mieux  qu'un  renseignement,  c'est  une  date.  Elle  nous 
apprend  que  cet  oushabti  de  bronze,  copié,  ainsi  que  l'indique 


Fig.  4. 


190  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Chabas,  sur  une  figurine  de  Tépoque  saïte,  a  été  fabriqué  pro- 
bablement au  iii'^  siècle. 

Après  rétude  des  oushabtis,  Chabas  s'occupe  des  statuettes 
d'Osiris  :  a  Ces  figurines,  dit-il,  représentent  Osiris  dans  l'atti- 
tude des  statuettes  funéraires  dont  nous  venons  de  parler.  Au 
lieu  d'instruments  d'agriculture,  le  dieu  tient  le  fléau  et  le 
pediim\  il  est  coifïé  du  diadème  atef  qui  se  compose  de  la  haute 
tiare  conique  terminée  en  boule,  flanquée  de  deux  plumes, 
attributs  de  la  vérité.  A  l'heure  de  la  mort,  tous  les  justes 
devenaient  des  Osiris  ;  ils  avaient  à  subir  les  mêmes  épreuves 
que  ce  dieu  et  devaient,  à  son  exemple,  triompher  de  la  mort 
et  reprendre  l'existence. 

((  Aussi  les  figurines  d'Osiris  infernal  sont-elles  extrêmement 
multipliées;  elles  étaient  employées  dans  les  cérémonies 
publiques  et  privées  du  culte  des  morts.  On  les  plaçait  dans 
les  chapelles  domestiques,  on  les  portait  comme  insignes  dans 
les  fêtes  à  exode  et,  pour  ce  motif,  on  les  trouve  tantôt  munies 
d'un  tenon  d'emmanchement,  tantôt  placées  sur  un  socle  du 
même  jet  que  la  figurine;  d'autres  sont  munies  de  bélières. 

((  Les  trois  statuettes  de  cet  ordre  qui  appartiennent  au  Musée 
d'Autun  sont  en  bronze;  l'état  de  conservation  est  médiocre. 

((  Le  n«  1  ne  présente  rien  de  particulier  (n<^  C  442  du  cata- 
logue). 

«  Le  n«  2  est  muni  de  deux  bélières  ;  sous  la  base  on  distingue 
encore  la  naissance  d'un  tenon  qui  a  été  coupé.  Cette  figurine 
était  portée  au  bout  d'un  bâton  et  quelque  sorte  d'ornement  y 
était  suspendu  au  moyen  des  bélières.  (Cabinet  de  M.  G.  Bul- 
liot)  (fig.  5). 

((  Le  n^  3  offre  aussi  les  restes  du  tenon  ;  sa  coiffure  est  sur- 
montée du  disque  solaire,  symbole  du  dieu  Râ  (le  soleil)  dont 
Osiris  n'est  qu'une  forme  dérivée.  (Cabinet  de  M.  G.  Bul- 
liot.)  » 

Je  me  permettrai  de  faire  observer  que  l'on  n'a  pas  encore 
rencontré  d'Osiris-Soleil.  Si  le  personnage  représenté  est  momi- 
forme  avec  un  disque  sur  la  tête,  c'est  Phtah.  Il  faudrait  véri- 


titi.  5. 


192  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

fier  s'il  lui  manque  le  fouet  et  le  pedum  dOsiris  et  s'il  tient  à 
deux  mains  un  long  sceptre  devant  lui. 

Mais  on  se  heurte  à  une  impossibilité  comme  pour  Toushafati 
de  bronze;  les  n^»  1  et  3  ne  figurent  plus  au  Musée  d'Autun. 
Seul  s'y  trouve  le  n"  2,  reproduit  dans  la  figure  5  ;  le  n<^  B  346, 
inscrit  sur  le  socle,  indique  en  effet  qu'il  a  fait  partie  de  la 
collection  Bulliot. 

A  propos  de  la  statuette  d'Isis  allaitant  Horus  (fig.  5  ;  Cabinet 
de  M.  Bulliot,  B  345),  Ghabas  explique  le  mythe  d'Isis  et  conclut  : 
((  La  déesse  est  toujours  dans  l'attitude  d'une  femme  assise, 
même  lorsque,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  fréquent,  le  siège  ne 
fait  pas  partie  du  groupe.  Les  pieds  portent  généralement  sur 
un  socle  carré,  au  dessous  duquel  on  voit  souvent  les  restes  du 
tenon  d'emmanchement. 

((  Dans  le  monument  d'Autun,  les  pieds  et  le  socle  ont  disparu, 
mais  un  tenon  encore  visible  montre  que  la  statue  d'Isis  avait 
dû  être  fixée  sur  un  siège.  Ce  petit  groupe  est  d'un  bon  style, 
quoique  le  travail  n'en  soit  pas  très  finement  achevé.  » 

Puis  Chabas  s'occupe  d'une  statuette  de  femme  en  bronze 
(Musée d'Autun,  C  440).  «C'est,  dit-il,  un  pommeau  creux  déta- 
<îhé  du  manche  d'un  ustensile  qui  n'a  pas  été  conservé.  »  Cet 
objet  est  encore  un  de  ceux  qui  ont  disparu  de  la  collection, 
probablement  parce  qu'il  n'était  pas  purement  égyptien. 

Pourtant  la  pièce  devait  être  intéressante,  car  A.  de  Longpé- 
rier,  qui  l'a  vue,  la  compare  à  des  statuettes  de  bronze  du  Musée 
de  Florence  et  ajoute  que  pour  la  dimension  et  l'aspect  plat, 
la  statuette  d'Autun  ressemble  assez  exactement  à  certaines 
figures  de  terre  noire  servant  de  supports  aux  coupes  à  quatre 
pieds  que  l'on  recueille  en  grand  nombre  en  Etrurie. 

En  somme,  il  s'agit  d'un  ornement  égyptisant  qui  n'a  sans 
doute  joué  aucun  rôle  isiaque. 
Chabas  conclut  ainsi  : 

((  Les  huit  statuettes  que  je  viens  de  décrire  ont  été  trouvées 
dans  le  sol  d'Autun;  il  se  pourrait  donc  que  quelques-uns  de 
ces  antiques  eussent  été  apportés  h  Autun  dès  l'époque  de  la 


LES    ISIAQUES    DE   LA    GAULE  193 

conquête  romaine.  Mais,  à  quelque  date  reculée  que  puisse 
remonter  cette  importation,  on  n'est  pas  fondé  à  en  tirer  la 
moindre  conséquence  historique.  Les  ustensiles  du  culte  d'Isis 
et  de  Sérapischez  les  Romains  n'ont  qu'un  rapport  très  éloigné 
avec  ceux  du  culte  égyptien  ;  ils  ne  comprennent  ni  statuettes 
funéraires^  ni  figures  d'Osiris  infernal.  Nous  avons  donc  affaire 
ici  à  des  objets  de  curiosité  recueillis  par  des  voyageurs  en  sou- 
venirs de  leurs  excursions  lointaines.  » 

Je  me  souviens  des  discussions  que  j'ai  eues  avec  le  savant 
égyptologue  lorsqu'il  a  publié  cette  phrase  dans  laquelle  j'ai 
souligné  quelques  mots  qui,  à  mon  avis,  n'étaient  pas  accep- 
tables. 

Les  oushabtis,  lui  disais-je,  ne  sont  pas  des  objets  du  culte 
des  temples.  En  Egypte,  comme  en  Gaule,  on  les  trouve  dans 
les  tombeaux.  Les  Osiris  se  rencontrent  dans  les  laraires  et 
dans  les  tombes.  J'ai  dans  mon  Musée  un  fort  bel  Osiris,  don 
du  docteur  Hamy,  qui  a  été  trouvé  dans  un  laraire  à  Pompéï. 
L'hypothèse  des  amateurs  à' objets  de  curiosité  ne  peut  expli- 
quer la  quantité  considérable  d'objets  isiaques  que  l'on  ren- 
contre sur  le  sol  de  toute  l'Europe  et  presque  toujours  dans 
des  sépultures...  Je  dois  avouer  modestement  que  je  n'ai  pu 
arriver  à  modifier  l'opinion  de  Chabas, 

A  propos  des  découvertes  faites  à  Autun,  Chabas  parle  d'ob- 
jets qui  auraient  été  trouvés  dans  les  environs  de  Clermont- 
Ferrand.  Ce  renseignement  est  précieux;  malheureusement  je 
n'ai  pu  en  vérifier  l'exactitude;  jamais,  pour  les  raisons  que 
j'ai  développées,  les  Musées  ne  conservent  les  objets  isiaques 
trouvés  en  Gaule. 

Je  cite  le  passage  : 

((  Le  Musée  de  Clermont-Ferrand  possède,  ainsi  que  celui  d' Au- 
tun, un  certain  nombre  de  figures  égyptiennes,  dont  M.  Pognon 
a  rendu  un  compte  sommaire  dans  les  Mélanges  d' Archéologie 
égyptienne  et  assyrienne  (t.  III,  p.  65).  On  y  remarque  princi- 
palement une  statuette  d'Osiris  en  bronze,  haute  de  18  centi- 
mètres, du  modèle  des  oushabti.  On  l'a  considérée  comme  une 


194  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

imitation  gallo-romaine  d'un  original  égyptien.  D'autres  anti- 
ques égyptiens,  conservés  dans  des  collections  particulières, 
sont  supposés  venir  de  la  même  localité,  c'est-à-dire  de  Puy-de- 
Gorent,  mine  féconde  d'armes,  de  pierres  taillées  et  polies  et 
de  monuments  gaulois  et  romains.  L'origine  des  pièces  de  types 
égyptiens  attribuées  à  Corent  me  paraît  exiger  sérieuse  vérifi- 
cation. Mais  il  n'y  a  aucun  doute  à  entretenir  sur  celles  de  plu- 
sieurs statuettes  d'Osiris,  en  métal,  ni  sur  une  Isis-nourrice, 
qui  rappellent  les  petits  monuments  d'Autun,  et  qui  ont  été 
trouvées  à  Clermont  même,  près  de  la  caserne  de  cavalerie  et 
au  faubourg  Saint-Allyre.  La  présence  de  ces  objets  égyptiens 
dans  le  sol  d'Autun  et  de  Clermont  s'explique  par  des  circons- 
tances qui  ne  devaient  pas  être  de  rare  occurence,  mais  qui 
ne  paraissent  pas  avoir  d'importance  au  point  de  vue  archéo- 
logique. » 

J'ai  déjà  dit  que  les  explications  du  savant  égyptologue  ne 
concordent  pas  avec  les  faits  que  Ton  constate  sur  tous  les 
points  de  l'Europe;  il  y  aurait  eu  vraiment  à  l'époque  romaine 
trop  de  Cook-toiiristes  venant  du  Nil,  trop  d'amateurs  de  curio- 
sités égarant  leurs  collections,  et  auxquels  on  vendait  des  faux 
laborieusement  fabriqués  pour  les  tromper. 

Je  dois  faire  remarquer,  à  propos  de  Clermont,  que  je  suis 
allé  bien  souvent  dans  cette  ville  et  que  jamais  on  n'a  pu  me 
montrer,  ni  au  Musée,  ni  chez  des  particuliers,  le  moindre  objet 
égyptien.  Ainsi  voilà  des  trouvailles  parfaitement  constatées, 
Chabas  le  prouve,  et  dont  il  n'y  a  plus  trace.  Tout  a  disparu. 

Si  le  conservateur  du  Musée  de  Clermont  peut  remettre  la 
main  sur  l'un  de  ces  antiques,  il  sera  fort  aimable  de  me  le 
faire  connaître. 

Je  copie  la  note  de  M.  Pognon  : 

«  Il  y  a  au  Musée  de  Clermont-Ferrand  quelques  figurines 
égyptiennes  trouvées  à  différentes  époques  dans  le  pays  même. 
M.  Douillet,  directeur  du  Musée,  m'a  permis  de  les  examiner 
de  près  et  d'en  donner  communication  aux  lecteurs  du  Recueil. 

1^  Un  Osiris  en  bronze,  recouvert  d'une  belle  patine  et  mesu- 


LES    ISIAQUES    DE   LA    GAULE  195 


rant  0™,18  de  hauteur.  11  est  coiffé  du  diadème  atef,  m^,  tient 

le  fouet,  /\,  de  la  main  droite,  et  le  sceptre  h>q,  |,  de  la 
gauche,  à  la  manière  des  statuettes  funéraires.  Sur  le  devant, 
et  à  la  place  du  chapitre  VI,  on  voit  un  grand  triangle  coupé  à 
l'intérieur  par  trois  lignes  horizontales,  et  des  signes  de  conven- 
tion séparés  par  deux  traits  horizontaux.  Entre  les  deux  épaules, 
il  y  a  un  triangle  dont  la  pointe  supérieure  est  légèrement 
arrondie,  de  manière  à  figurer  le  sac  à  semences  traditionnel; 
au  milieu  du  triangle,  il  m'a  semblé  voir  des  caractères  très 
effacés  et  dont  je  n'ai  pu  constater  la  nature.  Cette  statuette 
est  de  travail  antique  :  elle  a  dû  être  fabriquée  dans  la  Gaule  à 
l'époque  romaine  sur  un  modèle  égyptien  (cf.  ce  qu'en  dit 
l'abbé  Croizet,  son  premier  possesseur,  dans  les  Annales  de 
l'Académie  de  Clermont,  t.  XXVI,  p.  483).  Elle  a  été  trouvée 
en  1858  sur  le  plateau  du  Puy  de  Corent,  emplacement  d'une 
ville  antique  où  l'on  a  recueilli  en  quantité  des  débris  gaulois 
et  romains. 

2*^  Plusieurs  Osiris  en  métal,  coiffés  du  diadème  atef\  sem- 
blables pour  l'aspect  aux  statuettes  funéraires,  mais  de  très 
petite  taille  et  sans  inscription.  Ils  ont  été  trouvés  à  Clermont- 
Ferrand  auprès  de  la  caserne  de  cavalerie,  avec  un  assez  grand 
nombre  d'objets  de  l'époque  romaine. 

3°  Statuette  en  métal  de  même  provenance,  hauteur  0"",055 
environ.  C'est  une  Isis  assise,  mais  sans  siège;  elle  allaite  Horus 
et  porte  sur  la  tête  le  disque  solaire  entre  les  deux  cornes. 

4*^  Un  Osiris  en  métal,  semblable  aux  précédents,  de  0'",05 
de  hauteur  environ,  sans  inscription,  mais  avec  une  bélière  à 
la  jambe  droite.  Il  a  été  trouvé  dans  le  faubourg  Saint-Allyre  à 
Clermont-Ferrand    )) 

Il  y  a  encore  au  Musée  d'Autun  une  statuette  de  style  égyp- 
tien en  terre  cuite  blanche  et  que  Chabas  n'a  pas  vue  (fîg.  5). 
Elle  représente  une  Isis- Vénus.  Est-elle  égyptienne  ou  romaine? 
On  ne  connaît  pas  sa  provenance. 

Je  ne  dois  pas  quitter  Autun  sans  mentionner  le  bel  Osiris  en 


196 


REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 


Fig.  6. 


LES   ISIAQtTES    DE    LA    GAULE 


197 


pierre  verte  que  possède  M.  R.  Gadant.  Le  travail  en  est  très 
pur  et  tout  à  fait  égyptien.  Il  a  été  trouvé  à  Aulnay-en-Bajois 
dans  les  fouilles  qui  furent  faites,  il  y  a  une  quinzaine  d'années, 
pour  les  fondations  des  murs  du  cimetière  (fîg.  6). 


Fig.  7. 


Nous  avons  au  Musée  Guimet  de  Paris  une  figurine  trouvée  à 
Belleville-sur-Saône  et  représentant  un  singe,  très  probable- 
ment Thot  cynocéphale.  Le  disque  qu'il  portait  sur  la  tête  a  été 
brisé  ou  plutôt  enlevé  afln  que  le  dieu  ne  soit  plus  qu'un  objet 


198  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

artistique.  Malgré  une  certaine  allure  et  la  vivacité  de  Texpres- 
sion,  le  travail  n'est  pas  égyptien.  Les  bras,  les  mains,  les 
jambes  et  les  pieds  sont  plus  humains  que  simiesques.  Le 
monument  est  en  terre  cuite  (fig.  7).  Je  sais  qu'il  a  été  trouvé 
dans  un  jardin,  à  une  certaine  profondeur.  Je  n'ai  pas  pu  avoir 
d'autres  renseignements. 

A  Trévoux  (Ain),  jolie  ville  sur  les  bords  de  la  Saône,  on  a 
reconnu  l'emplacement  d'un  cimetière  de  légionnaires  romains, 
dont  la  plupart  étaient  isiaques. 

Le  fait  se  rencontre  assez  souvent  et  je  citerai  particulière- 
ment la  nécropole  de  Salzbourg  qui  a  livré  un  certain  nombre 
de  beaux  oushabtis  conservés  au  Musée  de  la  ville. 

Le  cimetière  de  Trévoux  est  situé  sur  une  moraine  de  l'époque 
glaciaire,  composée  de  sable  et  de  cailloux  roulés.  Cette  colline 
est  exploitée  par  des  sablonniers  et,  à  mesure  qu'ils  entament 
lagravière^ils  éventrent  des  sépultures  antiques;  les  ossements 
roulent  avec  les  cailloux  et  aussi  le  mobilier  placé  dans  les 
tombes.  C'est  ainsi  qu'on  a  recueilli  souvent  des  objets  égyp- 
tiens qui  n'ont  pas  été  conservés. 

Un  samedi  soir  je  rencontrai  à  la  gare  de  la  Croix-Rousse 
M.  Guigue,  archiviste  de  la  ville  de  Lyon. 

((  —  Je  vais  à  Trévoux,  me  dit-il,  avez-vous  des  commissions  ? 

«  —  Oui,  lui  répondis-je  en  plaisantant,  apportez-moi  un 
oushabti  égyptien.  » 

Deux  jours  après,  il  présentait  à  l'Académie  de  Lyon  l'objet 
antique  que  je  lui  avais  demandé  et  racontait  comment  il  se 
l'était  procuré  : 

Il  avait  été  à  la  gravière  et,  s'adressant  au  sablonnier  : 

((  —  Avez-vous  de  ces  figures  comme  vous  m'en  avez  montré? 

«  —  Justement  j'en  ai  ramassé  une  il  y  a  quelques  jours. 
Femme,  où  as-tu  mis  la  petite  Sainte- Vierge  dont  je  t'ai  fait 
cadeau  ? 

«  —  Je  l'ai  donnée  au  «  gosse  ». 

«  —  Dis  donc,  gamin,  qu'as-tu  fait  de  la  poupée  qu'on  t'a 
donnée? 


LES   ISIAQUES   DE    LA   GAULE 


199 


«  — J'sais  pas. 


Fig    «. 


Tâche  de  te  souvenir. 

Ah,  je  Tai  jetée  sur  le  fumier.  » 


âOO  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

On  va  voir  et  l'on  recueille  l'intéressant  monument  avant 
qu'il  ait  été  enseveli  sous  le  crottin  des  chevaux. 

La  figurine  est  en  faïence  blanche,  ce  qui  est  assez  rare  (fig.  8). 
Certainement  elle  est  venue  d'Egypte. 

J'ai  vu  à  Trévoux  un  autre  oushabti.  Il  faisait  partie  de  la 
collection  de  M.  Valentin  Schmit,  magistrat  distingué  qui  s'oc- 
cupait d'archéologie.  Il  avait  trouvé  l'objet  dans  la  pouape  de 
Riottier,  sur  les  bords  de  la  Saône.  Cette  montagne  artificielle 


Fi-    9. 


contient  beaucoup  de  silex  taillés  et,  à  différentes  époques,  elle 
a  servi  de  cimetière. 

La  statuette  de  10  centimètres  de  haut  était  en  faïence  ver- 
dâtre.  Elle  avait  une  inscription. 

A  la  mort  de  M.  Schmit,  ses  héritiers  firent  don  de  sa  collec- 
tion à  une  maison  d'éducation  et  à  M.  le  curé  de  Mionnay. 
Il  m'a  été  impossible,  au  pensionnat,  de  trouver  trace  de  la 
figurine.  Quant  au  curé  de  Mionnay,  très  gracieusement,  il  mit 
à  ma  disposition  tous  les  objets  qui  lui  venaient  de  M.  Schmit. 
Mais  l'oushabti  n'y  était  pas. 

Encore  un  document  disparu  ! 

Trévoux  n'est  pas  le  seul  endroit  du  département  de  l'Ain 


Les  isiaques  de  la  &aule 


201 


qui  ait  révélé  des  stations  isiaques.  A  Bourg,  devant  la  mer- 
veilleuse église  de  Brou,  on  a  trouvé  un  joli  bœuf  Apis,  en 
bronze,  la  tête  ornée  du  disque.  Les  jambes  ont  été  cassées 
(fîg.  9). 


Fig.  10. 


Fig.  11. 


A  Pont-d'Ain  c'est  un  petit  Osirîs  en  bronze  (flg.  10).  Au  lieu 
'In  t(;nir  le  fouet  et  le  crochet,  il  a  deux  fouets  et,  en  plus,  le 
grand  bâton  de  main.  Ces  inexactitudes  dans  les  attributs 
indiquent  que  la  pièce  n'a  pas  été  fabriquée  en  Egypte.   Les 

V-    SÉKIK,   T.   Ul  14 


202 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


plumes  de  la  coiffure  manquent  et  sont  remplacées  par  deux 
petits  tenons  qui  devaient  fixer  des  plumes  en  argent  ou  en 
matières  précieuses. 

Ce  type  incorrect  se  rencontre  assez  souvent  dans  les  trou- 
vailles faites  hors  d'Egypte. 

A  Vésine,  rive  gauche  de  la  Saône,  il  faut  noter  un  Osiris  en 
bronze  de  travail  égyptien  assez  grossier  (fig.  H). 


Fig.  12. 


Dans  un  village  du  Bugey  qu'on  n'a  pu  me  désigner,  quatre 
Osiris  en  bronze  de  types  différents  et  d'origine  égyptienne 
ont  été  découverts  (fig.  12). 

Je  mets  dans  ce  groupe  une  plaquette  en  bronze  provenant 
de  Conliège  et  conservée  au  Musée  de  Lons-le-Saunier  (fig.  13). 
Dans  un  encadrement  assez  profond  on  a  voulu  figurer  un  Osi- 
ris. Il  est  coiffé  ùe  la  tiare  ornée  de  plumes.  Mais  au  lieu  d'être 


LES    ISFAQUES    DE   LA   GAULE 


203 


momiforme  il  est  représenté  nu,  tenant  de  sa  main  droite  le 
dnkh  à  boucle  ronde,  à  la  mode  au  début  du  christianisme,  et 
de  la  main  gauche,  le  grand  sceptre  à  tête  de  coiicoupha.  C'est 
évidemment  un  travail  gaulois. 


Fig.  13. 


Fig.  U. 


Lyon  est  un  centre  important  d'antiquités  romaines.  Dans 
les  fouilles  nombreuses  qui  ont  été  faites  on  a  dû  rencontrer 
des  objets  isiaques;  mais,  selon  l'usage,  on  les  a  dédaignés  et 
il  n'en  reste  aucun  souvenir. 


204 


REVUE  archéologique: 


Par  le  plus  grand  des  hasards  je  causais  archéologie  avec 
M.  Bruyère,  l'habile  relieur,  digne  successeur  des  Grolier  du 
XVI*  siècle  ;  il  me  dit  : 

((  —  J'ai  un  jardin  à  Fourvières  où  je  trouve  très  souvent  des 
pièces  égyptiennes.  » 

Et  il  me  montra  son  petit'musée. 


Fig.  15. 


Il  fit  mieux.  Il  me  donna  toute  sa  collection,  pensant  avec 
sagesse  que  s'il  la  gardait  elle  serait  tôt  ou  tard  dispersée  tan- 
dis que,  en  un  Musée,  elle  serait  conservée.  Je  ne  puis  assez 
dire  combien  j'ai  été  touché  de  sa  générosité. 

C'est  exactement  près  du  cimetière  de  Loyasse  que  ces  objets 
ont  été  trouvés;  très  probablement  sur  l'emplacement  d'un 
ancien  cimetière  romain. 

La  sénie  se  compose  de  neuf  objets  : 


LES  ISIAQUES    DE    LA  GAULE 


205 


Fig.  16. 


* 


1-iff.  17. 


v\^.  18. 


Fig.  19. 


4 


206 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


Un  oushabti  en  faïence,  avec  une  inscription  que  M.  Moret  lit  : 
((  L'Osiris  mâ-chrou  Horges-n-(i)?  né  de  Tatneferhers  )>  (fig.  14). 
Un  oushabti  sans  inscription. 
Un  fragment  d'oushabti  sur  lequel  on  voit  la  fin  d'un  texte, 

I    ((le  directeur  des  soldats  Ouza-s  (fig.  15). 


Hg.  20. 

Trois  scarabées  (fig.  15). 

Coiffure  du  dieu  Nofer  Toum  en  faïence.  Elle  est  formée  d'une 
fleur  de  lotus  surmontée  de  deux  plumes  droites. 

Une  amulette  (fig.  16)  représentant  la  moitié  d'une  monait 
(cymbale  égyptienne). 

Un  œil  Ouzaen  faïence  (fig.  17). 


LES    ISUQUES   DE   LA  GAULE 


207 


M.  Bruyère  me  dit  que  ses  voisins  rencontraient  aussi  dans 
leurs  jardins  des  antiquités  venues  d'Egypte,  surtout  des  bœufs 
Apis  en  bronze.  Mais  il  ne  put  m'en  procurer.  On  ne  savait  plus 
ce  qu'ils  étaient  devenus. 


Fig.  21. 


U  obtint  pourtant  deux  Osiris  en  bronze,  l'un  découvert  à 
Fourvière  (fîg.  18),  l'autre,  un  peu  ébréché,  provenant  de  la 
rue  des  Macchabées  (fîg.  19). 

Je  dois  signaler  un  petit  Horus  que  j'ai  acheté  chez  un  mar- 
chand de  Lyon.  Ce  bronze  n'est  pas  égyptien.  Il  n'est  même 
pas  romain.  S'il  est  ancien,  on  lui  a  enlevé  sa  patine  et  il  semble 


208 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


tout  à  fait  neuf.  Mais  alors,  dans  quel  dessein  a-t-on  pris  la  peine 
de  fondre  une  statuette  qui  ne  ressemble  à  aucun  modèle 
antique? 

Les  faussaires  sont  plus  adroits  que  cela  (fig.  20). 

Le  personnage,  de  sa  main  droite  montre  sa  bouche.  Sa  coif- 
fure a  une  forme  insolite  et  la  tresse  est  remplacée  par  un  noeud 
de  franges. 


Fig.  22. 


Je  le  publie,  espérant  qu'on  me  donnera  des  explications^ 

Devant  Téglise  Saint  Georges,  on  a  retiré  de  la  Saône  la  moi- 
tié d'un  assez  bel  oushabti  en  faïence  de  travail  égyptien  (fig.  21). 

Des  sablonniers  vinrent  un  jour  me  vendre  trois  petits  Osi- 
ris  en  bronze  qu'ils  avaient  recueillis  en  déchargeant  une  drague 
(fig.  22). 

Ces  ouvriers  ne  se  sont  pas  aperçu  qu'il  y  avait,  avec  ces 


LES    ISIAQUES    DE   LA   GAULE 


209 


figurines,  d'autres  pièces  égyptiennes,  car  une  égide  de  Pacht 
est  restée  attachée  le  long  d'un  des  Osiris  (fig.  23). 

Je  donne  la  reproduction  d'une  de  ces  égides  (fig.  24)  afin 


Fig.  23. 


que  l'on  comprenne  la  forme  de  ce  qui  reste  de  l'ornement, 
qui  était  probablement  une  agrafe  qu'on  portait  sur  l'épaule. 

Ces  mêmes   sablonniers  m'apportèrent  une  autre  fois  une 
nouvelle  trouvaille.  C'était  une  poignée  d'amulettes  égyptiennes 


210  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

en  faïence, auxquelles  s'ajoutait  un  bâton  assyrien  en  obsidienne, 
orné  d'une  inscription  cunéiforme.  Ces  bâtons  se  tenaient 
cachés  dans  la  main  pendant  que  Ton  prononçait  certaines 
prières. 

M.  Guigue  m'avait  dit  qu'on  en  avait  trouvé  plusieurs  à  Anse, 
dans  le  lit  de  l'Azergue.  Ce  lot  très  intéressant  m'a  échappé. 
Les  hommes  m'en  demandaient  un  prix  qui  me  parut  exagéré; 
comme  je  croyais  être  le  seul  à  m'occuper  de  ces  objets,  je 


Kig.  2i. 

refusai,  pensant  bien  que  les  sablonniers  finiraient  par  accepter 
ma  proposition.  Mais  ils  ne  revinrent  pas.  Ils  avaient  vendu  le 
lot  à  M.  Récamier,  membre  de  la  Société  littéraire  de  Lyon. 

Malgré  mes  démarches,  il  m'a  été  impossible  de  retrouver  ces 
petits  monuments.  Si  des  héritiers  de  M.  Récamier  étaient 
encore  en  possession  de  ces  antiques,  je  leur  serais  bien  recon- 
naissant de  m'en  aviser. 

Ah!  le  beau  Musée  que  l'on  pourrait  faire  avec  les  anti- 
quités égyptiennes  trouvées  en  Gaule,  reconnues,  déterminées, 
bien  constatées...  et  disparues! 

Fleuribu,  20  octobre  1914. 

E.   GUIMET. 


OUTILS  EN  FER 

DU  MUSÉE  DE  SAINT-GERMAIiN 


Dans  tous  les  Musées  d'antiquités,  on  s'est  plus  occupé  des 
armes  que  des  outils  et  des  outils  en  bronze  que  des  outils  en 
fer.  Ces  derniers  ont  été  fort  délaissés  des  antiquaires,  bien 
qu'un  certain  nombre  de  spécimens  figurent  sur  les  planches  de 
Mongez  et  de  Grivaud  de  la  Vincelle,  bien  que  la  Technologie 
de  Blûmner,  le  Dictionnaire  de  Saglio,  le  Manuel  de  Déchelette 
et  quelques  autres  ouvrages,  en  particulier  ceux  de  M.  Frémont, 
aient  fait  une  place  à  l'étude  de  ces  objets  (voir  aussi  l'article 
de  Louis  Lindenschmit  dans  les  Alterthûmer  unsrer  heidnichen 
Vorzeit,  t.  V,  1906,  pi.  46,  p.  255-264). 

Depuis  quelque  temps,  les  outils  de  fer  du  Musée  de  Saint- 
Germain,  provenant  principalement  des  villas  romaines  de  la 
forêt  de  Compiègne,  ont  été  presque  tous   réunis,  dans  des 
vitrines,  au  voisinage  immédiat  des  bas-reliefs  qui  concernent 
les  arts  et  métiers  de  la  Gaule.  La  plupart  de  ces  outils  avaient 
passé  sous  les  yeux  d'Abel  Maître,  directeur  des  ateliers  du  Musée 
de  1867  à  1896,  qui  en  indiqua  la  désignation  en  vue  de  l'ins- 
cription sur  le  registre  d'entrée  ;  mais  toute  cette  nomenclature 
était  à  reprendre  à  loisir,  par  un  technicien  expérimenté.  Devant 
décrire  ces  objets  dans  le  catalogue  illustré  {sous  presse)  des 
deux  étages  inférieurs  du  Musée,  j'ai  prié  M.  Champion,  direc- 
teur des  ateliers,  de  les  examiner  avec  soin.  Non  seulement  il  a 
procédé  à  cette  étude  avec  la  conscience  et  la  compétence  qu'on 
lui  connaît,  mais  il  a  classé  et  dessiné  au  trait  tous  les  types 
d'outils,  en  précisant  leur  emploi.  Il  ne  pouvait  me  convenir  de 
profiter,  dans  mon  catalogue,  d'un  travail  aussi  personnel,  sans 
avoir  laissé  à  l'auteur  le  soin  et  l'honneur  de  le  faire  connaître 


212  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

d'abord  au  public  savant.  Les  planches  publiées  et  commentées 
ci-dessous  renseigneront  assez  complètement  nos  lecteurs  pour 
que  tout  commentaire  ultérieur  soit  superflu';  mais  je  veux 
être  le  premier  à  féliciter  M.  Champion  de  l'achèvement  d'une 
tâche  difficile  devant  laquelle  les  archéologues  professionnels 
auraient  reculé. 

S.  R. 


Travail  du  bois  (PI.  I)  *. 
Ciseaux  en  fer. 

9520      Ciseau  plat,  à  soie,  pour  menuisiers,  sculpteurs,  tailleurs  de  pierre 

tendre.  Orange  (Vaucluse). 
9520  A  Ciseau  plat,  à  tête,  pour  percussion  (tailleurs  de  pierre,  charpentiers, 
menuisiers).  Orange. 
15903      Large  ciseau  plat,  à  très  long  manche  (bisaiguë),pour  charpentiers  i. 
Compiègne  (Oise). 

15907  Ciseau  plat,  à   soie,  pour  charrons,  menuisiers,  tailleurs  de  pierre 

tendre.  Compiègne. 

15908  Ciseau  plat,  à  douille  fermée  et  un  seul  biseau,  pour  charpentiers, 

menuisiers.  Compiègne. 
15908  A  Ciseau  plat,  à  douille  fermée  et  un  seul  biseau,  pour  charpentiers, 

menuisiers.  Compiègne. 
15908  B  Ciseau  plat,  à  douille  fermée  et  un  seul  biseau,  pour  charpentiers, 

menuisiers.  Compiègne. 
15908  C  Ciseau  plat,  à  douille  fermée  et  un  seul  biseau,  pour  charpentiers, 

menuisiers.  Compiègne. 
159J0      Ciseau  plat,  à  tête,  pour  percussion,  pierre  tendre,  pour  charpentiers, 

menuisiers.  Compiègne. 
15911      Ciseau  plat,  à  un  biseau,  pour  tailleur  de  pierre  dure 2.  Compiègne. 
15911  A  Ciseau  plat,  à  tête  pour  percussion,  pour  tailleur  de  pierre  dure  ^. 

Compiègne. 
15913      Ciseau  plat,  à  douille  carrée  (bisaiguë),  pour  charpentier.  Compiègne. 


1.  Les  numéros  sont  ceux  de  l'inventaire  d'entrée  du  Musée;  l'astérisque 
indique  que  l'objet  est  un  moulage.  Les  notes  concernant  les  planches  sont 
imprimées  à  la  suite  du  texte  de  chacune  d'elles. 


Hi,.  L  —  Outils  pour  le  travail  du  bois. 


214 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


15972  Ciseau  plat,  à  soie,  double  biseau,  pour  menuisiers,  sculpteurs,  tailleurs 
de  pierre  tendre.  Compiègne  (Oise). 

16100  Ciseau  plat,  à  douille  ouverte,  à  double  biseau,  pour  menuisiers,  char- 
pentiers, tailleurs  de  pierre  *.  Compiègne. 

16205  Ciseau  plat,  à  douille  fermée,  pour  menuisiers,  charpentiers,  tailleurs 

de  pierre.  Beuvray  (Saône-et-Loire). 

16206  Ciseau  plat,  à  douille  ouverte  (bisaiguë),  pour  charpentiers.  Beuvray, 
17390      Ciseau  plat,  à  douille,  pour  charpentiers,  tailleurs  de  pierre  tendre 

(Seine-Inférieure). 
27883      Ciseau  plat,  à  douille  ouverte  (bisaiguë),  pour  charpentiers.  Cimetières 

de  la  Marne. 
28986      Ciseau   plat,    à    soie,  double   biseau,    pour   menuisiers,   sculpteurs, 

tailleurs  de  pierre  tendre.  Compiègne  (Oise). 
28986  A  Ciseau  plat,  à  douille  fermée,  à  un  biseau,  pour  charpentiers,  menui 

siers.  Compiègne. 
28999      Large  ciseau  plat,  à  douille  ouverte  (bisaiguë).  Compiègne. 
29051      Ciseau  plat,  à  douille  ouverte  pour  tailleurs  de  pierre.  Compiègne. 
29051  A  Ciseau  plat,  à  douille  fermée  pour  charpentiers,  menuisiers.  Compiègne 
29051  B  Ciseau   plat,  à    tête    à   percussion    pour    charpentiers,    menuisiers. 

Compiègne. 
50671       Large  ciseau  plat,  à  douille,  avec  très  long  manche  de  bois  (bisaiguë); 

coll.  Torcy,  Dijon  (Côte-d'Or). 
50847*     Large  ciseau  ou  hache  à  manche  droit,  origine  de   la  bisaiguë  (Salle 

XIII).  AHse  1  (Côte-d'Or). 
60958      Ciseau  plat,  à  soie,  pour  charrons,  menuisiers,  tailleurs  de  pierre  tendre. 

Alise. 

1.  Voir  Déchelette,  Manuel,  t.  IIL  p.  1359. 

2.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens^  pi.  XXIIbi»,  3. 

3.  Ibid.,  pi.  XX1IW«,  6. 

4.  V.  Cauchemé,  Fouilles  de  Compiègne,  fasc.  II,  pi.  XIV. 


Outils  en  fer,  servant  à  travailler  le  bois  (PI.  II), 


1524      Hache  de  sabotier.  Lozère  (Seine-et-Oise). 

10347*  Grande  hache  de  charpentier  pour  équarrissage  et  dressage  des  bois  ; 
les  sabotiers  se  servent  également  d'un  type  semblable,  un  peu 
plus  petit.  Environs  de  Mayence.  Musée  de  Mayence. 

12603  Petite  hache  en  fer,  à  panne  carrée,  pour  servir  de  marteau.  Champ- 
Dolent  (Seine-et-Oise). 


Pl.  II.  —  Outils  pour  le  travail  du  bois. 


âl^  REVtJE  AnCHÉOLOGÎQUfe 


15835      Hachette  en  fer,  pour  petits  travaux.  Verneuil  (Seine-et-Oise). 
15859      Hache  à  panne  carrée,  outil  de  charpentier,  tonnelier.  Compiègne 

(Oise). 
15859  A  Hache   à   panne    carrée,  outil   de    charpentier,   tonnelier,  charron. 

Compiègne. 
15859  B  Hache  à  panne  carrée  très  petite.  Compiègne. 
15859  C  Hache  merlin,  pour  abatage,  outil  de  bûcheron.  Compiègne. 

15859  D  Hache  merlin,  pour  abatage,  outil  de  bûcheron  3.  Compiègne. 

15860  Herminette  en  fer  à  soie,  type  rare  ^  Compiègne. 

15860  A  Herminette  marteau  à  panne  ronde,  outil  de  charpentier,  tonnelier. 

Compiègne. 
15860'JB  Herminette  à  marteau  à  panne  carrée,  outil  de  charpentier,  tonnelier. 
Compiègne. 

15861  Herminette,  ciseau  et  gouge,  type  rare,  outil  de  tonnelier.  Compiègne. 
16737       Hachette,  outil  de  charpentier,  charron,  tonnelier,  bûcheron.  Lac  de 

Paladru  (Isère). 
18046*     Hache  à  douille  renforcée,  outil  de  bûcheron.  Musée  de  Rouen. 
18173*     Hache  avec  un  appendice  très  allongé,  forme  rare  *.  Saint-Marlin-en- 

Campagne,  près  de  Dieppe. 
19405*     Hache   d'abatage,   outil    de   bûcheron,    sabotier,  type   rare.  Sauiles 

(Marne). 
20217      Hache  de  charpentier,  tonnelier.  Alise  (Côte-d'Or). 

23797  Hache  de  charpentier  pour  dresser  et  équarrir.  Provenance  inconnue. 

23798  Hache  avec  panne    à  bec,  forme   rare,  pour   charpentier,  bûcheron  ; 

trouvée  au  Luxembourg,  à  Paris. 

28990  Hachette  de  dressage  pour  charron,  etc.  Compiègne  (Oise). 

28991  Hache  merlin  pour  abattre  et  fendre  le  bois.  Compiègne. 
28991  A  Hache  merlin  pour  abattre  et  fendre  le  bois.  Compiègne. 
28991  B  Hache  merlin  pour  abattre  et  fendre  le  bois.  Compiègne. 

28991  C  Hachette  de  charron  et  de  bûcheron  2.  Compiègne. 

28992  Herminette   marteau  à  panne   ronde,  pour  charpentier,  tonnelier  *. 

Compiègne. 

35463*  Hache  à  douille  carrée,  anneaux  pour  la  ligature  avec  le  manche  ;  type 
rare  trouvé  à  Uchizy  près  de  Tournus  (Saône-et-Loire). 

35464*  Herminette  à  panne  carrée,  trouvée  à  la  Truchère  près  de  l'embou- 
chure de  la  Seille  (Saône-et-Loire). 

46341  Hache,  type  allongé  à  panne  carrée  pour  petits  assemblages  ;  outil  de 
charpentier,  de  charron.  Dragages  de  la  Seine,  aux  Andelys 
(Eure). 

46357  Hache,  outil  de  charpentier,  de  bûcheron.  Dragages  de  la  Seine,  aux 
Andelys  (Eure). 


i 


OUTILS    EN  FER    DU    MUSEE    DE    SAINT-GERMAIN  21  Î 

46365      Hache  d'équarrissage,  outil  de  charpentier.  Dragages  de  la  Seinp. 

La  Garenne. 
50824      Herminette-gouge  à  soie,  outil  de  tonnelier.  Alise  (Gôte-d'Or). 
60957      Petite  hachette,  outil  de  charron,  de  tonnelier.  Alise. 
63271      Herminette  à  panne  carrée.  Abbeville  (Somme). 
63648      Hache-pic   pour   travaux    de    démolition    (?),  type   rare.  Abbeville. 
63661      Hache- ciseau  pour  assemblage,  outil  de  charpentier.  Sources  du  Puy 

d'issolud,  à  Vayrac  (Lot). 

1.  Cf.  Cauchemé,  Les  fouilles  de  Compiègne,  fasc.  H,  pi.  XIV. 

2.  Cf.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  LIV,  i. 

3.  Cf.  Déchelette,  Manuel,  t.  III,  fig  594. 

4.  Cf.  Mongez,  Antiquités  de  l'Encyclopédie  y  Paris,  1804,  pi.  329,  1.  * 


Outils  pour  le  travail  du  bois  (PI.  III). 

1297      Serpe  à  soie  pour  émonder,  à  crochet  pour  tirer  le  bois  coupé.  Vesvres 

près  de  Vitteaux  (Côte-d'Or). 
2961      Couteau-fendoir  pour  débiter  le  bois  en  languettes,  lattis,  etc.  Envi- 
rons de  Mayence.  Musée  de  Mayence. 
2961  A  Couteau-fendoir  pour  débiter  le  bois  en  languettes,  lattis,  etc.  Envi- 
rons de  Mayence.  Musée  de  Mayence. 
8994      Serpe  à  soie  à  tranchant  droit.  Don  de  M.  de  Saulcy.  Prov.  inconnue. 

10361*  Couteau-fendoir  à  manche  courbe,  trouvé  dans  les  environs  de 
Mayence.  Musée  de  Mayence. 

12666  Serpe  à  douille,  à  tailler  les  haies,  munie  d'un  crochet  pour  le  bour- 
rage des  branches  coupées  dans  les  trous  des  haies.  Champ - 
Dolent  (Seine-et-Oise). 

15883  Plane  à  deux  poignées,  outil  de  charron,  de  tonnelier.  Compiègne. 
(Oise). 

15885  Couteau-fendoir  à  double  tranchant,  outil  de  charron,  de  tonnelier. 
Compiègne. 

15890      Couteau-fendoir  à  douille,  outil  de  charron,  de  tonnelier.  Compiègne. 

15890  A  Petite  serpe  en  forme  de  hachette  à  douille  (usage  inconnu).  Corn  • 
piègne, 

15894      Serpe  à  tailler  les  haies,  avec  crochet  de  bourrage  *.  Compiègne. 

15894  A  Serpe  à  émonder,  à  douille  sur  très  longue  tige.  Compiègne. 

15894  B  Serpe  à   douille  pour   tailler  les  haies,  avec  crochet  de  bourrage. 

Compiègne. 

15895  Serpe  à  douille  forme  couperet,  à  manche  court.  Compiègne. 
15900      Serpe  à  douille  à  tailler  les  haies,  avec  crochet  de  bourrage.  Compiègne 

(Oise). 

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Pi..  JII.  —  Outils  pour  le  travail  du  bois. 


OUTILS    EN    FER   DU    MUSÉE   DE  SAINT-GERMAIN 


219 


15911       Coin  à  fendre  le  bois,  servant  également  aux  tailleurs  de  pierre  pour 

fendre  les  blocs.  Compiègne. 
16210      Coin  à  fendre  le  bois,  servant  également  aux  tailleurs  de  pierre  pour 

fendre  les  blocs.  Beuvray  (Saône-et-Loire). 
25808      Serpe  à  soie,  avec  appendice  en  forme  de  hachette,  outil  de  bûcheron, 

d'éiagueur.  Vichy  (Allier). 
29005      Serpette  à  soie.  Compiègne  (Oise). 
29039      Grande  plane  à  deux  poignées,  outil  de  charron  et  de  tonnelier,  ou 

pour  écharner  les  peaux.  Compiègne. 
29042      Serpette  à  soie,  outil  de  bûcheron.  Compiègne. 
29042  A  Serpette  à  soie,  outil  de  bûcheron.  Compiègne. 
29073      Serpe  à  douille,  outil  de  bûcheron.  Compiègne. 
39913      Longue  serpe  avec  appendice  en  forme  de  hachette,  outil  de  bûcheron, 

élagueur.  Breny  (Aisne). 
46366      Doloire  de  tonnelier.  S'emploie  de  la  même  façon  que  la  hache  et  sert 

pour  dresser  les  parements  des  bois.  Dragages  de  la  Seine. 
46368      Serpe  à  douille  à  tailler  les  haies,  avec  crochet  de  bourrage.  Outil  de 

bûcheron.  Dragages  de  la  Seine. 
50671      Serpe  à  soie  à  tranchant  courbe,  outil  de  bûcheron.  Environs  de  Dijon 

(Côte-d'Or). 
50855*     Serpe  à  douille  pour  émonder,  appendice  en  forme  de  hachette.  Alise 

(Côte-d'Or). 
56091       Grande  serpe  à  douille  pour  très  gros  manche  manié  à  deux  mains. 

Dragages  de  la  Seine,  à  Evry  (Seine-et-Oise). 
63645      Plane  à  deux  poignées,  dont  une  coudée;  outil  de  charron  et  tonnelier. 

Abbeville  (Somme). 

1.  Voir  Déchelette,  Manuel,  t.  III,  G  g.  614,  1.  2. 


Outils  pour  le  travail  du  bois  (PI.  IV). 


2956      Levier  arrache-clous  ^.  Bords  du  Rhin,  à  Mayence. 

6350      Vrille  ou  mèche  torse  en  fer.  Chassey  (Saône-et-Loire). 
15892      Vrille  ou  mèche.  Compiègne  (Oise). 

15892  A  Petite  vrille  ou  mèche  avec  soie  pour  fixera  un  manche.  Compiègne. 
15902      Poinçon  à  tête  carrée  pour  percussion.  Compiègne. 

15908  Bédane  de  menuisier,  à  douille.  Compiègne. 

15909  Bédane  de  menuisier.  Compiègne. 

15912      Fragment  de  tarière,  outil  de  charpentier  *.  Compiègne  (Oise). 
15912  A  Grande  gouge  à  tête  pour  percussion, outil  de  charpentier*.  Compiègne, 


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Pl.  IV.  —  Outils  pour  le  travail  du  bol». 


OUTILS   EN   FER    DU   MUSÉE    DE   SAINTGERMAIN  221 

15912  B  Petite  gouge  à  tête  pour  percussion,  outil  de  menuisier  *.  Compiègne. 
15912  C  Petite  gouge  à  tête  pour  percussion,  outil  de  menuisier  i.  Compiègne. 
15912  D  Petite  gouge  à  tête  pour  percussion,  outil  de  menuisier.  Compiègne. 
15912  E  Petite  gouge  à  douille,  outil  de  charpentier  '.  Compiègne. 
15912  F  Petite  gouge  à  soie,  outil  de  menuisier.  Compiègne. 

15912  G  Petite  gouge  à  percussion,  outil  de  menuisier.  Compiègne. 

15913  Outil  pour  donner  la  voie  aux  scies  (dit  tourne  à  gauche)  7.  Carrière 

du  roi  près  Compiègne.'  ^ 

15916      Scie  en  forme  de  couteau  3.  Compiègne. 
15972      Poinçon  carré  à  soie  (dit  pointe  carrée  à  ferrer).  Compiègne. 
25809      Gouge  avec   tranchant   à  angle   droit,  à   soie,  outil   de   menuisier. 

Vichy  (Allier). 
28997      Gouge  de  menuisier.  Compiègne. 

29047      Ciseau  ou  bédane  à  soie,  outil  de  menuisier.  Compiègne. 
29050      Outil  de  charpentier,  tarière  pour  percer  les  trous   de  chevilles  2. 

Compiègne. 

29050  A  Outil  de   charpentier,  gouge  à   tête  pour  percussion  s.  Compiègne. 

29051  Outil    de    charpentier    et    de    menuisier,    gros    bédane    à   douille. 
Compiègne. 

29051  A  Outil  de  menuisier,  gros  bédane  à  douille,  Compiègne. 

29051  fi  Outil  de  menuisier,  gros  bédane  à  douille.  Compiègne. 

29052  Outil  de  menuisier,  poinçon  rond  à  soie.  Compiègne. 

29059      Outil  de  charpentier,  de  menuisier,  scie  à  deux  bords  dentés  (type 

rare).  Compiègne. 
29059  A  Outil  de  bûcheron  et  de  charpentier.  Grande  scie  à  débiter  {passe- 

partout).  Compiègne. 
29065      Compas  à  clavette  de  serrage  *.  Compiègne. 
29073      Petit  [e\ier  pied  de  biche  pour  arracher  les  clous,  à  soie  pour  fixer  un 

manche.  Compiègne. 
38146      Scie  à  guichet  3  (Salle  XI).  Presles-Saint-Audebert  (Aisne). 
46324      Petit  compas.  Dragages  de  la  Seine.  Coll.  Caméré. 
50116      Scie  à  guichet  (Salle  XI).  Presles-Saint-Audebert  (Aisne). 
50818*     Scie  à  cheville,  ou  à  métaux  (Salle  XIII).  Alise  (Côte-d'Or). 
50830      Tarière  de  charpentier  2,  s  (Salle  XIll).  Alise. 
60959      Poinçon  rond  à  soie  (Salle  XIII).  Alise  (Côte-d'Or). 
61330      Scie  à  cheville,  outil  de  charpentier  (Salle  XIII).  Alise. 

1.  Voir  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  LUI,  4,  5,  6. 

2.  Ibid.,  pi.  LUI,  7.  8. 

3.  Ibid.,  pi.  LUI.  7. 

4.  Ibid.,  pi.  XXII.  8. 

5.  Ibid.,  pi.  XXlIbi»,  5, 


222  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

6.  Ibid.,  pi.  LVII,  2. 

7.  V.  Cauchemé,  Les  fouilles  de  Compiègne,  fasc.  II,  pi.  XIV. 

8.  V.  Déchelette,  Manuel,  t.  III,  fig.  609,  17,  16. 


Outils  pour  le  travail  des  métaux  (pi.  V), 

8630*    Enclume  de  cloutier  i.  Dragages  du  pont  d'Annecy.  Musée  d'Annecy. 

13607  Très  petit  marteau  d'orfèvre  ou  de  repousseur  ^.  Cimetières  des  envi- 

rons de  Châlons  (Marne). 

13608  Petite  tenaille  de  forge  s.  Cimetières  des  environs  de  Châlons. 
13608  A  Petite  tenaille  de  forge.  Cimetières  des  environs  de  Châlons. 
15868      Marteau  de  forge  ou  de  repousseur.  Compiègne. 

15864  Marteau  de  forge  pour  chaudronnier.  Compiègne. 

15865  Marteau  à  emboutir  pour  chaudronnier  i*.  Compiègne. 
15868  Marteau  à  emboutir  pour  chaudronnier.  Compiègne. 
15887  Petite  enclume  carrée  (tas).  Compiègne. 

15887  A  Petite  enclume  carrée  (tas).  Compiègne. 

15901      Mèche  ou  foret  à  métaux  à  langue  d'aspic,  avec  soie  carrée  pour 

vilebrequin  3.  Compiègne. 
15901  A  Mèshe  ou  foret  à  métaux  à  langue  d'aspic,  avec  soie  carrée  pour 

vilebrequin  3.  Compiègne. 
15901  B   Mèche  à  téton  pour  métaux,  avec   soie  carrée   pour  vilebrequin  3. 

Compiègne. 
15911       Burin  ou  ciseau  à  froid  pour  couper  le  métal.  Compiègne. 

15911  A  Burin  ou  ciseau  à  froid  pour  couper  le  métal.  Compiègne. 

15912  Poinçon  à  section  carrée  (pointe  carrée,  équarrissoir),  pour  agrandir 

les  trous  6.  7  Compiègne. 

15913  Lime  à  section  demi-ronde.  Compiègne. 

15913  A  Tranchet  d'enclume,  pour  couper  les  métaux  ^.  Compiègne. 

15929      Petite  tenaille  de  forge  9.  Compiègne. 

15929  A  Petite  tenaille  de  forge.  Compiègne. 

15929  B  Petite  tenaille  de  forge  à  triple  usage,  ou  pince  de  verrier  pour  le 

travail   du  verre    à  chaud.  La  forme    des  extrémités  des   deux 

poignées    est    particulière    et    semble    indiquer    cet    usage  s. 

Compiègne. 
16099       Marteau  de  chaudronnier.  Camp  d'Attila  (Marne). 
16197      Enclume  à  queue  (tas).  Compiègne  (Oise). 
16199      Marteau  à  emboutir  pour  chaudronnier.  Mont-Beuvray  (Saône-et- 

Loire). 
16213      Enclume  à  queue  (bigorne)  s.  Mont-Beuvray. 


Pi^.  V.  —  Outils  pour  le  trarail  des  métaux. 


224  ItEVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

19591      Pince  de  forge.  (Saône-et-Loire). 

24012      Manche  de  marteau,  en  bois  avec  coin   d'emmanchement.   Baie   de 

Guérande. 
24012  A  Manche  de   marteau,  en  bois  avec  coin  d'emmanchement.  Baie  de 

Guérande. 
25802      Petit  marteau  à  manche  de  fer,  repousseur  ou  garnigseur.   Vichy 

(Allier). 
25804      Petite  tenaille  de  forge.  Vichy. 

28993  Petit  marteau  pour  divers  usages,  semblable  aux  marteaux  de  vitrier; 

le  manche  est  en  fer  et  l'extrémité  est  taillée  en  ciseau  ou  levier. 
Compiègne. 

28994  Petit  marteau  d'orfèvre  ou  de  repousseur.  Forêt  de  Compiègne. 
28994  A  Marteau  de  forge.  Compiègne. 

28994  B  Marteau  de  forge.  Compiègne. 

28996      Tas  carré  à  queue.  Compiègne. 

28986  A  Tranchet   pour   couper   les   métaux    (tranche  à   froid).  Compiègne. 

29051       Mèche  ou  foret  à  métaux,  à  pointe  en  langue  d'aspic  et  soie  carrée 

pour  vilebrequin.  Compiègne. 
29051  A  Mèche  à  téton  et  soie  carrée  pour  vilebrequin  3.  Compiègne. 
29069      Petit  marteau  d'orfèvre   ou  de  repousseur.  Mont-Chyprès,  forêt  de 

Compiègne. 
29073      Mèche  à  métaux,  à  pointe  en  langue  d'aspic  s.  Forêt  de  Compiègne. 
29073  A  Mèche  à  métaux,  à  pointe  en  langue  d'aspic  3.  Forêt  de  Compiègne. 
46317      Petite  pince  à  métaux.  Dragages  de  la  Seine,  Andelys  (Eure). 
49838      Enclume  carrée  avec   trou  pour   faire   les  clous  ou    pour  tranchet 

d'enclume  i,  5,  lo.    Le    Chatelet,    près    Saint- Dizier    (Hautes 

Marne). 
49840      Gros  marteau  de  forge.  Le  Chatelet  près  de  Saint-Dizier. 

49840  Gros  marteau  de  forge.  Le  Chatelet  près  de  Saint-Dizier. 

49841  Gros  marteau  de  forge.  Le  Chatelet  près  de  Saint-Dizier. 

56790      Mèche  à  pointe  en  langue  d'aspic  3  (Salle  XIII).  Alise  (Côte-d'Or). 
60954      Mèche  à  pointe  en  langue  d'aspic  3  (Salle  XIII).  Alise. 
60954  A  Mèche  à  pointe  en  langue  d'aspic  3  (Salle  XIII).  Alise. 


1.  Voir  Frémont,  Le  clou,  Paris,  1912,  p.  21. 

2.  Ibid.,  p.  25,  26. 

3.  Du  même.  Origine  et  évolution  des  outils,  Paris,  19i3,  p.  74. 

4.  Déchelette,  Manuel,  t.  lïl,  p.  1373. 

5.  Jbid.,  p.  1376. 

6.  Ibid.,  p.  1372. 

7.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  qnciens.  pi.  LXVII,  1. 

8.  ibid.,  pi.  LX VI,  20. 

9.  Ibid.,  pi.  LIX,  1;  LVIIÎ,  7. 


OUTILS    EN   FER   DU   MUSÉE   DE   SAINT-GERMAIN  225 


10.  Ibiçt.^  pi.  LVIII,  6. 
U.  Ibid.,  pi.  LVIII,  3. 


Outils  pour  le  travail  de  la  pierre  (PI.  VI). 

1528      Martelet  de  maçon.  Lozère  (Seine-et-Oise). 

9520      Ciseau  court  à  large  tranchant  pour  tailler  de  la  pierre  ;  on  en  utilise 
aussi  de  semblables  pour  la  taille  des  limes.  Orange  (Vaucluse) . 

12930      Spatule  coudée  de  stucateur  ou  de  maçon  pour  faire  les  joints.  Cime- 
tières de  la  Marne. 

14584      Poids  de  fil  aplomb  6.  Vaison  (Vaucluse). 

14586      Marteau    de  tailleur   de   pierre  {têtu),  marteau    de   maçon.   Vaison 
(Vaucluse). 

15858      Marteau  de  tailleur  de  pierre  (têtu).  Compiègne  (Oise). 

15862      Marteau  de  tailleur  de  pierre  {polka).  Compiègne. 

15862  A  Marteau  de  tailleur  de  pierre  {polka).  Compiègne. 

15863  Marteau  de  tailleur  de  pierre,  petit.  Compiègne. 
15863  A  Marteau  de  tailleur  de  pierre,  petit.  Compiègne. 
15863  B  Marteau  de  tailleur  de  pierre,  petit.  Compiègne. 

15866  Marteau  de  tailleur  de  pierre  tranchant  des  deux  bouts.  Compiègne. 

15867  Marteau  de  tailleur  de  pierre  tranchant  des  deux  bouts.  Compiègne. 
15881      Truelle  de  maçon,  à  soie',  3_  Compiègne. 

15903  Large  ciseau  à  tête  carrée  pour  percussion,  outil  de  tailleur  de  pierre, 

charpentier  s.  i.  Compiègne. 

15904  Large  ciseau  à  double  tranchant,  pour  piquer  la  pierre  en  tenant  l'outil 

par  le  milieu  s.  Compiègne. 

15905  Ciseau  plat  à  large  tranchant  et  tête  ronde  pour  pierre  tendre  5.  Com- 

piègne. 
15911       Ciseau  plat  à  tôle  carrée  pour  pierre  dure  *.  s   Compiègne. 
15911  A  Ciseau  plat  à  tête  carrée  pour  pierre  dure*,  s.  Compiègne. 
15911  B  Ciseau  plat  pour  tailleur  de  pierre  *.  Compiègne. 
15911  G  Ciseau  plat  pour  tailleur  de  pierre  *.  Compiègne. 
15911  D  Ciseau  plat  pour  tailleur  de  pierre  *.  Compiègne. 
15913      Ciseau  à  trois   dents,  à  douille   pour  tailleur  de   pierre  {gradine). 

Compiègne. 
16200      Marteau-pioche  de  maçon.  Mont-Beuvray  (Saône-et-Loire). 
25792      Truelle  de  maçon  à  soie,  avec  manche  de  bois.  Vichy  (Allier). 
25798      Martelet  de  maçon.  Vichy. 

28994      Marteau  de  tailleur  de  pierre  à  deux  tranchants.  Compiègne  (Oise), 
58994  A  Matsse  de  carrier  à  fendre  Içs  blocs  de  pierre.  Compiègne. 


/AS3^ 


Ji.586 


Pl.  VI.  —  Outils  pour  le  travail  de  la  pierre. 


OUTILS  EN    FER   DU    MUSÉE   DE    SAINT-GERMAIN  227 

28994  B  Pic  double  de  tailleur  de  pierre.  Compiègne. 

29051       Ciseau  plat  de  tailleur  de  pierre  pour  pierre  dure.  Compiègne. 

29051  A  Riflard  de  maçon   pour  gratter,  couper,  dresser  les  surfaces  et  les 

angles.  Compiègne. 

29052  Pointe  à  tailler  le  marbre  ou  la  pierre  dure.  Compiègne. 

60955  Ciseau  plat  de  tailleur  de  pierre  dure  (Salle  XIII).  Alise  (Côte-d'Or). 

60956  Ciseau  à  douille,  à  trois  dents  pour  travailler  la  pierre  tendre  (Salle 

XIII).  Alise. 
60961       Gouge  à  angle  droit  (burin),  avec  un  manche  semblable  à  ceux  des 

spatules  employées  par  les  stucateurs  et  les  plâtriers  (Salle  XIII) 

Alise. 
63664      Spatule  coudée  de  stucateur,  ou  de  maçon  pour  faire  les  joints  *. 

Abbeville  (Somme). 

1.  Voir  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  LUI. 
2.lhid.,  pi.  LVII,  1. 

3.  Ibid.,  pi.  XXXIV,  1. 

4.  md.,  pi.  XXXIV,  7. 

5.  Cauchemé,  Descriptions  de  fouilles  de  Compiègne,  1902,  fasc.  II,  pi.  XIV. 

6.  Mongez,  Antiquités,  Paris,  1804,  pi.  328,  3,  4. 

Outils  pour  travaux  de   terrassement,  défrichement 
et  défoncement  des  terrains  (PI.  VII). 

10335*  Pioche-pic  (binette).  Weisenau,  environs  de  Mayence. 
10337*  Pioche  à  défricher  2.  Weisenau,  environs  de  Mayence. 
10338*     Pioche-pic  pour  défoncement  de  la  terre,  terrassement.  Environs  de 

Mayence. 
10339*     Pic  pour  défoncement  de  la  terre, terrassement.  Environs  de  Mayence. 
14587      Pioche  à  long  pic  pour  défoncement  de  la  terre,  terrassement.  Vaison 

(Vaucluse). 
15869      Pioche    et   bident,  forme   serfouette,  pour    défrichement,  sarclage. 

Compiègne  (Oise). 
16244      Pioche   en   forme  d'herminette  (sap^*),  pour  défrichement,  sarclage '. 

Alise  (Côte-d'Or). 
17806      Pelle  à  douille  à  manche  droit.  Provenance  inconnue. 
19592      Pioche-pic.  Collection  Lefèbvre  à  Mâcon  (Saône-et-Lojre). 
19731       Pioche  en  forme  d'herminette  à  douille  carrée  {sape).  Oppidum  de 

rimpepnat  à  Luzech  (Lot). 
25797      Pioche  en  forme  d'herminette  {sape)  *.  Vichy  (Allier). 
29021      Pelle  (garniture  de),  à  manche  coudé.  Compiègne. 

1.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Les  arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  XXIV,  5,  6. 

2.  Mongez,  Antiquités,  Paris,  1804,  pi.  334,  4. 


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10 


30 


?u  VII.  —  Outils  pour  travaux  de  terrassemeut. 


OUTILS    EN   FËtl   ÙV  MUSEE   DE   SAlNT-GEtlMAlN  ^29 

Outils  pour  le  travail  de  la  terre  (PI.  VIII). 

1478  Soc  de  charrue  en  fer  de  lance  •  ^  Gôte-d'Or. 

1481  Faux  courte  ou  faucille.  Côte-d'Or. 

10187  Serpette  à  ailerons.  Mont-Beuvray  (Saône-et-Loire). 

10190*  Faux  courte.  Collection  Desor  *.  Prov.  inconnue. 

10192*  Grande  faucille.  Dragages  de  la  Saône. 

15477  Serpette  à  douille.  Murcent  (Lot). 

15888  Faux  avec  nervure  de  renforcement  du  métal  sur  le  bord  extérieur. 

Compiègne. 

15889  Enclume  à  battre  les  faux  i.  Compiègne. 

15926      Ciseaux  ou  forces  pour  tondre  les  moutons  (divers  usages)  3, 6   Com- 
piègne. 
15947      Couteau  qui  précède  le  soc  de  charrue  {contre),  Compiègne. 

16201  Marteau  à  battre  les  faux.  Mont-Beuvray  (Saône-et-Loire). 

16202  Marteau  à  battre  les  faux.  Mont-Beuvray, 

16222      Faucille  à  soie,  à  denture  semblable  aux  scies;  peut-être  une  scie? 

Mont-Beuvray. 
18010*     Soc  de  charrue  en  fer  de  lance.  Liffremont  près  de  Roucherol  ^.  Musée 

de  Rouen. 
21477'     Faucille  à  soie  coudée  et  denture  oblique.  Neuchâtel  (Suisse). 
25794      Soc  de  charrue.  Acheté  à  Vichy  (Allier). 
25803      Enclume  à  battre  les  faux,  avec  aileron  pour  empêcher  l'enfoncement 

dans  la  terre.  Vichy  (Allier). 
25995      Eoclume  à  battre  les  faux  *.  Compiègne. 
28781      Pierre  à  aiguiser  les  faux,  en  schiste.  Compiègne. 
28781      Pierre  à  aiguiser  les  faux,  en  schiste.  Compiègne. 
28998      Coutre  de  charrue  à  douille  ouverte.  Compiègne. 
29020      Fourche-trident,  pour  enlever  le  fumier.  Compiègne. 
29020  A  Fourche-trident,  à  douille.  Compiègne. 
29023      Fourche-bident  à  douille.  Compiègne. 
29036      Faux  avec  nervure  de  renforcement.  Compiègne. 
29047      Dent  de  râteau  avec  soie  pour  la  fixer.  Compiègne. 
29047  A  Dent  de  herse  à  soie.  Compiègne. 
50145      Serpette  à  longue   pointe  courbe.  Est  aussi  un  instrument  pour  tra' 

vailler  le  cuir  s  (Salle  VI).  Tumulus  de  Celles  (Cantal). 
56790      Serpette  avec  anneau  de  suspension   (Salle  XIll).  Alise  (Côte-d'Or;. 
50839*     Ciseau  pour  tondre  la  laine  (Salle  Xlll)  «.  Alise  (Côte-d'Or). 
63^54      Serpette  à  douille  ».  Abbeville  (Somme). 

1.  Voir  Grivaud  de  la  Vincello,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  XXIV,  7. 


Pl.  VllI.  —  Outils  pqur  |e  travail  4e  la  terre. 


PI.  IX.  —  Outils  pour  le  travail  de  la  terre. 


232  REVtJE   ARCHÉOLOGIQtJÈ 

2.  Ibid.y  pi.  XXV,  3,  5. 

3.  Ibid.,  pi.  XXXVII,  5. 

4.  Déchelette.  Manuely  t.  III,  fig.  613,  6. 

5.  /6îd.,  fig.  614,  5. 

6.  Ibid.,  fig.  554  et  555. 

7.  Mongez,  Antiquités,  Paris,  1804,  pi.  333. 

8.  I6R,  pi.  334,  8. 


Outils  pour  le  travail  de  la  terre  (PI.  IX). 

1153      Coupe-chardon    à   douille.   Sépulture   gallo-romaine    de   Menneval 

(Eure). 
2780      Grande  houe  à  lame  triangulaire,  Strasbourg. 

18171*     Garniture  de  bêche  en  fer  (forme  du  louchet).  Forêt  de  Bord  (Seine- 
Inférieure). 
15550      Coupe-chardon  à  douille.  Forêt  de  Compiègne. 
15877      Pioche  à  sarcler.  Compiègne. 
15880      Sarcloir  à  lame  triangulaire  en  fer,  Compiègne. 

15880  A  Sarcloir  à  lame  triangulaire  en  fer  i.  Compiègne. 

15881  Sarcloir  à  lame  triangulaire  en  fer.  Compiègne. 
15914      Garniture  de  bêche  en  fer  i.  Compiègne. 
15914  A  Garniture  de  bôche  en  fer.  Compiègne. 

15914  B  Garniture  de  bêche  en  fer  i.  Compiègne. 
16104      Coupe-chardons  droit,  à  douille.  Camp  d'Attila  (Marne). 
17387      Bêche  en  fer  à  douille.  Fouilles  de  l'abbé  Cochet  (Seine-Inférieure). 
29000      Sarcloir  en  fer  à  lame  triangulaire  *.  Forêt  de  Compiègne. 
29021      Garniture  de  bêche  en  fer.  Forêt  de  Compiègne. 
29021  A  Garniture  de  bêche  en  fer.  Forêt  de  Compiègne. 
29043      Coupe-chardon  coudé  à  douille.  Forêt  de  Compiègne. 
32868      Houe  en  fer  pour  labourage  à  la  main,  peut-être  moderne?  Trouvé 
dans  la  Vingeanne  (Haute-Marne). 

1.  Voir  Cauchemé,  Les  fouilles  de  Compiègne,  1902,  fasc.  Il,  pi.  XIV. 


Outils  du  foyer  (PI.  X), 

lui      Grappin  oU  fourchette  à  chaudron,  trident  à  douille  en  fer.  (Eure). 
1134      Grappin  ou  fourchette  à  chaudron,  bident  en  fer  à  usage   de  cuisine. 

Menneval  (Eure). 
10869      Grappin  en  bronze,  bident  à  douille,  servant  aux   teinturiers   pour 
manier  les  étoffes  dans  les  duves  de  teinture,  d'où  l'emploi  du  fer 


ÔÙtiLS   EN    PERS    DU    MUSÉE   DE   SAINT-GERMAIN  233 

doit  être  exclu  en  raison  de  ses  propriétés  réductrices  sur  cer- 
taines couleurs  qui  pourraient  s'altérer  au  contact  des  sels  formant 
le  bain  de  teinture.  Abbeviile  (Somme). 

13495  Grande  poêle  à  frire  en  fer,  à  manche  pliant.  Saint-Etienne-au-Temple 
(Marne). 

15536  Chandelier  en  fer,  à  pointe  plate  pour  le  fixer  aux  murs.  Forêt  de 
Gompiègne. 

15536  A  Chandelier  en  fer  forme  tabouret.  Forêt  de  Gompiègne. 

15853      Briquet  en  fer.  Forêt  de  Gompiègne. 

15856      Petite  cuillère  en  fer  s  à  usage  de  cuisine.  Forêt  de  Gompiègne. 

15872  Grande  fourchette  en  fer,  trident.  Forêt  de  Gompiègne. 

15873  Grande  fourchette  en   fer,  bident,  à  usage  de  cuisine  et  aussi  pour 

tisonner  le  feu.  Forêt  de  Gompiègne. 
15884      Raclette  coudée  en  fer,  pour  ramonage  ou  nettoyage  de  pétrin  '.  Forêt 

de  Gompiègne. 
15918      Grille  à  rôtir.  Forêt  de  Gompiègne. 

16104      Fragment  d'un  chenet  en  fer  (tête  de  bœuf).  Gamp  d'Attila  (Marne). 
25795      Grande  crémaillère  en  fer,  à  deux  crochets  de  suspension  3.  Vichy 

(Allier). 
25799      Grande  cuillère  à  chaudron  avec  crochet  ^.  Vichy. 
29012      Briquet  en  fer.  Forêt  de  Gompiègne. 
29012  A  Briquet  en  fer.  Forêt  de  Gompiègne. 
29041      Raclette  coudée  en  fer,  pour  ramonage,  ou  pour  racler  la  pâte  dans 

le  pétrin.  Forêt  de  Gompiègne. 
290i3      Ghandelier  en  fera  pointe,  pour  fixer  aux  murs.  Forêt  de  Gompiègne. 
2J043  A  Ghandelier  en  fer  à  pointe,  pour  fixer  aux  murs.  Forêt  de  Gompiègne. 
25043  B  Raclette  droite  en  fer,  pour  nettoyer  le  pétrin.  Forêt  de  Gompiègne. 
29060      Trépied  de  foyer  en  fer  2.  Forêt  de  Gompiègne. 
63663      Grand  chenet  en  fer,  à  tête  de  bœuf  *.  Forêt  de  Gompiègne. 

1.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  XXVIII,  8. 

2.  Ibid.,  pi.  XXVllI,  6. 
S.lbid.,  pi.  XXVIII,  3. 

4.  Déchelette,  Manuel,  t.  III,  fig.  630,  2. 

5.  Ibid.,  p.  1425. 


Ustensiles  et  outils  du  foyer  (PI.  XI). 

15895      Grand  couperet  à  dépecer,  avec  soie.  Forêt  de  Gompiègne. 
15895  A  Grand  couperet  à  dépecer,  avec  soie.  Gompiègne. 
15895  B  Grand  couperet  à  dépecer,  avec  douille.  Gompiègne. 
15897      Grand  couteau  droit  à  dépecer,  avec  douille  «.  Gompiègne. 

y  SÉRIE,  T.  m.  IG 


Pl.  X.  --  Outils  du  foyer. 


Pl.IXI.  —  Outil»  du  foyer. 


236  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

15915  Longue  pelle  à  soie,  pour  la  préparation  des  aliments  dans  les  chau- 
drons, ou  petite  pelle  de  foyer,  Compiègne. 

15915  A  Pelle  de  foyer  i.  ^.  Compiègne. 

15915  B  Pelle  de  foyer  à  long  manche  en  fer.  Compiègne. 

28987      Tisonnier  à  palette  triangulaire,  avec  douille  *.  Compiègne. 

28987  A  Tisonnier,  à  palette  triangulaire.  Compiègne. 

28987  JB  Pelle  ou  palette  pour  la  préparation  des  aliments  dans  les  chaudrons. 
Compiègne. 

28987  G  Pelle  ou  palette  pour  la  préparation  des  aliments  dans  les  chaudrons. 
Compiègne. 

28987  D  Pelle  de  foyer,  à  manche  torse.  Compiègne. 

29001       Grand  couperet  à  dépecer,  avec  douille  *.  6.  Compiègne. 

29037      Couperet  à  dépecer,  avec  douille.  Compiègne. 

29037  A  Couperet  à  dépecer  avec  douille.  Compiègne. 

29337  B  Petit  couperet  à  dépecer  avec  douille.  Compiègne. 

29037  G  Petit  couperet  à  dépecer  avec  douille  6.  Compiègne. 

29037  D  Petit  couperet  à  dépecer  avec  douille.  Compiègne. 

29037  E  Petit  couperet  à  dépecer  avec  douille.  Compiègne. 

29037  F  Petit  couperet  à  dépecer  avec  douille  ^.  Compiègne. 

2903S      Petit  couperet  à  dépecer  avec  soie  *.  Compiègne. 

1.  Déchelette,  Manuel,  t    III,  p.  1426. 

2.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pl.  XXVIII,  1. 

3.  Ibid.,  pl.  XXVIII,  5. 

4.  Ibid.,  pl.  XXXI,  3. 

5.  i6î(i.,  pl.XXXI,  5. 

6.  Cauchemé,  Description  des  fouilles  de  Gompi'gne,  1902,  fasc.  II,  pl.  XIV. 

Objets  en  fer  provenant  d'Alise  Sainte  Reine 

{Salle  Xni){?lX\\). 

50:0i*     Cuillère  à  grappin  poir  usages  de  cuisine  *. 

50822*     Couperet  à  dépecer, 

50831*     Grande  bêche  à  douille,  avec  bords  relevés  sur  les  deux  faces,  type 

rare. 
50838*     Couperet  à  dépecer. 
50840*     Garniture  de  bêche  à  tranchant  rond . 
50841*     Cuillère  en  forme  de  cuvette  trapézoïdale,  pour  cuisson  de  pâtisseries 

sur  le  foyer.  Le  manche  devait  être  assez  long  pour   éviter  la 

chaleur. 
60953      Couperet  à  dépecer. 
60980      Cuillère  demi-sphérique,  à  couvercle  dé  même  forme  monté  à  charnière 

iut  la  partie  fixe,  pour  cuisson  de  gâteaux  ou  pâtisseries;  le 


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Pl.  XII.  —  Objets  provenaul  d'AlUe-Silule-Ueitiei 


238  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

manche  devait  également  être  très  long  pour  éviter  de  brûler  les 
mains  pendant  l'opération. 
61C04*     Double  cuillère  pour  cuire  les  pâtisseries,  gâteaux  ou  biscuits  sur  le 
foyer.  Même  disposition  que  pour  les  deux  objets  semblables 
50841  et  60980. 

1.  Déchelette,  Manuel,  t.  III,  p.  1425. 

Objets  du  tumulus  de  Celles  (Cantal).  Fouilles  de 
M   Pagès-Allary  [Salle  VI)  (Pi.  XIII). 

Tous  les  objets  figurés  ici  sont  du  premier  âge  du  fer  ;  nous  les  donnons  à 
titre  de  comparaison,  à  cause  de  leur  analogie  avec  les  autres  outils  gallo- 
romains  décrits  précédemment.  Ils  sont  d'une  perfection  et  d'une  finesse  qui 
dépassent  ou  égalent  pour  le  moins  l'outillage  gallo-romain  ;  on  est  un  peu 
surpris  de  trouver  dans  une  même  trouvaille  un  ensemble  aussi  parfait,  à  une 
époque  où  l'outillage  bien  daté  est  fort  rare  et  le  plus  souvent  grossier. 

Cet  outillage  se  rapporte  au  travail  du  cuir  et  à  sa  décoration.  Les  scies  et 
limes  étaient  employées  pour  la  préparation  des  parties  de  bois  ou  de  métal  qui 
en  étaient  des  éléments  accessoires  ou  qui  servaient  de  supports. 

50141  Petite  plane  en  fer  à  tranchant  courbé;  a  pu  servir  pour  préparer  de 

petits  objets  en  bois,  ou  pour  écharner  des  cuirs  * . 

50142  Couteau  cintré  pour  le  travail  du  cuir, 

50143  Lime  à  tailles  plates  et  parallèles  d'un  seul  côté,  avec  manche  à  soie 

coudée  {écouenne)  2. 

50143  A  Lime  à  tailles  plates  et  parallèles  sur  les  deux  côtés,  avec  soie  droite, 

destinées  à  limer  des  matériaux  qui  pouvaient  encrasser  les  tailles 
d'une  lime  ordinaire,  tels  que  plomb,  étain,  bois  et  cuirs  {écouenne), 

50144  Outil  à  tranchant  en  demi-lune,  pour  couper  et  parer  les  cuirs  (dit 

pied,  cornette^  etc.). 

50145  Couteau  serpette  *. 

50146  Petit  compas  de  proportion  ;  il  manque  une  branche  2, 

50149  Petite  scie  à  métaux  en  forme  de  couteau. 

50150  Petit  marteau  en  fer  pour  ajustements  d'ouvrage;  l'extrémité  a  été 

transformée  postérieurement  en  y  faisant  quelques  dentures 
pour  servir  de  ciselets  (ornementation  de  matières  diverses,  métal 
ou  cuir). 

50151  Scie  à  métaux  ou  bois,  à  denture  double  croisée  2. 

50152  Petit  marteau  à  forme  triangulaire. 

50153  Lime  en  forme  de  couteau  avec  soie  s,  7. 
50551       Lime  carrée  longue  avec  soie'. 


50161 


50161 


50/6/ 


5  0/60 


0 


50/6/^     50/ 6/ ■ 


11 


50/6 û  ^ 


50/57 


50/59 


501 /iî  50/45       50/ A  3        50/ A3*'       50/53      50/55     50/^9  50/5/ 


( — I i— I '    t    I    1    ■ 


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20 


Pl.  XIII.  —  Objets  du  tumulus  de  Celles. 


240  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

50156  Crochet  à  douille  ;  l'extrémité  qui  est  brisée  devait  être  un  outil  eiil 

forme  de  grattoir. 

50157  Petit  ciseau  à  tranchant  plat,  avec  douille,  pour  l'ornementation  du 

cuir  ou  la  sculpture. 

50158  Petit  emporte-pièce  à  soie,  ou  outil  pour  estamper  des   empreintes 

circulaires  dans  la  décoration  3. 

50159  Petite  gouge  en  fer,  à  soie,  outil  de  sculpteur  ou  pour  l'ornementa- 

tion du  cuir. 

50159  A  Fragment  d'une  gouge. 

59160  Petit  ciseau  à  tranchant  plat  et  oblique  à  soie  {nez-rond)^  pour  l'orne- 
mentation du  cuir  ou  la  sculpture. 

50170  A  Petit  ciseau  à  tranchant  plat  et  droit  à  soie,  pour  l'ornementation  du 
cuir  ou  la  sculpture. 

50161      Poinçon  rond,  grosse  alêne  à  soie. 

50161  A  Poinçon  carré,  équarissoir  à  soie  pour  agrandir  les  trous  dans  le  cuir, 

le  bois  ou  le  métal  3. 
50161  B  Poinçon  carré,  équarrissoir  à  soie. 
50161  C  Poinçon  carré,  équarrissoir  à  soie. 
50161  D  Poinçon  carré,  équarrissoir  à  soie  s, 

1.  Déchelette,  Manuely  t.  III,  p.  1370. 

2.  Ibid.,  p.  1375. 

3.  Ibid.,p.  1372. 

4.  I6id.,fig.  614,  5. 

b.  Le  Tumulus  de  Celles  {L'Anthropologie,  1903,  I,  p.  396-397,  fig.  21,22,23). 

6.  Dans  l'article  de  L'Anthropologie,  les  stries  parallèles  ont  été  prises  pour 
des  empreintes  d'un  tissu  très  fin  autour  d'un  couteau  ;  mais  ce  n'est  pas 
autre  chose  que  les  tailles  de  la  lime. 

7.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens^  pi.  LVIII,  3;  LIX,  2. 

Instruments  divers  (PI.  XIV). 

1531      Grand  paroir  de  sabotier.  Lezère  (Seine-el-Oise). 
11811      Couteau  à  lame  mince,  sans  tranchant,  pour  malaxer  les  couleurs  ou 

pâtes  analogues.  Provenance  inconnue. 
12873      Serpette  à  douille,  utilisée  par  les  bourreliers  pour  couper  les  cuirs. 

Saint-Etienne-au-Temple  (Marne). 
15761      Etrille  fragmentée.  Forêt  de  Compiègne. 
15878      Peigne  de  tisserand  s.  Compiègne. 
15883      Plane  cintrée;  a  pu  servir  aux  tonneliers,  mais  plus  probablement  à 

écharner  les  cuirs  1. 12.  Compiègne, 
15886      Outil  à  parer  et  à  couper  les  cuirs  (pied-droit)  2,  12.  Compiègne. 
15893      Outil  en  demi-lune  à  soie,  denté  sur  le  pourtour'  servant  à  marqueir 


OUTILS    EN    FER    DU    MUSÉE    DE   SAINT-GERMAIN  241 

la  place  des  points  à  coudre  sur  les  cuirs  ;  outil  de  bourrelier 

(marque-points)  i*.  Compiègne. 
15893  A  Étrille  en  forme  de  raclette,  outil  (de)  maçon  semblable  à  ce  qu'on 

appelle  la  truelle  bretteUe  pour  dresser  et  gratter  les  surfaces 

des  enduits  ^.  Compiègne. 
15913      Couteau  ou  plane  à  écharner  les  cuirs.  Compiègne. 
15930      Pince   en   fer  {presselle)  pour  orfèvre   ou  travaux  d'ajustement  ^o. 

Compiègne. 
15972      Étrille.  Compiègne. 

16852*    Étrille  à  manche  avec  douille.  Lac  de  Paladru  (Isère). 
17317      Grand  creuset  en  terre  réfractaire.  Rouen  (Seine-Inférieure). 
17590      Filtre  en  terre  cuite,  avec  canaux  intérieurs  pour  l'écoulement  des 

liquides;  a  pu  servir  pour  la  préparation  des  produits  d'émaillage. 

Mont-Beuvray  (Saône-et-Loire). 
22497      Outil  servant  à  couper  et  à  parer  les  peaux  avec  soie  (pied  droit)  2. 

Saint-Barthélemy-de-Beaurepaire  (Isère). 
24093      Emporte-pièce  à  soie.  Lozère  (Seine-et-Oise). 
24220      Creuset  de  forme  ovoïde.  Mont-Beuvray  (Saône-et-Loire). 
26128      Trousse  de  petits  tranchets.  Instruments  de  médecins  ou  de  vétéri- 
naire; flammes  ou  lancettes  pour  la  saignée  ou  la  castration  des 

animaux  (porcs)  3.  Dragages  de  la  Seine. 
Voir  dans  la  salle  VII  (vitr.  7)  une  trousse  semblable  (13535)  provenant 

de  Saint-Elienne-au-Temple  (Marne). 
27895      Outil  à  deux  pointes  {pied  de  biche)  pour  travaux  de  décoration  sur 

métal  ou  sur  cuir  ^.  Cimetières  de  la  Marne. 
29003      GafTe  à  douille,  outil  de  batelier  ii.  Forêt  de  Compiègne. 
29009      Poids  de  balances  romaines  9.  Forêt  de  Compiègne. 

29038  Grand  couteau  à  lame  très   mince,   usage  incertain  (découpage  de 

viande?).  Forêt  de  Compiègne. 

29039  Marque-points,  outil  semblable  au  no  15893  *2.  Forêt  de  Compiègne. 
29079      Pince  en  fer  (presselle)^  pour  travaux  d'orfèvre  ou  d'ajustement  *5. 

Forêt  de  Compiègne. 
31355      Petit  ciseau  à  manche  en  os  orné  semblable  à  nos  tournevis  moderne?. 

Provenance  inconnue. 
32115      Instrument  en  fer  en  forme  de  croissant,  dit  e^/egue,  servant  encore 

actuellement  aux  potiers  dans  l'opération  du  tournasse  sur  la  terre 

demi-sèche  (Voir  n°  61003).  Trouvé  sur  le  territoire  de  La  Guerche 

(Camp  de  la  Chapelle)  «5. 
32919      Marque  à  chaud  en  fer,  pour  le  bois.  Pupillin  (Jura). 
36015*     Raclette  courbe  à  douille,   d'usage  incertain.  Détartreur  de  tonne* 

lier  (?)  5.  Mortt-Beavray  (Saùne-et-Loire). 


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2-iîiO  60828 


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Pi,.  XIV.  —  Instrumeots  divers, 


OUTILS   EN  FER   DU   MUSÉE   DE    SAINT-GERMAIN  243 

38001  Croissant  en  fer  tranchant  sur  le  bord  (rasoir  ou  tranchet?)  Presles- 
Saint-Audebert  (Aisne)  «  (Salie  XI,  vitrine  9).. 

46325  Grattoir  ou  racloir  en  forme  de  plane  à  tranchant  courbe.  Bronze. 
Cet  objet  ressemble  beaucoup  à  la  camarre  ou  au  caveçon  qu'on 
employait  aux  xiv"  et  xviii»  siècles  pour  réduire  les  chevaux 
vicieux.  Les  Andelys  (Eure). 

46808*  Couteau  portant  sur  le  côté  une  pièce  de  réglage,  semblable  aux  cou- 
teaux à  peler  modernes  (Salle  XI,  vitrine  9).  Presles-Saint- 
Audebert  (Aisne). 

50815*  Grande  plane  à  deux  longs  manches,  couteau  à  écharner  les  cuirs 
(Salle  XIII).  Alise  (Côte-d'Or). 

50821*     Peigne  de  tisserand  »  (Salle  XIII).  Alise. 

50823  Moitié  d'un  instrument  rayé  de  canelures  en  travers,  avec  nœud  d'ar- 
ticulation; devait  servir,  étant  chauffé,  à  la  façon  des  fers  à  ondu- 
ler ou  à  gaufrer  pour  cheveux  ou  bordures  d'étoffe,  ou  encore 
pour  broyer  les  tiges  du  chanvre  après  le  rouissage  (Salle  XIII). 
Alise. 

60828      Creuset  à  couvercle  en  terre  réfractaire  (Salle  XIII).  Alise. 

61003  Outil  en  forme  de  croissant,  tranchant  sur  le  bord  extérieur.  Estèque 
(voir  le  n«  32115)  (Salle  XIII)  7.  Alise. 

63665  Peigne  de  métier  à  tisser  ;  les  petites  chevilles  qu'on  voit  en  haut,  sur 

le  dessin,  sont  les  tiges  entre  lesquelles  passaient  les  fils  de  chaîne 
de  l'étoffe  en  fabrication.  Forêt  de  Compiègne. 

63666  Gaffe  à  douille.  Abbeville  (Somme). 

63667  Couteau  courbe,  à  taille  analogue  aux  limes  et  aux  faucilles  sur  uu 

seul  côté  du  tranchant.  Abbeville. 
63668*     Fer  à  souder  en  fer  et  cuivre.  Nièvre. 

1.  Décheletle,  Manuel,  t.  Ilf,  p.  1370. 

2.  Ibid.,  p.  1368  et  pi.  III. 

3.  Ibid.,  p.  1369,  objet  semblable  des  environs  de  Nevers  et  un  autre  dv 
Mont-Beuvray. 

4.  Ibid.,  p.  1272,  objets  du  même  genre  employés  dans  la  toilette. 

5.  Ibid.,  p.  1369. 

6.  Ibid.,  p.  1279. 

7.  Ibid.^  fig.  390,  15. 

8.  Grivaud  de  la  Vincelie,  Arts  et  métiers  des  anciens^  pi.  XLV,  fig.  1. 

9.  Ibid.,  pi.  XXXIV,  fig.  3,  4,  10. 

10.  Ibid.,  pi.  LXVI,  fig.  19. 

11.  Gauchemé,  Des>)ription  des  fouilles  de  Compiègne,  fasc.  IV,  pi.  V,  6, 

12.  Ibid.,  fasc.  II,  pi.  XIV. 

13.  Mém,  Soc,  Antiq.  du  Centre,  1889,  I,  p.  16,  pi.  I,  3. 


244 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


C Utils  servant  aux  potiers  (PI.  XV). 


I 

1 


Outils  de  formes  particulières  ressemblant  à  des  spatules,  employés  pour 
rader,  couper  et  terminer  un  vase  sur  la  terre  ayant  déjà  perdu  une  certaine»! 
quantité  d'eau  (terre  demi-sèche),  opération  que  les  potiers  nomment  le  <owr-l| 
nassage.  Pour  cela  le  vase  est  remis  une  deuxième  fois  sur  le  tour;  puis,  avec 
des  outils  tels  que  ceux  qui  sont  figurés  ici,  on  enlève  de  petits  copeaux  de  terre 
jusqu'à  ce  qu'on  ait  obtenu  la  forme  désirée  avec  tout  le  détail  des  moulures.  Ce 
travail  ne  peut  se  faire  qu'avec  des  outils  coupant  ou  raclant  la  terre,  qui,  à  ce 
moment,  n'a  plus  de  plasticité. 

Le  Musée  de  Saint-Germain  possède  un  assez  grand  nombre  de  ces  outils; 


Pl.  XV.  —  Outils  servant  aux  potiers. 

tous  ont  un  aspect  général  semblable,  mais  l'examen  montre  qu'ils  sont 
différents  par  la  forme  de  la  palette,  qui  est  le  tranchant  de  l'outil  et  cor- 
respond à  différentes  courbures,  autrement  dit  le  pas  de  roulil^  comme  on  le 
remarque  dans  les  gouges  et  les  ciseaux. 

12929      Sorte  de  fourchette,  servant  à  rayer  la  terre  de  hachures  sur  les  par- 
ties qui  doivent  être  collées  ensemble  au  moyen  de  bouillie  de 
terre  pour  favoriser  l'adhérence.  Provenance  inconnue. 
15542      Spatule  de  potier  pour  tournassage.  Compiègne. 
15542  A  Spatule  de  potier  pour  tournassage.  Compiègne. 
5542  B  Spatule  de  potier  pour  toUirnaSsage.  Compiègne; 


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Pl.  XVI.  —  Oulil»  diveri. 


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246  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

16104      Pivot  de  tour  de  potier.  Camp  d'Attila  (Marne). 

29076      Spatule  de  potier  pour  tournassage  (voir  pi.  XIV,  n»  61003}.  Coi 

piègne. 
29066  A  Spatule  de  potier  pour  tournassage.  Compiègne. 
29076  B  Spatule  de  potier  pour  tournassage*.  Compiègne. 
20076  C  Spatule  de  potier  pour  tournassage  *.  Compiègne. 
52083      Crapaudine  de  tour  de  potier  sur  laquelle   s'appuie  le  pivot  du  tour, 

placé  verticalement.  Caillou  quartzeux.  Lezoux  (Puy-de-Dôme). 

1.  Grivaud  de  la  Vincelle,  Arts  et  métiers  des  anciens,  pi.  XXXIV,  6. 


Outils  divers  figurés  à  des  échelles  diverses  (PI.  XVI). 

8275  Emporte-pièce  sculpté  sur  une  stèle  en  pierre.  Musée  d'Autun 
(Saône-et-Loire). 

15571  Trousse  de  médecin  ou  de  vétérinaire  (voir  pi.  XIV,  n®  26128).  Mont 
Berny  (Forêt  de  Compiègne). 

15891  Lame  de  rabot  avec  rayures  parallèles  formant  des  dents  sur  le  tran- 
chant. Compiègne  (Oise). 

It913      Grosse  aiguille  ou  broche  à  rôtir.  Compiègne  (Oise). 

15950      Poinçon  de  vannier.  Mont  Berny.  Forêt  de  Compiègne. 

16203  Outil  de  maçon  {polka),  trop  petit  pour  avoir  été  utilisé;  c'est  plutôt 
un  emblème  de  métier  (il  n'a  que  0™,06  de  long,  c'est  presque 
un  jouet). 

29073      Pivot  ou  arbre  de  tour.  Compiègne. 

29083      Aiguille  courbe  à  chas.  Compiègne. 

46219  Outils  sculptés  sur  une  pierre;  équerre,  compas,  ciseau,  herminette, 
niveau  équerre,  maillet.  Musée  d'Arles  (Bouches-du-Rhône). 

52733      Maillet  sculpté  sur  la  stèle  d'Apinosus  à  Entrains  (Nièvre). 

B.  Champion. 


mosaïque  de  carthage 

REPRÉSENTANT  LES  JEUX  DU  CIRQUE 


Cette  mosaïque  a  été  trouvée  au  mois  de  mars  1915  sur  la 
colline  de  TOdéon,  à  Garthage.  Nous  avons  pu  Tétudier  dès  le 
mois  suivant,  au  Musée  du  Bardo,  où  M.  Alfred  Merlin,  direc- 
teur des  Antiquités  et  Arts  de  Tunisie,  l'avait  fait  aussitôt  trans- 
porter. C'est  lui  qui  nous  a  confié  le  soin  de  la  faire  connaître 
et  nous  a  très  obligeamment  communiqué  la  photographie 
que  nous  reproduisons  ci-contre  (fig.  1). 

L'emplacement  exact  de  la  trouvaille  esta  100  m.  au  sud  de 
rOdéon  et  à  100  m.  à  Test  du  théâtre,  au  bas  du  terrain  de 
Dahr-Morali.  Sur  la  carte  de  V Inventaire  des  Mosaïques^  il  se 
situe  entre  les  rues  9  et  10,  au  sud-est  du  groupe  653-657  et  au 
nord-est  du  groupe  651-652. 

La  mosaïque,  qui  mesure  2™, 70  sur  2'^,25,  pavait  une  petite 
salle  appartenant  à  un  ensemble  encore  mal  déblayé. 

Cette  salle,  d'après  ses  dimensions,  ne  pouvait  guère  servir 
que  de  vestibule  :  deux  seuils  y  donnaient  accès,  l'un  ouvert 
sur  celui  des  longs  côtés  où  le  pavement  figure  une  façade  à 
portique,  l'autre  sur  le  petit  côté  à  gauche  de  celui-là. 

La  mosaïque  est  en  plusieurs  couleurs.  Elle  est  composée  de 
cubes  irréguliers,  variant  entre  O'^jlO  et  0™,05  de  côté  :  les  plus 
grands  sont  en  marbre,  les  plus  petits  en  verre,  employé 
surtout  pour  les  couleurs  bleue  et  verte.  La  bordure,  large 
de  0™,20,  est  divisée  en  trois  zones  de  largeur  à  peu  près 
égale,  celle  du  milieu  étant  occupée  par  une  bande  blanche  et 
une  noire,  les  deux  autres  par  des  grecques.  Dans  le  tableau 

1.  Cf.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique,  I!,  Supplément 
par  A.  Merlin,  p.  78-79. 


Mosaïque  de  garthage  249 

ainsi  encadré  est  figuré  un  cirque,  animé  d'une  course  de  chars. 
Pour  projeter  sur  le  sol  une  vue  de  Tintérieur  du  monument, 
le  mosaïste  a  adopté  une  perspective  forcément  convention- 
nelle :  profitant  de  ce  que  la  salle  à  décorer  avait  deux  entrées,  il 
a  combiné  les  points  de  vue  de  Tune  et  de  l'autre;  cela  lui  a  per- 
mis de  figurer  en  hauteur  trois  faces  du  monument  sur  quatre. 

On  possédait  déjà  trois  mosaïques  offrant  la  représentation 
du  cirque  et  d'une  course  de  chars  :  ce  sont  celles  d'Italica', 
de  Lyon'  et  de  Barcelone';  elles  ont  beaucoup  servi  à  la  con- 
naissance du  cirque  et  des  jeux  qu'on  y  pratiquait.  Celle-ci 
vient  s'ajouter  à  la  série  et  nous  apporte  sur  certains  points 
un  supplément  d'information  très  appréciable. 

On  admet  avec  vraisemblance  que  les  mosaïques  trouvées 
dans  les  grandes  cités  provinciales  reproduisent  les  cirques 
qui  existaient  dans  ces  cités*  ;  il  est  naturel  que  l'auteur  de  notre 
mosaïque  se  soit  inspiré  du  cirque  de  Garthage.  Aussi,  malgré 
le  caractère  forcément  schématique  des  représentations  de  ce 
genre,  sommes-nous  en  droit  de  lui  demander  quelques  indica- 
tions sur  un  monument  dont  on  voyait  encore  des  ruines  au 
siècle  dernier,  mais  dont  tout  vestige  a  disparu  aujourd'hui  % 

L'enceinte.  —  La  mosaïque  représente,  sur  un  côté,  la  façade 
extérieure  du  cirque.  Cette  façade  est  percée  de  trente-deux 
ouvertures  voûtées,  réparties  en  deux  étages,  que  sépare  une 
corniche  marquée  par  une  double  ligne  de  cubes  blancs. 

Le  Circus  Maximiis,  h  Rome,  si  l'on  en  croit  des  monnaies 
de  Trajan  et  de  Caracalla%  ne  présentait  en  façade  qu'un  seul 
portique,  surmonté  d'un  grand  mur  plein. 

1.  Cf.  A.  de  Labordej  Description  d'dû  pdvê  en  mûsdique  trouvé,.,  à  Italica^ 
Paris,  1802. 

2.  Cf.  Artaud,  Mosaïque  représentant  les  jeux  du  cirque,  Lyon,  1806;  Saglio, 
Bict.  des  Antiquités,  art.  Cmcas,  fig.  1523. 

3.  Cf.  Hubner,  dans  Ann.  dell'lnst.  dicorrisp.  arch.  1863  (XXXV),  p.  135^ 
172  et  pi.  D;  Saglio,  ibid.,  fig.  1520. 

4.  Cf.  Hubner,  /.  c.  p.  137. 

.5.  Cf.  Audolient,  Garthage  romaine,  p.  305-307,  et  les  références  indiquées. 
6.  Cf.  Cohen,  Monnaie?,  impériales,  II,  Trajan,  493-494;  III,  Caracalla,  439^ 
440;  Saglio,  ibid.,  fig.  1516. 

?•  SÉRIE,  T.   111  17 


250  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

On  remarquera,  au  bas  du  portique  inférieur,  une  zone  large 
de  0",12,  avec  des  tons  dégradés  du  rouge  sombre  au  rose;  la 
même  chose  se  retrouve  à  chaque  extrémité  de  la  façade  :  le 
mosaïste  a  évidemment  voulu  signifier  de  cette  manière  l'ombre 
portée  sur  le  sol  par  le  monument.  Le  soleil  est  donc  du  côté 
opposé  à  la  façade  représentée.  Les  ombres  portées  par  les 
quadriges  et  par  les  personnages  debout  dans  Tarène  pré- 
cisent cette  indication  :  le  tableau  est  éclairé  de  biais,  par  la 
gauche.  C'est  ici  le  lieu  de  se  souvenir  que  la  dépression  de 
terrain  qui  marque  aujourd'hui  l'emplacement  du  cirque  de 
Carthage,  entre  la  Malga  et  Douar  ech  Chott,  est  orientée  du 
Nord-Ouest  au  Sud-Est  *.  Si  nous  orientons  notre  mosaïque 
d'après  ces  données,  nous  sommes  obligés  de  placer  la  façade 
extérieure  au  Levant,  sous  peine  de  voir  le  tableau  éclairé 
par  le  Nord  :  dès  lors,  on  constate  que  le  moment  choisi 
par  l'artiste  correspond  aux  premières  heures  de  l'après- 
midi. 

Cette  indication  va  nous  aider  à  interpréter  un  détail  fort 
important.  Dans  l'espèce  de  filet  qui  règne  au-dessus  de  la 
façade  et  sur  chacun  des  petits  côtés,  on  ne  saurait  voir  autre 
chose  que  la  représentation  d'une  tente  destinée  à  mettre  les 
spectateurs  à  l'abri  du  soleil.  Il  n'y  en  a  pas  sur  le  quatrième 
côté,  soit  que  l'artiste  ait  renoncé  à  la  figurer  pour  mieux 
découvrir  les  gradins,  soit  plutôt  qu'il  ait  voulu  signifier  que 
du  côté  sud-ouest,  protégé  par  la  hauteur  du  monument,  la 
tente  n'avait  pas  été  déployée. 

La  mosaïque  de  Carthage  est,  à  notre  connaissance,  le  pre- 
mier monument  qui  témoigne  de  l'usage  du  vélum  dans  les 
cirques.  Il  est  certain  qu'il  ne  peut  être  question,  pour  des  monu- 
ments de  cette  dimension  d'un  vélum  couvrant  l'arène  :  on  ne 
pouvait  songer  qu'à  abriter  les  spectateurs  rangés  sur  les  gra- 
dins. La  disposition  même  du  réseau  de  cordes  figuré  sur  la 
mosaïque,  si  on  la  rapproche  de  certains  faits  mis  en  lumière 

1.  Cf.  Mia?,  arch,  de  la  Tunisie^  3*  lîvrâiéoti,  La  Marsa^  XXII. 


MOSAÏQUE    DE   CARTHAGE  251 

par  des  recherches  récentes*,  montre  d'une  façon  assez  précise 
comment  on  y  réussissait.  Des  cordes  transversales,  allant  d'un 
bord  à  l'autre  du  vélum,  se  répartissent  à  intervalles  égaux  sur 
toute  la  périphérie;  en  outre,  un  câble  divise  le  vélum  en  deux 
parties  dans  le  sens  de  la  longueur.  Le  mosaïste  a  marqué  d'une 
façon  très  apparente  les  trois  points  d'attache  des  cordes  trans- 
versales, en  particulier  le  point  central  et  celui  du  bord  externe  : 
il  devait  y  avoir,  en  ces  deux  points,  un  anneau  dans  lequel 
glissaient  les  cordes  transversales  :  on  pouvait  de  la  sorte,  en 
les  tirant  ou  en  les  relâchant,  plier  ou  déployer  la  tente.  Cette 
manœuvre  se  faisait,  apparemment,  à  l'aide  de  poulies  suspen- 
dues à  des  mâts  qui  se  dressaient  au  sommet  du  mur  d'enceinte, 
comme  ceux  dont  on  retrouve  le  souvenir  au  Colisée.  On  ima- 
gine aisément  que  d'autres  mâts,  plantés  dans  les  gradins  infé- 
rieurs, comme  ceux  dont  le  théâtre  d'Arles  conserve  la  trace,  sup- 
portaient le  vélum,  tandis  que  des  cordages  attachés  en  divers 
points  de  la  cavea  contribuaient  encore  à  l'assujettir. 

Le  côté  long  qui  est  dépourvu  de  tente  offre  la  vue  des 
gradins  sur  lesquels  les  spectateurs  prenaient  place.  On  remar- 
quera les  sept  ouvertures  représentées  en  noir  au  bas  de  la 
cavea.  Il  est  clair  qu'il  y  a  une  de  ces  ouvertures  pour  deux 
arcades  du  portique  extérieur  :  à  celui-ci  nous  avons  compté 
seize  arcades,  mais  on  ne  doit  pas  faire  entrer  en  ligne  de 
compte  l'arcade  de  chaque  extrémité,  le  mosaïste  ayant  repré- 
senté la  façade  sur  une  plus  grande  longueur  que  les  gradins, 
afin  d'en  indiquer  la  courbe.  Les  sept  ouvertures  figurent  donc 
des  vomitoria  :  ainsi  il  n'y  avait  qu'une  porte  sur  deux  qui 
conduisît  au  rez-de-chaussée  de  la  cavea;  l'autre  menait  direc- 
tement, par  un  escalier,  au  premier  étage,  à  moins  qu'elle  ne 
fût  une  fausse  entrée,  servant  de  boutique  ou  de  magasin. 
Les  gradins  sont  dominés  par  deux  édifices  tétrastyles  à  fron- 

1.  Cf.  Formigê;  némarqaen  divetm  stif  Uè  ihUtrH  fomai'ns  à  propos  de 
ceux  d'Arles  et  d'Orange  (Mém.  présentés  par  divers  savants  à  l'Ac.  des  ïnsc. 
et  Belles- Lettrés i  t.  Xlll),  p.  38-39  ;  0.  Navarre,  dans  le  DicU  des  Antiq., 
art.  Vélum. 


â52  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

ton,  OÙ  Ton  reconnaît  des  temples.  On  a  prétendu  récemment 
voir  dans  les  falae,  dont  nous  parlent  certains  textes,  de  hautes 
tours  de  bois  érigées  à  l'extérieur  du  cirque  et  dominant  les  gra- 
dins les  plus  élevés,  de  façon  à  procurer  un  supplément  de  place 
avec  l'avantage  d'une  vue  étendue  ' .  Mais,  outre  qu'il  nous  paraît 
impossible  d'abandonner  l'opinion  traditionnelle  qui  place  les 
falae  sur  la  spina,  ce  ne  sont  point  des  tours  que  l'auteur  de 
notre  mosaïque  a  représentées  :  il  s'agit,  sans  doute  possible,  de 
monuments  à  colonnes  et  à  fronton.  Un  monument  semblable 
est  représenté  sur  des  monnaies  de  Trajan  et  de  Caracalla  figu- 
rant le  Grand  Cirque  :  Cohen  n'hésite  pas  à  y  voir  un  temple  '. 
On  sait,  d'ailleurs,  qvie  les  Romains  plaçaient  volontiers  dans 
les  cirques  des  sanctuaires  de  leurs  dieux  :  Vulcain  avait  son 
temple  au  Circus  Flaminius  '. 

On  remarquera  que  le  mosaïste,  tout  en  représentant  de  face 
les  colonnes  et  le  fronton  de  ces  temples,  en  a  représenté  le  toit 
comme  s'il  était  vu  de  trois  quarts  :  il  a  rendu  visible  une  des 
pentes  de  la  toiture  et  figuré  le  faîte  en  perspective.  Y  a-t-il  là 
une  pure  convention?  C'est  possible;  on  retrouve  une  anoma- 
lie du  même  genre  dans  une  mosaïque  de  Dougga  qui  offre  une 
vue  fragmentaire  du  cirque  :  l'artiste,  représentant  la  loge  du 
président  des  jeux,  en  a  fait  voir  la  toiture*.  Cette  convention 
se  justifie,  les  objets  figurés  sur  le  pavement  étant  supposés 
vus  d'en  haut.  Mais  on  s'étonnera  avec  raison  que  l'auteur  de 
notre  mosaïque  ait  montré  la  pente  droite  des  toits,  au  lieu  de 
celle  qu'était  supposé  voir  un  spectateur  arrivant,  face  aux  huit 
arcades,  par  le  petit  côté  de  gauche^  sur  lequel,  nous  l'avons  vu, 
s'ouvrait  une  porte.  Aussi  est-il  possible  que  les  temples  aient 
até  réellement  posés  de  biais,  dans  le  sens  indiqué  par  l'artiste. 


1.  Cf.  Pollack  dans  Pauîy-WissoWa,  Èedl-Ëncyclopàdiey  âft.  Pala^ 

2.  Cf.  Cohen,  o.  c,  /.  /. 

3.  Cf.  L.  A.  Constans,  dans  le  Dict.  des  Antiq.i  art.  .Vulcanus. 

4.  Cf.  A.  Merlin,  Mél.  de  l'Ecole  fr.  de  Rome,  1902,  p.  69  s.  et  pi.  III  ;  Rei); 
archéoL,  1902,  p.  400  et  pi.  XX;  Gati  du  Musée  Alaoui,  Supplément^  p.  19, 
n*  262  et  pi.  VlII. 


MOSAÏQUE    DE   CARTHAGE  253 

Ils  auraient  été  alors  orientés  à  l'Est,  et  le  souci  d'une  orienta- 
tion exacte  peut  justifier,  à  tout  prendre,  un  plan  aussi  singu- 
lier. 

Les  huit  arcades  que  Ton  voit  sur  le  petit  côté  de  droite  repré- 
sentent les  portes  des  carceres  ou  remises*.  Elles  sont  réparties 
en  deux  groupes  égaux  que  sépare  un  large  passage  :  celui-ci 
est  libre,  tandis  que  les  huit  portes  sont  fermées  par  des  bar- 
rières à  claire-voie.  Les  carceres  du  cirque  de  Garthage  se  trou- 
vaient donc  à  l'extrémité  nord-ouest  du  monument;  c'est  du 
même  côté  que  se  trouvaient  ceux  du  Grand  Girque.  A  l'extré- 
mité opposée,  ceux  qui  ont  vu  les  ruines  du  cirque  de  Garthage 
signalent  les  traces  d'une  porte;  elle  faisait  face  à  celle  qui 
sépare  les  carceres,  et  correspondait  à  la  porta  triumphalis  du 
Grand  Girque. 

La  spina.  —  Le  milieu  de  la  mosaïque  est  occupé  par  la  spina. 
Seule  la  partie  droite  en  est  convenablement  conservée.  L'extré- 
mité est  creusée  en  demi-cercle,  disposition  commune,  qui 
avait  peut-être  quelque  rapport  avec  le  culte  du  dieu  Gonsus». 
En  avant  de  ce  demi-cercle  se  dresse  une  borne,  la  meta  secimda, 
ornée  de  trois  cônes  terminés  par  des  boules,  semblables  à 
ceux  que  l'on  voit  sur  mainte  autre  représentation  du  cirque'. 
Les  monuments  figurés  sur  la  spina  rappellent  d'assez  près  ceux 
de  la  mosaïque  de  Barcelone.  Pas  plus  que  sur  celle-ci,  on  ne 
trouve  sur  notre  mosaïque  l'obélisque  qui  ornait  le  milieu  de  la 
spina  au  Grand  Girque  et  au  cirque  de  Lyon  :  le  centre  est 
occupé  par  une  statue  de  Gybèle  assise  sur  un  lion.  Semblable 
image  de  cette  déesse  orne  la  spina  de  tous  les  cirques  :  depuis 
qu'on  institua  en  son  honneur  les  ludi  Megalenses  (204  av.  J.- 
G.),  les  courses  de  chars  paraissent  avoir  été  placées  sous  sa  pré- 
sidence. La  tête  de  la  déesse  est  effacée,  mais  il  reste  quelques 

1.  Cf.  J.  L.  Pascal,  dans  le  Bict.  desAntiq.  art.  Circds,  p.  1189;  ajoutez  la 
mosaïque  de  Dougga,  A,  Merlin,  II.  ce. 

2.  Cf.  J.  L.  Pascal,  /.  /.  p.  1191V 

3.  Cf.  Dict.  des  Antiq,,  fifif.  1520,  1521,  1523;  ajoutez  la  mosaïque  de  Gafsa, 
Oauckler,  Cat,  du  Musée  Alaouiy  I,  p.  12,  n"  19. 


254  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 


traces  de  la  couronne  tourelée  qu'elle  portait;  elle  tient  dans  la 
droite  un  sceptre,  tandis  que  la  gauche  est  étendue.  Le  geste  de 
la  déesse  paraît  désigner  une  ligne  tracée  sur  le  sol  de  la  spina; 
dans  la  mosaïque  de  Barcelone,  le  geste  est  le  même,  sauf  qu'au 
lieu  de  la  ligne  on  voit  deux  prisonniers  enchaînés  *  et  un  pal- 
mier. Sur  le  relief  de  Foligno',  la  déesse  n'a  pas  ce  geste,  mais 
elle  regarde  un  point  de  la  spina  oh  s'élève  un  palmier  et  à  la 
hauteur  duquel  se  tient  un  magistrat  portant  une  palme.  Il  faut 
voir  dans  la  ligne  figurée  sur  la  mosaïque  de  Garthage  l'indica- 
tion de  la  caix  ou  creêa,  qui,  prolongée  en  travers  de  l'arène, 
indiquait  le  terme  de  la  course'.  Elle  est  figurée  à  la  même 
hauteur  sur  la  mosaïque  de  Lyon,  mais  là  elle  traverse  l'arène, 
tandis  que  notre  mosaïque  se  contente  d'en  marquer  la  place 
par  un  trait  sur  la  spina. 

De  l'autre  côté  de  cette  ligne  s'élève  une  colonne  que  sur- 
montait une  statue  aujourd'hui  effacée  ;  d'après  les  autres 
monuments,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  ce  ne  fût  une  Victoire; 
on  voit  d'ailleurs  des  traces  de  son  bras,  qui  tendait  dans  la 
direction  de  la  creta  une  couronne.  Au-delà,  on  remarque  deux 
colonnes  dont  la  partie  supérieure  est  effacée;  elle  supportaient 
certainement  une  architrave  ornée  de  sept  dauphins,  destinés  à 
indiquer  aux  spectateurs,  par  leur  position,  le  nombre  des  tours 
accomplis  *  ;  on  distingue  en  effet,  entre  les  colonnes,  des  filets 
verticaux  par  quoi  le  mosaïste  a  représenté  l'eau  que  crachaient 
ces  dauphins.  Il  faut  restituer,  de  l'autre  côté  de  la  spina,  en 
pendant,  une  architrave  semblable,  portant  sept  œufs  mobiles, 
dont  un  était  retiré  à  chaque  tour. 

Entre  les  dauphins  et  l'extrémité  de  la  spina,  on  remarque 
un  pavillon  hexagone,  à  toit  pointu.  Un  édifice  du  même  genre, 
mais  à  deux  étages,  occupe  la  même  place  sur  la  mosaïque  de 


1.  Cf.  Hûbner,  l.  c,  p.  160. 

2.  Cf.  Ann.  delVInst.  di  corrisp.  arch.,  1870  (XLII),  tav.  L.  M. 

3.  Cf.    Bussemaker    et    Saglio,    dans   le   Dict.   des   Antiq,  art.    Girgus, 
p.  1194'. 

4.  Cf.  J,  L.  Pascal,  /,  l.  p,  1191. 


I 


MOSAÏQUE    DE   GARTHAGE  255 

Barcelone;  on  en  retrouve  l'équivalent  sur  le  relief  de  Foligno. 
Hûbner  pense,  pour  la  mosaïque  de   Barcelone,  à  un   petit 
temple'.  Il  nous  semble  qu'il  faut  voir  dans  ces  constructions 
les  falae  dont  nous  parlent  plusieurs  auteurs.  On  appelait  ainsi, 
par  analogie  avec  les  tours  élevées  sur  Yagger  dans  les  travaux 
de  siège,  des  tours   de  bois  construites  sur  la  spina*.  Elles 
étaient,  dit  expressément  Servius,  entre  Veuripe  et  les  bornes. 
Si  on  appelle  eiiripe,  comme  cela  est  vraisemblable  %  le  bassin 
qui  recevait  Teau  versée  par  les  dauphins,  la  place  des  pavillons 
hexagones  correspond  exactement  à  celle  des  falae.  Servius 
indique  que  ce  nom  fut  choisi  parce  que  les  falae  du  cirque 
servaient,  dans  les  combats  qu'on  y  donnait,  au  lancement 
des  traits.  Nonius*  donne  sur  leur  usage  une  indication  qui 
ne  concorde  pas  avec  celle  de  Servius  :  il  dit  qu'elles  ser- 
vaient aux  spectateurs,  et,  de  fait,  on  voit  sur  des  plaques  de 
terres  cuites  '  et  sur  une  lampe  du  Musée  de  Naples^  des  person- 
nages juchés  dans  ces  tours.  Il  est  probable  que  lorsque  ces 
falae,  d'installations  provisoires  qu'elles  étaient  d'abord'  devin- 
rent des  constructions  définitives,  on  les  utilisa,  pendant  les 
jeux  qui  ne  comportaient  point  de  combat,  en  y  logeant  des 
spectateurs. 

La  course.  —  Quatre  chars  sont  figurés  dans  l'arène.  Trois 
tournent  autour  de  la  spina  de  droite  à  gauche  :  c'est  dans  ce 


1.  Hûbner,  l.  c,  p.  164,  n«  16;  cf.  p.  158,  n»  4. 

2.  Qu'elles  fussent  sur  la  syina,  c'est  ce  qu'indiquent  assez  un  commen- 
taire de  Servius,  Aen.  IX.  702,  divisiones  inter  euripum  et  metas,  et  un  vers 
de  Juvénal,  Sat.  VI,  590,  cunsulit  ante  falas  delphinorumque  columnas. 
C'est  ce  que  marque  aussi  Je  nom  même  de  ces  tours  :  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue,  en  effet,  que  la  spina  était  appelée  agger  (cf.  Juvénal,  /.  c. 
588). 

3.  J.  L.  Pascal,  /.  /.  p.  1192;  cf.  Gassiodore,  Var.  lil,  ep.  51  {56), 

4.  Nonius  Marcellus,  114  M.  5. 

5.  Cf.  Gampana,  Ant.  opère  in  plastica,  pi.  XGIII. 

6.  Cf.  Henzen,  Bull.  delC  Inst.  di  corr.  arch.,  1863,  p.  68;  Zanpemeister,  Ann. 
deir  Inst.  1870  (XLII),  p.  261  et  pi.  N.  Henzen  pensait  à  des  spectateurs  ;  Zange- 
meister  proposait  de  voir  dans  ce  pavillon  une  chapelle  avec  quatre  bustes  de 
divinités. 

7.  Servius,  /.  c.  :  constructis  ad  tempus  turribus. 


256  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

sens  que  se  faisaient  toujours  les  courses.  Le  quatrième  va  en 
sens  inverse;  il  a  terminé;  le  cocher  vainqueur  tient  dans  la 
main  gauche  une  palme.  Il  est  coiffé  d'un  casque  à  large  cimier 
(on  distingue  mieux  la  forme  de  ce  casque  sur  la  tête  de  Tau- 
rige  voisin).  Il  reste  peu  de  chose  de  la  casaque,  dont  quelques 
cubes  bleus  indiquent  assez  la  couleur;  de  cette  casaque  sort 
une  manche  blanche.  Les  chevaux  sont  richement  harnachés  : 
un  collier,  une  large  courroie  sous  le  ventre,  et,  au  front,  un 
panache  de  plumes.  Un  homme  à  cheval,  vêtu  d'un  manteau 
flottant,  précède  le  char  :  il  faut  reconnaître  dans  ce  cava- 
lier un  jubilator  ^  ou  hortator  ^,  personnage  chargé  d'encou- 
rager l'aurige  par  ses  gestes  et  ses  cris,  et  de  célébrer  sa 
victoire. 

Des  trois  autres  chars,  deux  sont  encore  en  pleine  course; 
l'autre  s'arrête,  ayant  dépassé  la  ligne  blanche  qui  continuait 
sur  le  sol  de  l'arène  le  trait  que  nous  voyons  marqué  sur  la 
spina.  Si  l'on  rapproche  les  données  de  cette  mosaïque  de  celles 
qui  nous  sont  fournies  par  le  bas-relief  de  Foligno,  on  obtient 
sur  la  règle  des  courses  des  précisions  intéressantes.  On  sait 
que  le  missits  comprenait  sept  tours  '  :  un  char  était  vainqueur 
quand,  après  avoir  tourné  sept  fois  autour  de  la  borne  la  plus 
éloignée  des  carceres  ou  meta  prima,  il  franchissait  le  premier 
la  creta,  marquée  sur  l'arène  à  la  hauteur  de  la  moitié  de  la 
spina,  comme  en  témoignent  clairement  notre  mosaïque  et  celle 
de  Lyon.  Les  chars  ne  faisaient  donc  pas,  en  réalité,,  sept  tours 
complets,  puisque  le  dernier  tour  n'était  fait  qu'aux  trois  quarts. 
On  comptait  un  spatiiim,  ou  curricuhim,  chaque  fois  que  la 
meta  prima  était  contournée  :  c'est  ce  qui  ressort  clairement 
du  texte  de  Cassiodore  :  septem  metia  certamen  omne  peragitur. 
Une  fois  la  creta  franchie,  le  char  vainqueur  faisait  encore  un 
demi-tour  de  piste  pour  aller,  de  l'autre  côté,  recevoir  la  palme 
du  triomphe.  Nous  savions  déjà  que  les  juges  se  tenaient  à  la 

1.  Cf.  Bussemacker  et  Sao^lio,  l.  l.  p.  1194. 

2.  Cf.  C.  I.  L.  VI,  10074,  10075,  10076. 

3.  Cf.  A.Gftil.,  Noct.Att.^m,  10,  16;Giissiofl„  /.c.;Isid.,  Eiym.,  XVIII,  37. 


MOSAÏQUE   DE   CARTHAGE  257 

hauteur  de  la  creia  *.  Il  est  permis  de  préciser  davantage  :  s'il  y 
avait,  à  n'en  pas  douter,  des  arbitres  attentifs  au  point  même 
où  se  terminait  la  course,  c'est  de  l'autre  côté  de  la  spina  que 
se  tenait  le  magistrat  chargé  de  couronner  le  vainqueur.  Le 
bas-relief  de  Foligno  est  très  net  à  ce  sujet  :  comme  les  carceres 
sont  figurés  à  gauche,  c'est  de  l'autre  côté  de  la  spina,  au 
second  plan,  que  se  trouve  le  point  d'arrivée  :  on  voit  deux 
jubilatores  encourager  du  geste  l'aurige  qui  va  franchir  le  pre- 
mier la  ligne;  au  premier  plan,  devant  la  spina,  à  la  hauteur 
de  la  statue  de  la  Cybèle,  se  trouve  un  magistrat  tenant  la 
palme.  C'est  à  cet  endroit  qu'il  faut  placer  le  tribunal  judiciim 
dont  parle  une  inscription  d'Algérie'. 

Une  fois  que  le  vainqueur  avait  reçu  le  prix  de  sa  victoire,  il 
faisait  demi-tour  pour  rentrer  aux  carceres\  puis  il  tournait  une 
fois  encore,  mais,  cette  fois,  de  gauche  à  droite,  autour  de  la 
meta  secunda,  afin  de  gagner  les  remises  réservées  aux  chars 
sortant  de  course,  à  gauche  de  la  grande  porte  d'entrée  ^  Ce 
mouvement  est  clairement  indiqué  sur  notre  mosaïque.  L'au- 
rige se  penche  en  arrière,  retenant  l'élan  de  ses  chevaux;  en 
même  temps,  il  se  tourne  vers  la  droite  et  semble  regarder  atten- 
tivement de  ce  côté  :  le  geste  du  cocher  qui  s'apprête  à  prendre 
un  tournant  a  été  saisi  par  l'artiste  avec  beaucoup  de  vérité. 

Le  cocher  qui  arrive  deuxième,  ayant  déjà  dépassé  le  but, 
retient  ses  chevaux  ;  c'est,  évidemment,  afin  de  pouvoir  entrer 
directement  dans  une  des  quatre  remises  qui  sont  en  face  de 
lui.  Un  homme  à  pied,  campé  devant  l'attelage,  l'invite  du  geste 
à  s'arrêter  :  il  tient  dans  la  main  gauche  un  fouet,  et,  de  la 
droite,  élève  une  amphore  à  larges  anses.  Nous  reconnaîtrons 


1.  Cf.  Bussemaker  et  Saglio,  /.  l.  p.  1194';  Henzen,  Acla  frat.  Arv.y  p.  37, 
et  dans  C.  L  L.  VI,  1,  p.  571,  v.  7-8. 

2.  C.  7.  L.,VIII,  9065. 

3.  Sur  cette  destination  particulière  de  chaque  groupe  de  carceres  à  droite  et 
à  gauche  de  la  porte,  cf.  Becker,  De  Romae  vet.  mûris  atque  partis,  p.  84  sq. 
Son  opinion  a  été  généralement  adoptée  depuis  :  cf.  Bussemacker  et  Saglio, 
/.  /.  p.  H95,note  45,  et  Friedlander,  dans  Mommsen  et  M&rquurdt,  Manuel  des 
Antiq.  Romaines  {trad.  Humbert),  t.  XIII,  2,  p,  285,  note  1. 


258  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

sans  hésiter  dans  ce  personnage  un  morator  ludi^.  Son  rôle 
est  d'arrêter  le  quadrige  qui  a  terminé  la  course,  de  donner  aux 
bêtes  les  premiers  soins  nécessaires  et  de  les  guider  vers  l'écu- 
rie. On  retrouve  ce  palefrenier,  toujours  muni  d'une  amphore, 
sur  plusieurs  monuments,  en  particulier  sur  le  bas-relief  de 
Foligno  ^  sur  la  mosaïque  de  Barcelone  %  sur  une  peinture 
antique  de  Rome '.  Ce  dernier  monument  indique  à  quoi  ser- 
vait l'amphore  :  on  y  voit,  en  effet,  un  palefrenier  qui  saisit 
d'une  main  les  naseaux  d'un  cheval,  tandis  que  l'autre  tient 
l'amphore;  il  s'apprête  évidemment  à  rafraîchir  les  naseaux 
de  la  bête. 

Un  personnage,  dont  il  ne  reste  plus  que  les  jambes,  se  tient 
à  l'autre  extrémité  de  l'arène,  devant  le  dernier  quadrige  :  sans 
doute  était-ce  aussi  un  morator.  Il  arrête  le  char  avant  qu'il  ait 
achevé  la  course,  parce  que  son  retard  ne  laisse  plus  espérer 
qu'il  puisse  changer  de  rang.  Le  cocher  lève  le  bras  droit  d'un 
geste  découragé;  bien  qu'il  tienne  un  fouet,  il  suffît  de  com- 
parer son  mouvement  à  celui  de  l'aurige  qui  le  précède  pour 
voir  qu'il  ne  s'apprête  pas  à  frapper  l'attelage.  Au  contraire, 
l'aurige  qui  arrive  troisième,  séparé  de  celui  qui  le  précède  par 
une  moins  longue  distance,  et,  du  reste,  se  croyant  peut-être 
serré  de  près  par  celui  qui  le  suit,  fouette  ses  chevaux  avec 
ardeur.  Les  têtes  des  chevaux  sont  gâtées,  sauf  celle  du  che- 
val de  gauche.  La  tête  de  l'aurige  a  disparu;  le  bras  droit,  cou- 
vert d'une  manche  blanche,  brandit  le  fouet;  la  casaque  est 
rouge.  Le  quatrième,  comme  on  en  peut  juger  aux  quelques 
cubes  qui  subsistent,  portait  une  casaque  verte.  Le  vainqueur, 
nous  l'avons  vu,  appartenait  à  la  faction  des  bleus;  il  est  donc 
sûr  que  le  deuxième,  bien  que  le  corps  soit  efïacé,  représentait 
les  blancs. 

Il  est  impossible  de  se  prononcer  avec  certitude  sur  l'âge 

1.  Cf.  G  ruter,  inscrip^  antiquae,p.  cccxxxix,  3]  ibid.  b=C.l.L.,Vl,  10046. 

2.  Cf.  Zangemeister,  l.  c,  p.  257  et  pi.  LM. 

3.  Cf.  Hiibner,  l.  c,  p.  170  et  pi.  D;  Zangemeister,  l.  c,  p.  258  et  note  1. 

4.  Cf.  Braun,  Ann.  deW  Jnst.  dicorr.  arch.,  1839  (XI),  p.  245  et  pi.  M,  2. 


MOSAÏQUE    DE    CARTHAGE  259 

de  cette  mosaïque.  Elle  est  d'un  bon  style,  qui  ne  permet  pas 
de  descendre  au-delà  du  m®  siècle.  On  ne  saurait  d'ailleurs  tirer 
argument  du  nombre  des  carceres  pour  la  dire  antérieure  à 
Domitien,  car  s'il  est  admis  que  cet  empereur  porta  le  nombre 
des  carceres  du  Grand  Cirque  de  huit  à  douze*,  rien  n'oblige  à 
penser  qu'on  ait  suivi  cet  exemple  dans  les  provinces. 

L.  A.  CONSTANS. 

\.  Cf.  Bussemacker  et  Saglio,  /.  i.  ;  Friedlànder,  l,  L 


NOTES  ARCHÉOLOGIQUES 


II» 

ANTÉFIXES  GALLO-ROMAINES 


Déchelette  a  publié,  il  y  a  dix  ans,  une  antéfîxe  en  terre 
cuite  du  Musée  de  Moulins  (Allier)  :  on  y  voit  une  palmette  au- 
dessous  de  laquelle  une  tête  de  taureau  posée  de  face  est  enca- 
drée par  une  feuille  de  palmette  à  double  volute  et  par  deux 
rosaces  (fig.  l)^  Les  antéfîxes  portant  parfois  l'emblème  de  la 
légion  qui  les  fabriquait,  et  ce  monument  provenant  peut-être 
de  Néris,  siège  de  la  Legio  VIll  Angusta,  dont  la  tête  de  taureau 
était  l'emblème,  Déchelette  admet  que  l'animal  de  Tantéfixe  est 
bien  celui  de  cette  légion,  et  comme  il  n'a  rencontré  nulle  part 
ailleurs  en  Gaule  le  même  modèle,  il  le  considère  comme  spé- 
cial à  ses  ateliers.  Remarquons  toutefois  que  la  provenance 
Néris,  qui  est  absolument  nécessaire  pour  prouver  l'identité  de 
la  tête  de  taureau  de  l'antéfîxe  avec  l'emblème  légionnaire, 
n'est  pas  certaine.  L'inventaire  du  Musée  attribue  cette  pièce  à 
Varenne  (Allier),  et  ce  serait  une  autre  antéfîxe  à  palmette  et 
tête  de  face  qui  aurait  été  découverte  à  Néris.  Aussi  Déchelette 
suppose-t-il  que  le  rédacteur  a  dû  intervertir  par  mégarde  les 
indications  de  provenance';  il  se  peut,  mais  ce  n'est  qu'une 
supposition,  qui  permet  déjà  de  douter  de  l'identification  pro- 
posée. 

1.  Voy.  la  Remie  archéologique,  janv.-fév.  1916. 

2.  Déchelette,  Une  antéfîxe  de  la  huitième  légion  découverte  à  Néris^  in 
Comptes-rendus  Acnd,  Inscriptions,  1905,  p.  597  sq.,  fig. 

3.  Z/)id.,p,601. 


Notes  archéologiques  264 

Dans  son  étude  sur  le  Klapperstein  de  Mulhouse,  M.  A.  Rei- 
nach  reproduit  et  commente  une  antéfixe  de  Brumath,  près  de 
Strasbourg,  qui  présente  avec  la  précédente  certaines  analo- 
gies (fîg.  2,  1).  On  y  retrouve  la  palmette  qui  surmonte  la  tête 
et  la  volute  qui  lui  sert  de  base.  Mais  l'apparence  animale  de 
l'élément  central  est  atténuée.  Ce  n'est  plus  une  tête  de  taureau  : 
c'est  un  masque  humain  grimaçant,  dont  le  front  est  orné  de 
cornes  et  dont  la  moustache  et  la  barbe  sont  stylisées  en  spi- 


Fig.  1.  —  ADtéfixe  de  Néris. 

raies,  analogues,  dit  l'auteur,  à  la  chevelure  serpentiforme  des 
Gorgones.  M.  A.  Reinach  voit  une  double  paire  de  cornes,  les 
unes  au-dessus  du  front  étant  celles  du  taureau,  les  autres,  à  la 
hauteur  des  sourcils,  celles  du  bélier  ;  il  met  cette  tête  mons- 
trueuse en  relation  avec  les  divinités  gauloises  cornues,  dieux- 
taureaux  et  dieux-béliers,  en  particulier  avec  Gernunnos'.  Je 
ne  crois  pas  à  cette  double  présence,  car  les  cornes  de  bélier 
ne  paraissent  être  que  les  oreilles  de  l'animal,  à  leur  place 
habituelle'. 

4.  Le  Ktappérstein,  le  Gorgoneion  et  V Anguipèdct  in  Bulletin  du  Musée  hii» 
torique  de  Mulhouse,  XXXVII>  I9i3,  p.  10,  pi.  I,  1,  du  tirage  à  part. 
2.  Cf.  les  oreilles  du  taureau  sur  ranléHxe  de  Néns. 


262  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Une  troisième  antéfîxe,  provenant  de  Pfaiïenhofen  près  de 
Brumath,  supprime  toute  bestialité  (fig.  2,  2).  Encadrée  par  la 
volute  végétale,  accostée  à  la  hauteur  des  tempes  par  deux 
rosaces,  c'est  une  tête  barbue  aux  traits  majestueux,  que  cou- 
ronne le  chêne  et  que  surmonte  la  palmette.  Quelque  type  de 
divinité  fluviale,  dit  M.  A.  Reinach,  aurait  inspiré  ce  type,  que  la 
présence  de  la  couronne,  et  celle  de  petits  glands  dans  la  barbe, 
font  désigner  comme  un  génie  du  chêne*. 

Sur  une  antéfîxe  du  Musée  de  Genève,  provenant  de  Versoix^ 
(fig.  3),  la  tête  humaine,  très  grossière  et  quelque  peu  triangu- 
laire suivant  une  convention  fréquente  due  à  l'inexpérience  de 
l'ouvrier',  est  encore  surmontée  de  la  palmette  rayonnant  en 
éventail.  Deux  grosses  saillies  en  relief  rappellent  la  volute  qui, 
dans  les  exemplaires  précédents,  est  à  la  base  de  la  tête. 

Deux  autres  antéfîxes  du  Musée  de  Genève,  trouvées  à  Genève 
même,  dans  les  fouilles  du  quartier  des  Tranchées  *  (fig.  4), 
montrent  la  dégénérescence  du  motif,  car  si  les  volutes  de  la 
base  sont  reconnaissables,  la  tête  n'a  plus  rien  d'humain  et  n'est 
plus  qu'une  saillie  piriforme,  une  sorte  de  vase  d'où  s'échappe 
la  palmette. 

Citons  encore  une  antéfîxe  de  Xanten,  avec  un  gorgoneion 
que  surmonte  la  palmette\ 

*  * 
On  ne  cherchera  pas  à  allonger  cette  liste  et  à  grouper  toutes 
les  antéfîxes  gallo-romaines  de  type  semblable.  Nous  avons  dès 
maintenant  tous  les  éléments  nécessaires  pour  en  donner  Tin- 
terprétation. 

1.  Le  Klapperstein,  pi.  I,  2,  p.  13  sq. 

2.  Musée  de  Genève,  G.  850. 

3.  Sur  cette  convention,  Deonna,  L'archéologie^  sa  valeur^  ses  méthodes^  II, 
p.  142  sq. 

4.  Musée  de  Genève,  G   164  et  G  1639. 

5.  Le  Klapperstein,  p.  18  ;  Bonner  Jahrbûcher^  GXXII,  pi.  LV,  p.  390  ; 
sur  ces  antéfîxes  de  Xanten  qui  portaient  peut-être,  comme  ce  serait  le  cas 
pour  celle  de  Néris  au  dire  de  Déchelette^  les  emblèmes  des  légions,  cf. 
A.  Heinach,  op.  /.,  p.  18,  note  1  (référ.). 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES 


263 


Bien  que  chacun  de  ces  monuments  diffère  des  autres,  puisque 
rélément  central  est  la  tête  de  taureau,  la  tête  humaine  à 
cornes,  la  tête  entièrement  humaine,  et  même  un  motif  anico- 
nique  qui  en  paraît  dérivé,  la  parenté  qui  les  unit  est  indé- 
niable, car  il  y  a  de  Tun  à  l'autre  quelques  éléments  constants. 
Partout  la  tête  est  surmontée  de  la  palmette  qui,  dans  les 
exemplaires  de  Néris,  de  Pfaffenhofen,  de  Versoix,  de  Genève, 


«y^y'\'M'A-. 


^^ 


Fig.  2.  —  Antéfixes  de  Brumath  et  de  Praffenhofeu. 


n'est  pas  simplement  posée  sur  le  crâne,  mais  semble  en  faire 
partie  intégrante  et  en  jaillir  ;  partout  aussi  on  retrouve  la  volute 
végétale  qui  soutient  la  tête.  Enfin,  si  les  exemplaires  de  Genève 
en  sont  privés,  ceux  de  Pfaffenhofen  et  de  Néris  montrent 
deux  rosaces  symétriquement  disposées,  tantôt  à  l'intérieur  de 
la  volute,  tantôt  à  l'extérieur,  et  l'on  remarquera  que  sur  celui 
de  Brumath,  la  moustache  s'allongeant  à  droite  et  à  gauche  se 
termine  en  une  boucle  qui  leur  ressemble,  et  que  la  palmette 
de  la  tête  porte  dans  ses  branches  supérieures  deux  disques. 


Ce  n'est  pas  dans  l'art  indigène  qu  on  cherchera  l'origi 


ne  de 


â64  ftEVUÈ  ARCHÉOLOGIQtJË 

cette  composition,  mais  dans  Tart  gréco-romain,  où  la  décora- 
tion architecturale  l'emploie  fréquemment  pour  les  antéfixes, 
les  acrotères,  les  plaques  ornementales.  On  ne  citera  que  quel- 
ques exemples  qu'il  serait  aisé  de  multiplier. 

De  nombreuses  antéfixes  italiques  ont  une  tête  humaine,  fémi- 
nine ou  masculine,  parfois  un  masque,  un  gorgoneion  de  sens 
solaire  connu*,  posés  sur  la  volute  d'acanthe  et  coiffés  d'une 
palmette  rayonnante  ^  (fig.  5).  C'est  donc  absolument  la  disposi- 


Fig.  3.  —  Antéfixe  de  Versoix. 

tion  de  nos  antéfixes  gallo-romaines.  Sur  les  plaques  de  revête- 
ment, où  l'artiste  dispose  de  plus  de  place,  le  motif  s'enrichit. 
Le  gorgoneion  couronné  d'une  palmette,  au-dessus  de  la  volute, 
est  placé  entre  deux  griffons,  les  animaux  du  soleiP.  Ailleurs, 


1.  Le  Klapperstein,  p.  15  sq. 

2.  Ex.  Genève,  Musée  d'art  et  d'histoire  :  Coll.  Fol,  Gâtai,  descriptify  î, 
p.  171,  n°  800,  fig.  (fig.  5);  Le  Musée  Fol,  Etudes  d'art  et  d'archéologie,  I,  p.  46, 
fig.  K,  tète  féminine  à  Stéphane.  —  Même  motif,  C.  1640.  —  Coll.  Fol,  n«  796  ; 
Catal.  descriptif,  I,  p.  170,  n°  796;  Etudes  d'art  et  d'arch.,  I,  pi.  XII,  p.  48  sq. 
(Bacchus,  dit  le  Gâtai.  ;  plutôt  masque).  --  Goll.  Fol,  n»  797;  Catal.,  I,  p.  170, 
n»  797,  boule  sur  double  volute,  surmontée  d'une  palmette,  etc. 

3.  Musée  de  Genève,  Le  Musée  Fol,  Etudes  d'art  et  d'arch.,  pi.  XX Vil,  1, 
p.  64  sq. 


NOTES   ARCHÉOLOGIQUES  26S 

le  buste  d'Isis  émerge  de  l'acanthe  et  porte  sur  sa  tête  la  fleur 
du  lotus,  tandis  que  les  sphinx  qui  l'accostent  terminent  leur 
queue  par  le  lotus*  :  on  retrouve  près  de  celles-ci  les  deux 
rosaces  de  nos  antéfîxes'.  Voici  Niké  au  milieu  de  gracieux  rin- 
ceaux que  développe  la  volute  végétale  sur  laquelle  elle  s'élève; 
elle  porte  sur  sa  tête  une  belle  palmette  ou  une  corbeille  de  fleurs 


Fig.  4.  —  Autéfixe  de  GeDève. 

et  de  fruits,  et  elle  est  accostée  elle  aussi  par  deux  rosaces, 

fleurs  qui  terminent  les  enroulements  des  rinceaux*  (fig.  6). 

C'est  en  somme,  avec  diverses  variantes  de  détails,  le  motif 

bien  connu  que  l'art  gréco-romain  répète  à  satiété,  en  relief 

1.  S.  Reinach,  Hépert.  de  reliefs,  II,  p.  296,  1. 

2.  Même  motif,  avec  Bès  remplaçant  Isis,  lôirf.,  p.  296,  1;  Musée  Fol^ 
Études  d'artet  d'arnh.,  I,  pi.  XXVII,  2  (mais  la  tète  du  dieu  n'est  pas  surmon- 
tée du  lotus). 

3.  /bid.,  p.  270,  3;  271,  1. 

V"    SI'lRIE,    t.   III.  18 


266 


REVUE    ARCHEOLOGIQUE 


comme  en  ronde-bosse  :  celui  du  personnage,  entier,  réduit  au 
buste  ou  à  la  tête  seule,  qui  émerge  de  la  collerette  ou  du  bou- 
quet de  lotus  ou  d'acanthe,  parmi  de  légers  rinceaux,  que  ce  soit 
une  divinité  du  panthéon  égyptien,  Isis,  Bès,  Harpocrate  *,  ou  du 
panthéon  gréco-romain,  Niké,  Eros',  Dionysos',  Ariane,  etc. 
On  sait  que  ce  thème  —  et  les  dieux  et  les  animaux  comme  le 
lotus  l'indiquent  déjà  —  est  d'origine  égyptienne,  et  qu'il  s'est 
répandu  partout  dans  le  monde  antique  dès  une  époque  très 
ancienne,  aussi  bien  en  Phénicie  qu'en  Grèce,  à  Rome  ou  en 

Inde  :  c'est  celui  du  divin  Horus  qui 
naît  de  la  fleur  du  lotus,  image  du 
soleil  levant*.  L'art  gréco-romain,  le 
répétant  parfois  intégralement  %  le 
plus  souvent  l'a  modifié  à  son  goût  ;  il 
a  remplacé  Horus  par  d'autres  divinités 
égyptiennes,  ou  lui  a  substitué  des 
dieux  nationaux;  il  a  uni  le  lotus  à 
l'acanthe,  ou  l'a  remplacé  complète- 
ment par  cette  dernière,  qui  est  son 
équivalent  symbolique*. 

Le  sens  solaire  de   la  palmette   est 
bien  connu  et  nous    n'y    insisterons 
pas;  elle  équivaut,  elle  aussi,  au  lotus  qu'elle  remplace  sou- 
vent :  la  queue  des  animaux  du  soleil,  sphinx,  griffons,  pour 
indiquer  leur  nature  ignée  \  peut  aussi  bien  se  terminer  par 


Fig.   5. 
Aotéfixe  gréco-romaiae. 


1.  Répert.  de  reliefs,  III,  p.  126,  4  (chapiteau). 

2.  Répert.  de  reliefs,  II,  p.  177,  3,  p.  259,  1;  Le  Musée  Fol,  Etudes  d'art  et 
d'arch.,  I,  pi.  XXX,  2;  tête  seule,  ibid.,  pi.  XXX,  1. 

3.  Répert.  de  reliefs,  II,  p.  274,  2  ;  276,  3. 

4.  Clermont-Ganneau,  Études  d'arch.  orientale,  I,  p.  138,  La  naissance 
d'Horus;  Journal  asiatique,  1883,  I,  p.  127,  note  1;  Rev,  hist.  des  rdigions, 
1913,  LIX,  p.  51  et  suiv.;  1914,  LXX,  p.  51  sq.  M.  Clermont-Ganneau  pense 
que  ce  prototype  a  inspiré  la  croyance  populaire  à  l'enfant  né  du  chou. 

5.  Horus  sur  le  lotus,  comrae  amulette,  Delatte,  Etude  sur  la  magie  grecque, 
in  Musée  belge,  1914,  p.  49  (tirage  à  part). 

6.  Rev.  hist.  des  religions,  1913,  LIX,  p.  350  sq.  et  suiv. 

7.  Sur  la  queue  enflammée  des  renards  de  Samson  et  les  rites  agraires  ana- 


Notes  archéologiques 


267 


une'palmette*  que  par  le  lotus*,  et  la  tête  du  personnage 
être  surmontée  de  l'un  ou  Fautre  végétal.  On  ne  s'étonnera  pas 
que  de  telles  images  décorent  les  antéfixes  et  les  acrotères  qui, 
étant  des  opotropaia ,  les  paratonnerres  religieux  de  l'édifice  en 
quelque  sorte,  portent  très  souvent  des  symboles  célestes,  ceux 
du  soleil  et  de  la  foudre  \ 

Notons  encore  que  Tassociation  de  la  palmette  et  des  deux 
rosaces  d'origine  solaire  est,  elle  aussi,  très  ancienne,  et  qu'elle 
est  banale,  par  exemple,  sur  les  stèles  funéraires  de  la  Grèce  *. 


Fig.  6.  —  Relief  de  lerrt^  cuite  gréco-romaiu. 
(S.  Reioacb,  Réperl  de  reliefs,  11,  p.  210,  3.) 

Si  telle  est  l'origine  et  le  sens  primitif  du  motif  rencontré 
sur  les  antéfixes  gallo-romaines,   il  semble  cependant  qu'en 

logues,  que  traduit  en  art  la  queue  terminée  par  un  lotus  ou  par  une  palmette, 
cf.  LHomme  'préhistorique,  1913,  p.  316. 

1.  Sarcophage  romain,  griiïons,  Reinach,  Répert.  de  reliefs^  II,  p.  196,  2. 

2.  Ibid.,  p.  296,  1,  etc.  Queue  de  la  nébride  terminée  en  lotus  épanoui,  en 
Kgypte,  Moret,  Mystères  égyptiens,  p.  70,  note  1. 

3.  Cf.  Rev,  hist.des  religions,  1915  (Le  soleil  dans  les  armoiries  de  Genève), 
p.  20. 

4.  Reinach,  Rcpert.  de  reliefs,  II,  p.  395,  7  ;  398,  4  ;  411,  4,  etc.;  'souvent 
les  deux  rosaces  seules,  sur  des  stèles  grecques,  romaines,  etc.,  ex.  ibid.^ 
p.  395,  411,  2  ;  532,  1,  3;  97,  4,  etc. 


268  HEVUE   AËCHÉOLOGIQtJE 

pénétrant  en  Gaule  et  en  Germanie,  il  s'est  confondu  avec 
un  autre  motif  de  sens  et  d'aspect  analogues,  qui,  très  en 
faveur  dans  ces  contrées,  remonte  à  une  époque  reculée  :  celui 
de  la  barque  du  soleil,  dont  Déchelette  a  étudié  l'histoire  et 
suivi  la  dégénérescence  ornementale'.  A  considérer  certaines 
deses  représentations,  on  voit  tout  de  suite  leur  analogie  avec 
l'ornementation  de  nos  antéfixes  :  la  barque,  le  plus  souvent 
stylisée  et  presque  méconnaissable,  dont  la  proue  et  la  poupe 
recourbées  sont  ornées  ou  non  des  protomés  du  cygne  solaire, 
décrit  une  volute  analogue  à  celle  qui  sert  de  base  aux  têtes 
humaines  ou  animales  ;  elle  est  souvent  accompagnée  de  l'équi- 
valent des  deux  rosaces,  de  deux  disques  solaires  disposés 
symétriquement,  soit  à  l'intérieur  de  la  courbure*,  comme 
dans  l'antéfixe  de  Pfaffenhofen,  soit  à  l'extérieur  \  comme  dans 
celle  de  Néris;  et  si  la  volute  végétale  des  antéflxes  contient 
en  son  milieu  la  tête  humaine  ou  animale,  la  barque  renferme 
à  la  même  place  l'image  du  soleil,  sous  son  aspect  aniconique, 
disques  concentriques,  disques  crucifères,  disques  radiés,  spi- 
rales ou  signes  en  S*,  ou,  sous  l'aspect  humain,  celui  de  deux 
petits  personnages  debout  côte  à  côte,  à  la  chevelure  radiée  '\ 

Il  semble  donc  que  la  tête  de  taureau  de  l'antéfixe  trouvée 
peut-être  à  Néris  n'est  pas  tant  l'emblème  de  la  huitième  légion  ** 
que  la  tête  du  dieu,  conçu  sous  son  aspect  animal.  Elle  est 
accompagnée  des  rosaces  ?  Mais,  dès  l'antiquité  égéenne,  cette 
association  da  taureau  sacré  et  des  rosaces  n'apparaît-elle  pas 

\.  Déchelette,  Manuel,  II,  p.  418  sq.,  426  sq. 

2.  Ibid,,'^.  424,  fig.  171,  2. 

3.  Ibid.,  p.  433,  fig.  176. 

4.  Le  sens  solaire  du  signe  celtique  en  S  est  bien  connu;  cf.  Déchelette, 
Manuel,  II,  p.  466,  lig.  156. 

5.  Le  bizarre  moiif  qui  occupe  le  centre  de  la  barque  sur  un  couteau  Scan- 
dinave ne  serait-il  pas  la  stylisation  de  la  tête  de  taureau,  posée  de  face  comme 
sur  l'antéfixe  de  Néris?  (Déchelette,  Manuel,  II,  3,  p.  424,  fig.  171,  2). 

6.  A  moins  que  la  tête  du  taureau  cosmique  n'ait  été  assimilée  à  l'emblème 
de  la  légion. 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  269 

dans  le  monument  bien  connu  de  Mycènes*?  A  Théroon  de 
Trysa,  les  protomés  de  taureau  n'alternent-elles  pas  avec  le 
gorgoneion  et  les  rosaces  solaires'?  Rappellera-t-on  le  sens 
cosmique  du  taureau  ou  de  ses  abrégés,  la  tête  ou  les  cornes 
seules  de  Fanimal,  dans  la  religion  celtique'?  Dans  les  autres 
antéfîxes  citées,  le  symbole  animal  s'atténue,  car  si  la  tête  gri- 
maçante de  Brumath  est  encore  cornue*,  celle  de  Pfaffenhofen, 


Fig.  7.  —  Détail  d'un  bol  gallo-romain  à  relief?,  au  musée  de  Genève, 
proveuant  de  Genève. 


dépouillant  toute    bestialité,    a    la    beauté    idéale    des  dieux 
Immains 


1.  Stais,  ColUction  mycénienne,  p.  37,  n.  c8i;  Décl.eelle,  Manwl,  II, 
p.  470  ;  la  tête  de  l'animal  est  souvent  accompagnée  d'autres  symboles 
solaires,  tels  que  la  croix,  etc..  ihi.d. 

2.  Reinach,  llépert.  de  reliefs,  I,  p.  444. 

3.  Déchelelle,  ManueL  M.  Le  taureau  et  les  cornes  sacr.'es.  p.  470  sq. 

4.  Remar(|uer  sur  le  front,  entre  les  cornes,  la  bandelette  dentelée  des  deux 
côtés,  qui  rappelle  certaines  amulettes  préhistoriques  à  double  rang  de  dents; 
cf.  Rev  hist.  des  religi.om,  1915,  p.  59  61  ;  cf.  aussi  la  chevelure  hérissée  de 
la  Gorcrone.des  gf^niesdu  feu,  sur  les  réchauds  gréco-romains,  etc.,  Ilev.  hi^t. 
des  religions,  1915,  p^  27  8. 


270  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 


1 


Les  languettes  de  la  palmette  qui  sort  du  crâne,  ce  sont, 
comme  dans  les  monuments  gréco-romains  cités  plus  haut,  les 
rayons  qui  jaillissent  du  soleil  lui-même;  elles  lui  forment 
comme  une  immense  chevelure  auréolée,  alors  qu'ailleurs, 
pour  exprimer  le  même  rayonnement,  la  chevelure  peut  être 
hérissée,  radiée,  ou  même  incurvée  en  forme  d'S  solaires*. 

Expliquons  maintenant  dans  ce  sens  la  belle  antéfîxe  de  Pfaf- 
fenhofen  (fig.  2,  2).  La  volute  qui  circonscrit  le  motif  et  qui  ne 
trahit  que  par  endroits  son  origine  végétale,  peut  être  facile- 
ment assimilée  à  la  barque  du  soleil,  fendant  les  flots  du  fleuve 
Océan.  Elle  porte  la  tête  du  dieu  qui  est  couronnée  de  chêne,  et 
dont  la  barbe  et  la  moustache,  découpées  en  feuilles,  cachent 
deux  petits  glands,  union  du  végétal  et  de  Têtre  humain  dont 
divers  monuments  antiques  fournissent  des  exemples\  Serait- 
ce  un  génie  du  chêne,  comme  le  pense  M.  A.  Reinach?  Mais  on 
sait  que  le  chêne  est  par  excellence  l'arbre  de  la  foudre,  et  que 
son  rôle  cosmique  est  avéré  depuis  un  temps  très  reculé^  Il 
n'y  a  donc  rien  d'étonnant  que  le  dieu  céleste  soit  ici  revêtu  de 
ses  feuilles  et  de  ses  fruits,  Les  deux  rosaces  qui  sont  les  disques 
du  soleil  l'encadrent,  et,  jaillissant  de  son  crâne*,  ce  sont  les 
rayons  de  la  palmette  solaire. 

1.  Sur  ces  différentes  chevelures  solaires,  cf.  Le  soleil  dans  les  armoiries  de 
Genève,  in  Rev.  hist.  des  reliyions,  1915,  p.  29-31.  Le  signe  celtique  en  S,  qui 
serait  un  demi-svastika,  uni  à  la  tèle  huaiaine  dans  l'ornementation  celtique 
et  gallo-romaine,  s'est  assurément  identifié  à  la  double  spirale  des  palmettes 
gréco-romaines,  qui,  parfois  employée  seule,  accompagne  souvent  une  tête 
humaine,  masque,  gorgoneion,  tête  d'Éros  sortant  du  bouquet  d'acanthe,  etc.; 
ex.  Etudes  d'art  et  d'arch.,  Musée  Fol,  I,  pi.  XXX,  1  (tête  d'Eros  dans  l'acanthe, 
noter  la  double  spirale  indépendante  à  droite  du  motif)  ;  ibid..,  p.  61,  fig.  2 
(double  spirale  renfermant  dans  chaque  œil  un  masque  comique)  ;  gorgoneion 
et  double  spirale  unie  à  la  palmette,  Répert.  de  reliefs,  II,  p.  265,  1. 

2.  Ex.  dans  mon  mémoire  sur  Le  Soleil  dans  les  armoiries  de  Genève,  in 
Rev.  de  l'hist.  des  religions,  1915,  p.  31. 

3.  A.  Reinach,  Le  K^apperstein,  p.  15,  38,  note  3. 

4.  Fowler,  Le  chêne  et  le  dieu  du  tonnerre,  in  Archiv.  f.  Religionswiss., 
XVI,  1913;  Wagler,  Die  Eiche  in  aller  und  neuer  Zeit,  Diss.  Wurzbourg, 
1H91  ;  S.  Reinach,  L^  chêne  dans  la  médecine  populairCf  in  L'Anthropologie, 
1893,  t.  IV,  p»  32  sq» 


NOTES    ARCHÉOLOGIQUES  271 

Ainsi,  dépouillée  du  barbare  symbolisme  animal,  Tantéfîxe 
de  Pfaiïenhofen  est  la  magnifique  expression  de  la  très  vieille 
religion  solaire  qui  a  laissé  tant  de  traces  dans  nos  contrées. 
Il  nous  semble  voir  nos  aïeux  vénérer  le  soleil  alors  qu'il  des- 
cend lentement  à  Thorizon,  et  que,  posé  sur  la  barque  à  la  sur- 
face de  rOcéan,  il  lance  un  dernier  étincellement,  avant  de 
continuer,  la  nuit  venue,  son  invisible  voyage. 

Un  tel  motif,  qui  apparaît  encore  dans  la  céramique  gallo- 
romaine  à  reliefs  (fig.  7)  avec  ses  éléments  caractéristiques, 
barque  réduite  à  une  courbure  demi-circulaire,  deux  rosaces,  et 
symbole  du  soleil  (aigle  dans  le  disque)*,  ne  s'éteint  pas  avec  le 
paganisme;  l'art  barbare  du  haut  moyen-âge  en  a  hérité,  et  on 
a  montré  ailleurs  qu'on  peut  en  reconnaître  la  dégénérescence 
dans  divers  monuments,  agrafes,  plaques  de  ceinturons,  du 
christianisme  primitif  de  nos  pays". 

{A  suivre.)  W.  Deonna. 


1.  Ce  motif  est  fréquent  dans  la  céramique,  où  il  peut  n'avoir   plus   qu'une 
valeur  décorative. 

2.  Le  Soleil  dans  les  armoiries  de  Genève,  in  Rev.  hist,  des  Rellg.  1915,  p.  22 
sq. 


L4  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE 

ET  LA  VILLE   DE  LYON 


La  Vierge  an  Donateur  (fîg.  1)  dont  il  va  être  question,  est  le 
précieux  panneau  qui  se  trouve  au  Louvre  dans  la  petite  salle 
XXIX  des  Flamands,  et  qui  porte  le  n^  1986.  Dans  le  cartouche 
du  bas  on  lit  l'inscription  suivante  : 

Jean  van  Eygk,  vers  138Û-tl440'.  École  flamande. 
La  Vierge  au  Donateur. 

Il  semblera  peut-être  extraordinaire  qu'il  puisse  être  utile, 
alors  qu'on  veut  parler  de  ce  joyau  de  nos  collections  natio- 
nales, de  se  croire  obligé  de  l'identifier  avec  autant  de  précision. 
Mais  d'abord,  et  tout  dernièrement,  un  des  maîtres  de  l'histoire 
de  l'art,  en  parlant  de  cette  admirable  peinture,  l'appelait 
«  Saint  Luc  peignant  la  Vierge  de  Van  Eyck,  qui  est  aujour- 
d'hui au  Louvre  »;  puis,  si  tous  ceux  qui  l'ont  étudiée  s'enten- 
dent parfaitement  pour  reconnaître  qu'elle  vient  d'Autun,  ils 
ne  sont  nullement  d'accord  sur  l'église  oii  elle  demeura  depuis 
le  moyen  âge  jusqu'à  son  entrée  au  Louvre,  au  commencement 
du  XIX®  siècle. 

En  effet,  Gourtépée,  au  xviii^  siècle,  dans  sa  Description  du 
Duché  de  Bourgogne^  la  signale  dans  la  chapelle  de  l'église  où 
fut  enterré  Rolin;  Vallet  de  Viriville^  la  place  dans  la  sacristie 
de  la  collégiale  de  Notre-Dame;    mais   M.    Kleinclauz^  écrit 

1.  Il  esl  permis  de  faire  remarquer  que  dès  1849,  Laborde,  dans  ses  Bues 
de  Bourgogne  (Preuves ,  t.  I,  p.  cm),  donnait  la  date  exacte  de  juillet  1441  pour 
la  mort  de  Jean  van  Eyck. 

2.  Dijon,  7  vol.  in-S^  1774-1785,  t.  III,  p.  451. 

3.  Biographie  Didot,  v°  Rolin  (Mcolas). 

4.  Revue  de  l'Art,  1905/(2),  p.  258. 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      273 

qu'elle  se  trouvait  dans  l'église  Saint-Lazare  ;  enfin  Filhol  *, 
Gruyer  ^  et  Bouchot  '  disent  qu'elle  était  dans  la  Cathédrale.  En 
réalité,  sous  ces  noms  difîérents,  il  ne  s'agit  que  de  deux 
églises  :  la  collégiale  de  Notre  Dame,  fondée  par  le  chancelier 
Rolin  où  il  fut  enterré  en  1462,  et  la  Cathédrale,  qui  est  sous  le 
vocable  de  Saint  Lazare. 

Seulement,  comme  il  y  avait  également  à  Autun  un  autre 
délicieux  tableau,  une  Nativité,  donnée  par  le  cardinal  Jean 
Rolin  à  la  Cathédrale,  qui  de  la  sacristie  fut  transportée  à 
l'Évêché  où  la  loi  de  séparation  l'a  prise  pour  la  déposer  au 
Musée  de  la  ville,  il  est  arrivé  plusieurs  fois  que  les  deux  pan- 
neaux ont  été  l'objet  d'une  confusion  assez  nexplicable,  puisque 
tous  les  deux  représentent  une  Vierge  devant  laquelle  est 
agenouillé  un  Rolin. 

Enfin,  sur  l'identification  du  paysage  qui  forme  le  fond  du 
tableau,  les  historiens  d'art  ont  disserté  sans  se  convaincre  et, 
chacun  faisant  des  rapprochements,  qui,  avec  la  Vierge  au 
Chartreux  du  baron  Gustave  (aujourd'hui  Robert)  de  Rothschild 
(fîg.  2)  et  celle  du  Musée  de  Berlin  fig.  4),  qui,  avec  une  minia- 
ture des  Heures  de  Jean  de  Danois  (fig.  5),  qui,  enfin,  avec  les 
Vierges  de  saint  Luc  de  Brunswick,  de  Munich  (fig.  3),  de  Saint- 
Pétersbourg  et  du  comte  Wilczeck,  y  découvre  une  ville  diffé- 
rente :  Bruges,  Lyon,  Londres,  Liège,  Maëstricht,  Marmande, 
La  Réole,  Bazas. 

Bref,  on  n'est  jamais  parvenu  à  s'entendre;  alors  d'autres 
critiques,  très  prudents,  admirent  le  paysage,  mais  ne  se  pro- 
noncent pas  ;  la  question  reste  donc  en  suspens. 

Comme  tout  ce  qui  touche  à  cette  merveilleuse  œuvre  d'art 
ne  saurait  nous  laisser  indifférents,  il  n'est  pas  inutile  d'ap- 
porter sur  ce  dernier  point  quelques  précisions  qui  n'ont  pas 
encore  été  présentées. 

1.  Galerie  du  Musée  Napoléon,  Paris,  Gillé,  1813,  in-4.  t.  IX,  578. 

2.  Voyage  autour  du  Salon  Carré  du  Musée  du  Louvre,  Paris,  1890,  in-4, 
p.  312. 

3.  Le  Paysage  chez  les  Primitifs,  dans  la  Gaxelle  des  Heaux-Arts,  1907,  II, 
p.  471, 


2Î4 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


i 


Ici  encore,  comme  dans  la  fameuse  question  de  Tenfant  à 
la  dent  d'or,  soumise  à  l'Académie  de  Suède  au  xviii«  siècle, 
sur  laquelle  on  discuta  pendant  des  mois  jusqu'au  moment 
où  l'un  des  académiciens  eut  l'idée  d'aller  regarder  la  bouche 
de  l'enfant,  dans  laquelle  d'ailleurs  il  ne  découvrit  rien,  tout  ce 
qui  a  été  dit  sur  le  paysage  fut  simple  affirmation,  sans  aucune 


Fig.  1.  —  Foad  du  tableau ]de  la  Vierge  au  donateur  (Musée  du  Louvre).] 

pièce  à  l'appui.  On  écrivit  de  belles  pages  littéraires  sur  le 
sujet,  mais  on  ne  crut  pas  nécessaire  de  faire  le  moindre 
rapprochement  avec  les  vues  cavalières  des  villes  proposées, 
que  nous  pouvons  cependant  trouver  dans  les  ouvrages 
anciens.  Ce  sont  les  vieux  plans  conservés  au  Cabinet  des 
Cartes  de  la  Bibliothèque  Nationale  que  je  voudrais  aujourd'hui 
rapprocher  des  affirmations  sur  lesquelles,  chacun  suivant  son 
sentiment  personnel,  vit  avec  sécurité. 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      275 

Reprenons    d'abord    ce    qui    a   été    écrit   sur    le    tableau. 


Au  XVIII®  siècle,  Gourtépée,  dans  sa  Description  du  Duché  de 
Bourgogne,  veut  y  voir  Bruges  avec  plus  de  deux  mille  figures. 
Quand  Filhol,  en  1813,  publie  la  Galerie  du  Musée  Napoléon,  il 
donne  une  description  du  tableau  que  nous  devons  reproduire, 
car  c'est  une  des  plus  exactes  qui  aient  été  écrites  : 


Fig.  2.  —  FoQii  du  tableau  de  la  Vierge  au  Chartreux 

(CollectioQ  du  baron  R.  de  Rothschild).  ^« 

«  Dans  une  magnifique  galerie  pavée  de  marbre  précieux, 
décorée  de  colonnes,  et  d'une  architecture  dont  le  genre  se 
rapproche  du  genre  moresque,  un  homme  superbement  vêtu 
d'une  robe  de  soie  et  de  brocard  à  larges  manches  et  bordée 
d'une  fourrure,  est  à  genoux  devant  un  prie-Dieu  recouvert 
d'un  riche  tapis,  et  a  devant  lui  un  livre  ouvert  posé  sur  un 
coussin  doublé  d'une  étoffe  également  opulente.  Il  semble  rece- 
voir la  bénédiction  que  lui  donne  l'Enfant  Jésus  assis  sur  lei 


276 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


genoux  de  sa  Mère.  La  Vierge,  couverte  d'un  long  et  large 
manteau,  dont  la  bordure  est  brodée,  est  assise  sur  une  espèce 
de  trône  ou  fauteuil  en  marqueterie,  doublé  d'une  tapisserie  ou 


Fig.  3.  —  Foud  du  tableau  de  la  Vierge  de  sainl  Luc  que  les  critiques  d'art 

croient  identique  au  paysage  de  la  VierCje  au  donaleur. 

(Pinacoltièque  de  Munich'. 


étoffe  à  fleurs.  Ses^cheveux,  ceints  d'un  diadème  étroit,  tombent 
négligemment  sur  ses  épaules.  Derrière  elle,  un  ange,  les  ailes 
éployées  et  vêtu  d'une  mante  qui  l'enveloppe  tout  entier,  sou- 
tient une  riche  couronne  au-dessus  de  sa  tête^  Au  delà  de  la 


LA  VIERGE  AU  DONAÎEtR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      277 

colonnade  du  fond,  on  aperçoit  sur  une  terrasse  deux  hommes 
qui  se  promènent.  Sur  le  mur  de  revêtement  un  paon,  et  entre 
ce  mur  et  la  colonnade,  la  cime  de  quelques  arbres  qui  décorent 
sans  doute  un  jardin  supérieur;  plus  loin  et  dans  la  perspective, 
sur  les  rives  d'un  grand  fleuve,  dont  le  cours  est  traversé  par 
un  pont  et  va  se  perdre  dans  le  lointain,  l'on  aperçoit  les  édi- 
fices d'une  grande  ville;  enfin  dans  le  fond,  la  cime  des  Alpes, 
blanchie  par  la  neige.  On  regrette  de  ne  pas  savoir  quel  est  le 
personnage  important  que  van  Eyck  a  représenté  dans  ce 
tableau;  on  croit  reconnaître  Lyon  dans  cette  ville  dont  il  nous 
ofTre  la  vue  et  spécialement  le  chevet  de  la  cathédrale  de 
Saint-Étienne,  ainsi  placésur  les  bordsdela  Saône  S'il  en  était 
ainsi,  il  faudrait  en  conclure  que  ce  peintre'a  voyagé  et  que  peut- 
être  il  a  franchi  les  Alpes  qu'il  a  introduites  dans  son  ouvrage. . .  » 

En  1860,  M.  Bigarne,  le  décrivant  de  nouveau,  ajoute  :  «  Ce 
tableau  sur  bois  représente  dans  le  lointain  la  ville  de  Bruges 
et  une  infinité  de  personnages  '  ». 

En  1866,  Emile  Michiels  *,  le  premier,  rapproche  le  paysage 
de  la  Vierge  au  Douah'ur  de  ceux  de  la  Vierge  au  Chartreux 
Rotshchild  et  de  la  Vierge  de  saint  Luc  de  Munich. 

La  description  du  tableau  par  M.  F. -A.  Gruyer  (1890)  ne 
doit  pas  être  oubliée  : 

((  Le  jardin  du  palais  avec  les  parterres  de  lis  et  de  roses  où 
se  promènent  les  paons  et  les  oiseaux  rares.  Une  terrasse  gar- 
nie de  créneaux  les  domine  du  côté  de  la  campagne,  et  de  petits 
personnages  d'une  étonnante  vérité  animent  ce  rempart.  Au 
delà  s'étendent  à  perte  de  vue  les  lumineuses  perspectives, 
une  rivière  d'où  émerge  une  île  commandée  par  un  château- 
fort  :  sur  une  des  rives,  une  ville  avec  ses  quais,  ses  rues,  son 
église  et  son  port  fortifié  et,  pour  fermer  l'horizon,  une  chaîne 
de  montagnes  dont  les  cîmes  se  perdent  dans  la  pâle  clarté 
d'une  aube  matinale'  ». 

1.  Élude  historique  sur  le  Chancelier  Roiin.  Beaune,  1860,  iri*8,  fig. 

2.  Gazette  des  Beaux- Arts,  1866,  II,  p.  362. 

3.  Gruyer,  Salon  Carré,  p.  312. 


278 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


En  1905,  M.  Amédée  Pigeon  ',  voyant  là  le  portrait  du  roi 
Charles  VII  agenouillé  devant  la  Vierge,  ajoutait  : 

((  L'architecture  de  la  chapelle  pourra,  je  crois,  servir  un 
jour  à  identifier  la  ville  qui  se  voit  dans  le  fond  du  paysage. 

((  Les  historiens  de  Charles  VII  disent  qu'en  1441  Charles  VII 


Fig.  4.  —  Fond  du  tableau  de  la  Vierge  au  Charlreux, 
(Galerie  royale  de  Berlin). 


fit  un  voyage  en  Guienne  pour  battre  les  Anglais  qui  assié- 
geaient Tartas,  qu'en  1442  le  roi  soumit  Marmande  et  la  Réole 
en  Bazadois. 


1.  Les  Arts,  n°  37  (t*  IV),    p.  14,  et  n»  41,  p.  32. 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON    279 

«  Ne  serait-ce  pas  Tune  de  ces  villes  qui  serait  là  représentée, 
ou  est-ce  Lyon  comme  on  Ta  dit  déjà  ? 

«  Le  portrait  fut-il  fait  dans  quelqu'une  des  villes  du  midi 
(Tarbes,  Marmande  ou  la  Réole  en  Bazadois)  ?  Fut-il  fait  à  Lyon 
dans  la  vieille  église  de  Fourvières?  Où  le  peintre  la  peignit-il? 
Je  l'ignore.  » 

Mais  voilà  que  M.  K.  Voll  *  ayant  fait,  sans  citer  Em. 
Michiels,  le  rapprochement  du  paysage  de  la  Vierge  au  Doiia- 
teur  et  de  celui  de  la  Vierge  au  Chartreux  Rothschild, 
M.  Rosen  dans  Die  Nat'ur  in  der  Ktmst  et  M.  Fierens  Gevaert 
dans  sa  Renaissance  septentrionale,  y  voient  Liège;  opinion  que 
M.  J.  Weale*  accepte  en  1908,  en  rappelant  toutefois  en  même 
temps  Maëstricht  et  en  reconnaissant,  dans  l'église  centrale, 
Saint-Paul  de  Londres.  C'est  lui  qui  rapproche  encore  du 
paysage  la  petite  miniature  du  Livre  d'Heures  de  Jean,  comte  de 
Dunois,  propriété  de  M.  Yates  Thompson  (fîg.  5). 

A  partir  de  cette  date,  l'identité  de  tous  les  fonds  dont  nous 
venons  de  parler  étant  admise,  nous  pouvons  résumer  les 
opinions  et  en  discuter  la  valeur. 

Il  semble  tout  d'abord  inutile  d'insister  sur  la  fantaisie,  sur 
l'inexactitude  de  ces  descriptions,  écrites  cependant  par  des 
historiens  d'art  d'une  compétence  évidente.  Malheureusement, 
elles  rappellent  celles  du  Rétable  de  Beaune,  oii,  au  grand 
étonnement  de  ceux  qui  regardent  eux-mêmes  et  examinent 
les  choses  de  près,  on  voit  signaler  sur  les  panneaux  les  per- 
sonnages les  plus  inattendus,  revêtus  de  cuirasses  étincelantes, 
dont  il  n'y  a  nulle  trace,  suivis  de  diables  grifïus  et  cornus  qui 
n'existèrent  jamais  que  dans  l'imagination  de  ceux  qui  avaient 
charge  de  nous  instruire. 

Ici,  nous  devons  immédiatement  constater  qu'il  n'y  eut 
jamais  «  plus  de  deux  mille  personnages  ».  11  y  en  a  H2,  ce  qui 
est  déjà  fort  intéressant  ;  les  «  oiseaux  rares  »,  dans  les  par- 


1.  Gazette  des  Beaux-Arts,  1001,  I,  p.  215. 

2.  Hubert  and  .fohn  van  Èyck,  Londres,  1908,  in-4,  p»  H6  et  88. 


280 


ftEVtJE  ARCHEOLOGIQUE 


terres  fleuris,  sont  deux  pies.  Il  est  vrai  que  sur  la  muraille  il 
y  a  deux  paons,  mais  ce  ne  sont  ni  les  aras,  ni  les  perroquets 
de  la  Vierge  de  la  Victoire  de  Mantegna  par  exemple,  que  la 
description  pourrait  nous  faire  attendre. 

Quant  au  rapprochement  des  paysages  signalés,  quel  rapport 
y  a-t-il  vraiment  entre  le  fond  à^la  Vierge  au  Donateur  (fig.  i) 
et  la  Vierge  au  Chartreux  Rothschild  (fig.  2)  ?  Une  ville,  une 


Fig.  5.  —  Miniature  des  Heures  de  Jean  de  Dunois. 
(Collection  Yates  Thompsou). 


rivière  avec  un  pont  :  c'est  tout.  Derrière  sainte  Claire  est  une 
ville,  entourée  de  murailles,  baignées  par  une  rivière  de  face, 
dans  laquelle  nagent  des  cygnes  :  ce  qui  indique  que  nous 
sommes  dans  le  Nord.  Au  premier  plan  on  aperçoit  une  église, 
qui  peut  certainement  être  rapprochée  de  Saint-Paul  de  Londres 
(voir  la  fig.  8).  Cette  église  n'existe  pas  dans  la  Vierge  au 
Donateur.  Dans  la  ville  on  ne  voit  que  cinq  clochers  ;  dans 
la  Vierge  au  Donateur,  il  y  en  a  quatorze.  Sur  le  pont  est  un 
petit  édicule,  au  fond  une  colline  boisée,  qui  ne  sont  pas  dans 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      281 

le  tableau  du  Louvre  :  Tîle  du  milieu  du  fleuve  manque  ;  enfin 
la  rive  droite  ne  se  voit  pas. 

Si  nous  regardons  la  Vierge  de  saint  Luc  de  Munich  (fig.  3), 
cela  devient  beaucoup  plus  étrange;  comment  a-t-on  jamais 
pu  faire  un  pareil  rapprochement? 

Sur  une  terrasse,  qui  semble  au  milieu  de  la  rivière,  il  y  a 
un  homme  et  une  femme  qui  regardent  sur  la  gauche  la  cour 
d'un  grand  château,  suivie  d'une  rue  de  village.  A  droite,  au  lieu 
d'une  ville,  une  île,  aux  rives  basses,  sans  aucun  pont,  avec  trois 
arbres,  derrière  lesquels  on  aperçoit  l'extrémité  d'un  château. 

Regardons-nous  la  Vierge  au  Chartreux  de  Berlin  (fig.  4)  ? 
Le  fleuve  est  une  très  modeste  rivière  lointaine  qui  traverse 
une  petite  ville  bourgeoise,  aux  rues  plantées  d'arbres,  qui 
s'étend  alors  vers  la  gauche  jusqu'à  la  plaine  oii  l'on  aperçoit  un 
moulin  à  vent.  Point  d'églises,  aucune  montagne  dans  le  fond; 
sur  la  droite,  une  simple  colline  garnie  d'arbres. 

Quant  aux  Heures  de  Dwiois  (fig.  5),  on  voit  en  effet  sur  la 
rivière  un  pont,  mais  il  n'a  que  six  arches  au  lieu  de  sept,  et 
s'il  y  a  également  une  île,  un  seul  bonhomme  la  regarde  du 
haut  des  remparts  qui  bordent,  non  pas  une  terrasse  fleurie, 
mais  une  route,  puisqu'un  paysan  y  passe  à  califourchon  sur 
son  âne 

Le  simple  examen  des  reproductions  photographiques  mon- 
tre ainsi,  mieux  que  toutes  les  critiques,  la  fantaisie  de  rap- 
prochements faits  un  peu  trop  légèrement. 

Mais  puisque  nous  constatons  que  la  ville  de  la  Vierge  au 
Donateur  est  absolument  particulière  et  qu'elle  n'a  aucun  rap^ 
port  avec  le  fond  des  tableaux  dont  il  vient  d'être  parlé,  nous 
devons  rechercher  si  elle  se  rapproche  d'une  des  villes  propo- 
sées :  Bruges,  Londres,  Liège,  Maëstricht,  Marmande,  laRéole, 
Bazas  ou  Lyon. 

De  môme  qu'il  a  été  possible  naguère,  grâce  à  d'anciennes 
vues,  d'identifier  Bourges,  du  célèbre  manuscrit  des  Heures  de 
Laval'  enluminées  par  Fouquet,  Besançon,  des  Commentaires 

1.  Mély,  Gaz.  des  Beaux-  irts,  1913,  II,  p*  19. 

ve  SÉRIE,  T.  Ul.  19 


(]liché  Mély. 

Fig.  6.  —  Plan  de  Bruges,  d'après  la  Racco/ta  di  le  piu  illustri  Cilta  (wr-  s.). 


Fig.  7.  —  Londrep,  d'après  la  Raccolta  (xv-i»  s,). 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      283 

des  Guerres  galliques,  de  Godefroid  le  Batave*,  Bruges,  du 
tableau  de  Barlholomeus  Rubeus  à  Pise*,  Anchin  du  Retable 
de  Bellegambe*,  comme  aussi  Home  et  Paris  des  Très  riches 
Heures  du  duc  Jean  de  Berry*,  Paris  du  Bétable  du  Parlement^ 
et  d'autres  encore,  on  doit  être  à  même,  grâce  à  Georgius 
Braun,  grâce  à  la  Baccolta  di  le  piu  illustri  fam.ose  citta  di  tutto 
il  mundo,  beaucoup  plus  exacts  que  la  Chronique  de  Nurenberg , 
laquelle,  pour  quatre  ou  cinq  villes,  répète  si  souvent  la  même 
gravure,  de  tenter  une  identification.  Il  ne  s'agit  que  de  les 
réunir  et  de  rapprocher  chacune  d'elle  du  paysage  de  la  Vierge 
au  Donateur. 

Voici  donc  Bruges  {?\g.  6),  ville  tout  en  rond,  entourée  de 
fossés,  sillonnée  de  canaux,  au  milieu  d'une  plaine  très  plate. 
Est-il  un  seul  point  de  rapprochement  à  faire  avec  notre  ville? 

Londres  (fig.  7)  est-elle  davantage  le  paysage  cherché?  La 
courbe  du  fleuve  vers  Chiswick  pourrait  prêter  à  un  rappro- 
chement; mais  derrière  Chiswick,  il  n'y  a  aucune  colline  et  le 
pays  s'étend  au  loin  très  plat.  Et  Saint-Paul  (fig  8),  ressem- 
ble-t  il  en  quoi  que  ce  soit,  dans  son  plan  cruciforme,  à  l'église 
de  notre  tableau?  D'ailleurs,  il  est  beaucoup  plus  éloigné 
du  fleuve  que  la  grande  église  de  la  Vierge  au  Donateur,  et 
autour  il  n'y  a  pas  cette  quantité  de  clochers  qui  nous  frappe. 

Liège  (fig.  9)  pourrait  se  discuter.  Mais  la  ville,  dominée  par 
les  collines,  est  toute  sur  la  rive  droite  du  fleuve.  La  rive  gauche 
est  une  île  où  se  trouve  seulement  une  église,  Saint-Nicolas, 
derrière  laquelle  s'étend  la  plaine;  quant  au  pont,  il  était  cou- 
vert de  constructions  au  nombre  desquelles  était  la  chambre 
des  arbalétriers  et  la  chapelle  Sainte-Barbe,  tandis  que  sur  le 
pont  du  tableau  du  Louvre,  il  y  a  seulement  au  milieu  une 
petite  croix;  d'ailleurs,  la  courbe  de  la  rivière  est  inversée. 


1.  Mély,  les  Primitifs  et  leurà  signatures i  Paris,  I9l3,  in-fol.,  p.  373. 

2.  Mély,  Revue  de  l'Art,  1907,  I,  p.  303. 

3.  Mély,  Ibid.,  1P08,  II,  p.  97. 

4.  Mélv,  Primitif!^,  p.  118  et  147. 

f).  Mélv,  Hevue  de  CArt,  191 4,  11^  p.  24, 


284 


REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 


Pour  Maëstricht  (fîg.  10),  que  ne  traverse  aucun  fleuve,  il  ne 
saurait  en  être  question,  pas  plus  que  de  la  Réole  qui  s'étend 
d'un^seul  côté  de  la  Garonne,  ou  Bazasj  très  petites' villes,  dont 
il  m'a  paru  inutile  de  reproduire  ici  les  plans. 

Voilà  donc  toutes  les  villes  passées  en  revue.  Une  seule  reste 
à  examiner,  Lyon  ;  nousjallons  chercher  si  les'plus  vieilles  vues 
de  la  ville  autorisent  à  nous  y  arrêter. 


1 


Cliché  Mély. 
Fig.  8.  —  Saint-Paul  de  Londres,  d'aprèg  Dugdale  (restitution  du  clocher 
détruit  vers  1563,  par  HoUar  ). 


Quelques  mois  avant  la  guerre,  je  feuilletais  un  soir,  sous  la 
lampe,  dans  le  hall  d'un  château  des  bords  de  la  Saône,  un  très 
bel  ouvrage  récemment  paru  :  Vieilles  pierres  lyonnaises,  et  j'y 
lisais  ces  lignes  '. 

((  A  l'Ouest,  ce  sont  les  montagnes  du  Lyonnais  aux  ondula- 


1.  Vingtrinier  (Emm.),  Lyon,  1911,  in-4,  p.  2. 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON       285 

tiens  latines;  au  Nord,  le  mont  Cindre,  le  mont  Thou  et  ses 
forts,  les  rives  de  la  Saône  aux  luxuriants  ombrages  et  l'île 
Barbe,  pareille  dans  Tembrasement  du  soleil  couchant  à  un 
grand  navire  pavoisé  de  verdure;  à  TEst,  la  ville  nouvelle  cou- 
chée dans  la  plaine  des  Brotteaux,  ses  longs  faubourgs  jalonnés 
de  cheminées  d'usines  ;  plus  loin,  les  Balmes  viennoises,  tout 


Fig.  9.  —  La  ville  de  Liège  eD  1572, 


Cliche^Mely 


à  l'horizon  quand  se  dissipe  Ua  brume,  la  {longue  chaîne  des 
Alpes  étincelantes  de  blancheur;  au  Sud,  la  masse  isolée  du 
Pilate,  gardien  de  la  vallée  du  Rhône  et  le  large  ruban  d'argent 
du  grand  fleuve  se  déployant  entre  les  collines  de  la  plaine, 
miroitant  dans  le  lointain.  » 

Telle  est  la  vue  qu'on  a  des  hauteurs  de  Fourvières  qui  domine 
tout  le  cours  de  la  Saône. 

Aussitôt  le  paysage  de  la  Vierge  au  Donateur  dont,  je  l'avoue, 


286 


REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 


je  n'avais  jamais  songé  à  me  préoccuper  particulièrement,  me 
revint  à  l'esprit. 

Remplaçons,  en  eiïet,  simplement  «  les  cheminées  d'usines  » 
par  «  les  nombreux  clochers  d'antan  »  ;  ne  semble-t-il  pas 
que  nous  lisions  la  meilleure  des  descriptions  du  fond  du 
tableau  de  la  Vierge  au  Donateur,  qui  n'a  certainement  pas 
cependant  préoccupé  M.  Emm.  Vingtrinier  quand  il  écrivait 
ces  lignes?  D'autant  plus  qu'elles  sont  accompagnées  d'une  vue 


Cliché  JMély. 
FJg.  ir.  -—  La  ville  de  Mnestricht,  d'aprcsila  RaccoUa, 


cavalière  de  Lyon  où  les  clochers  du  xviP  siècle  (fig.  11) 
tiennent  la  place  des  cheminées  d'usines  actuelles.  M.  Drevet, 
en  plus,  a  pris  des  clochers  de  Saint- Jean,  entre  les  entre- 
colonnements  des  fenêtres  des  tours,  une  vue  qui  est  presque 
exactement,  mais  un  peu  plus  à  droite,  celle  du  tableau  du 
Louvre. 

Sur  ce  point  de  départ,  qui  n'est  plus  une  hypothèse,  mais 
une  constatation  irrécusable,  on  est  en  droit  de  commencer 
une  recherche,  d'après  les  plans  cavaliers  de  Lyon*  qui  nous 

1.  Je  donne  ici  seulement  des  plans  cavaliers,  parce  que  le   fond  du  tableau 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      287 

ont  été  conservés.  En  voici  un  du  xvii«  siècle  (fig.  12)  qui  nous 
paraît  tout  à  fait  caractéristique  et  grâce  auquel  nous  pouvons 
identifier  les  monuments.  D'abord,  c'est  très  exactement  la 
courbe  de  la  Saône;  derrière  le  pont,  c'est  l'île  Barbe  (beaucoup 
plus  lointaine  certainement,  mais  dans  un  instant  nous  en 
expliquerons  le  rapprochement).  Au  milieu,  c'est  le  pont  de 
pierre  avec  ses  sept  arches.  Il  est  vrai  que  les  plans  du 
xviii^  siècle  indiquent  au  milieu  une  chapelle  que  nous  ne 
voyons  pas  ici;  mais  c'est  que  l'édicule  fut  élevé  seulement  en 
1700  pour  y  placer  une  petite  Vierge  faite  par  Mimerel  et 
donnée  par  P.  Grand. 

Sur  la  rive  droite,  car  la  rivière  coule  vers  le  spectateur, 
derrière  le  pont,  c'est  Saint-Paul  et  un  peu  plus  haut  Saint-Bar- 
thélémy; en  arrière,  le  mont  Cindre  et  les  montagnes  du  Lyon- 
nais; sur  la  rive  gauche,  à  travers  les  créneaux,  on  aperçoit  une 
tour,  l'Arsenal,  puis  les  quais  :  derrière  la  tête  de  l'Enfant,  les 
Jacobins;  lagrande église,  c'est  Saint-Nizier  placé,  comme  dans 
le  plan  du  xvii^  siècle,  presque  au  milieu  de  Perrache,  avec  un 
seul  clocher,  car  le  second  ne  fut  construit  qu'au  xvi®  siècle  : 
au  dessus  de  la  tête  de  l'Enfant,  c'est  la  Platière,  détruite  à  la 
Révolution.  La  colline,  c'est  la  Croix-Rousse,  sans  fortifications 
naturellement,  puisqu'elles  ne  furent  élevées  qu'en  1512  sur 
les  dessins  de  Germain  Chauveau  et  d'Yvonnet  le  jeune, 
peintre  :  sur  le  haut  de  la  colline  à  droite,  c'est  Saint-Sébas- 
tien, auquel  vinrent  s'attacher  plus  tard  les  remparts. 

Puis,  constatation  très  curieuse,  sur  le  penchant  de  la  Croix- 
Rousse,  au  dessous  de  Saint-Sébastien,  on  aperçoit  comme  un 
point  d'interrogation  blanc  :  c'est  une  route  qui  avait  cette 
forme  et  qui  existait  encore  à  la  fin  du  xvii®  siècle,  comme  on 
peut  le  voir  sur  le  plan  :  au  bas  se  trouvait  Saint- Vincent,  un 
peu  plus  haut,  les  Carmélites,  et  elle  redescendait  vers  les  Char- 
treux (fig.  1 5)  que  nous  ne  pouvons  voir,  puisque  leur  couvent  ne 

du  Louvre  est  une  vue  cavalière.  Les  artistes  qui  représentent  les  choses  qu'ils 
voient  par  les  yeux  de  leur  imagination  y  introduisent  forcément  une  liberté  qui 
n'existe  jamais  dans  un  plan  par  terre. 


Drevet  del. 

Fig.  11.  —  Vue  cavalière  de  Lyon  au  xviie  siècle,  d'après  l'ouvrage 
de  M.  Emm.  Vingtrinier. 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      289 

s'éleva  qu'au  xvi®  siècle.  Le  plateau  qui  s'étend  vers  rhorizon, 
au  dessus  de  la  Croix-Rousse,  c'est  la  Dombe,  au  dessous  de 
laquelle  est  l'île  Barbe,  et  le  château  qu'on  aperçoit  sur  la 
deuxième  falaise,  c'est  Rochetaillée,  dont  voici  une  ancienne 
gravure  (fig.  13).  Dans  le  fond  enfin,  ce  sont  les  Alpes  qu'on 
voit  des  hauteurs  de  Fourvières,  ainsi  que  le  signale  M.  Ving- 
trinier. 


Gliclié  Mély. 
Fig.  12.  —  Plan  cavalier  de  Lyou  du  coiumeucement  du  xvii«  siècle. 


Voilà  donc  les  principaux  monuments  indiscutablement 
identifiés  par  leur  emplacement.  Nous  devons  alors  examiner 
quelques-uns  de  leurs  détails,  absolument  nécessaires  pour  con- 
firmer l'identification. 

Il  nous  faut  tout  d'abord  constater  qu'entre  le  chevet  actuel 
de  Saint-Nizier  et  celui  du  tableau  la  différence  est  notable; 
l'explication  est  facile  à  donner.  Au  xv®  siècle  Saint-Nizier 
fut  réédifié  par  Jean  Joly,  en  style  ogival,  tel  que  nous  le 
montre  cette  photographie  si  difficile  à  prendre  dans  une  rue 
qui  n'a  pas  huit  mètres  de  largeur  et  que  je  dois  au  docteur 


290 


HEVUE    ARCHEOLOGIQUE 


Birot  (fig.  14).  Mais  le  sanctuaire,  construit  en  mauvaise 
pierre,  menaçant  ruine,  l'abside  fut  refaite  en  1470  :  c'est 
celle  que  nous  voyons  aujourd'hui.  Or,  au  fond  du  chœur 
refait,  on  peut  encore  retrouver  du  côté  de  l'épître,  pris  dans 
la  muraille  nouvelle,  un  contrefort  de  l'ancien  chevet  qui 
montre  que  toute  l'église  était  bien  entourée  de  contre-forts  très 
élancés,  comme  ceux  du  côté  dont  nous  donnons  la  photogra- 
phie. 


Fig.  13. 


Cl  elle  Birot. 

Le  chûteau  de  Rochetaillée  au  xvni«  siècle. 


Une  objection  peut  être  faite  :  la  façade  de  Saint-Nizier  est 
tournée  vers  la  Saône  ;  dans  le  tableau  elle  est  tournée  vers  le 
Rhône,  puis  l'île  Barbe  est  beaucoup  trop  près. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  si  les  artistes  du  moyen-âge 
reproduisaient  bien  les  monuments  qu'ils  voyaient,  ils  ne  s'at- 
tachaient guère  à  les  situer  avec  exactitude;  ils  cherchaient  à 
en  tirer  le  meilleur  effet  esthétique.  Dans  le  Paris  des  Très  riches 
Heures,  Montmartre,  Notre-Dame,  la  Sainte-Chapelle  sontpar- 
taitement  reconnaissables,  mais  leur  orientation  est  absolument 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR  DU  LOUVRE  ET  LA  VILLE  DE  LYON      291 

fausse.  Dans  la  vue  de  Bourges  des  Heures  de  Laval,  que  per- 
sonne ne  songe  à  contester,  la  Sainte-Chapelle  est  inversée  par 
rapport  à  la  Cathédrale.  Dans  le  plan  de  Rome  des  Très  riches 
Heures,  remplacement  des  monuments  est  assez  exact  :  ici  une 
tour,  là  une  statue,  plus  loin  une  église,  mais  l'artiste  ne  se 
préoccupe  nullement  de  leur  orientation.  Un  des  exemples  les 
plus  curieux  de  cette  liberté  d'artiste  est  assurément  la  vue  de 
Besançon  des  Commentaires  de  la  Guerre  galUque.  Alors  que 
la  ville  se  présente  le  long  du  Doubs,  ayant  derrière  elle  les 
deux  monts,  Chaudannes  et  Brégilles,  Godefroy  le  Batave  a 
trouvé  beaucoup  plus  artistique  de  mettre  la  ville  au  second 
plan,  de  façon  à  former  avec  les  deux  monts,  transposés  au 
premier  plan,  un  encadrement  artistique. 

Ces  licences  sont  en  quelque  sorte  de  tradition.  M.  Et. 
Michon,  ne  nous  montrait-il  pas,  il  y  a  quelques  années,  sur 
le  sarcophage  de  Proserpine  conservé  à  Aix-la-Chapelle,  la 
suite  des  scènes  de  la  légende  absolument  intervertie,  expli- 
quant combien  la  composition  gagnait  ainsi  par  Teiïet  de 
groupes  mieux  balancés?  Avant  lui,  E.  Le  Blant  avait  expliqué 
déjà  quelle  place  les  conditions  esthétiques,  ou  tout  au  moins 
visuelles,  tenaient  dans  les  monuments  auxquels  on  pourrait 
les  croire  les  plus  étrangers  :  les  sarcophages  chrétiens. 

Aussi  les  paysages  des  primitifs  sont-ils  très  souvent  en 
quelque  sorte  une  simple  synthèse,  dont  l'artiste  cherche 
à  tirer  le  meilleur  effet  artistique.  C'est  ce  qui  a  pu  faire  croire 
à  Eug.  Mùntz,  qui  n'en  avait  pas  soupçonné  les  motifs,  que 
le  moyen-âge  fut  impuissant  à  représenter  les  choses  telles 
qu'elles  sont  réellement  et  qu'il  s'ingénia  à  substituer  aux 
formes  véritables  des  formes  uniquement  conventionnelles. 

Ici,  il  était  impossible  de  reculer  le  clocher  des  Jacobins  qui 
aurait  disparu  derrière  la  tête  de  l'Enfant;  dès  lors,  le  clocher 
de  Saint-Nizier  eût  été  tout  à  côté,  et  le  vide,  au-dessus  de 
l'église,  n'eût  pas  été  rempli. 

N'oublions  pas  d'attirer  l'attention  sur  les  acrotères  qui 
se  trouvent  à  chaque  clocher  :  ils    sont  en  réalité    une  des 


292 


REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 


caractéristiques  de  Tarchitecture  religieuse  du  Lyonnais;  nous 
ne  les  voyons  pas  dans  la  Vierge  au  Chartreux  Rothschild. 
Enfin,  on  ne  saurait  trop  rappeler  que  l'Ile  Barbe,  proba- 


Cliché  Birot. 

Fig.  14.  —  L'Église  de  Saint-Nizier,  à  Lyon  (état  actuel). 


blement  le  plus  ancien  monastère  du  diocèse  de  Lyon,  et 
Rochetaillée,  qui  appartenait  au  Chapitre  de  Saint-Jean,  sont 
assurément  la  synthèse  de  la  Saône. 


* 
*  * 


Maintenant,  ne  pouvons-nous  essayer  de  déterminer  en  quel 


LA  VIERGE  AU  DONATEUR   DU   LOUVRE   ET  LA  VILLE  DE  LYON      293 

lieu  l'artiste  a  exécuté  son  œuvre?  Avec  les  documents  que 
nous  avons,  la  chose  ne  paraît  pas  impossible. 
Si,  en  effet,  du  pavé  central  du  bas  du  tableau,  qui  est  le 


Pig.  15.  —  Secteur  de  35»  eur  le  plan  par  terre  de  Lyon  au  xvi«  siècle,  corres- 
pondant exactement  à  la  vue  de  la  loggia  de  la  Vierge  au  Donateur. 


point  visuel,  nous  traçons  deux  lignes  qui  joignent.  Tune  le 
chevet  de  Saint-Paul  à  gauche,  sur  le  bord  de  la  Saône,  l'autre 
Saint-Sébastien,  à  l'extrême  droite,  au  haut  de  la  Croix-Rousse, 


294  ftEVtJE    AfiCHÉOr.OGiQt'E 

nous  formons  ainsi  un  angle  de  35  degrés.  Si  nous  le  reportons 
sur  le  plan  de  Drevet,  qui  nous  donne  exactement  le  cours  de 
la  Saône,  nous  tombons  alors  presqu'à  la  pointe  de  Perrache, 
au  monastère  d'Ainay  (fîg.  15)  dont  les  beaux  jardins  sont  si 
visibles  sur  le  plan  de  Simon  Maupin;  et  alors,  dans  le  champ 
visuel,  nous  trouvons  tout  ce  qui  est  dans  le  tableau  (fig.  1); 
de  cet  endroit,  Saint-Jean  et  Saint-Etienne  restent  forcément 
en  dehors,  car  on  ne  peut  apercevoir  leurs  clochers,  cachés 
qu'ils  sont  par  la  muraille  de  gauche  de  la  loggia,  comme 
aussi,  sur  la  droite,  la  partie  de  Bellecourt,  du  côté  du  Rhône. 

Et  voilà  qu'alors,  puisque  nous  nous  trouvons  conduits  à 
Ainay,  il  nous  faut  faire  une  très  curieuse  constatation  :  sur  les 
chapiteaux  de  la  loggia,  nous  retrouvons  exactement  les  sujets 
des  chapiteaux  qu'on  voit  aujourd'hui  dans  l'église  d' Ainay; 
seulement,  ces  derniers  sont  du  xii®  siècle;  mais  vraiment  on 
ne  saurait  s'étonner  que  l'artiste  du  xv«  siècle,  qui  a  peint  le  si 
précieux  panneau,  n'ait  pas  reproduit,  tels  qu'il  les  voyait,  le 
Péché  originel,  l' Apparition  du  Seigneur,  L'Expulsion  du  Paradis 
terrestre,  le  Meurtre  d'Abel  dont  les  naïves  représentations 
furent  exécutées  en  H07.  Mais  la  coïncidence  est  en  tout  cas 
assez  curieuse  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  la  mentionner. 

Il  semble  donc  bien,  maintenant  que  nous  avons  pu  apporter 
ces  nouveaux  renseignements,  qu'on  devra  reconnaître,  dans 
le  fond  de  la  Vierge  au  Donateur,  la  ville  de  Lyon,  vue  ou  du 
moins  repérée  comme  toutes  les  vues  cavalières,  d'un  point 
élevé,  supposé  ici  au-dessus  de  l'abbaye  d'Ainay. 

F      DE    iMÉLY. 


LES 

FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE 


{S  ni  te'). 


VII 

J'arrive  enfin  à  un  monument  à  propos  duquel  la  discussion 
reste  ouverte  et  dont  le  plan  souterrain  reproduit  identique- 
ment celui  de  Tédifice  de  Tirynthe  :  la  Tholos  d'Épidaure. 
M.  Lechat  a  vu  là  je  ne  sais  quelle  machinerie  hydraulique, 
bien  que  rien  —  texte,  fouilles,  ruines  —  ne  vienne  au  secours 
de  cette  subtile  hypothèse  et  n'explique  le  jeu  effarant  auquel 
se  serait  livré  Polyclète  (Defrasse  et  Lechat,  Épidaiire,  Paris, 
1895,  p.  98  sq  ).  Je  crois  une  discussion  inutile.  M.  Cavvadias 
qui,  jadis,  penchait,  par  analogie,  à  attribuer  à  la  Tholos  d'Épi- 
daure une  destination  semblable  à  celle  des  Pry  tanées  athéniens 
(Fouilles  d'Épidaure,  t.  I,  Athènes,  1893,  p.  15),  paraît  avoir 
reconnu  l'incertitude  de  cette  comparaison  et  n'ose  plus  se 
prononcer  *.  Or,  on  sait  que  l'inscription  qui  relève  les  comptes 
du  monument  l'appelle  6u|i.£Xa  (Cavvadias,  Fouilles,  p.  100, 
n«  242,  1.  125  et  162).  Staïs,  son  premier  éditeur,  dès  1892 
('ExiYpa^rj  è?  'ExtSaupou,  'Eçyjîji..  àp^.,  1892,  col.  69  sq.),  et  Herr- 
lich  en  1898  (Àrch.  A71Z.,  1898,  p.  123),  ont  bien  senti  que  ce 
mot  portait  une  clef  de  l'énigme.  Mais  alors  que  Staïs  (op.  cit., 
col.  89sq.;cf.  Dôrpfeld  und  Reisch,  Das g riech.  Tkeater,  Athen, 

1.  Voy.  la  Rev.  arch.  de  sept«mbrft-oclobre,  novembre-décembre  1915  et 
janvier-février  1916. 

2.  Congrès  iVarch.  classique,  2«  session,  Le  Caire,  1909,  p.  207  (cf.  A.  Hei- 
nanh,  Rev.  arch.,  1909,  t.  H,  p.  434).  —  Il  nomme  du  moins  le  souterrain  de 
son  vrai  nom  :  .,.  «  une  espèce  de  labyrinthe  »  (Fouilles. ..,  p.  14). 


296  REVUE   ARGHÉOLOCÎIQtJË 

1896,  p.  278)  ne  lui  donnait  que  sa  signification  religieuse,  ou 
plus  exactement  son  sens  primitif,  —  celui  d'autel,  Herrlich 
remarquait  justement  que  le  terme  désigne  ici  le  lieu  où  se 
placent  les  6u[j.£Xao{  et  d'où  ils  tirent  leur  nom*.  Il  rappelait 
qu'on  trouve  des  thymélés  hors  des  théâtres  (p.  124),  —  ce  qui 
d'ailleurs  n'a  rien  de  surprenant,  puisqu'une  thymélé  scénique 
est  une  simple  plate-forme,  un  ISaçoç  Upov  selon  la  définition 
d'Hésychius*.  Il  concluait  :  «  Ich  glaube  also  dass  eine  Thymele 
aiich  eine  Feslstàtte  fur  musische  Agone  bezeichnen  kann,  die  in 
keinerlei  Verbmdung  mit  einem  Theatergebàude  stehi  »  et  regar- 
dait la  Tholos  comme  l'abri  des  concours  musicaux  des  Askle- 
pieia. 

Son  opinion,  vivement  combattue  par  Wilamowitz-Môllen- 
dorf,  B.  et  P.  Graef,  Schrader,  Diels  {Arch.  Anz.,  loc.  cit.)  a  été 
reprise  par  Thiersch  etPomtow'.  Elle  a  soulevé  les  mêmes  cri- 
tiques (Cavvadias,  Die  Tholo%  von  Epidauros^  in  S.  B.  der  Berl. 
Ak.  d,  W  ,  1909,  t.I,  p.  540  sq.  et  pi.  II).  Fiechter  {Arch.  Anz., 
1912,  p.  18)  termina  les  siennes  en  proposant  de  voir  dans  la 

1.  Vitruve,  De  arch,,  V,  8,  2  :  Ideoqve  apud  eos  (Grœcos)  tragici  et  comici 
adores  in  scena  peragunt,  reliqui  autem  artifices  suas  per  orchestram  prœstant 
actiones.  Itaque  ex  eo  scenici  et  thymelici  grœce  separatim  nominantur.  —  11  y 
a  quatre  siècles,  on  avait  compris  ce  passage  {v.  l'édition  de  Philander,  Lug- 
duni,  1552,  p.  196).  —  Pour  les  textes  (Varron  dans  Isidore,  Or.,  XVIII,  47  ; 
PoUux,IV,  123;  Suidas  et  Elym.  M.,  s.  v°  ax-^vv))  et  les  références,  v.  Oehmi- 
chen,  Das  Biihnenwesen  der  Griechen  und  Rômer,  1890,  p.  242.  —  Peut-être 
le  parallélogramme  dessiné  au  centre  de  Torcheslre  du  théâtre  de  Dionysos 
(Fougères,  Athènes,  Paris,  1912,  f.  p.  113)  est-il  un  souvenir  de  l'ancienne 
thymélé  ? 

2.  V.  Dôrpfeld,  loc.  cit.  :  Insbesondere  ist  die  OuîxéXy)  der  Platz  des  Floten- 
blàsers  (vgl,  Kaibel,  Epigramm.  p.  XIII,  474  a  [Sparta]).  Aber  nicht  nur  die 
Musiker,  sondern  aile  musischen  Kiinste  haben  an  der  eufjilX-o  ihren  PlatZy 
auch  die  Rhapsoden  (^Kaibel,  Epigramm.  101)  und  die  Paroden  (Athen.  XV, 
699  a).  Wo  der  Altar  einer  grôsseren  Standstufe  ermangelte,  konnte  daneben 
ein  besonderes  pr){xa  aufgestellt  werden,  auf  das,  wie  es  scheint,  ebenfalls  der 
Name  ^\)\iil-f\  iiberlragen  wurde.  Eine  eu(xéXyi  kann  natùrlich  auch  dort 
errichtet  werden  wo  kein  Schauspielhaus,  keine  Skene  besteht  (Plut.  SuUa,  19  ; 
Kaibel,  Epigramm.  781).  —  Cf.  Gow,  On  the  meaning  of  the  word  OurxIXr)' 
in  Journ.  of.  hell.  St.,  t.  XXXII,  1912,  p.  233  sq. 

3.  Arch.  Anz.,  1907,  p.  491  ;  Zft.  f.  Gesch.  d.  Archit.,  t.  II,  1909,  p.  27  sq., 
p  67  sq.;  Congrès  arch.  du  Caire,  loc.  cit.;  Zft.  f.  Gesch.  d.  Archit.,  t.  III, 
1910,  p.  97  sq. 


Les  fallacieux  détours  du  labyrinthe  Î91 

Tholos  une  salle  de  banquets  rituels,  selon  la  première  pensée 
de  Cavvadias ;  Gow,  qui  l'appelle  un  foyer  sacré(o;?.  cit,,  p.  232), 
se  rapproche  de  cette  hypothèse.  L'identification  d'Elderkin 
{Am.  Joiirn.  ofarch.,  t.  XXVII,  1911,  p.  161  :  la  tholos  aurait  été 
rabaton)  n'est  pas  défendable;  M.  Frickenhaus  {Arch.  Anz,, 
1912,  p.  140)  Ta  montré  sans  peine.  M.  Svoronos,  d'après 
quelques  monnaies,  reconnaît  dans  le  monument  un  temple 
d'Hygie*.  Hitzig-Bluemner  (Pausanias,  t.  I,  1896,  p.  612), 
MM.  Kd.vo  (Arch.  yl/is.,  1909,  p.  111;  Bull,  de  corr.  helL, 
t.  XXXIV,  1910,  p.  220)  et  Fougères  (Grèce  [Guides  Joanne], 
1911,  p.  417)  hésitent  également. 

Les  contradicteurs  d'Herrlich  ont  bien  montré  l'impossibilité 
de  quelques  conceptions  de  détail  —  la  caisse  de  résonance  de 
Thiersch,  par  exemple  -  mais  n'ont  pas  atteint  l'essentiel  de  son 
sobre  exposé,  qui  demeure  intact.  En  fait,  aucune  des  explica- 
tions produites  ne  peut  être  retenue,  —  à  l'exception  de  celle-ci. 
Cavvadias  a  lui-même  abandonné  la  sienne;  Fiechter  (Arch. 
Anz.,  1912,  p.  19,  n.  1)  observe  que,  d'après  Pomtow,  un  banc  de 
pierre  d'environ  0"^,60  de  hauteur  et  1"*,12  de  largeur  courait 
le  long  du  mur,  à  l'intérieur  de  la  cella  de  la  tholos  de  Mar- 
maria  :  «  also  ganz  deutlich  eine  Einrichtung  fur  ein  Lectister- 
?iium  ))  ;  il  est  difficile  d'être  de  son  avis.  Il  faut  tenir  pour  abso- 
lument certain  que  l'appellation  ^'j\)AXol  donne  au  monument 
une  destination  scénique;  il  y  a  là  une  notion  parfaitement 
claire  que  toutes  les  logomachies  du  monde  n'auraient  pas  dû 
pouvoir  obscurcir.  Notion  que  précisent  nettement  Varron  et 
Vitruve  :  une  thymélé  est  réservée  aux  chanteurs  et  aux  ins- 
trumentistes. La  thymélé  d'un  théâtre,  c'est  la  place  d'une 
partie  du  chœur;  une  thymélé...  sans  théâtre,  c'est  le  théâtre 
de  chants  sans  tragédie,  —  des  «  combats  de  rhapsodes  en 


1.  Die  polykletische  Tholos  in  Epidauros,  in  J.  intern.  d'arch.  numism.^ 
t.  IV,  1901,  p.  15;  cf.  Congrès  d'archéologie  du  Caire,  p.  207.  Je  dois  à  l'ai- 
mable obligeance  de  M.  Svoronos  des  empreintes  de  ces  monnaifes.  — 
M.  Svoronos  a  commodément  rassemblé  la  plupart  des  hypothèses  {die 
Tholos...,  p.  7  sq.). 

V«    SÉRIE,    T.  III.  20 


298  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

rhonneur  dudieud'Épidaure»  dont  parle  Socrate  (Platon,  Ion), 
Dôrpfeld  {loc.  cit.)  a  remarqué  avec  sa  pénétration  ordinaire  : 
((  Hàiifig  werden  Oupi.éÂYj  und  QY.t\^r\  als  die.  Wahrzeichen  von 
Musik  (im  weitesten  Sinne)  und  Dramatik  einander  gegenûber 
gestellt  »  ;  Tépigramme  funéraire  composée  pour  Sophocle  pari 
Simmias  de  Thèbes  {Anth.  Palat. ,YU,  21)  lui  donne  pleinement 
raison.  Je  m'en  tiens  là. 

Il  est  remarquable  que  la  Tholos  et  le  Théâtre  d'Epidaure 
soient  dus  au  même  architecte;  peut-être  ont-ils  été  commandés, 
voire  commencés  en  même  temps  pour  répondre  à  deux  besoins 
de  même  ordre'.  Il  était  naturel  qu'en  élevant  une  scène  pour 
les  représentations  dramatiques,  les  Épidauriens  songeassent  à 
doter  d'une  thymélé  les  jeux  musicaux  des  Asklepieia  (v.  Cavva 
dias,  Fow27/e^,p.ll5,no272;cf.  Bull.decorr.nell.,i.XXll,iS^S; 
p.  598).  Il  était  naturel  encore  que  la  partie  —  la  thymélé  - 
désignât  le  tout,  c'est-à-dire  l'édifice.  Gow  {op  cit.,  p.  215  sq.  ; 
cf.  Homère,  11,  IX,  220)  a  montré  en  effet  que  ôueiv  a  signifié; 
originairement  brider  et  6j[jLrAY],  la  place  du  feu,  le  foyer;  avant 
l'idée  générale  de  sacrifice,  ces  deux  mots  ont  exprimé  l'idée 
particulière  du  sacrifice,  —  du  sacrifice  par  excellence,  celui 
qu'agrée  la  flamme.  Or,  durant  leur  séjour  dans  le  bassin  de 
rindus,  les  Aryens  ont  appris  à  confondre  dans  la  même  ado- 


1.  Christ  (Geàc/i.  d.  gr.  Litt.^  1889,  p.  335)  admet  avec  Grole  que  tous  les 
dialogues  de  Platon  sont  postérieurs  à  la  mort  de  Socrate,  sans  mécon- 
naître (p.  336)  qu'il  faut  distinguer  la  date  de  l'entretien  et  celle  de  sa 
rédaction.  Or,  dans  le  Ion,  les  premiers  mots  de  Socrate  indiquent  que  les 
jeux  musicaux  d'Epidaure  étaient  institués  depuis  peu  ;  ils  doivent  donc  dater 
des  dernières  années  du  v*  siècle  (Socrate  f  399  ;  Platon  f  348).  L'activité  de 
Polyclète  le  Jeune  paraît  s'être  précisément  étendue  de  410  à  365  (B.  Keil,  die 
Rechnungen  ûber  den  Epidaurischen  Tholosbau,  in  Ath.  Milth.,  t.  XXX,  1895, 
p.  111).  La  construction  de  la  Tholos  et  du  Théâtre  peut  être  également  com- 
prise entre  ces  deux  dates,  Gavvadias  {Fouilles^  p.  93)  indique  v,  350;  Fou- 
cart  {Sur  les  sculptures  et  ta  date  de  quelques  édifices  d'Epidaure^  in  Bull,  de 
corr.  hell.',  t.  XIV,  1890,  p.  594)  a  montré  que  la  tholos  est  postérieure  au 
temple  pour  lequel  il  propose  la  date  de  375  ;  c'est  d'après  lui  sans  doute  que 
M.  Fougères  {Grèce,  p.  417)  admet  pour  la  tholos  celle  de  360.  —  Ces  dates, 
qui  sont  celles  des  inscriptions,  doivent  être  entendues,  il  me  semble,  non  du 
début,  mais  de  l'achèvement  ou  du  cours  de  la  construction  ;  celle-ci  a  duré 
au  moins  40  ans  (Cavvadias,  Fouilles,  p.  100). 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        299 

ration  Hélios  et  Agni'.  C'est  pourquoi  les  sanctuaires  con- 
sacrés à  Hestia  ou  à  Vesta  ont  si  souvent  le  plan  circulaire  de 
la  Tholos  des  prytanes  athéniens.  Et  c'est  pourquoi  le  vocable 
qui  désigna  d'abord  la  place  sainte  du  feu  a  pu  servir  à  nom- 
mer ensuite  des  monuments  tout  pénétrés  de  l'esprit  de  Phoibos. 

Car  ces  jeux  diserts  et  ces  chants,  ces  fêtes  de  l'intelligence 
et  de  la  sensibilité,  appartiennent  au  royaume  du  Porte-lyre. 
Les  liens  qui  unissent  Apollon  et  Asklépios  sont  trop  connus 
pour  qu'il  soit  nécessaire  de  rappeler  comment  le  dieu  de  la 
musique  et  de  la  poésie  se  trouvait  chez  lui  à  Épidaure.  Presque 
tous  les  sanctuaires  d'Asklépios  sont  en  dehors  de  la  Grèce, 
dans  des  villes  doriennes  ;  en  Grèce,  dans  le  Péloponnèse  et  la 
région  du  Parnasse;  au  temple  de  Tithorée,  la  Phocide  entière 
l'adorait  sous  l'appellation  d'Archégète  (Pausanias,  X,  32,  12)'. 
Rhodes  avait  un  téménos  commun  à  Apollon,  Asklépios  et 
Aphrodite  (5w//.  de  corr.  helL,i.  IV,  1880,  p.  139  et  143);  dans 
le  temple  d'Asklépios  à  Sicyone,  Apollon  avait  une  chapelle 
(Pausanias,  II,  10,  2)  ;  dans  celui  de  Messène,  il  trônait,  accom- 
pagné des  Muses  (Pausanias,  IV,  31,  10);  dans  l'un  des  deux 
sanctuaires  de  Mégalopolis,  un  Apollon  colossal  semblait  pro- 
téger encore  le  dieu-enfant  (Pausanias,  VIII,  32,  5).  A  Epi- 
daure même,  une  tradition  mêlait  le  ((  Beau  Dieu  »  à  la  fonda- 
lion  du  hiéron  et  le  pèlerin  pieux  n'aurait  pas  franchi  le  seuil 
du  temple  avant  d'avoir  gravi  le  Kynortion  pour  sacrifier  sur 
le  saint  autel  d'Apollon  Maleatas.  Je  ne  doute  point  qu'Apollon 
n'ait  eu  sa  part  d'honneur,  la  plus  considérable  peut-être, 
dans  les  concours  de  la  Tholos,  et  qu'il  ne  soit  légitime  de 
demander  une  confirmation  de  ma  pensée  sur  l'édifice  aux 
enceintes  qui  lui  furent  consacrées. 

Le  Ptoïon  me  l'offre,  aussi  complète  que  possible.  M.  HoUeaux 
s'y  est  trouvé  aux  prises  avec  une  difficulté  singulière.  D'une 


1.  Cf.  «yvo;  et  le  surnom  porté,  justement  à  Sparte,  par  Asklépios  :  Agnilas 
(Pausanias,  III,  14,  7).  —  L'explication  du  Périégète  me  laisse  un  doule. 

2.  V.  Saglio,  Dict.  dea  Ant.,  t.  I,  1873,  p.  123  sq.,  v»  Aesculapius  {Rob'iou)  ; 
Ferdrizet,  Inscription  (TAmphissa,  in  Bull,  de  corr,  hell.^  t.  XIX,  1895,  p.  387. 


300  hEVtJE   ARCHÉOLOGIQUE 

part,  les  textes  épigraphiques  affirment  que  les  Ptoia,  pentaété- 
riques  comme  les  Asclepieig,,  étaient  célébrés  dans  un  théâtreJ 
—  £v  Tw  OeaTpG)  —  voisin  du  temple  et  situé  au  dessous  de  lui; 
de  l'autre,  les  fouilles  attestent  que  le  sanctuaire  ne  possédait' 
aucun  théâtre'.  M.  Holleaux  ajoute  (loc.  cit.)  :  a  Les  catalogues 
agonistiques  (on  les  trouvera  un  peu  plus  loin)  mentionnent 
uniquement  des  concours  musicaux,  jamais  de  représentations 
dramatiques,  ce  qui  concorde  exactement  avec  le  titre  de  Ou-j.s- 
XvAoç  àym  que  portent  les  jeux  Ptoïa  ».  C'est  pourquoi  je  serais 
aussi  surpris  de  rencontrer  au  Ptoïon  un  théâtre  proprement 
dit  que  de  n'y  point  trouver  de  tholos.  Mais  cette  tholos  existe, 
sur  la  terrasse  inférieure  précisément.  Je  n'imagine  point  qu'on 
ait  cherché  ailleurs  le  théâtre  des  Ptoïa.  Il  est  clair  qu'avec  le 
temps  et  dans  le  langage  courant,  en  Grèce,  comme  toujours 
et  partout,  le  sens  de  certains  vocables  a  gagné  quelque  élasti- 
cité. Un  odéon  est  une  thymélé,  du  point  de  vue  traditionnel 
et  religieux,  —  remarquez  l'expression  rappelée  par  M.  Hol- 
leaux :  6u[j.£A'.xoç  àytov  — ;  c'est  un  théâtre,  du  point  de  vue  archi- 
tectural et  profane;  notre  langue  actuelle  use  de  synonymes  ou, 
si  l'on  veut,  de  confusions  analogues.  ((  Dass  aile  Odeen  auch 
als  ôéaxpa  hezeichnet  werden  konnen,  ist  bekannt  »,  écrit  Hiller 
[Die  athenischen  Odeen  und  der  Tupoaywv,  in  Hermès^  t.  VII, 
1873,  p.  400)  ;  pour  n'en  citer  qu'un  illustre  exemple,  Plutarque 
[Pericles,  13)  permet  d'identifier  avec  certitude  ts  ôiaipov  to  7:ava- 
GYjvav/.ôv  d'une  inscription  athénienne  de  330'  et  l'Odéon  de 
Périclès. 

(.4  suivre.)  Robert  de  LaunaY. 

1.  Holleaux,  Fouilles  au  temple  d'Apollon  Ptôos,  in  Bull,  de  corr.  hell  , 
t.  XIV,  1890,  p.  60  sq.  (les  textes  y  sont  cités)  ;  t.  XV,  1891,  p.  662. 

2.  Dittenberger,  Sijlloge  inscr.  gr,,  1883,  p.  183,  n«  ill,  I.   17.  Ditten- 
berger,  comme  Curtius,  accuse  gratuitement  le  lapicide  d'erreur. 


BULLETIN  MENSUEL  DE  L'ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS 


SÉANCE  DU  10  DÉCEMBRE  1915 

M.  Paul  Monceaux  communique  un  mémoire  sur  les  recensious  africaines  du 
Libergenealogus.  Il  montre  comment  cette  chronique  a  été  composée  en  Italie 
ou  en  Gaule  vers  la  fin  du  iv"  siècle,  comme  elle  a  été  remaniée  à  Carthage 
vers  406  par  un  donatiste,  et  comment  quatre  recensions  successives  en  ont 
été  données  par  d'autres  donatistes  en  427,  en  445  et  en  463. 

M.  Henri  Omont  fait  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  Minoïde  Mynas 
et  ses  missions  en  Orient. 

M.  Henri  Cordier  commence  la  lecture  d'un  travail  intitulé  :  Annales  de  Vhàtel 
de  Nesle  {Collège  des  Qualre-Nations  —  Institut  de  France). 

Après  un  comité  secret,  M.  Cha vannes,  président,  annonce  que  l'Académie 
a  élu  M.  Paul  Fournier  membre  de  la  commission  de  l'histoire  littéraire  de 
France  et  M.  Antoine  Thomas  membre  de  la  commission  des  Chartes  et  diplômes, 
en  remplacement  de  M.  Paul  Viollet,  décédé. 

SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  1915 

M.  Henri  Cordier  continue  la  lecture  de  son  mémoire  intitulé  :  Annales  de 
l'hôtel  de  ISesle  {Collège  des  Quatre  Nations-Institut  de  France). 

M.  Seymour  de  Ricci  communique,  d'après  un  manuscrit  qui  lui  appartient, 
le  texte  d'une  lettre  de  1327  montrant  comment  un  prince  de  famille  française 
préparait  ses  sujets  à  résister  à  une  agression  germanique.  Robert  d'Anjou, 
auteur  de  celte  lettre,  justifie  d'abord  la  nécessité  d'une  guerre  défensive.  Il 
dénonce  le  danger  des  armements  et  des  préparatifs  de  Louis  de  Bavière  et 
invite  les  habitants  de  Naples  à  constituer  une  sorte  de  comité  de  Salut  public 
où  prendront  place  autour  du  prince  les  délégués  de  la  ville,  du  clergé  et  des 
communes. 

SÉANCE  DU  24  DÉCEMBRE  1915 

M.  Collignon  rend  compte  d'une  note  adressée  par  M.  Philadelpheus  sur  les 
fouilles  qu'il  a  dirigées  en  1915  à  Nicopolis  d'Epire.  Elles  ont  dégagé  une 
église  byzantine  dont  le  pavement  est  formé  de  mosaïques  remarquables  par 
le  sujet  et  par  l'exécution.  Les  découvertes  antérieures  avaient  mis  à  jour  les 
fondations  du  temple  dédié  par  Auguste  après  la  bataille  d'Actium. 

M.  Camille  Jullian  rend  compte  des  éludes  et  fouilles  de  MM.  Cassaët  et  de 
Laubadère  à  Eauze  (Gers).  Ils  ont  relevé  {'oppidum  de  Lesberons,  à  une  demi- 
lieue  de  la  ville.  C'est  ?ans  aucun  doute  la  capitale  des  Elusates,  qui  résistèrent 
à  César.  Woppidum  avait  40  hectares  ;  il  était  à  double  plateau,  et  le  rempart, 
qui  s'élevait  parfois  à  ISmètres^  était  en  terre  et  pierres  rapportées,  analogue 


302  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

semble-t-il,  à  tous  les  oppida  des  bords  de  la  Somme,  si  improprement  appelés 
«  camps  romains  ».  La  ville  d'Eauze,  à  l'époque  de  la  conquête  romaine,  des- 
cendit dans  la  plaine  (comme  Gergovie  à  Glermont,  Bibracte  à  Autun).  C'est 
l'emplacement  du  château  de  La  Cieutat,  près  de  la  gare.  Plus  tard,  dans  le 
haut  moyen  âge,  la  ville  remonta  sur  la  butte  légèrement  mamelonnée  qui  porte 
l'Eauze  actuelle.  Eauze  offre  ainsi  le  type,  très  rare  en  France,  d'une  Wlle  à 
trois  emplacements  successifs. 

Le  P.  Scheil  fait  une  communication  sur  un  texte  sumérien  publié  et  étudié 
par  M.  Langdon,  professeur  à  Oxford,  Ce  document  fort  ancien  (2000  ans  a.  C.) 
rappelle  les  premiers  chapitres  de  la  Genèse,  avec  cette  différence  que  les  faits 
se  suivent  dans  un  autre  ordre  :  Paradis  terrestre.  Déluge,  Manducation  d'un 
fruit  fatal,  Châtiment.  Le  P.  Scheil  s'attache  à  expliquer,  d'après  ce  texte,  de 
quelle  nature  sont  les  peines  consécutives  à  la  manducation  du  fruit.  Ce  sont 
huit  peines  physiques  atteignant  l'homme  dans  ses  biens  et  dans  ses  princi- 
paux organes.  Cependant  les  créateurs  de  l'humanité  n'abandonnent  pas  la 
créature  :  huit  divinités  nouvelles  sont  aussitôt  produites,  qui  ont  pour  mission 
de  lui  venir  en  aide. 

M.  Edouard  Cuq  fait  une  communication  sur  un  fragment  de  relief  en  marbre 
blanc  qui  représente  une  scène  d'affranchissement  par  la  vindicte  à  Rome,  au 
1"  siècle  p.  C.  Ce  relief,  plusieurs  fois  publié  depuis  le  xvi*  siècle,  est  diverse- 
ment interprété.  On  y  voit  généralement  le  rite  final  de  l'affranchissement, 
celui  qui  consiste  à  faire  pivoter  l'esclave  sur  lui-même,  après  que  le  licteur  l'a 
frappé  de  sa  baguette.  Mais  ce  rite  n'a  aucune  valeur  juridique,  et,  d'après 
Appien,  il  précède  l'affranchissement.  Puis  la  participation  du  licteur  à  la  libé- 
ration de  l'esclave  est,  au  i"  siècle  p.  C,  un  anachronisme.  —  M.  Cuq  montre 
que  la  scène  figurée  sur  le  relief  est  le  rite  initial  de  l'affranchissement  par  la 
vindicte.  Au  premier  plan  est  un  esclave  prosterné  aux  pieds  de  son  maître 
pour  accomplir  la  formalité  de  la  suppUcatio  :  il  sollicite  le  maître  de  compa- 
raître en  justice  et  de  prendre  part  au  procès  fictif  qui  sert  à  réaliser  l'affran- 
chissement. Au  second  plan,  l'esclave  est  debout  ;  un  ami  du  maître  procède  à 
la  manus  adsertio  devant  le  magistrat  assisté  d'un  licteur.  Le  magistrat  manque 
dans  le  fragment,  mais  sa  présence  est  révélée  par  l'attitude  du  licteur.  Il  y  a 
une  concordance  parfaite  entre  l'œuvre  de  l'artiste  ainsi  comprise  et  les  textes 
juridiques  et  littéraires  qui  font  connaître  les  formes  de  l'affranchissement  sous 
la  République  et  le  haut  Empire. 

M.  Moret,  conservateur  au  Musée  Guimet,  communique  l'interprétation 
d'une  inscription  hiéroglyphique  de  la  VI'  dynastie  apportant  de  nombreux 
renseignements  sur  la  biographie  d'un  grand  personnage  qui  semble  être  le 
vizir  Dâou,  déjà  connu  par  d'autres  documents. 

SÉANCE  DU  29  DÉCEMBRE  1915 

M.  Maspero,  secrétaire  perpétuel,  annonce  que  M.  le  duc  de  Loubat,  associé 
étranger  de  l'Académie,  fait  don  d'une  somme  de  40.000  francs  aux  œuvres 
hospitalières  de  l'Institut  de  France. 

M.  Ghavannes,  président,  annonce   la  mort  de  M.  le  sous-lieutenant  Jean 


BULLETIN  MENSUEL  DE  l'ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS        303 

Pottier,  tué  à  l'ennemi,  et  adresse  les  condoléances  de  l'Académie  à  M.  Edmond 
Pottier. 

L'Académie  procède  à  la  désignation  d'un  membre  du  Conseil  de  perfection- 
nement de  l'École  nationale  des  Chartes,  en  remplacement  de  M.  Noël  Valois, 
décédé.  —  M.  Paul  Fournier  est  désigné  à  l'unanimité. 

L'Académie  procède  à  la  nomination  de  son  bureau  pour  1916.  —  Sont  élus  : 
M.  Maurice  Croiset,  président  ;  M.  Antoine  Thomas,  vice-président. 

L'Académie  procède  à  l'élection  des  commissions  suivantes. 

Travaux  littéraires  :  MM.  Senart,  Paul  Meyer,  Héron  de  Villefosse,  Alfred 
ijroiset,  Clermont-Ganneau,  R.  de  Lasteyrie,  Collignon,  Gagnât. 

Antiquités  de  la  France  :  MM.  Paul  Meyer,  Héron  de  Villefosse,  R.  de  Las- 
teyrie, l'abbé  Thédenat,  Omont,  Jullian,  Prou,  Fournier, 

Écoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  :  MM.  Heuzey,  Foucart,  Paul  Meyer, 
Collignon,  Cagnat,  Pottier,  Haussoullier,  Prou. 

École  française  d'Extrême-Orient  :  MM.  Senart,  Barth,  Pottier,  Chavannes, 
(^ordier,  le  P.  Scheil. 

Fondation  Garnier  :  MM.  Senart,  Barth,  Gordier,  le  P.  Scheil. 

Fondation  Piot  :  MM.  Heuzey,  Héron  de  Villefosse,  R.  de  Lasteyrie,  Homolle, 
Collignon,  Babelon,  Pottier,  Haussoullier,  Durrieu. 

Fondation  De  Clercq  :  MM.  de  Vogué,  Heuzey,  Babelon,  Pottier,  le  P. Scheil. 

Fondation  Dourlans  :  MM.  Cagnat,  Châtelain,  Haussoullier,  Cuq. 

Commission  administrative  centrale  :  MM.  Alfred  Croiset  et  Cagnat. 

Commission  administrative  de  l'Académie  :  MM.  Alfred  Croiset  et  Cagnat, 

Nouvelle  fondation  du  duc  de  Loubat  :  MM.  Heuzey,  Senart,  Paul  Meyer, 
Schlumberger. 

Prix  Gobert  :  MM.  Héron  de  Villefosse,  Morel-Fatio,  Durrieu,  Fournier. 

M.  Maxime  Collignon  communique  en  seconde  lecture  son  mémoire  sur  l'em- 
placement du  Cécropion  à  l'Acropole  d'Athènes. 

M.  Gordier  communique  en  seconde  lecture  son  mémoire  intitulé  :  Annales 
de  Vhôtel  de  JSesle  [Collège  des  Quatre  nations  —  Institut  de  France). 

SÉANCE  DU  7  JANVIER  1916 

M.  Edouard  Chavannes,  président  sortant,  et  M.  Maurice  Croiset,  président 
pour  1916,  prononcent  les  allocutions  d'usage. 

L'Académie  procède  à  l'élection  des  commissions  de  prix  qui  restent  à  nom- 
mer. Sont  élus  : 

Prix  ordinaire  ou  du  budget  :  MM.  Meyer,  Omont,  Prou,  Morel-Fatio. 

Prix  Duchalais  (numismatique  du  moyen  âge)  :  MM.  de  Vogué,  Schlum- 
berger, Héron  de  Villefosse,  Babelon, 

Prix  Bordin  (études  orientales)  :  MM.  Senart,  Clermont-Ganneau,  Barth,  le 
P.  Scheil. 

Prix  Louis  Fould  :  MM.  R.  de  Lasteyrie,  Collignon,  Durrieu,  DiehI. 

Prix  Delalande-Guérineau  :  MM.  Élie  Berger,  Paul  Durrieu,  Prou,  Morel- 
Fatio. 

Prix  Stanislas  Julien  :  MM.  Senart,  Barth,  Chavannes,  Gordier. 


304  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Prix  de  La  Grange  :  MM.  Paul  Meyer,  Emile   Picot,  Omont,  Morel-Fatio. 

Prix  du  duc  de  Loubat  (histoire,  géographie,  archéologie,  ethnographie  et 
linguistique  du  Nouveau-Monde)  :  MM.  Senart,  Barth,  Léger,  Gordier. 

Prix  Saintour  :  MM.  Alfred  Groiset,  Gagnât,  Bouché-Leclercq,  Haussoullier. 

Prix  Auguste  Prost  :  MM.  Gollignon,  Omout,  Elie  Berger,  le  P.  Scheil. 

Prix  Henri  Lantoine  (500  fr.  une  fois  donnés,  à  l'auteur  d'un  travail  sur 
Virgile,  étude  ou  édition)  :  MM.  Havet,  Gagnât,  Ghatelain,  Monceaux. 

Médaille  Paul  Blanchet  :  MM.  Héron  de  Villefosse,  Gagnât,  Babelon,  Mon- 
ceaux. 

M.  Maurice  Groiset,  président,  annonce  ensuite  que  M.  Maspero  a  été 
nommé,  à  l'unanimité,  membre  de  la  commission  du  prix  Volney,  en  rempla- 
cement de  M.  Bréal,  décédé. 

SÉANGE  DU  14  JANVIER  1916 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  une  lettre  du  R.  P.  Delattre,  corres- 
pondant de  l'Académie  à  Garthage,  qui  annonce  la  découverte,  par  M.  l'abbé 
Munier,  sur  le  Koudiat-Zâteur  d'une  sépulture  de  l'époque  chrétienne.  Le 
29  décembre  dernier,  M.  l'abbé  Munier  rencontrait,  au  cours  de  travaux  de 
culture,  trois  grandes  pierres  portant  des  inscriptions  funéraires  chrétiennes 
et  un  bas-relief  de  marbre  — la  partie  droite  d'un  sarcophage  —  où  l'on  voyait 
quatre  personnages  debout,  sculptés  à  une  époque  assez  basse.  Gette  sculpture 
reposait  sur  une  grande  dalle  de  marbre  qui  était  le  couvercle  d'un  sarcophage. 
Lorsqu'on  leva  ce  couvercle,  on  aperçut  un  squelette,  sans  doute  celui  d'une 
femme.  Le  corps  avait  été  déposé  dans  le  sarcophage  avec  une  parure  de 
bijoux  d'or  ;  au  cou,  un  collier,  rehaussé  d'émeraudes  et  de  rubis  :  sur  les 
épaules,  deux  grandes  agrafes  ornées  de  cabochons  ;  près  du  cou,  une  épingle 
à  ressort  ;  sur  le  bassin,  une  boucle  en  or  massif.  Toute  la  partie  supérieure 
du  squelette  avait  été  couverte  de  petites  appliques  en  or,  quelques-unes  por- 
tant des  pierres  fines  enchâssées,  et  de  petits  tubes  également  en  or,  destinés 
sans  doute  à  être  enfilés  et  cousus  sur  le  vêtement.  G'est  la  première  fois  que 
l'on  rencontre  à  Garthage  une  sépulture  chrétienne  renfermant  des  bijoux,  sur- 
tout une  parure  aussi  riche.  —  M.  Héron  de  Villefosse  rappelle,  à  ce  propos, 
que  le  Musée  du  Louvre  possède  des  ornements  de  vêtements  en  or,  trouvés  à 
Kertch  dans  un  tombeau  et  acquis  en  1889,  qui  offrent  une  grande  ressem- 
blance avec  les  appliques  et  les  petits  tubes  signalés  par  le  R.  P.  Delattre. 

M.  l'abbé  Ghabot  fait  une  communication  sur  les  inscriptions  puniques  de  la 
collection  Marchand  au  Musée  du  Louvre.  —  MM.  Gagnai  et  Glermont-Gan- 
neau  présentent  quelques  observations. 

A  la  suite  d'un  Gomité  secret,  M.  Maurice  Groiset,  président,  annoncé  que 
l'Académie  vient  de  décider  d'ajourner  à  six  mois  les  élections  aux  places 
vacantes  dans  la  Gompagnie. 

M.  Gamille  JuUian  signale  une  théorie  pangermanique  qui  s'est  introduite 
dans  les  livres  de  l'érudition  allemande  depuis  quelques  années.  Jusqu'ici, 
tous  les  historiens  étaient  d'accord  sur  ce  point,  que  l'Empire  fondé  par  Pos- 
lume  en  Gaule  en  258  (au  temps  de  l'anarchie  militaire)   avait  un  caractère 


BULLETIN   MENSUEL   DE   l'aGADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS       305 

uniquement  romain.  Postume  portait  des  noms  et  des  titres  latins:  sa  politique 
a  été  toute  romaine  ;  son  œuvre  a  consisté  surtout  à  écarter  les  Germains  de 
la  frontière.  Changeant  tout  cela,  l'érudition  allemande  a  fait  de  Postume  un 
empereur  à  la  façon  germanique  (c'est  son  expression).  Elle  le  considère 
comme  un  héritier  d'Arioviste  ou  un  précurseur  d'Alaric.  Or,  il  est  absolument 
impossible  de  trouver  un  seul  texte,  une  seule  inscription,  une  seule  monnaie 
en  faveur  de  cette  hypothèse,  inventée  de  toutes  pièces  par  les  professeurs  des 
Universités  allemands  à  l'appui  de  leur  germanisme  rétrospectif  —  MM.  Salo- 
mon  Reinach  et  Babelon  présentent  quelques  observations, 

SÉANCE  DU  21  JANVIER  1916 

M.  Théodore  Reinach  signale  la  publication  du  XI*  volume  des  Papyrus 
d'Oxyrhynchus  par  MM.  Grenfell  et  Hunt.  Il  analyse  et  traduit  des  textes  grecs 
inédits  que  renferme  ce  volume:  textes  d'Hésiode,  de  Bacchylide,  de  Calli- 
maque,  d'Antiphon,  etc.,  et  propose  des  corrections  à  quelques  passages.  En 
terminant,  il  rappelle  qu'une  partie  des  papyrus  d'Oxyrhynchus  donnés  parles 
savants  d'Oxford  à  la  Belgique  a  péri  dans  l'incendie  de  la  Bibliothèque  de 
Louvain  allumé  par  les  Allemands. 

M.  Paul  Monceaux  communique,  de  la  part  de  M.  Gsell,  une  inscription 
métrique  chrétienne  récemment  découverte  par  M.  Joly  dans  les  fouilles  de 
Khamissa  (département  de  Constantine,  au  Sud-Ouest  de  Souk  Ahras).  Cette 
inscription,  dont  le  rédacteur  s'était  inspiré  d'un  passage  de  saint  Cyprien, 
avait  un  caractère  doublement  prophylactique  :  talisman  contre  le  mauvais  œil, 
préservatif  contre  le  Diable.  —  MM.  Théodore  Reinach,  Bouché-Leclercq, 
Gagnât,  Clermont-Ganneau  et  Thomas  présentent  quelques  observations. 

M.  Edmond  Pottier  expose  les  résultats  des  fouilles  pratiquées  à  l'extrémité 
de  la  presqu'île  de  Gallipoli  par  le  corps  expéditionnaire  d'Orient,  dans  la 
nécropole  de  l'ancienne  ville  grecque  d'Eléonte.  Il  résume  un  rapport  très 
détaillé  de  MM.  Chamonard  et  Courby.  Les  généraux  Gouraud,  Bailloud, 
Brulard,  le  colonel  Girodon  ont  pris  intérêt  à  ces  recherches  et  ont  donné  les 
instructions  nécessaires  pour  les  organiser.  Le  premier  qui  fut  désigné  pour 
cette  besogne  est  le  R.  P.  Dhorme,  aujourd'hui  sergent  à  l'armée  d'Orient,  cité 
à  l'ordre  du  jour  pour  sa  belle  conduite.  D'autres  travaillèrent  avec  lui  ou 
après  lui,  M.  Chamonard,  M.  Courby,  membres  de  l'École  d'Athènes  et 
mobilisés,  le  lieutenant  Leune.  Les  tombes  appartiennent  à  une  période  qui  va 
du  VI"  siècle  au  ii"  a.  C.  ;  les  objets  ont  beaucoup  d'affinité  avec  ceux  qu'on 
avait  trouvés  à  Myrina  sur  la  côte  d'Asie. 

SÉANCE  DU  11  FÉVRIER  1916 

M,  Omont,  au  nom  de  M.  Georges  Guigne,  archiviste  du  Rhône,  donne 
quelques  détails  sur  une  récente  découverte  de  documents  historiques  qui  sont 
venus  enrichir  les  Archives  départementales.  Au  cours  de  réparations  à  la  toi- 
ture de  l'une  des  chapelles  de  la  cathédrale  de  Lyon,  des  ouvriers  ont  fortuite- 
ment mis  au  jour,  cachées  sous  des  débris  de  toute  sorte,  quatre  caisses  de 
bois  renfermant  de  nombreuses  liasses  de  parchemins  et  papiers  des  archifes 


306  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

de  Tancien  chapitre  métropolitain.  Parmi  les  plus  importants  de  ces  documents, 
il  faut  signaler  le  Grand  Cartulaire  de  1350,  jusqu'ici  considéré  comme  perdu, 
et  surtout  plus  de  700  pièces  originales,  du  ix*  au  xviii*  siècle,  bulles  de  papes, 
diplômes  d'empereurs  et  de  rois  de  France,  etc.,  en  faveur  de  l'église  de  Lyon. 
La  plus  ancienne  de  ces  chartes  est  un  diplôme  original,  le  seul  connu,  avec  un 
sceau  admirablement  conservé,  de  Charles,  roi  de  Provence,  fils  de  l'empereur 
Lothaire  I"  (861).  —  MM.  Babelon  et  Prou  présentent  quelques  observations. 

M.  Henri  Gordier  annonce  que  la  commission  du  prix  Loubat  a  décerné  un 
prix  de  2.500  francs  à  M.  Henry  Vignaud  pour  son  ouvrage  sur  Amêric  Ves- 
puce,  et  une  récompense  de  500  francs  à  M.  Gallegari,  de  Vérone,  pour  l'ensemble 
de  ses  études  américaines. 

M.  J.  Lolh  fait  une  communication  sur  le  gaulois  petru  et  son  évolution 
au  point  de  vue  du  sens.  Wright  a  recueilli  dans  son  dictionnaire  dialectal 
anglais  le  mot  comique  peddrack  qui  figure  dans  le  mot  peddrackmow.  Mow 
est  anglais  et  signifie  meule  ;  peddrack  qualifie  la  meule.  Or,  d'après  la  défini- 
tion de  Wright,  la  meule  ainsi  désignée  a  le  même  diamètre  dans  tous  les  sens  ; 
elle  est  absolument  ronde,  sauf  qu'elle  se  contracte  au  sommet.  Peddrack 
accentue  donc  l'idée  de  rondeur  et  semble  signifier  ici  rond,  parfaitement  rond. 
Or,  son  sens  réel  est  carré,  à  quatre  côtés.  Le  gallois  pedrag  a  le  sens  de  carré^ 
et,  en  même  temps,  de  parfait,  complet.  Ce  sont  des  dérivés  de  petr  — ,  gau- 
lois petru  —  «  quatre  »,  en  composition,  de  môme  origine  et  de  même  sens 
que  le  latin  quadru-Petru,  lequel  apparaît  dans  le  mot  Peiru-decameto,  «  qua- 
torzième »,  qui  se  trouve  dans  l'inscription  latine  (de  l'époque  gauloise)  de 
Gélignieux  (Ain),  et  aussi  dans  les  noms  de  peuples  et  de  lieux,  comme 
Petro  —  mantalum.  —  Le  nombre  «  quatre  »  est  arrivé,  chez  les  Geltes  insu- 
laires, à  prendre,  à  une  époque  très  ancienne,  un  sens  intensif  et  perfectif. 
L'idée  de  perfection  attachée  au  nombre  «  quatre  »  explique  peut-être,  au 
moins  en  partie,  la  faveur  extraordinaire  dont  ont  joui  en  Armorique,  lors  de 
la  première  introduction  du  métal  en  ce  pays  (vers  1700  ou  1800  a.  G.),  des 
vases  à  quatre  anses  signalés  déjà  par  M.  Loth.  Il  en  a  été  de  même  en  Gorn- 
wall,  à  une  période  plus  avancée  de  l'âge  du  bronze.  On  conçoit  assez  facile- 
ment que  l'idée  de  perfection  se  soit  attachée  au  carré  aussi  bien  qu'au  cercle. 
Chez  les  Geltes,  le  cercle  donne  [plutôt  l'idée  de  l'exactitude,  de  l'achèvement, 
et  le  carré  une  idée  de  symétrie.  —  M.  Alfred  Groiset  présente  quelques  obser- 
vations. 

M.  Paul  Durrieu  signale  un  souvenir  de  la  bataille  de  Marignan  (14  sep- 
tembre 1515).  Au  commencement  de  1516,  Louise  de  Savoie  eut  l'idée  de 
faire  paraphraser  en  français  le  psaume  XXVII  :  Dominus  illuminatio  mea, 
en  appliquant  chaque  verset  à  une  action,  passée  ou  future,  de  François  I",  et 
en  joignant  à  chaque  verset  une  illustration.  Le  petit  volume  qui  renferme  le 
texte  et  les  vingt  médaillons  circulaires  dessinés  à  la  plume  est  conservé  à  la 
Bibliothèque  nationale.  Les  dessins  sont  d'une  rare  délicatesse,  et  MM.  Durrieu 
a  déjà  proposé  d'y  reconnaître  la  main  de  Godefroy  le  Batave.  —  M.  Salomon 
Reinach  et  Antoine  Thomas  présentent  quelques  observations. 

{Revue  critique.)  Léon  Dorbz. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE 


LE  COMMANDANT  GROS 

M.  Léon  Heuzey  a  annoncé  à  l'Académie  des  Inscriptions,  le  2  juillet  1915, 
que  le  commandant  Gros,  continuateur  des  fouilles  de  Sarzec  en  Ghaldée,  avait 
été  tué  au  nord  d'Arras.  Né  Alsacien,  «Gros  était  un  entraîneur  d'hommes,  nature 
enthousiaste,  dont  la  droiture  de  cœur  égalait  Tintelligence  et  la  souriante 
intrépidité  »  (Heuzey).  Le  19  juin  1914,  M.  Heuzey  avait  présenté  à  l'Acadé- 
mie le  dernier  fascicule  de  l'ouvrage  de  ce  brave  soldat  archéologue,  Les  nou- 
velles fouilles  de  Tello.  Gros,  blessé  une  première  fois  et  cité  à  l'ordre  du  jour, 
pendant  la  bataille  de  la  Marne,  avait  été  promu  au  rang  de  colonel  et  comman- 
dait une  brigade  de  la  division  du  Maroc  lorsqu'il  obtint  de  rentrer  en  France, 
pour  participer  à  la  lutte  pour  l'indépendance  des  peuples  qui  se  poursuit  au 
milieu  de  deuils,  mais  avec  un  invincible  espoir,  à  la  honte  éternelle  de  ceux 
qui  l'ont  déchaînée*. 

S.  R. 

G.  A.  M.  FENNELL 

Un  des  meilleurs  philologues  de  l'Angleterre,  G.  A.  M.  Fennell,  est  mort  le 
6  janvier  à  Cambridge  El  a  publié  les  Oo^es  de  Pindare (1883),  la  Afidtenne  (1897) 
et  un  savant  ouvrage  sur  les  sonantes  et  consonnes  indo-germaniques  (1896). 
On  lui  doit  aussi  un  grand  travail  sur  les  éléments  étrangers  de  la  langue 
anglaise  (1892).  De  nombreux  articles  critiques,  dus  à  Fennell,  ont  paru  dans 
V  Athenaeum* . 

X. 

MARCEL  HÉBERT 

Après  avoir  professé  la  philosophie  à  l'École  Fénelon  et  brillamment  dirigé 
cette  École,  Marcel  Hébert  sortit  de  l'Église  au  moment  de  la  crise  moderniste 
(1901)  et  enseigna  quelque  temps  à  la  nouvelle  Université  libre  de  Bruxelles. 
Revenu  à  Paris,  il  y  publia  des  travaux  originaux  d'histoire  et  de  philosophie 
religieuses  et  collabora  à  diverses  Revues,  notamment  au  Cenobium  (Lugano) 
et  à  la  Revue  d'histoire  et  de  littérature  religieuse  de  M.   Loisy.  11   s'intéressa 

1.  J'ai  connu  trop  de  savants  allemands  civilisés  à  la  latine  pour  ne  pas  être 
sûr  que  beaucoup  pensent  comme  nous,  maudissent  les  reîtres  qui  ont  mis  le 
feu  à  l'Europe,  mais  se  taisent  ou  hurlent  avec  les  loups,  pour  ne  pas  avoir  l'air 
d'être  de  mauvais  Germains.  Isf/ue  habitas  animorum  fuit,  dit  Tacite,  ut  pessi- 
mum  facinus  auderent  pauci,  plures  vellenl,  omnes  paterenlur, 

2.  Voir  V A  Ihenaeum,  janvier  1916,  p.  8. 


308  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

aussi  vivement  à  la  préhistoire  et  accepta,  du  moins  en  partie,  les  idées  de 
l'école  géologique  belge  sur  l'homme  tertiaire.  Sans  pouvoir  entrer  dans  le 
détail  de  son  œuvre,  qui  sort  presque  entièrement  de  notre  cadre,  je  veux  dire 
ici  la  haute  estime  qu'inspiraient  sa  science  et  son  caractère;  on  n'écrira  pas 
l'histoire  de  la  pensée  en  France,  dans  les  premières  années  du  xx«  siècle,  sans 
tenir  compte  de  la  personnalité  et  de  l'influence  de  Marcel  Hébert.  Il  est  mort  à 
64  ans,  le  11  février  1916,  des  suites  d'une  opération  chirurgicale,  dans  une 
maison  de  santé  à  Paris*. 

S.  R. 

ERNEST-CHARLES-BABUT 

Élève  de  l'École  normale  en  1896,  membre  de  l'Ecole  de  Ronle  en  1899, 
E.  Ch.  Babut  a  été  tué  à  l'ennemi  le  28  février  1916;  il  avait  le  grade  de 
sous-lieutenant  depuis  le  mois  de  novembre  1914  et  était  décoré  de  la  Légion 
d'honneur*. 

Peu  de  pertes  aussi  cruelles  que  celles-là  ont  été  infligées  à  la  science  fran- 
çaise depuis  deux  ans,  Babut,  appartenant  à  une  famille  où  les  études  reli- 
gieuses sont  de  tradition,  avait  porté  dans  ces  recherches  une  intelligence  for- 
tement préparée  et  une  perspicacité  qu'attiraient  et  stimulaient  les  questions 
difficiles.  Heureusement,  au  cours  d'une  vie  laborieuse  et  si  tragiquement  bri- 
sée dans  sa  fleur,  il  a  eu  le  temps  d'écrire  plusieurs  livres  et  un  grand  nombre 
d'articles;  grâce  à  l'obligeance  d'une  personne  de  sa  famille,  je  peux  en  donner 
ici  la  liste».  En  des  temps  meilleurs,  il  faudra  songer  à  réunir  ses  mémoires, 
où  il  y  a  toujours  quelque  chose  de  personnel  et  de  neuf  à  retenir. 

J'adresse  à  la  mémoire  du  jeune  historien  l'expression  émue  de  mes  regrets. 

S.  R. 

1.  Peu  de  jours  avant  l'opération  qui  devait  lui  être  fatale,  Hébert  écrivait  ces 
mots  :  «  Je  veux  que  le  pasteur  Wilfrid  Mouod  ou  le  rabbin  Lévy  ou  tout  autre 
libre  croyant  dise  quelques  mots  à  cette  cérémonie  (de  l'incioératioD),  pour 
attester  que  saus  adhérer  au  protestantisme  libéral  ou  à  toute  autre  confession, 
je  n'ai  pas  voulu  d'une  inhumation  matérialiste  et  que  je  meurs  croyant  et 
espérant,  »  Les  volontés  de  Hébert  out  été  suivies  au  Crématoire  du  Père- 
Lachaise;  le  pasteur  W.  Mouod  a  prononcé  un  éloquent  discours  qui  a  profondé- 
ment ému  le  «  petit  troupeau  »  venu  pour  rendre  un  dernier  hommage  à  Hébert. 

2.  CMrncu/Mw  :  Pensiounuire  à  la  Koudation  Thiers,  1900;  professeur  suppléant 
au  lycée  Coudorcet,  1903-4;  professeur  à  Valencieunes,  1904-5;  à  Laon,  1905-6; 
chargé  d'un  cours  d'histoire  du  christianisme  à  la  Faculté  de  Montpellier,  1906; 
professeur-adjoint,  1909;  professeur-titulaire,  1910, 

3.  Le  Concile  de  Turin,  Essai  sur  les  Églises  provençales  au  v*  siècle,  Paris,  1904 
(thèse);  La  plus  ancienne  décrélale,  Paris,  1904  (thèse);  La  date  du  Concile  de 
Turin  et  le  développement  de  l'autorité  pontificale  [Rev.  hist.,  1905);  Trois 
lignes  inédites  de  Su/pice  Sévère  {Le  Moyen  Age,  1906  ;  Paulin  de  Noie,  Sulpice 
Sévère^  S.  Martin  {Annales  du  Midi,  1908)  ;  L'authenticité  des  canons  de  Sardique 
{Intern.  Congress  of  the  Uistory  of  Religions,  Oxford,  1908);  Priscillien  et  le  pris- 
cillianisme,  Paris,  1909;  S.  Paulin  de  Noie  et  Priscillieyi  {Rev.  d'hist.  et  de  iitt. 
relig.,  1910);  S.  Martin  de  Tours,  Paris,  1912;  Les  origines  de  lUniv.  de  Montpel- 


Nouvelles  arcëéolôgiOues  Et  correspondance       309 

UGO  BALZANI 
Le  28  février  1916  est  mort  subitement  à  Rome  un  des  connaisseurs  les 
plus  érudits  de  Tltalie  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance,  le  comte  Ugo  Bal- 
zani.  Né  en  1847,  il  était  membre  de  l'Académie  des  Lincei  et  président  de  la 
Societd  romana  di  storia  patria-,  l'Université  d'Oxford  lui  avait  décerné  le  titre 
de  docteur.  Ayant  épousé  une  Irlandaise  et  habité  l'Angleterre  à  plusieurs 
reprises,  Balzani  parlait  et  écrivait  parfaitement  l'anglais;  il  n'était  pas  moins 
familier  avec  notre  langue  et  comptait  beaucoup  d'amis  dans  les  cercles  scienti- 
fiques français.  C'était  un  homme  d'un  commerce  très  agréable  et  universelle- 
ment apprécié.  L'Italie  perd  en  lui  un  éveilleur  d'esprits  et  de  vocations  —  un 
animatore,  un  suscitatore  di  énergie,  comme  écrivait  le  Giornale  dltalia  en 
annonçant  sa  mort'. 

S.  R. 

HENRI-FRANÇOIS  SECRÉTAN  (1856-1916) 
Né  à  Neuchâtel,  élève  de  l'Université  de  Lausanne  et  médecin  avant  d'être 
historien  et  économiste,  H.  F.  Secrétan  a  publié  quelques  ouvrages  qui  tou- 
chent à  l'antiquité  :  La  Dépopulation  de  l'Empire  romain  et  les  invasions 
(1908)  ;  La  Fin  de  l'Empire  d'Occident  (1910)  ;  La  Propagande  chrétienne  et 
les  Persécutions  {\  9 i5).  D'une  érudition  fort  étendue,  très  porté  aux  idées  géné- 
rales et  travaillant  avec  critique  et  conscience,  Secrétan  manquait  un  peu  des 
dons  de  l'exposition  ;  la  composition  de  ses  ouvrages  laisse  parfois  à  désirer. 
Ce  n'en  sont  pas  moins  des  livres  durables,  fondés  sur  une  connaissance  per- 
sonnelle des  textes  et  remplis  d'aperçus  ingénieux,  souvent  profonds. 

S.  R. 

AUGUSTE  BURDIN 

L'imprimeur  de  la  Revue,  Auguste  Burdin,  est  mort  à  Angers  le  20  mars  1916. 
C'est  avec  un  bien  sincère  regret  que  je  donne  cette  nouvelle  à  nos  lecteurs  ; 
ceux  d'entre  eux  qui  collaborent  à  la  Revue  partageront  mon  sentiment,  car 
Burdin,  à  l'exemple  de  son  père,  n'était  pas  seulement  le  directeur  d'une 
imprimerie  :  il  s'intéressait  aux  manuscrits  qui  lui  passaient  par  les  mains  et 
à  leurs  auteurs.  Né  en  1866  à  Coulommiers,  il  était  le  troisième  des  quatre 
fils  d'André  Burdin  qui,  en  1878,  acquit  l'imprimerie  Laine  frères  d'Angers 
et  la  transforma  complètement,  tant  par  l'extension  des  bâtiments  que  par 
l'acquisition  d'un  matériel  considérable  pour  les  impressions  orientales  (voir  la 
Notice  publiée  par  André  Burdin  à  Angers,  avril  1886).  En  1900,  à  la  mort 
d'André  Burdin,  Auguste  prit  la  direction  de  la  maison.  Comme  le  disait  son 

lier,  1200-1400,  Montpellier,  1912;  Une  pièce  fausse  dans  un  registre  royal  du 
XIII''-  siècle  {Mélanges  Bémont,  1913);  Rech.  sur  la  garde  impériale  et  le  corps 
d'officiers  de  l'armée  romaine  aux  IV*»  et  V*  siècles  [Rev.  hisl.,  nov.  1913,  juin 
1914);  S.  Julien  de  Brioude  {Rev.  d'hist.  et  de  litt.  relig.,  mars  1914).  —  Nom- 
breux articles  critiques,  entre  autres  dans  la  Revue  des  livres  nouveaux. 

1.  (Euvres  principales  :  Le  cronache  italiane  del  medio  evo;  il  Regeslo  di  Farfa\ 
il  Chronicon  Farfense  ;  The  Popes  and  the  Ihhenstaufen,  etc. 


310  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

père,  c'était  un  «  enfant  de  la  balle  ».  Sauf  quatre  années  de  service  militaire 
qu'il  accomplit  en  grande  partie  à  Tunis,  il  n'a  jamais  quitté  la  maison  pater- 
nelle ;  il  y  fit  son  apprentissage  et  passa  successivement  par  tous  les  services 
de  l'imprimerie;  c'était,  m'écrit  un  de  ses  collaborateurs,  un  ouvrier  accompli 
et  qui  forma  de  nombreux  élèves.  Grâce  à  eux,  nous  espérons  que  la  maison 
Burdin  continuera  à  représenter  dignement  les  bonnes  traditions  de  l'impri- 
merie française. 

S.  R. 

La  tombe  royale  de  Solokha. 

Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  l'excellent  mémoire  de  M™*  Sophie  PolovtsofF 
sur  la  tombe  royale,  d'une  exceptionnelle  richesse,  qui  fut  découverte  en  1913 
dans  l'énorme  tumulus  de  Solokha,  à  25  kil.  au  sud  de  Nikopol  (Tauride)*. 
M.  Svoronos,  reprenant  l'étude  de  ce  trésor",  a  essayé  de  deviner  qui  étaient 
les  hôtes  de  cette  magnifique  sépulture  et  quels  événements  historiques  rap- 
pellent les  objets  d'art  qui  en  ont  été  exhumés.  Avec  une  grande  dépense  d'in- 
géniosité et  de  savoir,  mais  une  mise  moindre  de  awçpoduvY),  il  aboutit  aux 
résultats  suivants  : 

1°  A  Solokha  ont  été  enterrés  deux  rois,  contemporains  et  de  la  même 
famille,  les  rois  Spartocides  du  Bosphore,  Spartocos  II  et  Parisadès  I,  qui 
étaient  frères  (349-343,  puis  343-309)  ;  la  première  tombe  daterait  de  343,  la 
seconde  de  309. 

2°  Le  cavalier  surmontant  le  peigne  d'or  est  Miltiade,  fils  de  Gimon,  tyran 
de  laChersonèse  de  Thrace.  «  On  ne  peut  nullement  douter  que  ce  magnifique 
bijou  de  fabrique  attique  ait  été  exécuté  dans  un  but  politique  et  commercial 
se  rapportant  à  la  Grèce,  pour  être  olîert  à  un  des  rois  indigènes  de  la  Russie 
du  sud  »...  C'est  à  Miltiade,  le  seul  Grec  qui,  dans  l'affaire  du  pont  du  Danube 
en  513,  ait  voulu  être  utile  aux  Scythes  «  et  qui  ensuite,  par  sa  grande  vic- 
toire de  Marathon,  délivra  les  Scythes  de  la  peur  qu'ils  avaient  de  la  revanche 
perse  —  que  se  rapportent  les  figures  de  ce  peigne  d'or  que  la  diplomatie  athé- 
nienne offrit  à  un  roi  Scythe.  »  Si  ce  cavalier  porte  des  anaxyrides  barbares, 
cela  importe  peu,  car  Miltiade,  dans  son  rôle  de  chef  des  barbares  indigènes, 
pouvait  être  représenté  ainsi  et,  d'ailleurs,  le  cavalier  thrace,  figuré  sur  la 
coupé  d'Oxford  avec  l'acclamation  Miltiades  kalos,  n'est  autre  que  Miltiade 
lui-même,  alors  qu'il  vivait,  tout  jeune  encore,  à  Athènes,  auprès  de  son  père 
Cimon. 

3®  Le  vase  d'argent  orné  de  reliefs  dorés  représente,  aux  yeux  d'archéologues 
bornés,  une  simple  scène  de  chasse  ;  mais  les  animaux  chassés  sont  des  sym- 
boles de  villes,  comme  l'établissent  les  revers  des  monnaies  ;  il  s'agit  ici  des 
luttes  victorieuses  des  princes  Spartocos  II  et  Parisadès  I,  fils  de  Leucon, 
contre  les  villes  de  Panticapée  et  Théodosie  de  la  Chersonèse  taurique,  vers 

1.  Revue  archéoL,  1914,  I,  p.  164-190,  pi.  1-Xi. 

2.  Journal  international  d'archéologie  numismatique^  t.  xVir,  1915,  p.  1-51, 
avec  4  planches. 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  311 

'iïb  av.  J.-G.  Il  est  vrai  que  sur  les  stalères  de  Panticapée  on  voit  un  lion 
•ornu,  tandis  que  sur  la  scène  de  chasse,  c'est  une  lionne  ;  mais  c'était  là, 
pour  le  rusé  ciseleur  athénien,  une  manière  de  dire  que  Panticapée  était  la 
métropole,  la  mère  des  autres  villes  milésiennes  du  Bosphore.  Il  faut  ici  laisser 
parler  M,  Svoronos  :  «  La  routine  archéologique  dira,  comme  toujours,  que 
ces  animaux  sont  desimpies  ornements...  Moi,  je  dis  que  mon  ancêtre,  l'artiste 
athénien  qui  cisela  ce  vase  destiné  à  être  offert  aux  deux  rois  spartocides, 
multiplia  sur  ce  vase  les  emblèmes  de  ces  rois.  » 

4°  Sur  le  goryte  d'argent  sont  figurées  les  luttes  des  mêmes  princes  frères 
contre  les  Sindes  et  les  Maiotes. 

5°  L'inscription  énigmatique  de  la  phiale  d'or  EAEY0EPIA  H  HPMÛN 
ANTIS0ENEI  doit  se  restituer  :  (Tà)'EX£uôêpia  "Epixwv  'AvridOlvec  (eSwxev)  et  se 
traduire  :  «  Cette  phiale  a  été  donnée  par  Hermon  à  Antisthène  pour  avoir 
sauvé  la  liberté  de  la  patrie  commune.  »  Or,  en  411,  un  éphèbe  anonyme, 
d'accord  avec  son  chef  le  péripolarque  Hermon,  commandant  de  Munychie,  tua 
en  pleine  agora  le  tyran  Phrynichos.  Supposons  que  cet  éphèbe  se  nommât 
Antisthène  ;  alors,  comme  par  magie,  tout  s'explique  :  w  La  phiale  d'or  qu'Her- 
mon  offre  à  Antisthène  comme  I>.eu9épia  —  ces  sortes  de  cadeaux  n'étaient 
offerts  qu'aux  tyrannicides  —nous  apprend  pour  la  première  fois  le  vrai  nom  du 
jeune  TrepîuoXo;  de  la  compagnie  des  éphèbes  athéniens  d'Hermon...  Les  trois 
motifs  qui  ornent  la  phiale  peuvent  être  expliqués  de  la  manière  suivante  : 
l»  les  deux  lions  attaquant  un  chevreuil  peuvent  être  l'emblème  d'Harmodios 
et  d'Aristogiton  ;  2°  le  lion  et  la  lionne  peuvent  être  reroblème  d'Harmodios 
avec  Leaina  tuant  Hipparchos  ;  3°  le  lion  qui  saule  sur  le  dos  d'un  cerf  est,  je 
crois,  l'emblème  de  notre  Antisthène  tuant  Phrynichos.  Je  crois  même  que  les 
deux  grands  groupes  archaïques  de  l'Acropole  qui  représentent,  l'un  deux 
lions  terrassant  un  taureau,  l'autre  une  lionne  tuant  un  veau,  ne  sont  autres 
que  des  uTtopLVT^jiaxa,  l'un  d'Harmodios  et  d'Aristogiton,  l'autre  de  Leaina,  exter- 
minant tous  les  trois  la  tyrannie  des  Pisistratides.  Oh  !  je  sais  fort  bien  que  la 
doctrine  archéologique  courante  trouvera  plus  que  hardies  ces  hypothèses... 
Les  prétendus  archéologues  qui  pensent  ainsi  n'ont  compris  et  ne  compren- 
dront jamais  un  monument  grec.  » 

Un  de  ces  <i   prétendus  archéologues  »,  prié  de  juger  les  hypothèses  de 

M.  S«roronos,  se  contenta  de   cette  réponse,  laconique  sinon   attique  :  «  Cela 

est  fort  savamment  déraisonné.  » 

S.  R. 

Vases  retrouvés. 

Le  célèbre  vase  du  «  Retour  du  printemps  »,  publié  en  1835  dans  les 
Monumenli  deW  Instiluto  (t.  H,  pi.  24),  avait  disparu  depuis  de  longues 
années.  Nous  apprenons  aujourd'hui,  par  un  article  de  M.  Waldhauer,  qu'il  a 
passé  de  la  collection  Gourieff,  où  il  se  trouvait  en  1835,  dans  celle  d'Abasa, 
qui  fut  ministre  des  finances  en  Russie;  à  la  mort  de  ce  dernier,  le  vase  en 
question,  avec  d'autres  objets  de  prix,  fut  acquis  par  l'Ermitage  de  Pélrograd, 
oiî  il  est  désormais  en  sûreté. 


312  t^.EVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Puisque  Toccasion  s'en  présente,  je  réunis  ici  quelques  renseignements  sur 
des  vases  récemment  sortis  de  l'obscurité.  L'amphore  panathénaïque  [Monum. 
t.  I,  pi.  22,  6)  est  au  Musée  métropolitain  de  New-York  {Bulletin  of  Ihe  M.  M., 
•1915,  p.  101).  ■—  Le  vase  Monum.,  t.  XI,  pi.  42,  J,  est  au  Musée  de  Boston. 
—  Le  vase  Anna/f,  1830,  pi.  H,  est  chez  James  Loeb.  —  Le  vase  Annali,  1865, 
pi.  P,  Q,  est  au  Musée  Ashmoléen  d'Oxford.  —  Le  vase  Annali,  1868,  pi.  L, 
M,  doit  être  vendu  avec  la  collection  Bolkin  à  Pétrograd.  —  Le  vase  d'Euthy- 
midès,  de  l'ancienne  coUeciion  Bazzichelli  {Annali,  1870,  pi.  0,  P),  est  au 
Musée  de  Turin;  il  a  été  bien  publié  par  M.  Hoppin,  Journ.  Hell.  Stud., 
1915,  pi.  5-6.  —  Le  vase  Bull.  napoL,  VI,  pi.  2,  est  à  Berne.  —  Le  vase 
Gerhard  A.  V.,  1  est  à  Boston;  Gerhard  39  et  172  sont  au  Musée  Ashmoléen 
d'Oxford;  Gerhard  56,  2  et  59,  60  sont  à  Compiègne;  Gerhard  99  et  110  sont 
à  Boulogne-sur-Meri  Gerhard  138  et  180  sont  au  Victoria  and  Albert  Muséum  ; 
Gerhard  141,  1  et  2  est  à  Bologne,  ainsi  que  G.  158. 

On  continue  à  manquer  absolument  d'informations  sur  les  vases  de  Deepdene; 
les  savants  anglais  devraient  nous  renseigner  à  cet  égard. 

S.  R. 

Art  and  thè  Huns. 
Antiquities  dug  from  the  trenches. 

Liltlehas  so  far  transpired  of  German  policy  and  administrative  acts  relating 
to  art  and  antiquities  in  the  occupied  régions  of  France  and  in  Belgium.  The 
removal,  to  the  prehistoric  section  of  the  Berlin  Muséum,  of  a  collection  of 
antiquities  unearthed  as  a  sequel  to  trench-digging  near  the  château  of  Bucy- 
le-Long,  east  of  Soissons,  is,  however,  an  accomplished  fact.  An  illustrated 
account  of  the  find,  by  Professor  Dr.  Schuchhardt,  appears  in  the  recently 
issued  report  {Amtliche  Berichte)  of  the  Prussian  Royal  Art  Collections  for  the 
month  of  September  last.  The  first  object,  a  bronze  neck-ring,  was  laid  bare 
early  in  February,  1915,  by  a  captain  of  Engineers,  from  which  date  till  the 
beginning  of  April  excavations  were  carried  on  by  a  fifth-semester  student 
named  Niggemann,  who  was  serving  as  a  volunteer. 

Professor  Schuchhardt  is,  it  may  be  noted,  perfectly  candid  in  his  statement 
of  the  circumstances  of  thèse  excavations  :  their  inception,  he  says,  was  pro- 
moted  [gefôrderi)  by  Ihe  trenching  having  eut  through  some  of  the  inhuma- 
tions. The  area  to  which  Herr  Niggemann's  scientific  ardour  in  the  cause  of 
the  enemy  civilisation  was  directed  forms  a  rectangle  60  paces  long  by  25  broad. 
It  was  found  to  contain  some  32  graves,  or  remains  of  graves,  The  âge  to 
which  the  «  finds  »  belong  is  the  second  La  Tène  period  (about  b.c.  )V.  cen- 
tury).  They  comprised,  beside  human,  animal  and  vegetable  remains,  blackish 
earthen  vases  of  fine  shape  and  techique,  and  bronze  rings  of  varions  sizes  ; 
spear-heads,  theonly  weapons,  Were  discovered  in  one  grave  only. 

The  Germans  siill  live  in  the  pre-Napoleonic  era.  A  propos  of  this  Bucy-le- 
Long  transaction,  one  cannot  help  fecalling  the  words  written  to  a  friend  in 
September,  1914,  by  the  great  French  prehistorian,  Joseph  Déchelette,  who  was 
killed,  a  territorial  officer,  at  the  Aisne  on  Ôctober  3  : 

V  I  do  not  doubt  that  this  battle  of  the  Marne,  fought  on  the  site  of  great 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  313 

Gallic  nécropoles,  has  given  you,  as  it  did  me,  a  patriotic  and  consoling  vision. 
Whether  with  La  Tène  sword  or  1886  pallern  rifle,  it  is  ever  the  same  struggle 
of  the  Geltic  soûl  with  brutal  German  aggression...  » 

Meanwhile,  the  Fatherland's  professors  are  sharpening  their  wits  upon  such 
problems  as  that  Dr.  Karl  Voll  debates  (in  «  Die  Kunst  »)  :  Whether  they 
ought  to  remove  paintings  from  Belgium  to  the  German  collections?  Dr.  Wil- 
helm  von  Bode  (of  wax-bust  famé),  as,  in  view  of  probable  eventualities,  befits 
a  Director-General  of  the  Royal  Prussian  Muséums,  has  pronounced  against  the 
confiscation  of  works  of  art  in  Belgium,  proposed  by  Dr.  Emil  Schâffer  (in 
Kunst  und  Kùnstler). 

Dr.  Voll,  a  not  very  sane  critic  of  the  art  of  the  Van  Eycks,  who  professes 
art-history  at  Munich,  cites  with  approval  the  doctrine  that  the  artistic  pro- 
perty  of  nations  remains  guaranteed  from  confiscation  during  war.  The  plai- 
doyer is,  of  course,  upon  strictly  utilitarian  grounds.  It  would  be  a  great  mis- 
take  to  deprive  humanity  of  the  spectacle  of  the  remaining  works  of  the  Fle- 
mish  or  South  Netherlandish  school  in  their  native  setting.  He  recalls  the  fact 
that  the  Belgian  galleries,  though  rich  generally,  are  not  conspicuously  so  in 
native  primitives  of  the  first  order,  such  as,  perhaps,  Berlin  can  show.  Dr.  Voll, 
therefore,  cornes  to  the  conclusion  that  even  in  the  light  of  the  axiom  :  «  En 
guerre  où  est  le  profit  n'est  point  de  honte  »  (which  he  quotes  from  Anatole 
France's  «  Joan  of  Arc  »),  the  division  between,  say,  six  German  muséums  of 
the  two  dozen  gems  of  the  first  waler  remaining  to  litlle  Belgium  would  not 
surpass  the  spectacle  afforded  by  the  same  works  in  their  own  milieu.  (The 
Germans,  it  appears,  still  intend  to  travel  after  the  war.) 

The  Professor  hopes  that,  in  présent  circumstances,  it  may  be  possible  to 
prevail  upon  the  ecclesiastical  authorities  to  facilitate  the  juxtaposition  of  the 
différent  portions  of  the  Van  Eyck's  famous  Ghent  retable,  which  was  unhap- 
pily  prevented  on  the  occasion  of  the  Bruges  Exhibition  in  1902.  Ttie  sugges- 
tion is  a  peculiar  one,  for  has  not  Berlin  the  major  portion  of  the  shutters  of 
the  polyptych,  two  panels  of  which  Brussels  holds,  if  the  centre  is  at  Ghent? 
Dr.  Voll  does  not  suggest  that  the  Berlin  panels  should  travel  to  Flanders  for 

the  purpose. 

(The  Observer^  16  janvier  1916.) 

Une  chaire  d'hébreu  rahbinique  à  l'Université  de  Madrid. 
Par  décret  du  7  décembre  1915,  le  D'  Abraham  Salom  Yahuda,  sujet  anglais, 
a  été  nommé  professeur  ordinaire  de  langue  et  de  littérature  rabbinique  à  l'Uni- 
versité de  Madrid.  Le  véritable  objet  du  nouvel  enseignement  est  l'histoire  et 
la  littérature  des  Juifs  d'Espagne.  Le  savant  espagnol  qui  s'est  de  plus  active- 
ment employé  à  la  création  de  cette  chaire  est  le  P.  Fidel  Fita,  président  de 
l'Académie  d'histoire,  membre  de  la  Société  de  Jésus*. 

S.  R. 

1.  On  a  fait  observer  que  l'édit  royal  de  1492,  baunissant  les  juifs  de  ['Espagne, 
n'a  jamais  été  révoqué.  Le  dernier  professeur  juif  en  Espagne,  avaut  l'expulsiou, 
fut  le  mathématicien  Abraham  Zacuto,  qui  mourut  exilé,  eu  Turquie,  vers  1510, 
après  avoir  euseigué  aux  universités  de  Salamanque  et  de  Sarugosse, 

V«   SKHIE.    T.    m.  21 


314  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Le  plus  ancien  pont. 

C'était,  nous  apprend  M.  L.  W.  King  {A  history  of  Babylon^  1915),  celui  qui 
réunissait,  à  travers  l'Euphrale,  les  deux  grands  quartiers  de  Babylone.  Chose 
curieuse  et  qui  mérite  d'être  retenue  parmi  les  survivances  d'ordre  religieux  : 
les  piles  de  ce  pont  étaient  naviformes,  conservant  le  type  des  bateaux  qui 
supportaient  une  passerelle  antérieure  (cf.  The  AthenaeurUy  1915,  II,  p.  477). 

X. 

Hannibal  fils  Hamilcar. 

Une  inscription  punique  récemment  découverte  en  Sardaigne  est  l'ex-voto 
d'un  personnage  qui  se  dit  fils  d'Hannibal  et  petit-fils  d'Hamilkath  (Hamilcar). 
On  s'est  demandé  s'il  n'appartenait  pas  à  la  plus  illustre  des  familles  carthagi- 
noises 1.  X. 

Le  cratère  Médicis  et  la  suppliante  Barberini, 

M.  Svoronos  est  un  savant  ingénieux  et  d'une  érudition  surprenante  ;  il 
vient  encore  de  le  prouver  dans  deux  mémoires  écrits  en  français  {Journal 
internat,  d'archéol.,  t.  XVI,  1914,  p.  213-278). 

1"  Le  cratère  Médicis  est  encore  inexpliqué  {Rép.  des  reliefs,  III,  p.  24).  On 
sait  aujourd'hui  qu'il  a  été  fortement  restauré;  M.  Hauser  a  pu  en  déterminer 
aves  exactitude  les  parties  nouvelles.  Ce  qui  reste  d'antique  comporterait,  à  la 
rigueur,  l'interprétation  d'Otto  Jahn  :  les  rois  achéens  réunis  autour  de  Cas- 
sandre  pour  juger  le  sacrilège  d'Ajax.  M.  Svoronos,  dès  1886,  alors  qu'il  était 
élève  de  M.  C.  Robert,  avait  songé  à  une  scène  de  jugement  sur  l'acropole 
d'Athènes;  il  propose  maintenant  avec  assurance  l'interprétation  suivante  : 
Céphale,  meurtrier  de  Procris,  qu'on  voit  aux  pieds  de  la  staïue  d'Athéna 
Areia,  est  jugé  par  Ares  ;  à  g.  de  Céphale,  Amphitryon,  Panope,  Heleios  ;  à 
droite  d'Ares,  Érechthée,  Boules.  Le  cratère  Médicis  n'est  qu'une  copie  alexan- 
drine,  un  abrégé;  dans  la  scène  originale,  figurant  sur  un  grand  cratère  athé- 
nien dû  peut-être  à  Praxitèle  le  jeune,  il  y  avait  encore,  à  droite  de  Boutés,  quatre 
personnages  (connus  par  un  dessin)  ;  Praxithea,  Procné,  Philomèle,  Pandion. 
Incidemment,  M.  Svoronos  propose  aussi  de  voir  Céphale,  Lailaps  (chien)  et 
Procris  sur  la  coupe  en  argent  de  Bari  {Rép.  des  reliefs,  III,  p.  5).  Je  n'admets 
pas  du  tout  cette  dernière  interprétation.  Quant  à  celle  du  vase  Médicis,  elle 
boîte  pour  plusieurs  raisons,  dont  la  plus  grave,  à  mes  yeux,  est  que  Céphale  (?) 
n'a  pas  l'attitude  d'un  accusé,  ni  Ares  (?)  celle  d'un  juge.  Mais  les  développe- 
ments où  est  entré  l'auteur  n'en  sont  pas  moins  (à  quelques  témérités  près)  fort 
intéressants. 

2*  La  Suppliante  Barberini  ne  serait  pas  une  figure  funéraire,  pas  plus  qu'une 
Didon  ou  une  Pythie,  mais  une  excellente  copie  de  la  Callisto  percée  de  la 
flèche  d'Artémis  qui  était  attribuée,  sur  l'acropole  d'Athènes,  à  Déinoménès. 
L'explication  se  fonde  sur  des  monnaies  arcadiennes  où  Callisto  est  figurée 

1.  The  Athenaeumi  11  déc*  1915,  p.  444. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE    31 0 

dans  une  posture  analogue.  Je  ne  dis  pas  qu'elle  lève  tous  les  doutes,  mais  elle 
est  sérieuse  et  fait  honneur  à  M.  Svoronos,  que  son  grand  savoir  de  numisma- 
tiste  a,  une  fois  de  plus,  bien  servi. 

Puisque  j'ai  parlé  de  la  Suppliante,  je  veux  dire  aussi  que  M.  Six  a  fort  heu- 
reusement rapproché  la  draperie  de  cette  statue  de  celle  de  l'Aurige  de  Delphes  ; 
la  Suppliante  est,  suivant  lui,  VAlgouméné  de  Galamis,  la  Dolorosa,  dont  le 
nom,  défiguré  par  les  copistes  de  Pline  (XKIV,  71),  a  été  restitué  à  tort  par  les 
éditeurs  en  Alcmena  {.ïahrb.  des  Inst.t  1915,  p.  74-95). 

S.  R. 

Les  théories  de  M.  Ettore  Pais. 

M.  Pais  est  un  écrivain  très  difficile  à  suivre,  parce  qu'il  a  peu  de  souci 
de  la  forme  littéraire  et  qu'il  ne  s'interdit  jamais  les  longues  digressions. 
Mais  c'est  un  critique  original  et  puissant,  dont  les  idées,  même  les  plus  aven- 
tureuses, méritent  d'être  généralement  connues.  Il  faut  donc  savoir  gré  aux 
savants  français  qui  les  ont  mises,  en  y  introduisant  de  la  clarté  et  de  l'ordre,  à  la 
portée  des  érudits  qu'effraye  la  lecture  des  originaux  (Bloch,  Journal  des 
Savants,  1901,  p.  748;  1902,  p.  16;  Piganiol,  ibid.,  1916,  p.  548,  à  propos  de 
la  Storia  critica  di  Roma,  t.  I  et  K,  1913,  1915  et  des  Ricerche  suUa  storiae 
sul  diritto  pubblico  di  Roma,  1915).  Voici  la  conclusion  de  M.  Piganiol  : 
«  M.  Pais  demeure  le  critique  qui  aura  le  plus  contribué  à  prouver  l'incertitude 
des  Fastes  du  v*  siècle  et  l'inauthenticité  des  XII  Tables.  Sa  tentative  de 
reconstruction  nous  paraît  avoir  prouvé  surtout  qu'on  ne  fera  que  multiplier 
les  hypothèses  indémontrables  tant  qu'on  ne  substituera  pas  aux  raisonnements 
par  analogie  une  méthode  comparative  très  stricte  ».  A  plusieurs  reprises, 
M.  Piganiol  reproche  à  M.  Pais  de  faire  abstraction  des  données  nouvelles 
fournies  par  l'archéologie  :  «  De  l'accord  entre  les  données  des  anciens  et  les 
découvertes  des  préhistoriens  on  possède  maintenant  des  exemples  frappants. 
Ainsi  on  a  découvert  à  Rome  des  tombes  contemporaines  des  tombes  albaines 
récentes  :  préhistoire  et  légende  s'accordent  donc  à  dire  que  Rome  est  une 
colonie  albaine.  »  On  peut  remarq  ler,  à  ce  propos,  que  la  critique  des  textes 
tend  à  refuser  toute  valeur  aux  traditions  légendaires  et  que  l'exploration  du 
sous-sol  tend,  au  contraire,  à  les  remettre  en  honneur,  sinon  à  la  lettre,  du  moins 
—  et  c'est  l'essentiel  —  dans  leur  esprit.  Gela  s'est  déjà  vérifié  en  Grèce,  en 
Italie  et  même  en  Palestine.  L'archéologie  est  une  discipline  conservatrice,  qui 
s'oppose  au  radicalisme  philologique  :  in  média  stat  virtus» 

S.  R. 

Divinités  celtiques  à  Avenches. 

Les  textes  ont  déjà  révélé,  à  Aventicum,  la  déesse  Avenlia,  les  Lugoves^ 
Mercurius  Cissonius^  les  Sulevix,  Mars  Caisivus.  A  ces  noms  s'ajoute  main- 
tenant celui  d'Anextlomara  (il  semble  y  avoir  un  /  et  non  un  i),  alors  qu'on 
connaissait  déjà,  en  Angleterre  et  en  France,  un  Apollon  Anextlomarus  et  un 
gentilice  Aneœtlus', 

S.  R. 

n     II  II  I     I    «  iii  i«       »        .     ,m^mmmmmÊ^^,m^i  i     ■  i  ■■  ■  i    u  I 

1.  Indic.  d'antiq.  suisses,  1915,  p.  271  (W.  Gart). 


316  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Commment  les  trésors  du  Louvre  sont  partis  pour  Toulouse. 

La  Renaissance  a  publié  et  plusieurs  journaux  du  18  février  ont  reproduit 
un  procès-verbal  suivi  d'une  apostille  ministérielle.  Voici  ce  document  : 

Procès-verbal  de  la  séance  tenue  le  25  août  1914  par  le  Comité  des  conservateurs 
des  Musées  nationaux. 

Le  Comité  des  conservateurs  des  Musées  nationaux,  consulté  sur  l'opportunité 
d'évacuer  en  province  les  principales  œuvres  du  Musée  du  Louvre,  croit  devoir 
faire  respectueusement  remarquer  qu'il  a  déjà  pris,  durant  ces  trois  dernières 
semaines,  en  vue  de  l'éventualité  d'un  bombardement,  le  maximum  des  mesures 
de  sécurité  que  permettaient  les  circonstances,  sur  Tordre  du  gouvernement. 

Les  sculptures  ont  été  mises  à  l'abri  derrière  les  murs  les  plus  résistants  ;  les 
objets  d'art,  enfermés  dans  des  caisses,  ont  été  transportés  dans  des  cachettes 
protégées  par  d'épaisses  murailles;  neuf  cents  tableaux  environ  ont  été  enfermés 
dans'des  couloirs  pratiqués  entre  de  gros  murs  ou  dans  des  réduits  voûtés. 

Le  déménagement  de  toutes  ces  œuvres,  s'il  fallait  les  transporter  à  Toulouse 
ou  à  Pau,  exigerait  donc  une  nouvelle  et  longue  manipulation,  pour  laquelle 
l'intervention  d'emballeurs  expérimentés  serait  indispensable,  et,  —  d'après  les 
renseignemeuts  déjà  pris,  —  non  moins  irréalisable  :  «  Équipe  du  Louvre  mobi- 
lisée presque  en  totalité;  deux  hommes  seulement  chez  l'emballeur  des  Musées 
nationaux,  etc.  » 

Eu  outre,  aux  points  d'arrivée,  elles  seraient  de  nouveau  manipulées  par  un 
personnel  inexpérimenté,  ce  qui  constituerait  un  nouveau  et  très  grave  danger. 

D'ailleurs,  s'il  s'agit  de  mettre  nos  trésors  nationaux  à  l'abri  de  la  rapacité  de 
l'étranger  — ce  qui  ne  pourrait  se  produire  que  dans  le  cas  de  suprême  défaite, — 
la  précaution  paraît  inutile.  L'ennemi,  en  effet,  est  parfaitement  informé  de 
tout  ce  que  possèdent  nos  musées  nationaux,  et  s'il  devait  faire  entrer  nos  chefs- 
d'œuvre  dans  la  rançon  de  la  France,  la  liste  en  est  déjà  dressée. 

Dans  ces  conditions,  le  Comité  des  conservateurs,  prêt  à  exécuter,  dans  la 
mesure  oii  cette  exécution  serait  possible,  les  ordres  qui  lui  seront  donnés,  croit 
devoir  faire  observer  que  les  mesures  proposées  ne  'constitueraient  qu'un  danger 
supplémentaire  pour  les  œuvres  dont  il  a  la  garde. 

11  ne  lui  appartient  pas  d'apprécier  si  l'opinion  publique,  inévitablement  infor- 
mée de  ces  mesures,  n'en  serait  pas  dangereusement  alarmée. 

Le  directeur  des  Musées  nationaux, 
Henry  Marcbl. 
Les   conservateurs  :  A.  Héron  de   Villefosse,  Gaston  Migeon,  E.  Pottier, 
P.  Leprieur,  Etienne  Michon,  André  Michel,  E.  Haraucourt,  G.  Bénédite. 

A  adhéré  après  communication  :  M.  Léonce  Bénédite. 

M.  Albert  Sarraut  ne  jugea  pas  que  les  mesures  prises  fussent  suffisantes. 
En  marge  du  procès  verbal,  il  écrivit  : 

Il  sera  passé  outre  à  cet  avis. 

Ordre  de  préparer  immédiatement  V évacuation. 

A.  Sarraut. 

Le  Temps  du  19  février  ajoute  ce  qui  suit  : 

Nous  avons  demandé  à  M.  Dalimier,  sous-secrétaire  d'État  aux  beaux-arts, 
quelques  détails  complémentaires  au  sujet  du  transfert  des  chefs-d'œuvre  du 
Louvre  à  Toulouse  : 


^^OUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES   ET  CORRESPONDANCE  317 

—  Je  u'ai  pas  encore  pris  connaissauce,  nous  dit  M.  Daiiraier,  de  l'article  publié 
par  la  Renaissance.  Tout  ce  que  je  puis  dire,  c'est  que  la  besogne  écrasante  qui 
consistait  à  déménager  de  notre  grand  musée  717  tableaux  et  un  nombre  consi- 
dérable d'objets  d'une  valeur  inestimable,  a  été  accomplie  en  trois  jours,  grâce 
au  dévouement  des  conservateurs  et  du  personnel.  Ajoutez  les  tapisseries  de 
Reims,  de  ChantiUy,  de  Compiègne,  des  meubles,  des  statues,  et  vous  aurez  une 
idée  du  labeur  accompli.  Or,  tout  est  arrivé  à  destination  en  parfait  état.  Des 
bruits  ridicules  ont  couru,  contre  lesquels  il  est  à  peine  besoin  de  protester.  N'a- 
t-on  pas  raconté  que  des  tableaux  de  Raphaël  étaient  rongés  par  les  rats?  La 
vérité,  c'est  qu'à  Toulouse,  les  tableaux,  sous  la  surveillance  de  gardiens  du 
Louvre,  n'ont  subi  aucune  détérioration. 

A  l'appui  de  cette  déclaration,  voici  les  extraits  d'un  rapport  adressé  par 
M.  Leprieur,  conservateur  du  musée  du  Louvre,  le  21  septembre  1915,  à  M.  Al- 
bert Sarraut  : 

«  J'ai  la  grande  satisfaction  de  vous  annoncer  que  diverses  vérifications  m'ont 
permis  une  première  constatation  importante  en  prouvant  qu'aucun  accident 
quelconque  ne  s'était  produit  à  Toulouse  depuis  l'arrivée  et  qu'il  n'était  résulté 
et  ne  semblait  pouvoir  résulter  aucun  risque  pour  l'avenir  du  séjour  dans  le  local 
choisi,  si  prolongé  qu'il  pût  être,  dans  les  conditions  où  nos  œuvres  d'art  s'y 
trouvaient  conservées  et  placées. 

De  même  que  pour  les  tapisseries,  je  n'ai  pas  trouvé  trace  d'accidents  récents, 
j'ai  pu  constater  pour  les  tableaux,  soit  dans  les  voitures,  soit  dans  les  caisses 
vériliées,  qu'il  n'y  avait  pas  la  plus  légère  apparence  d'humidité,  qui  est  pour  eux 
le  danger  perfide  et  grave.  Non  seulement  aucune  œuvre  n'en  montrait  même 
le  plus  minime  symptôme,  mais  comme  preuve  supplémentaire,  la  fibre  employée 
dans  les  voitures  ou  dans  les  caisses  s'était  conservée  partout  absolument  sèche. 

«  L'expérience  d'une  année  de  séjour  se  trouve  donc  après  vérification  absolument 
rassurante;  et  on  peut  envisager  l'avenir  avec  d'autant  plus  de  tranquillité  que 
ces  garanties  excellentes  de  sécurité  viennent  d'être  encore  renforcées  par  les 
précautions  nouvelles  qui  ont  été  prises  conformément  à  vos  ordres. 

«Tout  enm'occupant  spécialement  des  tableaux,  j'ai  cru  devoir  prendre  égale- 
ment des  précautions  préventives  pour  les  tapisseries  de  Cluny  et  du  Louvre 
contenues  dans  nos  voitures,  qui  étaient  les  seules  œuvres  d'art  pouvant  aussi 
courir  des  risques.  11  est  rassurant  de  constater  qu'elles  ne  semblaient  pas  avoir 
gouffert  du  séjour  à  Toulouse  depuis  un  an.  Il  m'a  paru  prudent  toutefois  d'ajou- 
ter à  leurs  chances  de  bonne  conservation,  en  les  faisant  nettoyer  à  fond,  pour 
en  ôter  toute  la  poussière  dangereuse.  Elles  ont  été,  de  plus,  après  nettoyage, 
abondamment  saupoudrées  de  camphrosine,  produit  employé  depuis  de  longues 
années  avec  pleine  satisfaction  pour  les  tapisseries  du  Mobilier  national  —  dont 
j'avais  emporté  une  provision  de  Paris.  Ainsi  protégées,  les  tapisseries  du  Louvre 
ont  été  remises  dans  leur  caisse,  et  celles  de  Cluny,  qui  étaient  hors  caisse,  ont 
été  en  outre  empaquetées  pièce  par  pièce  dans  une  enveloppe  de  toile  imper- 
méable qui  achève  de  les  garantir  contre  tout  risque... 

«  La  totalité  de  nos  précieux  envois  de  peinture  est  donc  actuellement,  dans  la 
mesure  de  la  prévoyance  la  plus  minutieuse,  à  l'abri  de  tout  danger. 

Ainsi,  le  public  peut  être  rassuré.  Nos  trésors  d'art  sont  gardés,  dans  la  ville 
de  Clémence  Isaure,  par  des  conservateurs,  des  gardien»  du  Louvre  et  des  terri- 
toriaux. Bonne  garde  est  faite  nuit  et  jour.  » 

Commentaire  :  le  procès-verbal  de  la  séance  du  %b  août  1914  n'a  été  publié 


318  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

que  par  suite  d'une  indiscrétion.  Il  est  inutile  d'en  rechercher  les  motifs,  qui 
seraient  peut-être  faciles  à  démêler.  En  des  temps  meilleurs,  on  écrira  l'histoire 
documentée  du  Louvre  pendant  la  semaine  noire  d'août  1914;  pour  l'instant, 
mpienti  sat, 

S.  R, 

La  question  du  Mont  Saint-Michel, 

L'association  des  «  Amis  du  Mont  Saint-Michel  »  adressait,  le  5  octobre 
1915,  une  lettre  à  M.  Sembat,  ministre  des  travaux  publics,  au  sujet  de  la 
suppression  des  digues  qui  amènent  l'enlizement,  lent  autrefois  et  maintenant 
rapide,  du  célèbre  rocher. 

Cette  lettre,  signée  de  M.  Léon  Bérard,  ancien  sous-secrétaire  d'Etat  aux 
beaux-arts,  suivait  de  quelques  mois  un  voyage  effectué  au  Mont  Saint-Michel 
(en  juin  de  l'an  dernier)  par  MM,  Sembat  et  Dalimier,  et  reproduisait  les  argu- 
ments exposés  à  diverses  reprises  en  faveur  d'une  prompte  intervention  des 
pouvoirs  publics.  Les«  Amis  du  Mont  Saint-Michel»  concluaient  en  ces  termes, 
après  avoir  protesté  contre  «  les  déplorables  atermoiements  qui  compromettent 
l'efficacité  des  solutions  adoptées  »  : 

En  prévision  des  charges  immenses  et  des  entreprises  d'une  autre  nature,  mais 
d'une  nécessité  non  moins  impérieuse  qui,  après  la  guerre,  absorberont  les  res- 
sources de  la  nation  et  Tactivité  des  travailleurs,  et,  d'autre  part,  pour  mettre 
à  profit  une  occasion  unique  née  des  circonstances  présentes,  nous  nous  per- 
mettons de  proposer  d'affecter  à  ces  travaux  la  main-d'œuvre  des  prisonniers 
de  guerre  allemands,  ce  qui  aura  pour  double  effet  de  faciliter  l'exécution  rapide 
et  économique  des  ouvrages,  et  de  faire  du  môme  coup  contribuer  à  la  sauve- 
garde d'une  des  plus  précieuses  richesses  d'art,  un  ennemi  qui  n'a  cessé  de 
s'acharner  à  la  destruction  de  toutes  celles  qu'il  a  eues  à  sa  portée. 

La  question  est  posée.  Voici  maintenant  quelques  précisions  à  ce  sujet. 

En  1907,  après  un  voyage  de  M.  Dujardin-Beaumetz  au  Mont  Saint-Michel, 
une  conférence  interministérielle  étudiait  les  moyens  les  plus  propres  à  sauve- 
garder l'insularité  du  Mont.  En  1911,  quatre  ans  après,  le  Ministre  des  Tra- 
vaux publics  prescrivait  une  étude  technique  des  améliorations  à  réaliser.  Au 
mois  d'août  de  cette  même  année  1911,  un  premier  projet  des  ponts  et  chaus- 
sées était  établi.  Ce  projet  prévoyait  une  coupure  de  la  digue  à  236  mètres  des 
remparts,  ainsi  que  l'établissement  d'une  passerelle  reliant  l'extrémité  de  l'ou- 
vrage à  la  porte  d'entrée  du  Mont. 

Le  2  février  1912,  la  commission  des  monuments  historiques  se  ralliait  au 
principe  d'une  coupure,  mais  repoussait,  comme  antiesthétique,  l'idée  d'une 
passerelle. 

Quelques  mois  plus  tard,  le  conseil  général  des  ponts  et  chaussées,  ému  du 
progrès  continu  des  atterrissements,  concluait  au  dérasement  de  la  digue  de 
Roche-Torin,  destiné  à  favoriser  l'écoulement  et  l'action  de  «  nettoiement  »  des 
deux  rivières,  la  Sée  et  la  Sélune.  Le  27  juillet  1912,  le  sous-secrétaire  d'Etat 
aux  beaux-arts  donnait  son  adhésion  à  ce  projet  nouveau,  mais  insistait  sur 
l'idée  d'une    coupure   pratiquée   dans   la  digue  insubmersible,   en  indiquant 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE         319 

omme  possible  la  construction  d'un  tunnel.  Le  conseil  général  des  ponts  et 
chaussées  objecta  le  prix  élevé  des  travaux,  évalués  à  21  millions,  et  proposait, 
)  la  place  du  tunnel,  une  chaussée  pavée  construite  sur  l'emplacement  delà 
ligue  supprimée  et  ouverte  aux  piétons  ainsi  qu'aux  voitures,  sauf  aux  heures 
!e  pleine  mer.  Le  sous-secrétaire  d'Etat  aux  beaux-arts  acceptait  ce  projet. 

Mais,  en  février  1913,  le  Ministère  des  Travaux  publics  soulevait  des  objec- 
tions de  détail  et  revenait  à  l'idée  d'un  dérasement  partiel  de  la  digue,  «  assu- 
rant le  dégagement  des  tours  du  Roi  et  de  l'Arcade,  qui  éviterait  la  suppres- 
sion des  communications  pendant  plusieurs  heures  chaque  jour  et  réserverait 
l'avenir  ». 

Le  sous-secrétaire  d'Etat  accepta  ce  projet  sous  réserves,  et  sans  renoncer 
expressément  à  la  suppression  totale  de  la  digue.  Les  avant-projets  commu- 
niqués le  19  janvier  1914  par  le  département  des  travaux  publics  se  confor- 
ment à  cette  entente.  Ils  prévoient  l'aménagement,  sur  la  digue  insubmersible, 
d'une  pente  inclinée  à  215  mètres  de  l'abbaye.  Ce  travail,  évalué  à  300,000  fr., 
se  compléterait  par  un  «  dérasement  prudent  »  de  la  digue  de  Roche-Torin. 

La  commission  des  monuments  historiques,  le  27  février  1914,  approuvait 
ces  propositions,  sous  la  réserve  déjà  formulée  par  le  sous-secrétaire  d'Etat 
aux  beaux-arts.  Le  24  avril  1914,  l'ingénieur  en  chef  du  service  maritime  était 
invité  par  le  Ministre  des  Travaux  publics  à  fournir  divers  renseignements  sur 
la  durée  des  travaux  et  les  dépenses  à  prévoir.  A  la  même  date,  des  instruc- 
tions étaient  données  au  préfet  de  la  Manche  pour  l'ouverture  des  enquêtes  sur 
place  et  les  conférences  réglementaires.  Au  mois  d'août,  la  guerre  éclatait;  l'en- 
quête d'utilité  publique  devenait  impossible  par  suite  de  la  mobilisation  des 
intéressés. 

Il  semble  urgent,  d'après  l'avis  des  techniciens,  de  faire  exécuter  les  tra- 
vaux décidés,  et  d'arrêter  un  ensablement  ou  plutôt  un  envasement  tellement 
rapide  que,  s'il  n'est  pas  vaincu,  on  peut  prévoir  pour  le  Mont  Saint-Michel  le 
destin  du  Mont-Dol,  désormais  isolé  de  la  mer. 

{Le  Temps,  29  mars  1916). 

Projet  d'échange  d*antiquités  entre  Vltalie  et  le  Louvre. 

L'Administration  des  Beaux-Arts  fut  saisie,  le  l*""  juillet  J914,  par  les  soins 
du  Président  du  Conseil,  Ministre  des  Affaires  étrangères,  d'un  projet  d'échange 
d'objets  sculptés  anciens,  proposé,  au  nom  de  son  gouvernement,  par  l'ambas- 
sadeur d'Italie. 

Il  s'agissait  en  l'espèce,  d'échanger  une  base  de  colonnette  en  marbre  pro- 
venant des  catacombes  de  Priscilla  et  qui  se  trouve  actuellement  au  musée  du 
Louvre,  contre  un  bas-relief  représentant  l'histoire  de  Jonas. 

La  direction  des  musées  nationaux,  consultée,  émit  à  ce  sujet  un  avis  très 
favorable. 

Aux  termes  de  la  législation,  les  pièces  qui  font  partie  de  nos  collections 
nationales  ne  pouvant  sortir  du  patrimoine  de  l'État  sans  l'assentiment  préalable 
des  Chambres,  un  projet  de  loi  a  été  soumis  à  l'approbation  du  Ministre  de 
l'Instruction  publics  et  des  Beaux-Arts  le  14  mars  courant. 


320  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

L'exposé  des  motifs  nous  apprend  que  le  fragment  de  base  de  colonnette  où 
se  lisent  les  noms  des  martyrs  Félix  et  Philippe,  fils  de  sainte  Félicité,  inhumée 
dans  les  catacombes  de  sainte  Priscille,  provient  d'un  don  fait  au  Louvre  en 
1896  par  feu  Edmond  Le  Blant,  membre  de  l'Institut. 

Le  bas-relief  représentant  l'histoire  de  Jonas  a  été  reconstitué  en  1908  par 
la  commission  italienne  d'archéologie  sacrée,  avec  l'appui  financier  du  roi 
d'Italie. 

Voici  le  texte  de  l'article  unique  du  projet  de  loi  : 

«  Est  autorisé  l'échange  proposé  par  la  commission  italienne  d'archéologie 
sacrée  au  musée  du  Louvre  d'un  fragment  de  sarcophage  représentant  l'his- 
toire de  Jonas,  contre  un  fragment  de  base  de  colonnette  ne  présentant  qu'une 
moulure  très  simple,  sur  la  face  complète  de  laquelle  sont  gravés  les  noms  des 
deux  martyrs  Félix  et  Philippe,  inhumés  dans  la  catacombe  de  Sainte-Priscille, 

[Le  Temps.) 

L'épreuve  du  vin  sur  l'eau. 

Le  professeur  Laveran,au  nom  de  M.  A.  Trillat,  de  l'Institut  Pasteur,  a  pré- 
senté à  l'Académie  des  Sciences  (mars  1916)  une  étude  concernant  l'explica- 
tion de  textes  d'Hippocrate  et  de  Pline  l'Ancien  relatifs  à  une  méthode  colori- 
métrique  utilisée  par  les  Grecs  et  plus  tard  par  les  Romains  pour  classer  les 
eaux  d'alimentation.  En  temps  de  guerre,  les  auteurs  latins  notamment  le 
relatent,  le  premier  soin  des  généraux  dans  l'établissement  d'un  camp  était  de 
choisir  une  eau  douce,  ce  qui  s'effectuait  par  ce  qu'on  appelait  «  l'épreuve  du 
vin  sur  l'eau  ».  M.  Trillat  a  pu  reconstituer  cette  méthode,  qui  utilise  en  réalité 
la  matière  colorante  du  vin  rouge  comme  indicateur  et  dont  l'exécution  extem- 
poranée  est  des  plus  faciles. 

Une  goutte  de  vin  suffit  à  colorer  de  l'eau  distillée  ;  quinze  à  vingt  gouttes 
colorent  une  eau  fortement  calcaire.  C'est  par  ce  moyen  que  les  Romains  arri^ 
vèrent  à  choisir  dans  les  stations  et  les  villes  l'eau  la  moins  minéralisée,  comme 
on  peut  s'en  rendre  compte  par  l'examen  des  anciennes  sources  captées. 
M.  Trillat  montre  par  des  exemples  sur  les  eaux  connues  que  le  procédé  permet 
de  les  classer  tout  de  suite  par  ordre  d'alcalinité.  Certains  cépages  romains 
très  colorés  convenaient  particulièrement  à  ce  but. 

{Le  Temps.) 
Vaffaire  A .  van  Gennep. 

On  a  appris  avec  surprise  que  le  Conseil  Fédéral  Suisse,  en  octobre  1915, 
avait  expulsé  M.  Arnold  van  Gennep  de  sa  chaire  de  l'Université  de  Neuf- 
châtel,  parce  qu'il  avait  publié  des  articles  jugés  injurieux  pour  un  pays 
étranger  dans  la  Dépêche  de  Toulouse  (sous  le  pseudonyme  d'A.  Rangé  *).  Il  est 
regrettable  que  des  exemples  d'intolérance  à  l'égard  d'un  savant  original  et 
partout  estimé  soient  donnés  dans  un  pays  qui,  dans  le  passé,  accueillit  tant 
d'écrivains  persécutés  par  les  diverses  formes  d'intolérance  et  d'oppression. 

S.  R. 

U  Détails  dans  L'Anthropologie,  1915,  p.  596. 


BIBLIOGRAPHIE 


W.  Ridgeway.  The  Dramas  and  dramatic  Dances  of  non-European  races, 
in  spécial  référence  to  the  Origin  of  Greek  Tragedy.  Cambridge,  University, 
Press,  1915.  Gr.  in-8,  xv-448  p.,  avec  gravures.  —  L'auteur  ne  veut  rien  savoir 
de  r  «  esprit  de  la  végétation  »,ni  du  «  démon  annuel  »,ni  de  tout  ce  que  les 
ouvrages  de  Sir  J.  Frazer  et  miss  J.  Harrison  ont  mis  à  la  mode  en  pays  de 
langue  anglaise  ;  il  en  revient  à  Herbert  Spencer  et  même  à  Evhémère;  il  voit 
dans  les  dieux  et  les  héros  des  morts  divinisés.  De  même  qu'il  a  cherché  dans 
les  rites  funéraires  l'origine  de  la  tragédie  grecque,  il  trouve  l'origine  des  danses 
dramatiques  et  des  mascarades  dans  les  cérémonies  en  l'honneur  des  morts, 
«  Partout  les  danses  dramatiques  et  les  drames  sont  étroitement  liés  au  culte 
des  morts.  Les  réprésentations  dramatiques  dans  l'Asie  occidentale,  en  Inde,  en 
Birmanie,  en  Chine,  au  Japon,  sont  nées  du  besoin  de  rendre  les  morts  propices 
et  de  les  vénérer;  dans  tous  ces  pays,  les  cérémonies  funéraires  donnèrent 
naissance  à  de  véritables  drames.  Parfois,  comme  à  Rome  et  en  Assam,  les 
représentations  dramatiques  commencent  même  avant  l'ensevelissement  du 
corps;  l'acteur  est  l'intermédiaire,  auprès  des  vivants,  du  mort  qu'il  person^ 
nifie.  Les  masques  eux-mêmes  représentent  les  esprits  des  morts  et  les  per- 
sonnages qui  portent  les  masques  sont  considérés  comme  incarnant  des  esprits. 
Le  masque  blanchi  de  Thespis  peut  avoir,  par  sa  couleur,  représenté  les 
morts...  La  croyance  primitive,  essentielle,  est  celle  de  la  survie  de  l'âme; 
les  esprits  de  végétation,  totems,  etc.,  ne  sont  que  des  phénomènes  secon- 
daires «. 

Un  appendice  est  consacré  à  l'origine  de  l'ancienne  comédie  attique,  née 
entre  462  et  454,  par  suite  de  l'affaiblissement  de  l'autorité  de  l'Aréopage;  ce 
n'est  que  scurrilité,  vile  bouffonnerie. 

Ce  livre  est  richement  illustré  et  témoigne  de  vastes  connaissances  ;  l'auteur 
est  certes  un  des  savants  les  plus  ingénieux  et  les  mieux  informés  qui  soient. 
Mais  pour  discuter  en  détail  sa  thèse,  il  me  faudrait  beaucoup  de  place  et 
aussi,  je  le  crains,  beaucoup  de  patience.  «  Nous  pouvons  être  certains,  écrit 
l'auteur  (p.  94),  qu'Adonis,  Attis  et  d'autres,  tels  que  Dionysos  et  Aristée,  ont 
été  jadis  des  personnages  humains  réels,  comme  Hassan  et  Hussein  ».  Il  ne 
reste  qu'à  découvrir  leurs  tombeaux  *. 

S.  R. 


1.  P.  24,  l'auteur  dit  que  les  P/iUosophoumena  ne  sont  pas  antérieurs  au  ii"  siècle 
ap.  J.-C.  et  que  Tertullien  est  de  plusieurs  siècles  postérieur  {several  centuries 
laler).  J'ose  n'eu  point  tomber  d'accord,  comuje  de  quelques  autres  assertions 
de  M.  Kidgeway. 


322  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Juan  Cabré  et  Carlos  Esteban.  La  Val  del  Charco  del  Agua  Amarga  y  sus 
estaciones  dearte  prehistorica.  Extrait  anticipé  du  premier  mémoire  de  la  Comi- 
sion  de  Investigaciones  Paleontologicas  y  Prehistoricas.  Madrid,  1915.  In-8, 
20  pages,  2  pianciies,  7  photographies.  —  La  roche  peinte  décrite  dans  ce  joli 
mémoire  est  située  dans  le  val  del  Charco  del  Agua  Amarga,  territoire  de  Aica- 
niz  (ïéruel).  Elle  fut  découverte  en  1913  par  don  Carlos  Esteban  ;  les  peintures 
couvrent  une  surface  de  3™, 60  sur  1  mètre  de  haut.  Les  auteurs  y  ont  discerné 
quatre  phases  picturales  en  superposition.  La  première  comprend  des  figures 
d'animaux  à  tracé  périphérique  simple;  ce  sont  un  grand  taureau,  une  biche 
en  partie  repeinte,  un  joli  cerf  et  une  figure  humaine  très  effacée,  stylisée.  A  la 
seconde  phase  appartiennent  la  plus  grande  partie  des  figures  de  la  frise,  dont 
la  teinte  est  terre  de  Sienne  brûlée.  On  y  voit  beaucoup  de  chasseurs,  deux 
grandes  figures  de  femmes  de  profil,  à  robe  courte,  semblables  à  celles  de 


^ 


Fig.  1.  —  Chasse  au  sanglier  du  Charco  del  Agua  Amarga. 


Gogul,  des  cerfs,  des  bouquetins.  Dans  la  troisième  phase,  les  figures  humaines 
sont  à  tracé  linéaire  très  simplifié,  avec  bouquetins  souvent  incomplets  ;  la 
couleur  est  presque  noire.  Toutes  les  figures  précédentes  sont  paléolithiques. 

La  quatrième  phase  est  néolithique,  la  couleur  des  figures  est  rouge  jaune  ; 
on  y  retrouve  des  types  se  reliant  aux  rupestres  néolithiques  de  Sierra  Morena 
et  d'Andalousie.  Schémas  d'hommes  et  d'animaux.  Les  sujets  sont  plusieurs  fois 
peints  sur  des  surfaces   écaillées,  aux  dépens  des  œuvres  d'art  antérieures. 

Les  figures  humaines  paléolithiques  sont  semblables  à  celles  d'Alpera  et  de 
Cogul,  décrites  voici  plusieurs  années;  on  y  retrouve  les  mênnes  coiffures,  ainsi 
que  les  mêmes  jarretières,  les  mêmes  arcs  ;  deux  assemblages  sont  plus  dignes 
d'attention  :  une  remarquable  chasse  au  sanglier  (fig.  Ij  et  une  scène  de 
guerre  où  un  groupe  d'hommes  plus  grands  en  poursuit  un  autre  plus  petit  et 
différemment  coiffé. 

En  somme,  les  auteurs  nous  ont  fait  connaître  une  nouvelle  localité  de  ce  beau 
style  pictural  de  l'Espagne  orientale,  aux  œuvres  singulièrement  attachantes  dans 
leur  naivelé  et  leur  remarquable  sentiment  du  mouvement. 

H.  Breuil. 


Juan  Cabré  Ag'uilo.  Les  gravures  rupestres  de  la  Turre  de  Hercules  (La 
Corogne),  en  collaboration  avec  Jésus    Gonzalez    de  Rio.  Extrait  de    la 


BIBLIOGRAPHIE 


323 


vista  de  Archivas  Bihliothecas  y  Museos,  1915.  In-8,  15  pages,  3  planches  et 

ligares.  —  Ce  petit  mémoire,  fort  bien  illustré  de  belles  photographies  et  de 

dessins  comparatifs,  nous  fait  connaître  plusieurs  groupes  de  gravures  rupestres 

existant  sur  des  blocs  granitiques  avoisinant  le  phare  de  la  Torre  de  Hercules, 

Les  figures  principales  (fig.  2)  se  trouvent  réunies  en  deux  panneaux.  L'un 

représente,  inscrites  à  l'intérieur  d'un  cercle  irrégulier,  14  figures  humaines 


Fig.  2. 


Figures  gravées  stylisées  d'hommes  et  femmes  et  d'un  cavalier. 
Terre  de  Hercules.  La  Gorogne. 


Fig,  3.  —  Figures  gravées  stylisées 
d'hommes  (1  à  3)  et  de  femmes  (4  à  10),  des 
provinces  de  Soria  et  Guadalajara  (6  et  8). 


Fig.  4.  —  Figures  gravées  stylisées 

d'hommes  et   de  cavalier  (la  3^ 

de  la  première  ligne)  de  la  Laja 

de  los  Hierros,  Médina  Sidonia 

(Cadix). 


cruciformes,  dont  une  plus  grande  figurant  un  homme,  reconnaissable  au  trident 
qui  termine  la  croix  vers  la  base;  les  autres  sont  réduites  à  de  simples  croix. 
—  Le  second  ensemble  comprend  sur  la  gauche  des  cercles  réguliers  inscrivant 
des  personnages  masculins  cruciformes;  à  droite,  un  cavalier  sur  sa  monture 
est  placé  en  contre-bas  de  14  figures  cruciformes,  à  partie  inférieure  terminée 
par  un  cercle  ou  un  demi-cercle  traversé  par  la  tige  de  la  croix  ;  des  croisillons 
représentent  souvent  b  tête  et  les  mains;  dans  les  intervalles  de  ces  figures 


324 


REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 


probablement  féminines,  des  croix  plus  petites  peuvent  représenter  des  enfantsJ 

Dans  quelques  cas,  la  tête  est  faite  par  un  petit  rond,  le  phallus  est  croisii 
lonné,  ou  le  croisillon  de  la  tête  est  inscrit  dans  un  demi-oercle  ou  un  rectangli 
(fîg.  2). 

M.  Cabré  rapproche  avec  raison  ces  graffltes  très  stylisés  des  peintures  néoli 
thiques  de  Sierra  Morena  et  autres  lieux  (fig.  5,  6,  8),  et  il  les  compare  d'uni 
manière  plus  étroite  avec  les  gravures  sur  rocher  des  provinces  de  Soria 
Guadalajara  et  même  Cadix  (fig.  4).  Cela  lui  donne  l'occasion  de  figurer  quel- 
ques-unes d'entre  elles,  jusqu'ici  inédites  (fig,  3);  les  figures  de  l'homme  qu'il  en 


■■<•, 


Fig.  5.—  La  Peùa-Tu  (Oviedo).  Hommes 
peints  schématiques,  et  poignard  de 
cuivre  gravé  à  rivets  peints. 


Fig.  6.  —  Peùa-Tu  (Oviedo).  idole  ei 
forme  de  stèle  gravée  et  peinte 
Voir  Revue  archéologique ^  1914,  Il 
p.  346. 


donne  sont  faites  d'une  façon  analogue,  mais  la  tête  est  bouletée,  les  bras  el 
les  jambes  souvent  en  arceau;  dans  un  cas,  les  mains  sont  figurées  par  un  tri- 
dent ;  l'aboutissant  de  la  simplification  de  la  figure  masculine  est  un  arceau  ave< 
une  verticale  au  milieu,  dirigée  vers  le  bas.  Dans  ces  mêmes  endroits  existent 
des  figures  féminines  fort  analogues,  mais  la  concavité  de  l'arceau  des  bras  est 
tournée  en  haut,  comme  pour  exprimer  l'idée  de  la  danse  les  bras  levés;  un( 
corde  relie  les  extrémités  de  l'arceau  inférieur,  comme  pour  figurer  une  jupe, 
et  souvent  deux  courts  appendices  circulaires,  elliptiques  ou  linéaires,  placés 
sous  les  bras,  figurent  les  seins.  Il  n'est  pas  rare  non  plus  que  la  base  du  corps 
soit  représentée  par  un  cercle,  quelquefois  radié.  La  réduction  extrême  de  la 
fjgnre  féminine  est  l'arceau  sans  bisseclion. 
M,  Cabré  s'étend,  sans  la  figurer,  sur  une  très  remarquable  roche  gravée, 


p 

;■  découve 

j*l  nombre 


BIBLIOGRAPHIE 


325 


découverte  parle  marquis  de  Gerralbo  à  Hetortillo  (Soria),  au  milieu  d'un  grand 
nombre  d'autres  roches  portant  les  figures  que  je  viens  de  décrire;  leur  inven- 
teur les  a  déjà  montrées  au  Congrès  International  de  Genève.  On  voit  sur  le 
même  panneau  toute  l'histoire  par,  l'image  de  la  genèse  humaine  :  d'abord,  à 

^*»    ^ 

Fig.  7.    -    Groupe  de  femmes  (danseuses  ou  pleureuses)  peintes  autour  d'un 
rectangle  (non  représenté)  figurant   une  tombe  :  grotte  de  Carisuelo  (Cadix). 

• 

droite,  un  grand  homme  nu,  les  jambes  écartées,  les  parties  génitales  très 
grandes,  placé  au  milieu  d'un  cercle;  vers  la  gauche,  également  dans  un  grand 
cercle,  une  femme,  debout,  qui  est  enceinte,  et  dont  le  fœtus  est  figuré  par 


d* 

«' 


^ 


Fig.  8.  —  Choix  d'oiseaux,  hommes  et  animaux,  peints  à  la  Gueva  de  Las  Figuras 
à  Casas-Viejas  (Cadix),  d'après  M.  Cabré  :  voir  le  compte-rendu  de  la  brochure 
de  M.  Cabré,  Revue  archéologique,  1914,  II,  p.  342. 

transparence  ;  à  sa  droite,  la  môme,  sans  doute,  au  moment  où  l'enfant  «  se 
présente  »  et  va  naître  ;  puis  l'enfant  né,  déjà  grandelet,  et  enfin  l'homme 
adulte  et  monté  à  cheval. 

Il  ne  paraît  guère  douteux  que  celte  roche  d'un  intérêt  exceptionnel  ait  joué 
un  rôle  dans  la  vie  sociale  et  dans  les  rites  d'initiation  des  populations  néoli- 
thiques ou  énéolithiques  de  la  péninsule.  îl  est  très  probable  que  nombre  des 
roches  à  sujets  plus  simples  ont  eu  un  rôle  analogue;  M.  Cabré  insiste  longue- 
ment sur  les  pratiques  magiques,  le  culte  phallique,  le  culte  des  morts  (fig.  7), 


3â6 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


tels  qu'il  les  conçoit  d'après  ce  point  de  départ  :  c'est  une  large  carrière  où  so^ 
imagination  a  toutes  les  hardiesses;  mais   si  beaucoup  de  ses  reconstitulionj 
nous  paraissent  audacieuses  et  même   gratuites,  il    se   peut   cependant  quj 
quelques-unes,  dépouillées   de  ce  qu'elles  présentent  de  fantaisiste,  puisseï 
ultérieurement  résister  à  une  sage  critique. 

Le  cavalier  que  nous  avons  mentionné  amène  M.  Cabré  à  rappeler  mes  trou^ 
vailles  des  Canforros  de  Penaranda  (Sierra  Morena),  où  des  animaux  peints 
sont  menés  par  la  bride,  et  de  la  Cueva  del  Medioda  del  Monte  Arabi  (Yecla) 


Fig  .10.   -  Sculptures  rupestres  de  Marquinez  (Aiava),  d'après  une  photographie 

de  M.  Egureny  Beogoa, 

Fig.  11.  —  Figure  d'une  stèle  ibéro-romaine  de  Cando  (Galicie),  rappelant  le« 

anciennes  techniques. 

Il  en  rapproche  aussi  les  remarquables  sculptures  de  Marquinez  (AIava)(fig.  10)i 
décrites  récemment  par  M.  Eguren  y  Bengoa,  jeune  anthropologiste  basque  d< 
beaucoup  d'avenir*;  il  y  voit  un  grand  personnage  debout,  en  bas  relief 
d'environ  1  mètre  de  haut,  et  un  autre  plus  petit,  à  cheval. 

M.  Cabré  attribue  à  la  grande  figure  le  sexe  féminin  et  au  cavalier  le  mascu- 
lin, pour  des  raisons  qui  me  paraissent  peu  frappantes,  et  croit  ces  œuvres  d'ar 
de  l'âge  du  cuivre,  à  cause  de  l'analogie  réelle  de  leurs  silhouettes  avec  les  petites 
figures  peintes  des  Canforros.  Je  ne  suis  pas  sûr  qu'il  ait  eu  raison  de  vieillit 


1.  Estudio  anthropologico  del  vueblo  basco  y  prehistoria  de  Alava,  1914,  p.  156, 
fig.  49. 


BIBLIOGRAPHIE  327 

itant  ces  curieuses  sculptures,  qui  mériteraient  une  étude  approfandie,  ainsi 
ue  les  grottes  artificielles  qu'elles  avoisinent  et  que  beaucoup  ne  font  pas 
Mnonter  avant  l'âg-e  du  fer.  A  mon  sens,  l'analogie  des  images  avec  les 
ipestres  néo-  ou  énéolithiques  est  fortuite,  et  on  les  comparerait  avec  plus  de 
raisemblance  aux  sculptures  funéraires  de  l'art  indigène  espagnol  de  l'époque 
iraaine  (fîg.  11),  comme  la  stèle  de  Tiberius  Posthumus  Victorinus  de  Cando 
■jalice)*.  Certes,  celle-ci  n'est  pas  de  tradition  romaine,  et  l'on  peut  soutenir  à 
iste  titre  qu'elle  se  relie  par  une  longue  série  d'ancêtres  aux  vieilles  traditions 
'olithiques;  on  peut  avoir  la  même  impression,  en  comparant  avec  les  stèles 
éolithiques  de  l'Aveyron  les  stèles  si  primitives  de  la  Ligurie  appartenant  à 
-poque  celtique».  H.  Breuil. 

J.  Rendel  Harris.  The  origin  of  ApoUo.  Manchester,  1914  (extr.  du  Bull, 
of  the  John  Rylands  iibrary).  In-8,  40  p.,  avec  une  planche.  —  Après  avoir 
essayé  de  montrer  que  Dionysos  est  le  lierre  ou,  plus  exactement,  le  chêne 
enserré  par  le  lierre»  (cf.  Rev.  arch.y  1915,  II,  p.  388),  l'auteur  nous  apprend 
qu'Apollon  est  le  pommier  embrassé  par  le  gui.  Voici  son  raisonnement  : 
Apollon  (laurier)  et  Dionysos  (lierre)  sont  souvent  confondus.  Mais  le  laurier, 
dans  la  mythologie  d'Apollon,  a  été  précédé  par  le  chêne  (Ovide,  Met.,  I,  450). 
Apollon  et  Dionysos  sont  deux  aspects  du  dieu  céleste,  l'un  brillant,  l'autre 
obscur.  Si  Dionysos  est  le  lierre,  parasite  sombre  du  chêne  céleste,  Apollon 
pourrait  être  le  gui,  parasite  brillant.  On  connaît  un  t'^toç  'A7c6X>a)v;  mais  on 
connaît  aussi  un  Apollon  pommier,  'AuoXXwv  {jLaAeanQç,  ixaXoeî;.  A  Delphes,  le 
pommier  est  consacré  à  Apollon  et  il  pourrait  avoir  existé  à  Delphes  une  légende 
apollinienne  analogue  à  celle  qu'on  racontait  en  Asie  Mineure  sur  Paris  donnant 
la  pomme  à  une  déesse  de  son  choix  (représentation  sur  le  vase  de  Corbridge, 
Bép.  rel.,  II,  436;  cf.  Gardner, /.  fl.  S.,  1915,  p.  67).  Qui  sait  si  le  nom 
d'Apollon  n'est  pas  simplement  celui  de  la  pomme,  apple  en  anglais,  mot 
d'origine  inconnue,  peut-être  hyperboréen  lui-même  comme  le  dieu?  VAhella 
de  Virgile  (Aen.,  VII,  740),  ma/î/era, dont  les  voisins  manient  la  cateia  (celtique, 
non  teutonique;  cf.  Bertrand  et  Reinach,Les  Celtes,  ^p.  198),  doit  probablement 
son  nom  à  celui  de  la  pomme,  alors  qu'on  a  parfois  admis  la  dérivation  inverse. 
Bref,  Apollon  est  le  pommier  associé  au  gui  et  cela  explique  aussi  qu'il  soit  un 
dieu  guérisseur.  Il  y  a  bien  d'autres  hypothèses  séduisantes  dans  ce  court  essai, 
d'où  l'on  sort  ébloui,  un  peu  effaré  même  ;  le  très  savant  auteur  nous  en  pro* 
met  un  autre  sur  Artémis.  g.  R. 

1.  Fidel  Kita,  Nuevas  lapidas  romanas  de  Noya^  Cando,  Cerezoy  Jumilla  [Boletin 
de  la  Real  Academia  de  la  Historia,  19H  (LIX)  p.  398  et  s.,  p.  403). 

2.  Monumenti  Cellici  in  Val  di  Magra^  in  Giornale  Storico  e  Lelterario  délia 
iif/uria,  IX,  1908;  Sotizie  e  recensioni  Paletnologiche  délia  Liguria,  in  Bulletino 
di  Vatelnologia  Ilaliana,  XXXV,  n»  1-4,  1909. 

3.  Inciriemment,  M.  R.  Harris  s'occupe  d'un  livre  récent  de  Miss  Giadys  M.  N. 
Davis,  The  Asiatic  Dionysos,  où  est  reprise  la  vieille  thèse  que  Dionysos  serait 
le  Soma-UaoTna  dei  Indo-Iraniens.  Il  no  serait  pas  éloigné,  pour  sa  part,  d'iden- 
tifier le  soma  au  lierre  (p.  11). 


328  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

W.  Deonna.  Le  soleil  dans  les  armoiries  de  Genève.  Genève,  1916.  In- 
130  p.,  avec  fig.  (extr.  delà  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  Paris,  1915).  — "^ 
Dans  les  armoiries  de  la  ville  de  Genève,  on  voit  un  soleil,  un  aigle  et  une 
clef.  «  Il  est  oiseux  de  perdre  son  temps,  écrivait  M.  G.  Martin  en  1908,  à 
rechercher  quelles  étaient  les  armoiries  de  Genève  païenne.  C'est  un  pur  jeu  de 
l'imagination  de  dire  que  le  soleil  figure  sur  les  monnaies  genevoises  à  partir 
de  1554  parce  que  cet  astre  vivifiant  a  été  de  tout  temps  l'emblème  des  Gene- 
vois ».  —  «  Ce  scepticisme  est  exagéré  »,  opine  M.  Deonna  et  il  conclut  ; 
«  Les  trois  pièces  des  armoiries  genevoises  ont  toutes  un  sens  primitivement 
analogue,  bien  qu'elles  soient  parvenues  dans  notre  blason  par  des  voies  dif- 
férentes :  1°  le  soleil  dérive  de  la  croix  solaire  du  paganisme;  2°  l'aigle  est 
empruntée  à  l'Empire  d'Occident,  qui  lui-même  la  tient  de  Rome,  où  son  sens 
solaire  est  connu  ;  3°  la  clef  est  celle  de  saint  Pierre,  qui  l'a  prise  aux  divinités 
cosmiques  de  l'antiquité  ».  On  devine  que,  dans  le  corps  de  l'ouvrage,  il  est 
surtout  question  de  symbolisme  :  symbolisme  du  disque  solaire,  de  l'aigle,  de 
la  clef.  Il  y  a  toujours  proSt  à  lire  M.  Deonna,  qui  possède  un  nombre  colossal 
de  fiches  (même  sur  les  opinions  sans  valeur  aucune  émises  par  des  ignares)  et 
ne  les  garde  pas  jalousement  pour  lui.  Mais  il  arrive  qu'on  se  souvienne  du  mot 
de  Scaliger  sur  le  Perse  de  Casaubon,  où  la  sauce  valait  mieux  que  le  poisson. 

S.  R. 

G.  Chauvet.  Sol  et  Luna,  Notes  d'iconographie  religieuse.  In-8,  25  p. 
Angoulême,  Despujols,  1916.  —  Que  signifient,  de  part  et  d'autre  de  la  tête 
du  Christ  en  croix,  le  soleil  et  la  lune?  Question  souvent  débattue,  exposée 
ici  d'après  les  meilleures  source?.  Conclusion  :  «  Sol  et  Luna,  avant  l'ère  chré- 
tienne, était  un  signe  de  majesté,  de  puissance,  d'éternité...  Les  artistes  nou- 
veaux convertis  employèrent,  comme  signe  de  majesté,  les  deux  astres  que, 
dans  les  anciens  ateliers,  ils  plaçaient  près  de  la  tôte  des  empereurs...  Vers  le 
vil*  siècle,  le  clergé  adopta  le  crucifix  devenu  populaire,  avec  Sol  et  Luna,  tel 
qu'il  avait  été  créé  par  les  fidèles  ».  Malheureusement,  entre  les  dernières 
œuvres  païennes  avec  Sol  et  Luna  et  les  plus  anciens  crucifix,  il  y  a  plus  de 
deux  siècles;  la  continuité  de  la  tradition  païenne  est  vraisemblable,  mais  res- 
tera une  hypothèse  tant  qu'on  n'aura  pu  la  suivre  en  Syrie  de  400  à  600,  puisque 
le  motif  de  crucifix  paraît  bien  originaire  de  cette  contrée.  g    ^ 

R.  Maxwell  WooUey.  Goronation  rites.  Cambridge,  University,  Press, 
1915.  In-12,  207  p.  avec  une  planche.  —  Premier  volume  d'une  série  de  manuels 
pour  l'étude  des  liturgies,  avec  une  bibliographie  abondante.  Rites  de  cou- 
ronnement à  Rome,  à  Byzance,  en  Russie,  dans  l'Empire  d'Occident  au  moyen 
âge,  en  Grande-Bretagne,  en  France,  Allemagne,  Hongrie,  Espagne,  Bohême, 
pays  Scandinaves,  à  la  cour  pontificale,  etc.  Analogies  avec  les  rites  de  l'ordi- 
nation et  du  mariage.  S    R 

Le  Gérant  :  Ernest  Leroux. 

ANGERS,    IMPRIMERIE    OR  ENTALE   DE  A.    BLHDIN  ET  G" 


INSCRIPTIONS  DE  SINOPË 


Peu  de  temps  avant  la  déclaration  de  guerre,  mon  confrère 
et  ami  Franz  Cumont  m'apporta  un  jour  à  TAcadémie  deux 
fascicules  qu'il  venait  de  recevoir  d'une  petite  Revue  grecque 
publiée  à  Mersivan  ou  iVIerzifoun,  ville  assez  importante  du 
vilayet  de  Sivas,  sandjak  d'Amasia,  Asie  mineure.  Ces  cahiers 
renfermaient  sous  le  titre  —  passablement  inexact,  on  le  verra, 
—  de  Nsai  k-iypxrpx:  h  S-.vw-y)  dix  inscriptions  grecques  ou 
latines  récemment  copiées  à  Sinope  par  un  M.  B.  Aviérinos 
(Ajvsp'.voç),  avec  l'assistance  d'un  M.  Prodromos  Papadaniel'. 
M.  Cumont,  dont  1q  nom  est  désormais  inséparable  de  l'étude 
géographique  et  archéologique  de  la  région  ponlique,  avait 
bien  vite  reconnu  à  la  fois  l'intérêt  et  la  difficulté  de  ces  petits 
textes,  mal  transcrits,  criblés  de  fautes  et,  au  premier  abord, 
presque  inintelligibles.  N'ayant  pas  le  loisir  d'en  poursuivre 
l'examen,  il  voulut  bien  s'en  dessaisir  en  ma  faveur.  J'en 
réservai  l'étude  pour  les  vacances  de  1914  :  on  sait  ce  qu'elles 
devaient  être  et  les  devoirs  supérieurs  qui,  pendant  de  longs 
mois,  nous  ont  les  uns  et  les  autres  entièrement  absorbés. 
Revenu  à  Paris  depuis  quelques  semaines,  j'ai  pu  dérober  à 
mes  occupations  militaires  les  quelques  heures  nécessaires  à  ce 
travail  de  restitution  et  de  commentaire,  que  les  circonstances 
m'empêchent  toutefois  de  pousser  à  fond.  Je  n'aurais  même 
pas  osé  le  publier,  dans  son  état  actuel  d'imperfection,  si  l'on 
pouvait  espérer  d'avoir  bientôt  accès  aux  monuments  origi- 

1.  IlONTOi]  (XY^viatov  (?;  ô/)(JLOTUu|xa  çi/vOAOYixbv  èTiiTTyjiJLoviîibv  xa\  TratSaywYtxbv 
toO  IIovxo'j  (le  syllogue  Pontos).  Le  l*""  fascicule  est  intitulé  «  5«  année  n°»  37-39, 
aoùl-oclobre  »  (publié  7/20  décembre  1913).  Le  2o  :  «  5«  année,  n°'  40-41, 
novembre  décembre  »>  (publié  H/24  janvier  191'*).  Nos  inscriptions  occupent 
les  pages  20-22,  34-35. 

V    SÉRIK,  T.  UI  22 


330  REVUE   ARCHÉOLOGtQUE 

naux.  Mais,  à  cette  heure  et  sans  doute  pour  longtemps  encore, 
c'est  le  cas  de  dire 

Non  ciiivis  contingit  adiré  Sinopen. 

Que  sont  devenus  les  marbres  pieusement  nettoyés  par 
M.  Aviérinos  et  son  collaborateur?  Qu'est  devenue  la  Revue 
ilévToç,  et  le  ((  Syllogue  »  dont  elle  était  l'organe,  et  l'école  flo- 
rissante de  Mersivan  avec  ses  218  élèves  grecs,  156  arméniens, 
18  turcs  et  8  russes?  Je  l'ignore  ou  plutôt  je  crains  de  le  devi- 
ner. En  attendant,  j'oiïre  sans  plus  tarder  aux  réflexions  des 
curieux  et  aux  conjectures  des  savants  compétents  ces  docu- 
ments sous  une  forme  un  peu  améliorée,  mais  très  susceptible 
de  l'être  davantage.  Qu'on  y  voie  surtout  un  triple  hommage  à 
la  glorieuse  cité  de  Diogène  et  de  Diophante,  au  zèle  touchant 
des  premiers  éditeurs,  et  à  l'amitié  de  Franz  Cumont,  que  les 
événements  survenus  dans  sa  patrie  depuis  deux  ans  m'a  ren- 
due encore  plus  chère  et  plus  précieuse,  comme  à  tous  ses 
confrères. 

Les  inscriptions  antiques,  peu  nombreuses  encore,  de  Sinope 
ont  été  réunies  il  y  a  quelques  années  dans  un  petit  Corpus  par 
un  archéologue  américain,  David  M.  Robinson.  Ce  recueil  ren- 
ferme quatre-vingt  treize  textes,  dont  trente  cinq  nouveaux, 
copiés  par  Robinson  en  1903  ^  L'éditeur  y  a  compris  les  inscrip- 
tions latines  inédites  ;  quant  aux  autres,  on  les  trouvera  sans 
peine  dans  le  tome  III  du  Corpus  inscriptionum  la  tinaru  met  ses 
divers  suppléments  \  Depuis  lors  M.  Robinson  a  publié  dans  une 

1.  David  M.  Robinson,  Gretk  ani  La  tin  inscriptions  from  Sinope  and  environSy 
American  Journal  of  archaeology,  IX  (1905),  p.  294-333,  avec  les  corrections  et 
compléments  1°  de  Van  Bur<^n  («6.,  X,  1906,  p.  295  suiv.)  ;  2°  de  l'auteur  lui- 
même  (i6..  X,  429  suiv.,  XI,  1907,  p.  446). 

L'article  principal  a  été  réuni  par  l'auteur  avec  deux  articles  de  VAm»  J .  of 
philology  (XXVII,  1904,  n«  2,  p.  126  suiv.,  n»  3,  245  suiv.),  relatifs  à  l'histoire 
et  à  la  prosopo^raphie  de  Sinope,  dans  un  volume  factice  intitulé  Ancien t  Sinope 
(Baltimore,  1906). 

2.  CIL  III,  238  (r=  6977  -f- 12219),  239  (=6978),  240  (=6981),  6979.6  ' 
12220-1,  14402  b  et  c. 


INSCRIPTIONS    DE   SINOPE  331 

Revue  américaine*  trois  nouvelles  inscriptions  grecques  d'après 
des  copies  envoyées  de  Sinope  et  un  estampage.  Il  est  donc,  à 
l'heure  actuelle,  relativement  facile  de  vérifier  si  une  inscription 
sinopienne  est  ou  non  inédite.  Trois  de  celles  qu'ont  copiées 
MM  Aviérinos  et  Papadaniel  (n°^  1,  4,  7)  ne  le  sont  sûrement 
pas;  on  peut,  au  contraire,  considérer  comme  telles  la  plupart 
de  celles  qui  proviennent  d'un  pan  de  muraille,  situé  au  N.-O. 
delà  ville  actuelle  et  dont  la  démolition  fut  ordonnée  en  1911  (?) 
par  le  gouvernement  turc.  Ce  mur,  d'une  construction  hâtive,  a 
livré  beaucoup  de  fragments  de  sculpture,  d'architecture  et  d'épi- 
graphie,  employés  pêle-mêle  dans  son  appareil.  11  faut  féliciter 
nos  patriotes  grecs  de  s'être  trouvés  là  au  moment  du  déblaie- 
ment,d'avoir  débarrassé  ces  vieilles  pierres  de  la  couche  de  sable 
jaune  corrosive  dont  les  saupoudra  la  mer  voisine,  et  d'avoir 
fait  de  leur  mieux  pour  nous  conserver  une  image  de  ces 
reliques.  Leur  transcription  (en  majuscules)  est  souvent  fautive 
et  ils  n'ont  essayé  ni  de  combler  les  lacunes  de  ces  textes  ni  de 
les  interpréter;  mais  une  étude  assez  prolongée  m'a  convaincu 
que  leurs  copies,  si  inexpérimentées  soient-elles,  sont  d'une 
parfaite  sincérité;  en  y  appliquant  les  règles  de  la  «  conchylio- 
logie »  établies  par  les  paléographes,  on  arrive  dans  bien  des 
cas  à  restituer  avec  certitude  la  leçon  originale.  D'autres  feront 
mieux.  Afin  de  leur  faciliter  la  tâche  j'ai,  pour  chaque  inscrip- 
tion, scrupuleusement  reproduit  tout  d'abord  la  transcription 
des  premiers  éditeurs,  avec  leur  division  des  lignes  et  des 
mots,  les  lacunes  indiquées  le  plus  souvent  par  des  tirets  (— ) 
dont  chacun,  je  le  suppose,  représente  l'étendue  approximative 
d'une  lettre,  les  crochets  [  ]  et  les  parenthèses  (  )  qui  encadrent 
—  du  moins  je  le  crois  —  tantôt  des  lettres  restituées  par 
conjecture,  tantôt  et  plus  souvent  des  lettres  évanides,  impar- 
faitement   déchiffrées.   On   aura   ainsi   la   matière  même   sur 

1.  D.  Robinson,  American  Journal  of  philology,  XXIX,  190),  p.  448  suiv. 
Déjà  deux  petits  textes  latins  nouveaux  avaient  été  publiés  par  lui  dans  les 
notes  de  la  Prosopograpkia  nnopensis  {Am.  J.  phd.y  1906,  p.  '^73,  note  1  et 
277,  note  1). 


332  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

laquelle  j'ai  travaillé  et  Ton  appréciera  mieux  les  obstacles  et 
les  chausse-trapes  dont  elle  est  hérissée. 

Un  dernier  mot  avant  d'aborder  l'examen  de  nos  textes.  Si 
le  profit  historique  ou  littéraire  qui  en  découle  est  assez  mince, 
il  est  cependant  loin  d'être  négligeable.  Deux  épigrammes  en 
vers  assez  bien  tournées,  une  inscription  bilingue,  une  longue 
inscription  agonistique,  des  renseignements  nouveaux  sur  les 
sacerdoces  et  les  magistratures  de  Sinope  suffisent  à  constituer 
une  récolte  très  présentable.  Mais  ce  sont  surtout  les  linguistes 
qui  trouveront  un  piquant  intérêt  dans  la  langue  de  plusieurs 
de  nos  textes,  où  le  latin  est  parsemé  d'héllénismes  et  le  grec 
de  latinismes,  parfois  assez  savoureux.  La  chose  ne  saurait  sur- 
prendre dans  une  ville  qui,  ruinée  pendant  les  guerres  mithri- 
datiques,  reçut  de  Jules  César  une  colonie  romaine  qui  subsista 
jusqu'à  la  fin  de  l'antiquité.  Le  latin,  comme  le  prouvent  les 
monnaies  et  les  inscriptions,  resta  à  Sinope  la  langue  officielle; 
mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  le  texte  de  Strabon  *  d'après 
lequel  les  colons  n'avaient  reçu  en  partage  qu'une  partie  du 
territoire  et  de  la  ville  de  Sinope.  Des  Grecs  ou  des  Asiatiques 
hellénisés  vivaient  donc  côte  à  côte  avec  les  colons  romains  et 
il  est  tout  naturel  que  les  deux  langues  se  soient  pénétrées, 
sinon  dans  leur  vocabulaire,  du  moins  dans  leur  syntaxe.  Je  ne 
crois  pas  que  nulle  part  le  phénomène  soit  aussi  saisissable  et 
aboutisse  à  des  solécismes  aussi  bizarres. 

1.  —  Sarcophage  en  marbre  découvert  à  droite  [sic)  de  l'hô- 
pital. Longueur  lf",95.  Largeur  0"',92.  [Employé,  au  temps  de 
Robinson,  comme  abreuvoir.] 

K   •  AIKINI02    oporni 

nPOIENHTHI      EN0AAE 

KEITAI    BiniAl    KAAÛ2 

XII  18  3  ETON-  MH  • 


1.  Slral»on   Xll,  3,    Il    :  vjv\  §£  ^at  *r'a)[xx''a)v    àitotxtav    ôéÔôXTat    xa\  {xlpo:  Tr,. 


INSCRIPTIONS    DE   SINOPE  333 

K(6iVT0ç)  A'.yivvioç  ^poùyiq 

xeTiai  PioWaç  xaXoiç  *  • 

èTWV     [JLYJ 

Sépulture  de  Q.  Licinius  Frugi,  courtier,  décédé  à  l'âge  de 
48  ans. 

Cette  inscription  n'est  pas  inédite,  comme  le  croit  M.  Avié- 
rinos.  Elle  a  été  publiée  en  1901  par  Yerakis  dans  la  lievue  des 
études  anciennes,  III,  p.  352,  n^ô.  Robinson  l'a  reproduite  dans 
son  corpitsculum,  sous  le  n*^  45. 

Pour  l'abréviation  K  —  Q  (uintus),  voir,  par  exemple, 
CIA.,  m,  143,  1446. 

La  lecture  Aiy.iwicç,  donnée  par  Yerakis,  paraît  préférable  à 
Kiylnoq  de  M.  Aviérinos.  Cette  graphie  incorrecte  par  deux  v 
est,  en  eiïet,  de  règle  à  Sinope;  comparez  At/twia  (Robinson 
n°  50),  Licinnius  i73),  Licinnio,  Licinniano  (75). 

<I>pojY'.!;  n'a  rien  à  faire  avec  le  nom  gréco-asiatique  ^çioù-(\oq 
qu'on  a  rencontré,  par  exemple,  à  Laodicea  combusta  (CIG., 
3989).  C'est  le  cognomen  romain  Frngi  que  les  Grecs,  embar- 
rassés par  sa  terminaison  archaïque,  ont  transcrit  tantôt  exac- 
tement <ï>pojY'.  (CIA.,  m,  608,  609),  tantôt  à  l'accusatif  <î>pojYia» 
(CIA.,  III,  601),  tantôt  fî>pjY'.o;  ou  '\^ç>z-jyioq  (Josèphe,  Bellitni,  VI, 

4,3)^ 

Robinson  a  publié  (n°  73)  la  pierre  funéraire  d'un  quasi 
homonyme  de  notre  personnage,  ainsi  rétablie  sûrement  par 
Van  Buren  {loc.  cit.,  p.  290),  dont  Robinson  a  finalement  {ib., 
430)  accepté  la  lecture  : 


1.  Il  laul  ponctuer  afirès  xaXw;,  car  Ptwaa;  se  construit  avec  l'accusatif,  quel- 
quefois avec  le  Hatif  (voir  infra,  n°  8),  jamais  avec  le  gér)  tif.  Quant  aux 
sigies  XII  183  que  les  éditeurs  grecs  (mais  non  Yerakis)  ont  rnarqu '>es  au  début 
de  la  4'  ligne,  elles  sont  dénuées  de  sens  et  ne  doivent  sans  doute  leur  existence 
qu'à  une  étourderie  lyf)Ogra[>hique. 

2.  râiov  KaXuo'jp'nov  —  —  —  fl'Twva  'l'po'jyta  àpETY];  é'vs/.a.  Mais  peut-être 
cet  f^  final  n'esl-ii  qu'une  duplication  fautive  de  V f^  initinl  de  àpsTîi:. 

3.  «l'-iouyiov  est  la  I'M'o  i  du  LnurentUmuf,.  W  s';igil  du  légnt  M.  Titins  Frugi 
(T'Toy  *puYioj,  josepiic).  Cf.  Léon    Renier,   Mém.  île  Vltnt.,  XXVI,  I,  p.  314. 


334  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

L      •      LICI N 

NIVS     •    Fr[w 

GI 

•  Hk)  •  s{itus) 

(Très  beaux  caractères  du  i®"^  siècle  de  l'empire).  Ces  deux  per- 
sonnages —  peut-être  frères  —  ne  sont  sûrement  pas  des 
membres  de  l'illustre  famille  des  lÀcinii  Crassi  où  le  surnom 
Fnigi  se  rencontre  plusieurs  fois  {Prosop.  imp,  Rom.,  II,  276 
suiv.).  Ce  sont  bien  plutôt  des  affranchis  ou  des  naturalisés  qui 
ont,  suivant  l'usage,  adopté  les  noms  de  leurs  patrons  \ 

Notre  Q.  Licinius  est  qualifié  de  T.ç>o^^r^p:T^q.  Ce  mot  n'a  pas 
en  grec  et  en  latin  la  signification  fâcheuse  de  son  dérivé  fran- 
çais; il  désigne  simplement  un  courtier,  un  intermédiaire. 
Longtemps  il  n'a  été  connu  que  dans  sa  transcription  latine 
proxeneta  (fr.  2  et  3  Dig.  L,  14)',  mais  récemment  on  l'a  ren- 
contré dans  une  inscription  de  Thyatire  {Oriens  graecus,  n^  524) 
où  il  est  question  de  oi  tou  aTa-uapiou  (marché)  Ipy^aTalxal  upo^svvjxai 
aLù\iÀxiù^)  (intermédiaires,  courtiers  entre  les  acheteurs  et  les 
marchands  d'esclaves)  ^  Le  mot  manque  dans  le  Lexique  d'Her- 
werden. 

2.  —  Sur  une  des  faces  d'un  sarcophage  de  marbre  qui  ser- 
vait de  bassin  (àTroÔYjXY))  à  la  fontaine  IlouXtou.  Longueur  1™,70. 
Largeur  0"^,95. 

ANTWNIA    CAPEINA    TAinr    TAT 
nrOT  TTNH    EN0AAE   KEIME 
ETHN  •  MZ  XAIPniC 
nAPHAEITA 


1.  Un  L.  Licinius  (surnom  inconnu)  a  été  proconsul  de  Bithynie  au  temps 
d'Auguste  {Prosop.  rom.,  n«*  115). 

2.  Le  renvoi  de  Sophocles  «  Justinian  Cod.  5,  2,  6  »   est   faux.  Le  mot  se 
trouve  chez  Sénèque,  ep.  119,  et  Martial,  X,  3. 

3.  Cf.  les  observations  de  Poland,  Geschichte  des  griechischen  Vereinsiuesens, 
p.  108. 


INSCRIPTIONS    DE    SINOPE  33  p^ 

'AvT(i)v(a  Sa(6)£Tva  Faiou  y'ku- 
TCTOu  YUVY)  âvÔàâe  x£Ï[ji.£ 

£TWV     |JlC    •   X^^'P^'? 

'7capo§£TTa. 

Sépulture  d'Antonia  Sabina,  femme  du  sculpteur  Gaïos,  âgée 
de  47  ans. 

Le  caractère  épigraphique*,  la  graphie  x£Tix£  (/,£i:[j.ai)  indi- 
quent un  texte  d'assez  basse  époque. 

Gains  est  fréquent  comme  nom  unique  chez  les  petites  gens 
à  l'époque  romaine.  On  connaît  déjà  un  graveur  en  pierres  fines 
(Marlborough  Collection,  éd.  Maskelyne,  n'  270)  et  un  coro- 
plaste  (Pottier  et  Reinach,  Myrina,  p.  176  et  198)  de  ce  nom, 
mais  rien  n'autorise  à  identifier  l'un  ou  l'autre  avec  le  sculpteur 
sinopien  que  nous  révèle  cette  inscription.  C'est,  je  crois,  le 
premier  artiste  de  Sinope  dont  nous  ayons  connaissance. 

3.  —  Sur  une  des  faces  d'un  sarcophage  analogue  au  précé- 
dent (r, 95  X  0",92). 

(E)0HKA  EMATTHN  COPON  KAI  Tfl 

ANAPI  MO 
£6rf/.a  £|Ji.au(Ty5)  r/]V  aopov  xal  tw 

âvBpt  [JLOU 

Sépulture  d'une  femme  inconnue  et  de  son  mari.  Les  noms 
se  trouvaient  probablement  sur  le  couvercle  du  sarcophage. 

L'œil  du  lapicide  (ou  du  copiste?)  a  sauté  du  premier  TH  au 
second. 

4,  —Plaque  de  marbre  rouge  (haute  de0™,49,  large  de  0°^,55) 
encastrée  dans  le  mur  antérieur  de  la  mosquée  Képhébi  djami, 
quartier  Lazika. 

ArPinnEiNAN   tep 

MANIKOT    KAIIA2P02  .. 
O  AHM02 

'ÀYpixTCsTvav  r£p- 

1.  Les  n  au  lieu  de  O  sont»  s^ins  doute,  dus  à  une  bévue  du  copiste. 


336  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Dédicace  publique  (d'une  statue)  à  Agrippine,  femme  d( 
Germanicus. 

Inscription  déjà  publiée  indépendamment  :  l^'  par  Mordt- 
mann  dans  leSyllogue  philologique  de  Gonstantinople,  1880-1, 
t.  XV,  supplément,  p.  47,  n°  5;  2°  par  Doublet,  Bull.  corr.  hell,^ 
XIII  (1889),  p.  302,  no  3.  Reproduite  par  Robinson,  loc.  cit., 
p.  310,  n°  37  et  Gagnat-Lafaye,  Inscr.  graecae  ad  res  Romanas 
etc.,  III,  94. 

Une  Agrippine  définie  par  sa  relation  avec  Germanicus  ne 
peut  être  qu' Agrippine  Tancienne,  sa  femme,  ou  Agrippine  la 
jeune,  sa  fille,  femme  de  Claude  et  mère  de  Néron.  De  laquelle 
des  deux  s'agit-il  ici? 

Si  nous  étions  en  présence  d'une  véritable  inscription  grecque, 
attique  par  exemple,  l'hésitation  ne  serait  pas  permise  :  il 
s'agirait  d'Agrippine  la  jeune.  En  effet,  dans  le  style  épigra- 
phique,  si  l'état  civil  d'une  femme  est  généralement  défini  par  le 
nom  de  son  père  au  génitif  précédé  de  Ojyax/ip  et  par  celui  de  son 
mari  précédé  de  y-jv/j,  l'ellipse  de  Suyaiv^p  n'est  pas  inconnue*, 
tandis  qu'il  n'en  est  pas  de  même  de  celle  de  y-jv/j.  Je  dis  :  dans 
le  style  éplgraphique,  car  dans  le  langage  familier,  et  chez  les 
poètes,  les  constructions  du  type  de  llvxtoru  Andromache  ne 
sont  pas  rares ';  dans  les  inscriptions,  du  moins  dans  les  ins- 
criptions attiques,  je  n'en  ai  pas  trouvé  un  seul  exemple,  quoi- 
qu'en  disent  des  manuels',  et  je  vois  que  Wilamowitz  n'a  pas 
été  plus  heureux*. 

Dans  l'épigraphie  romaine,  du  moins  à  l'époque  impériale, 
on  observe  le  phénomène  contraire.  Quand  il  s'agit  d'une  femme, 
la  sigle  F  {fili'i)  n'est  jamais'  omise  devant  le  génitif  du  nom  du 


1.  CIA.,  II,  1708,  2056,  2166,  2216,  2547,  2648,  etc. 

2.  Voir  les  exemples  cités  par  le  Thésaurus  grec  s.  v.  ruvrî,  p.  830  A  (Héro- 
dote, IV,  205.  Aristophane,  Ecd.,  46).  A  la  vérité  on  peut  parfois  hésiter  sur 
l'interprétation  p.  ex.  chez  Hérondas  (VI,  25  "n  BiTaTo;  EùêouXrj  ;  VI,  87 
'ApTefiî;  r\  Kavôàxoç,  etc.). 

3.  S.  Reinach,  Traité  d'épiqraphie,  p.  511  «  l'ellipse  de  y'-^^^  est  rare  ». 

4.  Aristoteles  w'^  Athen,  II,  179 

5.  Ici  encore  luo  répertoires  s'expriment  en  termes  dubitatifs  :  «  Quand  on 


INSCRIPTIONS    DE   SINOPE  337 

père;  au  contraire  le  mot  iixor  ou  conjux  l'est  assez  souvent 
devant  le  nom  du  mari,  exemple  :  Caecilia  Metella  Crassi 
(CIL.,  VI,  1274)*.  Cet  usage  est  particulièrement  fréquent  quand 
il  s'agit  d'impératrices  ou  de  princesses  de  la  famille  impériale. 
C'est  ainsi  qu'on  trouve  Lima  Augusti,  Antonia  ûriisi,  Poppaea 
Neronis,  Domitia  Domitiani,  et  pour  nos  deux  Agrippine 
Agrippina  Gennanici  Caes'tris  (CIL.,  XI,  1167  :=:Dessau,  179)  et 
lulia  Agrippina  Ti.  Claudi  Caesaris  Augusti  (CIL.,  VI,  291  zz: 
Dessau,  221). 

Or,  les  Grecs  se  sont  conformés  à  cet  usage  romain  dans  leurs 
dédicaces  à  des  impératrices  romaines.  Par  exemple,  dans  la 
dédicace  delphique  de  Rome  (IG.,  XIV,  1050),  on  lit  *ï»auaT£Tvav 
Ssôaatf/^  Ahprf/dou  Kaicapcç  (Faustine  la  jeune,  femme  de  Marc 
Aurèle),  et  l'impératrice  Sabine,  inscrivant  son  nom  sur  le 
colosse  de  Memnon  (Dittenberger,  0/iens  Graecus,  681),  se 
désigne  elle-même  ainsi  :  SaôsTva  SeôaaTY)  aÙTo/pàxopoç  Kaiaapoç 
'Aâpiavou. 

La  conclusion  forcée  de  cette  petite  digression,  c'est  que  sur 
la  dédicace  de  Sinope  c'est  Agrippine  l'ancienne,  la  femme  de 
Germanicus,  et  non  sa  fille,  qui  est  visée.  Il  y  a  d'ailleurs  deux 
autres  raisons  décisives  pour  l'entendre  ainsi  :  1^  Agrippine  la 
jeune  n'a  pu  obtenir  l'honneur  d'une  statue  qu'à  l'époque  où 
elle  était  devenue  femme  de  Claude  ou  mère  de  Néron  :  or, 
dans  une  inscription  officielle,  on  n'aurait  pas  manqué  de  rap- 
porter l'une  ou  l'autre  qualité,  comme  dans  celle  de  Lesbos 
(IG.  XII,  2,  211)  où  elle  est  appelée  yuvTj  toû  ^z6xai:oi>  ;  2«  aucun 
lien  historique  n'existe  entre  Agrippine  la  jeune  et  Sinope  ;  au 
contraire  nous  savons  par  Tacite  {Annales,  II,  54)  que,  l'an  18, 
Germanicus,   accompagné  de  son   épouse,  visita  Périnthe  et 


trouve  iiii  tiom  de  femme  suivi  d'un  nom  d'homme  au  génitif,  on  peut  être 
pr a.-, que  sûr  que  c'est  «  épou'îe  »  qu'il  faut  sous-entendre  ;  pour  les  filles  on 
ajoute  onLlnairemHnt  le  moifUin  entier  ou  abr«^gé  »  (Ch.  Morel,  Dict.  dea  ant., 
s.  V.  Nom.'^n,  p.  94  B),  On  aimerait  à  connaître  les  exceptions. 

1.  Hubner,   Rom.  Epigraohik  (dans  le  Manuel  d'Iwan    Millier,   2«   éd.,   I, 
p.  677)  cite  encore  CIL,  I.  151  ;  XIV,  3100  et  3115. 


338  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Byzance,  Propontidis  angustias  et  os  Ponticum.  On  ne  dit  pas 
qu'il  prolongea  son  voyage  jusqu'à  Sinope,  mais  c'est  bien  cer- 
tainement à  l'occasion  de  ce  voyage,  comme  l'ont  noté  Gagnât 
et  Lafaye,  que  la  colonie  romaine  affirma  son  loyalisme  par 
l'érection  d'une  statue  à  Agrippine  et  sans  doute  aussi  à  son 
mari. 

5.  —  Tambour  de  colonne  (base  de  statue?)  en  marbre,  exhu- 
mé en  1911  dans  les  fondations  du  mur  situé  en  face  de  la 
plaine  <ï>otviy.(5a  ;  transporté  dans  la  cour  du  gymnase  turc.  Hau- 
teur 1"^,64;  circonférence  2"^, 02. 

r  •  IH2TYAAI0N 
MAZIMON  rrMNA 
2TAPXH2ANTA     KAI 
ZT2TAPXHIANTA 
5  TH2     KOAjQNEIAI     EHI 

OANOI    KAI    AHMO0OI 
NHIANTA    AZiniANTOI 
TOT  AHMOT  KAI  TH2  B0TAH2 
S'HOIZAMENHI 

r  (atôv)  Sy3(7t('j)XXcov 

(:(t)ap5(7](7avTa  xai 
Çucriap^c/jaavTa 

5  TYJÇ  X0Xa)V£iaÇ  £7Ul- 

<pavwç  xal  ^yj^loSoi- 
v^aavxa  .  'A^iwaavxoç 

Statue  érigée,  par  décision  du  peuple  et  du  Conseil,  à  C.  Sex- 
tilius  Maximus,  gymnasiarque,  xystarque,  et  qui  a  offert  au 
peuple  un  banquet. 

Dans  SyjaxuXX'.ov  de  la  copie,  le  second  sigma  (pour  l'X  latin) 
est  normal  ;  il  se  rencontre  (dans  la  transcription  du  nom  Sex- 
tius)  par  exemple  chez  Dion  Cassius,  LUI,  32.  Le  double  X  n'est 
pas  non  plus  surprenant  dans  une  ville  où  nous  avons  vu 


INSCRIPTIONS   DE    SINOPE  339 

Aixi vvioç.  Reste  le  u  qui  au  premier  abord  est  suspect  et  pourrait 
n'être  qu'un  iota  mal  lu,  comme  dans  le  mot  y^H^^'^'^'J^PX'l^^'''^^- 
Toutefois,  dans  l'inscription  de  Cotyaeum,  GIG.,  3829  (lecture 
rectifiée  à  l'appendice,  p.  1058)  la  copie  de  Wolfî  eHETYAIOE 
semble  bien  correspondre  également  à  une  graphie  SyjœiùXioç. 
Et  dans  une  inscription  d'Amisus,  ville  voisine  de  Sinope 
(Cagnat-Lafaye,  Insc.  graec.  ad  Rom.,  III,  97),  on  lit  même 
Sr^cjTjAMaç.  La  leçon  de  M.  Aviérinos  doit  donc  être  respectée. 

On  connaissait  déjà  un  gymnasiarqueà  Sinope  (GIG.,  4157  = 
Robinson  39;  Gagnât  95).  Le  xystarque  y  est  nouveau.  Ge  magis- 
trat, qui  tire  son  nom  du  Huarcç,  lieu  «  nivelé  »  où  s'exerçaient 
les  athlètes,  paraît  avoir  été  préposé  à  tous  les  jeux  célébrés  dans 
une  cité.  La  fonction  était  viagère  et,  ce  semble,  conférée  par 
l'empereur  (Dittenberger,  Oriens  graecus,  n"  714;  Liebenam, 
Stàdteverfassung,  p.  375). 

La  Sy]L>.o9o'.via,  festin  offert  au  public,  est  fréquente  ;  il  n'en  est 
pas  de  même  du  verbe  âY)[;.o6otv£(i)  (cf.  âa[j.oôciv£a)  dans  Gollitz, 
Insc.  diaL  4698). 

Remarquez  le  titre  de  colonie  (xoXwvs'.a)  que  prend  ici  Sinope. 
Cette  colonie,  comme  le  prouve  l'ère  monétaire  de  45  av.  J.-G. 
(sur  certaines  pièces  il  existe,  il  est  vrai,  une  autre  ère  de  70  av. 
J.-G.),  remontait  à  Jules  Gésar.  Le  nom  officiel  était  Colonia  Iulia 
Félix  Sinope  et  la  ville,  si  l'on  en  croit  Ulpien  (Dig.  L,  15,  1, 
§10),  jouissait  àujus  italiciim. 

6.  —  Golonne  de  marbre  (base  de  statue)  provenant  des  murs 
récemment  démolis  au  N.-O.  de  la  ville,  vis-à-vis  la  plaine 
<ï>oivix{Sa.  Hauteur  l'",60.  Girc.  2™,20. 

SACERDOTI 
OMNIVM     CAESAR 
TVETVIRO  •  T  •  FIL  •  GOL 
CAMPESTIR  .  AVGVIR  •  II  •  VIRO 
5  IIVIR  •  a  •  Q  •  II  •  VR  •  JII  •  PANEC  -  [I]rGRATI 

ANVON  •  SACERDOTI    DA LRCVRI 

CONDTOIR  •  PATRIAT  •  H     II  •  MISSO     LECMO 

ACOLONAI   NVRBEMSIKEVIATCO 


340  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

SEMELOVIDEMARDDIVOM     HADRIANVM... 
10  III    AVEM    ADOPTIMVM    MAXIMVM  OVE... 

BISIMPCAESAR  •  T  •  AELIVM    h[a]dRIANVM.  . . 
ANTONINVM  •  AVC  •  PIVM 

EX  DD 

VICVSCOPDY 

Sacerdoti 

omnium  Caesar[utn 

T.  Velu{ri)o  T.  fil.  (^C)ol. 

Campestri,  auguri,  II  viro^ 
5        II  vir(o)  q{idn)q{tiennalï) ,  //  v{t)r(p)  III 

...  sacerdoti  d(ei)  [M]ercuri, 

condilo(ri)  patria(e)y  II II  misso  leg(at)o 

a  colon{i)a  in  Urbem  si(n)e  viat(i)co, 

semel  {q)uidem  ad  divom  Hadrianum, 
10       III  au(j)em  ad  optimum  maximum{q)ue  [dominum  or 

bis  imp.  Caesar.   T.  Aelium  Hadrianum 

Antoninum  Au{g).  Piiim. 

Ex  d{ecurionuni)  d(ecreîo) 

viens 

Statue  érigée,  en  vertu  d'un  décret  du  Conseil,  par  une  bour- 
gade (?)  du  territoire  de  Sinope  à  Titus  Veturius  Gampester, 
fils  de  Titus,  de  la  tribu  Collina  qui  a  exercé  les  fonctions  sui- 
vantes :  prêtre  des  Empereurs,  augure,  trois  fois  duumvir 
iuri dicundo  dont  une  en  qualité  de  qiiinquennalis  (censeur)..  . 
prêtre  de  Mercure,  chargé  de  quatre  ambassades  gratuites  à 
Rome,  dont  une  auprès  d'Hadrien  et  trois  auprès  d'Antonin. 
'  La  transcription  de  ce  texte  est  particulièrement  défectueuse 
parce  que  les  copistes  grecs  sont  peu  familiers  avec  l'écriture 
latine. Quatre  fois  le  groupe  RI  est  devenu  \k  (1.  3,  4,  7),  des  C 
sont  pris  pour  des  G  et  réciproquement,  des  Q  pour  des  O; 
des  lettres  sont  omises  {colona,  1.  8;  viatco,  avem,  1.  10)  ou 
ajoutées,  etc.  ;  enfin  le  copiste,  ne  saisissant  pas  bien  le  sens 
même  de  ce  qu'il  peut  lire,  ajoute  à  la  fin  des  lignes  l'indication 
de  lacunes  imaginaires,  qui  risquent  d'induire  en  erreur. 


INSCRIPTIONS   DE   SINOPE  341 

L.  1-2.  Sacerdoti  omnium  Caesar[um.  C'est  la  prêtrise  de 
Rome,  d'Auguste  et  de  ses  successeurs,  qui  constitue  tantôt  un 
sacerdoce  provincial,  tantôt  (comme  ici)  municipal.  Ce  sacer- 
doce était  sans  doute  considéré  comme  la  plus  haute  dignité 
dans  la  cité,  et  c'est  pourquoi,  dans  notre  texte,  il  est  men- 
tionné en  tête  de  toutes  les  fonctions  remplies  par  Veturius,  et 
même  avant  l'indication  de  son  nom.  Le  prêtre  du  culte  des 
empereurs  est  ordinairement  désigné  sous  l'appellation  de 
sacerdos  (ou  flamen)  Aiigustorum^  divoriim,  Augustorum ,  divo- 
rum  omnium.  L'expression  Caesarum  ici  employée  est  un 
hellénisme,  comme  nous  en  trouverons  plusieurs  dans  la  suite 
de  l'inscription.  Une  inscription  latine  de  Sinope  (CIL.,  III,  6980) 
mentionne  déjà  un  sacerd{os)  ïw/?(eratoris)  Caesaris  Aug{usii). 

L.  3-4.  T,  Veturio  T(iti)  f{dio)  Col{lina)  Campestri.  Le  sur- 
nom Campester  s'est  déjà  rencontré  dans  diverses  familles 
iProsop.  imp.  rom.  II,  321,  n^  53;  Dessau  7631  =  CIL,  X, 
7040,  etc.). 

Le  personnage  appartient  à  la  vieille  tribu  Collina,  où  l'on 
a  inscrit,  à  l'époque  impériale,  beaucoup  d'Asiatiques  devenus 
citoyens  (Mommsen,  Staatsrecht,  III,  443). 

Notre  inscription  infirme  l'opinion  de  Mommsen  (CIL,  III, 
p.  46)  et  de  Kubicek  [Imperium  Romanum  trihutim  descripium, 
Vienne,  1889,  p.  252)'  suivant  laquelle  la  colonie  de  Sinope 
aurait  fait  partie  de  la  tribu  Pollia,  la  «  tribu  castrensis  »  {Eph. 
epig.,  V,  14).  Cette  opinion  se  fonde  exclusivement  sur  une 
inscription  de  Schlossau  dans  la  vallée  du  Neckar  (Orelli,  6787; 
Brambach,  C.  Im.  Rhen.,  1732;  CIL,  XIII,  II,  1,  n«  6502)  ainsi 
conçue  : 

FORTVNAE    SAC(f«m) 

BRiTTONES  TRipÇuHenses') 

QVI   SVNT   SVB    CVRA 
T   MANI   T   F   POLLIA 
5       MAGNl    SENOPE    («'cj 

;(z=  centurionis)  leg  xxii  p  p  f  o{piis)  vÇerfecerunt) 
{.  Kt  déjà  antérieurement  dans  sa  dissertation  de  1982,  De  Romanorum  tri- 


342  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Il  résulte  bien  de  ce  texte  qu'un  certain  T.  Manius  Magnus, 
originaire  de  Sinope,  appartenait  à  la  tribu  Pollia  ;  mais  une 
hirondelle  ne  fait  pas  le  printemps.  La  seule  autre  inscription 
à  ma  connaissance  qui  mentionne  la  tribu  d'un  Sinopien  est  la 
dédicace  à  G.  Numisius  Primus  (CIL,  111,  6980)  qui  débute  ainsi  : 
C.  Numisio  Sp.  f.  QuO^rina)  Primo  Nauarcho^  sacerd[oti)  imp. 
Caesaris  Aug.,  etc.  Voilà  donc  trois  individus,  originaires  de 
Sinope,  enregistrés  dans  trois  tribus  différentes,  Pollia,  Qui- 
rina,  Collina.  On  voit  par  là  combien  il  faut  se  méfier  de  con- 
clure hâtivement,  d'après  un  exemple  unique,  à  la  tribu  d'une 
cité  entière  ^ 

L.  4-5.  Aiiguri,  duiimviro,  duumviro  qiiinqtiennali,  duumviro 
tertio. 

C'est  la  première  fois  que  l'augure  figure  parmi  les  magis- 
trats de  Sinope.  Pour  le  duumvirat  et  le  duumvirat  quinquen- 
nal, voir  l'inscription  déjà  citée  de  G.  Numisius  Primus  (GIL, 
III,  6980)  ...aed.  II  vir.  iter.  Ilvlr.  quinq. 

Les  duomri  iuri  dicundo,  principaux  magistrats  annuels  de 
la  colonie,  prenaient  tous  les  cinq  ans  le  titre  de  duomri  quin- 
quennales et  étaient,  en  cette  qualité,  chargés  du  cens.  Le 
«  quinquennaliat  »  roule  donc,  si  l'on  peut  dire,  avec  le  duum- 
virat ordinaire  et  l'on  comprend  que  Veturius,  après  avoir  été 
1°  duumvir  ordinaire,  2°  quinquennal,  élu  de  nouveau  duumvir 
s'intitule  duumvir  tertio.  Régulièrement  même,  à  l'occasion  de 
sa  censure,  il  aurait  pu  et  dû  s'intituler  duumviro  II  quinquen- 
nali  comme  Holconius  Rufus  (GIL,  X,  837)  et  d'autres.  Voyez 


huum  origine  ac  propagaiione  {Abhandl.  d.  arch.  epig.  Seminars,  Wien,  III) 
p.  127. 

1.  Ce  nom  est  écrit  par  Kubicek  avec  une  minuscule  initiale,  mais  je  doute 
fort  qu'il  y  ait  eu  à  Sinope,  sous  l'empire,  un  magistrat  appelé  navarque.  (Le 
Tiovtrapx/i;  de  CIG.,  4157  —  Robinson  39  est  tout  autre  chose).  Nous  voyons,  en 
outre,  par  l'inscription  de  T.  Veturius,  que  le  sacerdoce  des  empereurs  doit 
figurer  en  tête  du  cursus.  Nauap/o;  comme  nom  propre  est  attesté. 

2.  Il  se  pourrait  qu'une  quatrième  tribu,  la  Publilia,  fut  mentionnée  dans 
l'obscure  inscription  bilingue  Robinson  51  :  ^JI^to;  'EYv[âTto;]...  |  'EyvaTÎou^ 
0...  I  àTi]b(?)Tri;  (TTtetpy);...  |    P]ublilia  Urb... 


INSCRIPTIONS   DE   SINOPE  343 

Mommsen  (CIL,  X,  p.  92)  ;  Liebenam,  Diwviri  dans  Pauly-Wis- 
sowa,  col.  1809. 

L.  5-6.  Panec.  ..rgrati  \  anvo?i. 

Je  ne  puis  rien  tirer  de  certain  de  ces  mots  évidemment  mal 
copiés.  PANEC  est  probablement  PANEG  (cf.  plus  haut  la  faute 
inverse  GOL  pour  COL,  et  plus  bas,  1.  7,  LEC  pour  LEG).  On 
pourrait  supposer  que  Veturius  a  exercé  les  fonctions  de 
TTjzvrfi'upiapxYîç,  ordonnateur  d'une  panégyrie,  fréquemment  men- 
tionnées à  l'époque  impériale  (Liebenam,  Stàdteverfassiing , 
p.  375,  note  2).  Mais  l'abréviation  de  ce  titre  grec  est  peu 
admissible.  Ou  bien  Veturius  a-t-il  été  chargé  de  prononcer  le 
panégyrique  de  l'empereur  et  faut-il  chercher  dans  les  lettres 
RGRATIANVÔN  les  mots  [i7npe]rat.  An{t)on{mi)'>  Cela  est  infi- 
niment risqué.  Le  groupe  ANVON,  s'il  ne  cache  pas  quelque 
mention  de  l'annone,  pourrait  être  un  lapsus  pour  ANNVO  (cf. 
CAMPESTIR  pour  campestri,  etc.)  et  se  rattacher  à  sacerdoti. 
Le  sacerdoce  annuel  (par  opposition  au  sacerdoce  viager,  5ià 
^io'J)  est  la  règle  dans  les  cités  grecques  (Ph.  E.  Legrand,  dans 
le  Dict.  des  Antiq.,  s.  v.  Sacerdos,  p.  938),  à  la  différence  de  ce 
qui  se  passait  à  Rome 

L.  6.  annuo  (?)  sacerdoti  d[ei^^)  [M]ercuri. 

Le  culte  d'Hermès-Mercure  était  déjà  attesté  à  Sinope  par  les 
monnaies  de  l'époque  impériale  qui  représentent  soit  ce  dieu 
(Babelon-Reinach,  n^^^  132,  144)  soit  son  caducée  (n^^  114,  118, 
124,  139  ;  le  plus  ancien  exemple,  qui  sera  décrit  dans  la 
deuxième  édition,  est  un  bronze  de  Marc  Aurèle  César  à  Pétro- 
grad).  Une  inscription  bizarre  copiée  par  Robinson  (n^  64) 
mentionne  6PMHC  à  côté  de  Thémis,  Hélios,  Séléné,  Hydrêchoos 
et  Sirius!  A  cette  occasion  Robinson  a  rappelé  le  temple  et  la 
statue  d'Hermès  à  Trapézus,  colonie  de  Sinope  (Arrien,  Perip. 
Eux,,  3). 

L.  7.  conditori  patriae.  —  Hellénisme,  que  je  ne  me  souviens 


1.  La  copie  a  DA,  qui  certainement  s'éloigne  beaucoup  de  DEL  i^&is  je  ne 
trouve  pas  de  restitution  plus  satisfaisante. 


I 


344  ftEVÙE   ARCHÊOLOGiQUÊ 

pas  d'avoir  encore  rencontré  dans  une  inscription  latine.  Les 
Grecs  appliquent  cette  épithète,  xt'cjtt;?  x-qç  x6X£(.)ç,  vr,q  r.x-zp'.ooc, 
môme  à  des  consuls  ou  à  de  grands  personnages  romains  pour 
lesquels  elle  n'oiïre  qu'un  sens  métaphorique  «  ubi  nihil  aliud 
indicandum  sit  quam  hominem  aliquid  ad  commodum  civitatis 
contulisse  »  (Dittenberger,  Orleiis  graecus,  II,  p.  125). 

L.  7-8.  Quater  misso  legato  a  colonia  in  Urbem  sine  viatico. 
On  rappelle  souvent  le  nombre  total  des  ambassades  à  Rome 
confiées  à  un  même  personnage  (Gagnât,  Dict.  des  antiq.^  v. 
l.rgotio,  p.  1036).  Gomme  elles  grevaient  lourdement  le  budget 
communal  s'il  fallait  les  payer,  on  souligne  volontiers  le  fait  que 
le  citoyen  honoré  a  accepté  de  les  remplir  gratuitement,  gra- 
tiiito,  TCpoTxa,  £x  Twv  tSiwv,  etc.  Mais  quoique  l'indemnité  de  route 
s'appelle  bien  en  latin  viaticum  (ou  iegaiivum),]e  ne  me  souviens 
pas  d'avoir  jamais  rencontré  dans  un  texte  latin  la  locution 
sine  viatico  pour  gratniio  :  c'est  encore  un  hellénisme,  le  grec 
àv£Î>  £çc5{o)v,  qui  s'est  trouvé  par  exemple  à  Mylasa  (Le  Bas- 
Waddington,  n<>  395). 

L.  9-12.  Semel  quidem  ad  divom  H adriamtm ,  ter  aiitem  ad 
optimum  maximuinque  [dominiim  or]bis  imp,  Caes.  T.  yEHiim 
Hadrianum  Aug.  Pium. 

La  restitution  [dominum  or]his  est  la  plus  courte  et  la  meil- 
leure à  laquelle  on  puisse  songer  :  les  qualificatifs  optimum 
maximumque,  fréquemment  appliqués  à  Antonin  le  Pieux 
(Dessau,  845,  2666  A,  2735,  5503),  exigent  après  eux  un  substan- 
tif distinct  de  imperatorem,  ordinairement  principem,  ici  domi- 
num orbis.  Il  est  vrai  que,  dans  les  inscriptions  latines,  cette 
désignation  hyperbolique  n'apparaît  que  beaucoup  plus  tardi 
vement,  au  temps  des  Gonstantin  (GIL,  V,  3331),  des  Julien 
(Dessau,  751,  754),  des  Valentinien  et  Valens  {rb.  5910).  Mais  ici 
encore  l'adulation  grecque  a  devancé  la  servitude  romaine. 
Nous  voyons  déjà  Marc-Aurèle  qualifié  à  Hiérapytna  de  xùpioç 
r?;;  c'.xou;jivY);  (GIG,  2581),  de  même  L.  Verus  {ib.  2582).  Pour 
Antonin  lui-même,  outre  l'inscription  de  Iotapa(GIG.,  4416)  oii 
l'on  peut  hésiter  entre  xjp'.o;  et  v.xiivr^z  tyjç  olx.,  nous  avons  le 


INSCRIPTIONS   DE  SlNOt»E  345 

propre  témoignage  de  Tempereur  répondant  à  un  pétitionnaire 
de  Nicomédie  :  Iyo)  {J.£V  xou  7,ca[;.o'j  xupicç,  6  Bà  véi).cq  x^ç  ôaAaaar^ç 
(Digeste,  XIV,  2,  9).  Quoi  qu'il  en  soit,  notre  inscription,  si 
Ton  admet  ma  restitution,  est  le  plus  ancien  exemple  de  cette 
manière  de  parler  dans  un  texte  épigraphique  latin. 

L.  d3-14.  ex  d[ecurio7ium)  d{ec?'eto)  viens  COPDY. 

Quoique  le  monument  ait  été  érigé  par  ordre  du  Sénat  de 
Sinope,  il  est  bien  possible  que  l'initiative  et  les  frais  en  revins- 
sent à  un  des  vici  entre  lesquels  se  partageait  le  territoire  de 
la  colonie  :  une  division  analogue  est  attestée  àAriminum  et  à 
Antioche  de  Pisidie  (Liebenam,  op.  ciL,  p.  225).  La  lecture 
VI CVS  peut  donc  être  conservée;  mais  que  faire  du  monstrum 
COPDY  avec  son  impossible  Y  ?  Aucune  des  corrections  qui  se 
sont  présentées  à  mon  esprit'  ne  me  satisfait  suffisamment  pour 
que  je  la  propose  :  auxilium  lapidis  expectandum. 

7.  — Plaque  de  marbre  haute  de  2^^,20,  large  de  0»°, 88".  Versle 
haut,  deux  bustes  d'homme  ;  au  bas,  un  navire  de  type  hellé- 
nique. Découverte  hors  des  murs  dans  l'isthme  et  transférée 
depuis  dans  une  salle  de  la  préfecture.   Texte  très  détérioré 

(Xiav  '^y.pwT-^ptaff'txévr^). 

XAi  P  OIC 

o    o 

nAPO         AEI  TA 

(OnOAAAIPAKYEAI)   KAAAINIKOC 
KYMATA  ETMEYI  AMOH-E--XA 
5       THN  NAYKAHPIÀN    ONIOAAAI    lA 

AENPY0  OnOY  KEI NN 

PP K--OYA A 

--nE--TAA--TKAAAION 

NION   BOYN  OMOIP  N  0  IN  TOTHA 


1  COPTV(=  K^TTioo),  COPRV(=:  K6itpoj),   CORDI,  GORDIV  v^cms 

Gordiu  =  Topûtou  xwjjlyi,  mais  pas,  bien  entendu,  la  bourgade  appelée  sous 
l'empire  Juliopolis  et  qui  se  trouvait  à  l'autre  extrémité  de  la  province. 

2.  Les  dimensions  indiquées  par  Robinson  sont  différentes(haut.  lm,34,larg. 
On. ,70  ;  ép.  0i»,16.  Lettres  de  15  à  20  mill.). 

V   SÉRIE,  T.   III.  23 


346  Revue  archéologique 

10       nON  K  lOEA  A  AlAnATA  ET 

PEN  ne  ETIOT  TON  (KOjnON  AIE 
TE0H    BOYAEYMATA    lOYAIOC    KAAAI 
NHKOC  NATKAHPOC 
C  OAAOI  I 

15  AI 

Cette  inscription  a  été  mentionnée,  mais  non  publiée  par 
Robinson  dans  V American  Journal  of  Philology,  1906,  p.  448. 
Il  en  avait  reçu  une  copie  par  M.  Myrodès,  qu'il  jugeait  trop 
imparfaite  pour  la  publier.  Il  se  contenta  d'en  reproduire  les 
premières  lignes  ainsi  : 

Xapoiç  {sic)  TuapoSeÎTa  •  o  TucXXà  TiXsuaaç  KaXxsixoç  {sic)  xu[ji.aTa 
et  les  dernières 

'louXioç  KaXTC£i7.oç  [sic]  vauxXyjpoç  evôàBs  xsTxat 

L'inscription  est  en  vers  (trimètres  iambiques),  mais  pré- 
cédée et  suivie  de  formules  en  prose. 

La  copie  de  M.  Aviérinos,  pas  plus  que  celle  de  M.  Myrodès, 
ne  se  prête  à  une  restitution  intégrale.  Cependant,  avant  même 
de  connaître  l'article  de  Robinson,  j'avais  ainsi  restauré  et 
communiqué  à  l'Association  des  Études  grecques  le  commence- 
ment de  ce  texte  : 

Xatpotç  TrapoBsTTa. 
*0  TuoXXà  TuXeùaaç  KaA)a'viîccç  7,u[j.aTa 

Ma  conjecture  TTAEYCAC,  tirée  de  la  transcription  IPAKYEAI  '^ 
d' Aviérinos,  est  heureusement  confirmée  par  la  copie  de  My- 
rodès, et  prouve  que  la  critique  épigraphique  n'est  pas  une 
simple amusette.  —  KAAAINIKOC  d' Aviérinos  (cf.  1.  12-13)  doit 
sûrement  être  préféré,  ne  fut-ce  qu'à  cause  du  mètre,  au 
KAATTEIKOC  de  Myrodès.  Ma  restitution  du  deuxième  vers  me 
paraît  se  justifier  très  bien  au  point  de  vue  paléographique. 

Aviérinos     ETMEYI       AMOH  • 
devient      EHAETCE  AH0EN 


INSCRIPTIONS   DE   SINOPE  347 

Quant  au  reste  de  Tépigramme,  iTzi^ia.  Je  ne  puis  même  déter- 
miner avec  certitude  le  nombre  de  vers  jusqu'au  mot  xctcwv 
(1.  11)  où  paraît  se  terminer  le  texte  poétique. 

Aux  1.  5-6  (vers  3)  on  peut  conjecturer 

ov  "^  SàXaaaa  B'(?)£V  pu6w  tcou  xsi'iasvov 

OU  quelque  chose  d'approchant. 
Auxl.  10-11  (vers??): 

àva'TrauXav  eOpsv  waie  (?)  toioutwv  xottwv. 

Cf.  CIG,  6860  B  (Kaibel,  Epig.  650)  :  Xa^^^v  toBs  gyjja'  àvàirau- 
fjLat  I  vouatov  /.al  /,a[j.àTOto  xal  cHy^eoq  rfiï  tuovoio. 

Les  dernières  lignes  (prose)  peuvent  se  lire  : 

hexi^-q    (3oi>X£uiJi.aTa  *.     'loJXcoç    KaXXivixoç    vaùxXrjpoç     èv9a§£   XET-cai 

(ces  deux  derniers  mots  d'après  la  copie  de  Myrodès). 

A  propos  de  cet  armateur  (vaj/,AYîpoç)  de  Sinope,  Robinson 
rappelle  un  décret  de  proxénie  de  Chersonèse  publié  par  Laty- 
schew  (Inscr.  Ant.  orae  sept.  P.  Eiixini,  IV,  n°  72),  en  l'honneur 
de  r.  Kaioç  EÙTu^iavoç  vauxXapoç  Sivwxsuç.  Mais  le  libellé  du  décret 
n'indique  nullement  qu'il  s'agisse  d'un  armateur,  et  Latyschew 
considère  Nauv.Xapoç  comme  un  nom  propre. 

8.  — Plaque  de  marbre  brisée  en  haut  et  des  deux  côtés.  On  y 
voit  un  bas-relief  représentant  une  femme  vue  de  trois  quarts  ; 
assise  sur  un  fauteuil,  la  main  droite  appuyée  sur  le  bras  du 
siège,  la  gauche  posée  sur  son  genou.  Derrière  elle  une  servante 
porte  un  mouchoir  (?)  à  ses  yeux  et  semble  pleurer  ;  sous  le  siège 
une  édicule  (Tcaps/.Xr^aiov).  Sur  la  base,  séparée  du  sujet  par  une 
moulure,  divers  reliefs  —  motifs  de  marqueterie  (d^r^çiSwiAaTa), 
amours,  têtes  de  taureaux —  en  deux  registres.  Comme  la  pré- 
cédente, cette  plaque  provient  du  S.  0.  de  la  ville  (région  de 
l'isthme)  et  a  été  transportée  dans  une  cave  de  la  préfecture. 


i.  C'est-à-dire  «  ses  dernières  volontés   ont  été  déposées   par   écrit  »  ;  en 
d'autres  termes,  il  a  laissé  un  testament. 


348  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

PAEL   •  POMPEIVS  •  VETER  •  EXC 
CARNVN    IVMPANONIAE  •  SVPERIORIS  • 

NVMERIAE    PROCOPETICO 

PIISSIMAE    Q  •  PVDICITIAE   CASTITA 

5       aVAE   VIX[t]t  •  ANN  •  L-  CTMIHIVIVV 

OBITVM    NOSTRVM    APERVERIT    S 

DABITPOENAE    NOMNEREIPVBL  •    SPL 

SINOP  •  DENAR  -  aVIN    QVEMILIA  *  SIMV 

KAPN 
1  HAIA  •  nOMOHIOC  EZ  EKATONTAPXIAC 
10    2  nPOKOnH   rYNAlKI  eatot  eycetectathn 

3  CEMNOTHTI  CW(1)P0CTNHX  MEMAPTTPHMAI 

4  CH  •  ETECIN  •  N     KAI  EATTO  ZON   EBHKA  EAN  AE 

5  TOHMACKATATE0HNAITOAMHCACANOIIEITAT 

6  nTAlAON  AWCEI  HPOITEIMOT  TH  AAMnPA 
15     7  KOAWNEIA  IINWnH  •  X  •  HENTAKIIXEIA 

8  YnETGTNOI  E2TETH2TTMBWPTXII  ■ 

P.  j^l.  Pompeius  veter{anus)  ex  cÇenturione)  [natus? 
Carnun(t)um  Pan(n)oniae  superioris 
Numeriae  Procopeti  co[niugi  sanctissimae  ? 
piissimaeque,  pudicitiae  castita[tis  eximiae? 
5     quae  vixit  ann.  L  {e)t  mihi  vivu[s  feci.  Si  quis  post 
obitumnostriim  aperuerit  s[arcophagum  istum? 
dabît  poenae  nom{i)ne  rei  puhl.  spl.  [coloniae 
SinopÇensîs)  denar.  quinque  milia^  simu[l  sepulcri  violati  reus  erit'l 

Kapv[ouTTvoç? 

1  n.  Ai.'X(toç)  ncjj.iï'^ioç  ic,  ÏY.xio^xcf.gyioLq 

10     2  npoxoTuf)  Yuva'./.l  lau(T)ou  £Ùj£(6)£aTaT'^  [xal  sTut 

3  aepLVÔTr^Tt  awçpoauvr^ç  {ji,£[ji.apTup'r;[;.(£)[vY;,  (Siwaa- 

4  jyj  £T£(7tv  V  y.al  èauTG)  ^wv  è'Or^/.a  •  èàv  Séfitç,  ^zvx. 

5  To  -^iJLa?  xaxaxeO^vat,  ToXfJiYjaaç  âvo(ç£i  Tau[TY3V  Ty)v 

6  7uu(£)Xov,  3wai£t  7:ç)0ù'zzi\).Q\i  tyJ  Xa{ji.7:pa 
15     7  xoXtovîia  SivwkYJ  X  '::£VTaxt(Ty£iX[ia  y.al 

8  07:£69uvo;  £ai(a'.)  tyjç  Tupi.6a)pu;(i(a)ç 

Monument  funéraire  de  P.  Aelius  Pompeius,  vétéran,  ci-de- 


INSCRIPTIONS    DE    SINOPE  349 

vant  centurion,  originaire  de  Carnuntum,  dans  la  Pannonie 
supérieure.  Il  l'érig-e  de  son  vivant  à  lui-même  et  à  sa  femme, 
décédée  à  Tâge  de  50  ans,  Numeria  Procopé.  L'usurpateur 
payera  une  amende  de  5  000  deniers  au  trésor  public  de  Sinope 
et  sera  poursuivi  pour  viol  de  sépulture. 

Cette  inscription  est  le  premier  texte  bilingue  découvert  à 
Sinope,  ville  bilingue  par  excellence,  si  l'on  excepte  le  court 
fragment  n"  51  de  Robinson,  dont  la  restitution  est  très  dou- 
teuse. Dans  notre  document,  le  texte  grec  aussi  bien  que  le 
latin  présentent  des  lacunes,  mais  en  combinant  les  deux  ver- 
sions on  arrive  presque  partout  à  une  restitution  assurée.  Tou- 
tefois il  ne  faudrait  pas  considérer  le  texte  grec  comme  calqué 
littéralement  sur  le  latin  ;  dans  des  passages  bien  conservés  de 
part  et  d'autre,  on  constate  des  divergences  d'expression  peu 
importantes,  mais  certaines,  qui  doivent  nous  mettre  en  garde 
ailleurs  contre  une  traduction  trop  servile. 

L.  1-2  du  texte  latin,  correspondant  à  1.  1  (9)  du  texte  grec. 
ex  centurione  (cf.  Dessau,  2778,  4323,  6855,  etc.)  se  traduirait 
plus  correctement  par  olt.o  £7.aTGVTàp)^ou  {Imc.  Graec  ad  res  Rom., 
III,  1219);  £?est  un  latinisme  dont  on  peut  rapprocher  va  Poy)6ou, 
I;  ::pwr/^y.Topoç  dans  une  inscription  de  basse  époque  {ibid.,  I, 
1481),  mais  èxaTovTap/'a;  au  lieu  de  £/.aTovTdcp)jc'j  est  tout  à  fait 
insolite.  Quant  au  mot  vateranus  on  peut,  à  la  rigueur,  en 
suppléer  la  traduction  grecque  à  la  fin  de  1.  9,  qui  paraît  plus 
courte  que  les  suivantes.  Le  lapicide  a  ajouté  en  surcharge  l'in- 
dication de  la  patrie  —  Kapvfouitvoç?]  —  qu'il  avait  omise. 
Dans  le  texte  latin,  Carnuntum  pour  Carnuaio  est  une  faute  bien 
difficile  à  admettre.  En  suppléant  dubitativement  nalus'  je  me 
suis  inspiré  de  l'inscription  CIL.,  VI,  700  (Wilmanns,  2655)  où 
on  lit  :  natMS  in  Siiria  Ninbyn. 

Pannoniae  supérioris.  La  Pannonie  a  été  divisée  en  deux  pro- 
vinces l'an  106  ou  107  ap.  J.-C.  (Dict.  des  antiq.,  v.  Provincia, 
p.  725).  C'est  donc  là  un  terminus  pont  quem  pour  notre  inscrip- 

1.  ad  ou  a-pud  Carnuntum  serait  correct  mais,  je  croi?,  sans  exemple. 


|i 


350  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

tien,  mais  elle  est  sûrement  beaucoup  plus  récente.  Je  ne  la 
crois  pas  antérieure  au  règne  de  Marc  Aurèle,  où  apparaissent 
les  premières  amendes  funéraires  dans  ces  régions. 

L.  3-5  du  texte  latin  =  2-4  (10-12)  du  texte  grec. 

Le  nom  de  femme  Ilpoy.oizq  s'est  déjà  rencontré  sous  sa  forme 
latine  Procope  (CIL,  VI,  25075  =  Dessau,  8498),  mais  le  datif 
Procopeti  est  bien  singulier  :  comparez  pourtant  Aelianeti^ 
Dessau,  8195  *.  Le  texte  grec  omet  le  gentilice  Numeria,  à  moins 
qu'il  ne  faille  le  suppléer  à  la  fin  de  la  1.  9. 

EAYOY,  EYCEYECTATHN  peuvent  être  attribués  soit  au  lapi- 
cide,  soit  au  copiste;  mais,  malgré  la  première  personne  à'6r<y,a 
(1.  12),  il  ne  faudrait  pas  corriger  eauou  en  àjjLauxou;  cf.  èau-cw  à  la 
1.  12.  De  pareilles  incohérences  ne  sont  pas  rares  dans  les  in- 
scriptions funéraires.  Voyez  à  Sinope  même  Robinson,  n°  44  : 
MaÇipLOç  laipoç  lÔY^xa  tyjv  aopov  èauTW  xal  Zoyj  t^  ^\^^ici.iv,l  [jlou. 

A  la  1.  11  (jt,£[j.apTupY3[jLai[vY]  pour  [jL£[j.apTupy)pis[vY3  est  assez  trou- 
blant. Cf.  pourtant,  plus  bas,  xuaiXov  pour  TiueXov  et  inversement 
saie  pour  la-caL 

gtwaaaY]  sxeatv  v  peut  être  considéré  comme  un  latinisme  :  on 
trouve  assez  souvent,  à  cette  époque,  vixit  annis^  mensibus  ...  au 
lieu  de  annos,  menses. 

L.  5-8  du  texte  latin  =  4-8  (12-16)  du  texte  grec. 

Nous  avions  déjà  à  Sinope  un  exemple  d'amende  funéraire 
au  profit  de  la  colonie  (Robinson,  n°  43),  mais  de  1.500  deniers 
seulement,  tandis  qu'elle  atteint  ici  5.000  deniers,  ce  qui  est  à 
peu  près  le  tarif  maximum  dans  les  provinces  ^ 

A  côté  de  cette  amende  ou  plutôt  de  cette  clause  pénale  sti- 
pulée ordinairement  au  profit  du  trésor  locaP  ou  impérial  — 
poena,  irpocrieijxov,  jamais  muita  — ,  dont  les  exemples  sont  nom- 


1.  On  ne  peut  guère  songer  à  corriger  PROCOPE  T-  F*  Le  scribe  au- 
rait sûrement  écrit  PROCOPAE-  ^ 

2.  Cf.  Mommsen,  Rom.  Strafrecht^  p.  817. 

3.  rei  pM6/(icae)  sp/(endidae)  [coloniae]  Sinop(ensis)  (cf.  Plin.  Ep.  X,  91 
coloniam  Sinopensem)  doit  naturellement  se  traduire  «  au  trésor  public  de  la 
colonie  ». 


INSCRIPTIONS    DE    SINOPE  351 

breux  dans  TOrient  grec  et  en  Italie  à  partir  de  la  seconde  moitié 
du  II®  siècle  ',  les  textes  grecs  ouvrent  l'action  de  Tu[jt.6(i)pux(a  qui 
paraît  correspondre  à  l'action  prétorienne  sepiilcri  violati  (Dig., 
47,  12).  Cette  dernière  action,  primitivement  réservée  à  la 
famille,  avait  fini  par  être  étendue  à  tout  venant  et  comportait 
une  condamnation  à  100  aurei  =  10.000  sesterces  au  profit  du 
demandeur  (Dig.  47,  12,  3pr.).  Ce  n'est  que  bien  plus  tard  qu'il 
est  question  de  peines  corporelles  (CIL,  V,  8761 ,  iv®  siècle).  L'ac- 
tion prétorienne  n'est  pas,  à  ma  connaissance,  mentionnée 
dans  les  inscriptions  latines  d'époque  impériale  ;  il  serait  donc 
intéressant  de  savoir  exactement  comment  était  traduite  la 
phrase  grecque  relative  à  la  TuixSwpuyia,  traduction  annoncée  et 
amorcée  par  le  mot  SIIVIV[L].  Le  supplément  proposé,  qui  s'ins- 
pire des  textes  du  Digeste,  est  un  peu  long  pour  l'étendue  pro- 
bable de  la  lacune. 

9.  —  Plaque  de  marbre  haute  de  2'", 12,  large  de  0"^,45^  Au 
sommet  un  buste  d'homme  en  relief.  Conservée  avec  d'autres 
fragments  de  sculpture  dans  une  salle  de  la  préfecture. 

or  TAO02  AAAA  AI0OI  ITHAH  MO 

NON  •  ECTH  AE  CHMA 
NAPKICOT  nOAAAI  OinOTE 
XEN  XAPITA2 
5       HN  AfAGOI  KAI  HANTA  KAAA02 
0PEII  AEIXEN  AAHOni 
ATTHN  THN  OTAIOT  NE2T0P0Z 

ETEniHN  •  , 

n  00ONE  nANAAMATflP  KAI  TAP  2E 
10  KAAni  KATAAEZn 

or  KAI  AH  TOinN  OAAHMENHN 
MEPOnON  • 

Variantes  de  la  copie  Myrodès  (Robinson).  L.  1.  CTHAH 
2.  ECTI     3.  NAPKICCOY     5.  KAAOC      10.  KAKHC. 

1.  Dessau,  n"  8209-8258;  Liebenara,  Slàdteverwaltung ,  p.  49  suiv. 

2.  Les  dimensions  indiquées  par  Robinson  sont  :  hauteur  lo»,27  ;  largeur 
0'>,  60;  épaisseur  O'^tlô.  Lettres  de  15  à  20  millimètres. 


352  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

Où  Taçoç,  àXka  Xiôoç  avr^Ti  [j.6vov  •  ècxl  Bà  a^|ji,a 
Napxiaaou,  TroAXàç  cç  ttct  '  l}(£V  )jàptTaç. 

*Hv  âyaOcç  xal  Tuàvia  y.aXoç,  çpsal  B'  sT^^ev  àXr^ôûç 
aÙTYJV  TYjV  IluAiou  NéjTopoç  £'J£T:{r^V. 

^Q  $Ô6vc  7ravBa[;.àTa)p,  xai  vàp  aà  xaxwç  xaTaXéÇw^ 

O'JX  'At3Y3(v),   Tc((i)V  oXXutjivtOV   {J.£p6TU(0V. 

Épitaphe,  en  distiques  élégiaques,  de  Narcisse  (jeune  avo- 
cat?), qui  fut  de  son  vivant  plein  de  grâces,  de  vertus  et  d'élo- 
quence. Le  monument  est  un  cénotaphe. 

L'épigramme,  que  je  croyais  inédite  lorsque  je  l'ai  présentée 
à  l'Académie  des  Inscriptions,  a  été  en  réalité  publiée  déjà  par 
Robinson  dans  V American  journal  of  Philologij,  1906,  p.  448, 
d'après  une  copie  de  Myrodès.  Cette  copie  donne  la  même  divi- 
sion de  lignes  que  celle  d'Aviérinos  et  en  diffère  par  quelques 
variantes  orthographiques  insignifiantes  que  j'ai  notées;  la 
seule  variante  importante  est  celle  de  la  1.  10,  xaxw;  au  lieu  de 
x;cXo)ç;  je  crois  la  leçon  de  Myrodès  préférable,  quoique  xaXwç 
puisse,  à  la  rigueur,  s'interpréter.  A  noter  aussi  que,  d'après 
Myrodès,  tous  les  sigma  ont  la  forme  carrée  (C),  qui  indique 
une  époque  assez  basse  (fin  du  n®  siècle  ?). 

Au  V.  2  la  forme  îyvi  (corrigée  à  tort  par  Robinson  en  ûyvt) 
doit  être  conservée  à  cause  du  mètre;  c'est  aussi  pour  des  rai- 
sons métriques  que  le  versificateur  a  employé,  v.  4,  la  forme 
ionique  £j£-'!y;v  pour  £jÉK£'.av  (cf.  Anth.  Pal.,  VI,  322). 

L'allusion  à  Nestor  (v.  4)  convient,  dit  Robinson,  à  une  ville 
qui  avait  son  édition  particulière  d'Homère;  je  suis  plutôt  porté 
à  en  conclure  que  le  défunt  était  orateur  (avocat)  de  profession. 

Quant  à  son  âge,  nous  sommes  renseignés  par  les  vers  5-6, 
mais  il  faut  tout  d'abord  les  comprendre  et  les  corriger.  Les 
trois  premiers  mots  du  v.  6,  tels  qu'ils  ont  été  transcrits  exac- 
tement de  même  par  les  deux  copistes  grecs,  OY  KAI  AH, 
n'offrent  aucun  sens,  et  je  m'étonne  que  M.  Robinson  n'en  ait 
pas  fait  l'observation.  Il  faut  sûrement  écrire,  comme  je  l'ai 
fait,  OYK  AIAHN  ou  plutôt  AlAH^J,  ce  qui  explique  plus  facile- 
ment la  disparition  du  N  i  comparez  au  v.  1  la  ligature  CTHAH 


INSCRIPTIONS    DE   SFNOPE  353 

(Myrodès).  Au  v.  5  xaxaXéqo)  est  évidemment  pris  dans  le  sens 
à'accuser,  reprocher,  sens  étranger  à  la  littérature  classique, 
mais  qu'on  rencontre  déjà  dans  Justin,  1^®  Apol.  IV,  7  : 
/.ataAsysiv  xwv  TuàvTwv  Xptauavwv  àaéôeuv  (ce  verbe  a  subi  l'influence 
de  xaTsiTceiv  et  de  xaTaYopsuo)).  Mais  tandis  que  Justin  construit 
correctement  xaiaXéyfo  avec  l'accusatif  du  délit  et  lé  génitif  de 
la  personne,  notre  poète  anonyme  emploie  l'accusatif  de  la 
personne  (aà,  'Ai3r<v)  et  le  génitif  du  délit  ([xspÔTcwv  oXXuijivwv).  Il 
y  a  peut-être  là  un  latinisme  :  insimidare  aliquem  furti. 

La  phrase  doit  donc  se  traduire  :  «  0  Envie  (Phthonos)  domp- 
teuse de  toute  chose,  c'est  à  toi,  non  à  Hadès,  que  je  reproche 
durement  la  mort  de  pareils  hommes  ». 

Phthonos  est  le  dieu  de  l'Envie  ou  l'Envie  des  dieux.  Pendant 
masculin  de  Némésis,  sa  fortune  a  été  moindre  que  celle  de  sa 
parèdre,  parce  que  le  nom  commun  ©ôivoç  —  à  la  différence  de 
v£[j.£aiç  —  était  resté  dans  l'usage.  L'adage  nomma  numina  n'est 
vrai  qu'à  condition  que  le  nomen  cesse  d'être  généralement 
compris. 

Phthonos  apparaît  assez  rarement  dans  la  littérature  et  l'art; 
sa  mention  sur  des  amulettes  prouve  cependant  qu'il  avait 
—  comme  invidia  et  invidus  —  sa  place  dans  la  superstition 
populaire.  Dans  les  épigrammes  funéraires  on  attribue  couram- 
ment à  ce  dieu  jaloux  la  mort  prématurée  des  jeunes  gens  de 
belle  espérance.  Une  épigramme  de  Naples  (Kaibel  560)  com- 
mence ainsi  : 

(jTaç,  Çéve"  xavB'  aôp*/;aov  ïi:\  aiàXai  KXeoTràxpav 
icv  $96voç  £'.ç  'Aiâav,  où  Xpévoç,  i^Yaye-co. 

Philostrate,  parlant  du  sophiste  Hermocrate  de  Phocée,  mort 
à  28  ans,  dit  dans  sa  prose  poétique  :  à^yjpÉOY]  lô  xapsAOsTv  ïq  â'vopaç 
1>06vf;j  àXou;  (Vit,  SophUt.,  II,  26,  7).  Encore  à  l'époque  chré- 
tienne Grégoire  de  Nazianze,  pleurant  son  frère  Gésaire  enlevé 
dans  la  fleur  de  l'âge,  fait  dire  par  le  tombeau  au  passant  qui 

l'injurie  : 

o'jy.  è'aO  '  6  tÛ|jl6oç  aritoç  •    (jly)  XoiSôpei. 

^ôovou  t65'  £jtW  èpYÔv  (AP.  VIII,  85) 


354  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

et  de  même  (VIII,  100) 

Kaiaap'.ov  Slvlov  <ï>86voç  -î^pxaasv. 

Ces  exemples  attestent  une  tradition  littéraire  et  permettent 
de  conclure  que  Narcissos,  comme  Cléopâtre,  Hermocrate,  et 
Gésaire,  est  mort  jeune.  Notre  poète,  on  le  voit,  n'est  pas  de 
ceux  qui  pensaient  que  mourir  jeune  c'était  être  aimé  des  dieux. 
Au  lieu  d'opposer  Phthonos  à  Chronos,  comme  le  poète  de 
Naples,  ou  au  Tombeau,  comme  Grégoire,  il  l'oppose  à  Hadès, 
dieu  sombre,  mais  équitable,  tandis  que  Phthonos,  suivant 
Hippothoon  (Stob.,  Flor.^  38,  15),  est  le  plus  méchant  et  le  plus 
injuste  des  dieux,  xàxiaioç  xàâ'.xwxaxoç  ôeoç. 

10.  —  Colonne  haute  de  0",42  (?),  cire.  S'", 20.  Extraite  du 
mur  récemment  démoli,  transférée  et  dressée  dans  une  cour  du 
gymnase  turc. 

MEIOrnOI  MAPKIAN02  POTOOI  nAPAAOIOI 

IINnnETI  nTKTHI  NEIKHIAI EAA2TI0YI 

ArnNAl  POMHN  KAnETnAEIA--KATA  TO 
EZH2  NEAN  nOAiN   E  A-KTIA  •  B  •  OPHTOI  KAI 

5    M0N02  imnnEnN  [en-atia]  b  ♦  iiiomia  b  • 
nreiA  oatmoia  hanaonnaia  npnroi  21 

NOnEON  ANTIOXEIAN  •  V  '  nPHTOI  KAI  MO 
NOI  THN  AnO  AinNOI  AnENEIKflN  KAJ  AN 
APHN  HMEPA  MIAN  APHN   HYGIA  EN  ANTIO 

10     XEIA  NEIKOMHAEIAN     V  -  OPHTOI  KAI   MO 
NOI  TON  AnO  AlflNOZ  nAlAONArENEinN  AN 
APHN  KOINA  A2IAI  IMTPNAN  nEPPAMOM  EO 
E20N  THN  EE  APTOTI  AI-AA  B  KOINA  A2I2 
IAPAH2  •  B//  OIAAAEAOON-B  •  TPAAEI2  B  lEPAN 

15     nOAIN  BAAAIKEIAN  0TTEIPA  B  MITTAHNHN 
KOINON  nONTON   B  KOlNONrAAATJAIBKOlNO 
MAKEAONIA2KOINON  B-  BrOTNIAI  NEIKEAN 
B  •  KOINON  KAHAAOKIAI  KATAAA-2  ITAAAN 
TIAIAI0T2  PN  PI 

20     EK  AOrMATOZ  BOTAHZ 


INSCRIPTIONS    DE   SINOPE  355 

MEIOrnOS  (?)  Mapxuvoç  'Pouçoç,  TuapaSo^o; 

Stvwireu;  tuuxt'AJç,  veix-z^aaç  [Bl<j]ekoLa'ci{y.)ouq 

àyàivaç  *  'Pwixyjv  KaTC£T(i)7^£Ta  [xplç?]  xaià  xo 

è^Yjç  •  Néav  TuoXiv  s'  •  "Ax-xia  (3'  irpwxoç  xal 
5     {xovcç  StvwTclwv  •  EN  •  ATI  A  g'  •  "laa9[xca  P'- 

IluSia  •  'OAujJLxia  •  navaôv^vata  xpwxoç  St- 

vwxéwv  •  'Aviiô^eiav  y'  TCpwTOç  xal  pio- 

vo^  Twv  ccTuo  alôvoç  àysvsiwv  xal  àv- 

âpwv  "^pi-^p^c  |J-i(a)  •  àvSpwv  Iluôia  èv  'Avno- 
10     ^Êia  •  NeixopLi^Sstav  y'  izpMzoq  v.oà  \x6- 

vos  Twv  àizo  alwvoç  7ua''Sa)v  àyevsiwv  âv- 

5po)v  '  Kotvà  ^Aaiaç  S[jLupvav  népYa{jLo(v)  "Eç- 

eaov  •  TYjv  è?  ''Apyouç  'Aa[7:(]Ba  ^'  •  Koivà  'Aai(a)ç 

SapS(£t)ç  [3'  <î)iXaSa?(£ta)v  g'  Tpak('k)eiç  g'   'lepàv 
15     TCÔXtv  (i  AaBixeiav  Bu(à)T£ipa  P'  MtTuXrjv/jv  • 

Kotvov  n6vTo(u)  p'  •  Koivov  FaXaiiaç  j3'  •  Koivo[v 

Max£Bov{aç  *  Kotvov  B(£c)ôuv{aç  •  N£ix£av 

g'  •  Koivov  KaTC(7u)a§ox':aç  •  KATAAA  •  S  I  xaXav- 

Tiaiouç  [xai  •^{jLtiaXavTiaiouç?]  PN  ■  *  •  PI 
20     £x  Soyixaxoç  (SouX^ç. 

Base  de  statue  (?)  érigée,  par  décision  du  Conseil,  à  M.... 
Marcianus  Rufus,  de  Sinope,  illustre  '  pugiliste,  dont  on  énu- 
mère  les  victoires  dans  tous  les  grands  jeux  de  l'Italie,  de  la 
Grèce  et  de  l'Asie. 

L  1.  MElOYnoI  est  un  nom  inconnu  et  invraisemblable. 
On  peut  imaginer  bien  des  corrections  (Mév.zttoç,  M.  Uzùiz'.oq, 
etc  );  aucune  ne  s'impose. 

2-19.  —  Les  victoires  énumérées  composent  deux  séries  : 
1°  (1.  1-18)  celles  qui  ont  été  remportées  dans  des  jeux  elaskoLc 
T'.xo'!,  c'est  à-dire  comportant,  outre  une  récompense  surtout 
honorifique,  le  droit,  pour  le  vainqueur,  à  une  entrée  triom- 

1.  L'épithète  uapâSo^o;,  fréquemment  appliquée  aux  athlètes,  ne  signifie 
rien  de  plus.  C'est  à  tort  que  le  Dictionnaire  de  Bailly  (s.  v.)  en  fait  «  le  titre 
d'honneur  de  ceux  qui  avaient  vaincu  en  un  seul  jour  à  la  lutte  et  au  pan- 
crace ».  Cette  définition  n'est  donnée  par  Piularque  {comp.  Cin.  et  Luc.  2) 
que  pour  le  mot  wapaîoÇovfxyjÇ. 


356  REVUE   ARCHÉOLOGfQUE 

phale  dans  sa  ville  natale  (Pline,  Ep  ,  X,  118-119)';  2°  (1.  18- 
19)  les  jeux  de  moindre  dignité,  où  la  récompense  consistait 
en  un  talent  ou  un  demi-talent  d'argent.  Les  premiers  seuls 
sont  dénombrés  en  détail.  L'ordre  suivi  n'est  pas  celui  de  la 
succession  chronologique,  mais  un  ordre  vaguement  géogra- 
phique :  d'abord  l'Italie  (1.  3-4);  ensuite  la  Grèce  d'Europe  (1.  4- 
7)  ;  puis  la  Syrie  (1.  7-10),  la  Bithynie  (1.  10-12),  enfin  les  diffé- 
rents xoiva  des  provinces  de  l'Asie  Mineure  (1.  12-18).  Toute- 
fois les  Héraea  d'Argos  sont  intercalées  dans  ce  dernier  groupe 
(1.  13)  ainsi  que  le  xoivov  MaxeBoviaç  (1.  17). 

L.  3.  Tplç?  xaTà  To  k^fiq.  Cf.  CIG.  2810. 

L.  4.  Néav  TuôXiv,  sans  doute  les  jeux  Sébasta  de  Naples  {/use. 
Sicil.  736,  746  7,  etc.).  —  "Axxia  :  les  fameux  jeux  de  Nicopolis 
(Épire).  Marcianus  Rufus  a  été  le  premier  et  (jusqu'à  présent) 
le  seul  athlète  (pugiliste)  de  Sinope  à  triompher  (ou  à  triom- 
pher deux  fois?)  dans  ces  jeux.  On  remarquera  que  les  men- 
tions de  ce  genre  suivent  toujours  le  concours  qu'elles  qua- 
lifient. 

L.  5.  EN  •  ATIA.  Je  ne  puis  déchiffrer  cette  énigme.  On 
attendrait  ici  les  NéjjLsta. 

L.  7.  'Avxiôxeiav,  etc.  Il  s'agit  bien  de  jeux  célébrés  à  Antioche 
de  Syrie,  et  non  des  'AvTiôxeta  d'Ionie,  qui  ont  disparu  à  l'époque 
romaine.  Les  jeux  simplement  désignés  par  le  nom  'AvTioxeiav 
se  distinguent,  nous  ne  savons  comment,  des  Ilùôta  h  'A^iioydcf. 
cités  plus  loin  (1.  9)  et  qui  ne  figurent  pas  sur  la  liste  des  IlùOia 
donnée  par  Pottier  dans  le  Dict.  des  antiquités,  Pt/thia,  p.  794*. 
Marcianus  Rufus  a  remporté  à  Antioche  trois  victoires  et,  «  le 
premier  et  le  seul  de  tous  les  temps,  il  a  dans  la  même  journée 
triomphé  dans  le  concours  des  adolescents  (àyévetci)  et  dans 
celui  des  hommes  faits.  »  On  ne  voit  pas  très  bien  comment  le 
même  athlète  pouvait  être  admis  le  même  jour  à  concourir 
parmi  les  adolescents  et  les  hommes  faits.  Doit-on  donc  tra- 

1.  Il  semble  bien  que  tous  les  àyt^J^eç  '£?<>'  comportent  ce  privilège  et  que  les 
deux  termes  soient  à  peu  près  synonymes. 

2i  Je  ne  les  trouve  pas  non  plus  mentionnés  sur  les  monnaies  d'Antioche» 


INSCRIPTIONS    DE   SINOPE  357 

duire  :  «  le  premier  et  le  seul  de  tous  les  adolescents  et  hommes 
faits,  il  a  triomphé  trois  fois  dans  un  jour*?  » 

L.  13-15.  La  liste  des  Koivà  'Aaîa;"  —  c'est-à-dire  des  jeux 
célébrés  par  le  commune  Asiae  provinciae  —  est  coupée  en  deux 
groupes  par  les  Héraea  d'Argos,  dénommées  ici,  comme  sou- 
vent (CÏG.,  234,  1068,  1421,  etc.),  d'après  le  bouclier  d'Héra(TYîv 
à(77U'3a  ''Hpac,  Imc.  Sicii.,  1102)  qui  était  donné  en  prix  (Pindare, 
01.,  Vlï,  83  et  Boeckh,  a^/.  /oc,  p.  175).  Le  premier  groupe  se 
compose  de  trois  villes  connues  pour  avoir  été  à  l'occasion  le 
siège  de  ces  réunions  (cf.  Reisch,  Agones  dans  Pauly-Wissowa, 
p.  861;  Brandis,  Asi(/,  ibid.,  p.  1558),  Smyrne,  Pergame, 
Éphèse  ;  le  second  en  comprend  trois  certaines  (Sardes,  Phila- 
delphie, Laodicée),  une  douteuse  (Traites,  cf.  Monceaux,  De 
communi  Asiae,  34)  ;  trois  enfin  pour  lesquelles  aucune  réunion 
du  xo'.vcv  n'a  encore  été  attestée  (Hiérapolis,  Thyatire,  Mitylène). 
On  pourrait  donc  être  tenté  d'arrêter  la  liste  des  xo^và  'Aaïaç 
après  Philadelphie  ou  ïralles,  et  de  considérer  les  jeux  suivants 
comme  des  jeux  locaux  ;  nous  verrons  plus  loin  que  tel  paraît 
être  le  cas  pour  la  Bithynie. 

L.  17.  Ko'.vov  BciO'jviaç  NsiV.sav  (3'.  A  première  vue  on  pourrait 
conclure  de  là  que  les  jeux  du  commune  Bithyniae  se  célébraient 
—  ou  pouvaient  se  célébrer  —  à  Nicée.  Mais  les  inscriptions 
connues  jusqu'à  présent  (CIG.,  1720,  3438;  CIA.,  III,  129) 
donnent  toutes  Nicomëdie  pour  siège  de  ces  jeux,  de  même  que 
cette  ville  —  quoique  Nicée  lui  disputât  la  primauté  morale  de 
la  province  —  était  incontestablement  la  seule  métropole  (Dion 
Chrysostome,  Oral.,  38)  et  le  siège  du  temple  provincial,  érigé 
sous  Auguste,  oiJ^yx^xal  y.otvoç  xf,:;  lU'.Ouvaç  ^xoq  xwv  jj.utjTYjpiwv  (Dion 


1.  A  Nicomédie  également  (I.  10)  Marcianus  Rufus  délient  un  record  avec 
trois  victoires,  enfants,  adolescents,  hommes  faits.  Mais  on  ne  dit  pas  que  ses 
trois  victoires  aient  été  remportées  le  même  jour  ni  la  même  année. 

2.  Sur  certaines  inscriptions  agonistiques,  Kotvâ  est  employé  dans  le  sens  de 
Koivôv,  pour  désigner  môme  un  concours  unique.  Mais  il  ne  semble  pas  en  être 
ainsi  dans  notre  inscription  où  les  Kotvà  d'Asie,  célébrés  en  divers  endroits, 
s'opposent  au  Koivôv  des  autres  provinces,  célébré  toujours  dans  le  même 
lieu. 


358  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Cassius,  LI,  20,  7;  Im.  Gr,  Rom.,  III,  63,  etc).  Il  est  donc  pli 
prudent  de  ponctuer  après  BeiOuviaç  et  de  voir  dans  Ne-xsav  les 
jeux  locaux  de  Nicée  désignés  sur  les  monnaies  par  le  nom  de 
tepoç  àywv  Nixatlwv  (plus  tard  Kc[x6S£ia,  Ssou-^peta,  etc.).  Nicomédie 
avait  d'ailleurs  également  des  jeux  locaux  qui  ont  été  men- 
tionnés plus  haut,  1.  10,  et  qui  figurent  dans  d'autres  inscrip- 
tions. 

L.  18.  KATAAA  •  2  i.  Peut-être  xa\  aXXcuç  ?  xaXavxtaiouç  etc., 
CIG.,  2810  :  xaXavTiaîouç  §à  xal  •/^[jiiTaXavTiaiouç  Ivixa  àiravxaç  cuç 
T^Ywviaaxc.  Cf.  CIL.,  III,  296.  On  pourrait  aussi  restituer xaXavxiaiouç 
[xal  6£[jLa-r/.olç]  ;  cf.  CIA.,  III,  128.  Si  l'on  conserve  ensuite  la 
leçon  PN  on  pourrait  y  voir  (comme  dans  CIA.,  III,  128)  le 
nombre  des  victoires  remportées  par  notre  athlète  dans  ces 
jeux  mineurs,  150  contre  50  victoires  «  isélastiques  »  (Rome  3, 
Naples  5,  Actia  2,  Néméennes?  2,  Isthmiques  2,  Pythiques  1, 
Olympiques  1,  Panathénées  1,  Antioche  4,  Nicomédie  3,  Com- 
mune Asiae  15,  Argos  2,  autres  Koivà  7,  Nicée  2  =  total  50). 

Les  lettres  PI  pourraient  appartenir  à  àvBpiavxl  (xi[j.yîG£Iç?)  ou  à 
TCaxpi;,  quoique  la  dédicace  soit  au  nominatif. 

Rappelons  en  terminant  que  Sinope  a  été  la  patrie  d'autres 
athlètes  illustres  :  Damostratos,  six  fois  vainqueur  à  la  -aAr; 
dans  les  jeux  isthmiques  (épigramme  de  Philippe,  Appendix 
Planudea  III  =  Anth.  Pal.  Didot,  XVI,  25);  le  héraut  Val. 
Eclectus  (CIA.,  III,  129)  sous  les  Antoçiins;  enfin,  bien  plus 
anciennement,  le  jeune  Hestiaios,  vainqueur  du  pugilat  des 
adolescents  aux  Amphiaraia  d'Oropos  vers  350  av.  J.-C.  (IG., 
VII,  414).  A  cinq  siècles  de  distance,  notre  pugiliste  Marcianus 
continue  la  tradition  de  ce  glorieux  éphèbe. 

Théodore  Reinach. 

Paris,  février-mars  1916. 


ARCHÉOLOGIE  THRACE 


DOCUMENTS  INÉDITS  OU  PEU  CONNUS 

(deuxième  série) 


{Suite') 

§  4.  —  Inscriptions  funéraires. 

148.  —  Stèle  funéraire  de  basse  époque*. 

Plaque  quadrangulaire  de  marbre  grossier,  terminée  par  une 
base  plus  épaisse  et  plus  large,  munie  à  la  partie  inférieure  d'un 
tenon  (partiellement  disparu)  destiné  à  entrer  dans  une 
encoche  pratiquée  sans  doute  dans  la  dalle  qui  recouvrait  le 
tombeau*.  —  Musée  de  Sofia. 

Dimensions  :  haut.  :  0™,70;  larg.  :  0^38;  ép.  :  0™,10. 

Provenance  :  Sofia  (au  coin  des  rues  de  Vrabtchaet  de  Paris), 
à  100  mètres  environ  au  N.  de  Téglise  Sainte-Sophie  '. 

Le  champ  qui  renferme  Tinscription  est  entouré  d'une  mou- 
lure plate  légèrement  cassée  au   coin  supérieur  gauche;   le 

1.  Pour  les  articles  précédents,  cf.  RA,  1914»,  p.  55-66;  1915*,  p.  71-93; 
1915»,  p.  167-208. 

2.  hvestia  Soc.  arch.,  1911,  p.  268,  fig.  1  (Découvertes  nouvelles). 

3.  Arrangement  analogue  à  celui  des  tombeaux  turcs  actuels. 

4.  L'église  Sainte-Sophie  (cf.  le  livre  de  M.  Filov  cité  RA,  1914»,  p.  57, 
note  2,  et  particulièrement  le  ch.  iv)  était  entourée  d'une  nécropole  dont  l'ori- 
gine remonte  au  moins  au  i"  siècle  après  J.-G.  :  la  tombe  la  plus  ancienne  de 
celles  qui  sont  actuellement  connues  parait  dater  du  temps  de  Néron  {Helvidius 
Priscus,  eques  romanus,  de  Laurentum  :  cf.  Kalinka,  op.  cit.,  n©  383).  Appar- 
tiennent à  ce  cimetière  les  inscriptions  Df/,  D,  p.  313  ('Apcd-coxpâTY);  Neixateu;)  ; 
Kalinka,  n»  349  (distiques  grecs),  n«  449  (chrétienne).  En  1912,  on  y  a  découvert 
14  tombes  en  pierre  et  brique,  datées  par  des  monnaies  de  Licinius,  Constan- 
tin I«>%  Constantin  II  {hvestia  Soc.  arch.,  1913,  p.  328). 


360  t\EVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

texte  est  placé  au-dessous  d'une  rosace  centrale  sculptée  en 
relief  entre  deux  feuilles  de  lierre  gravées  au  trait  (celle  de 
droite  est  seule  restée  visible).  Les  lettres  sont  laides,  mal  gra- 
vées, inégales;  elles  vont  en  grandissant  et  en  s'espaçant  aux 
1.  7  et  8;  celles  des  deux  dernières  lignes  sont  plus  petites;  Tali- 
gnement  dans  le  sens  vertical  est  défectueux,  surtout  à  droite; 
la  dernière  ligne  est  composée  de  caractères  particulière- 
ment grossiers,  sans  doute  ajoutés  plus  tard  et  par  une  autre 
main. 

Lecture  faite  sur  la  photographie  ;  on  n'a  pas  essayé  de 
rendre  exactement  les  caractères  épigraphiques  ni  les  dimen- 
sions des  lettres  : 

MAAXOCCYP  Mc^X^cçS^p- 

OCAYGOYPrOC  oq,  XuÔoupyoç, 

MNHMOCYNON  [/.vr^i^cauvov 

XAPINAnPCON  :(àptv  'A7:pa)v- 

lACCAACONI  5          laç  '  SaXwvt- 

TANAKAMO  xavà,  xai^o- 

YCAM€T€  ucraïAST'è- 

M  O  Y  K  A  A  lAoO  xaV 

COO  %]. 

OYMYNAnPCONIA  10          [0]u|/.Qv,  'A^pwvia. 

J'ai  indiqué  par  la  ponctuation  comment  je  comprends  ce 
texte.  Ma  transcription  a  l'avantage  de  ne  supposer  aucune 
faute  autre  que  les  iotacismes  (Xuôoupyoç  pour  li^oupybq,  ôujauv 
pour  Oj[j^sTv)  ;  aucune  omission  autre  que  celle  de  verbes  usuel- 
lement supprimés  (ètuoiyjcjô  dans  le  premier  membre  de  phrase, 
•^v  dans  le  second).  Toute  autre  interprétation  mènerait  à  sup- 
poser des  erreurs  de  gravure  (répétition  fautive  du  a,  si  on  lit  : 
'ATupwviXç)  ;  omission  du  g,  si  on  lit  :  2IaÀo)viTava(ç),  xa[jLou(7a(ç), 
etc.);  —  des  erreurs  de  déclinaison  (dans  le  cas  précédent, 
flexions  erronées  en  -a;  au  lieu  de  -r;ç)  ;  —  des  erreurs  d'écriture 
(o  pour  (i)  ou  V  pour  u,  si  on  lit  [J.vv]pL0C7Jv[a)]v  ou  [j.VY;[j.oaavo[u])  ;  — 
des    erreurs    de   sens    (si,    rattachant  x^p'.v    à   ijlvy3{ji.6œuvcv,    lu 


ARCHÉOLOGIE  TH^ACE  361 

.xvY;[xoauvo[u],  on  attribue  à  ce  dernier  mot  la  signification  de 
[j.vY^[j.r^,  et  non  celle,  qui  lui  est  ordinaire*,  de  sépulture). 

A  la  1.  9,  VO  final  semble  être  bien  plutôt  une  faute  de  gra- 
vure (O  pour  C),  qu'un  signe  de  ponctuation'. 

M  aie  fais  était  tailleur  de  pierre  et  graveur  :  XiOoupYoç  =:  lapi- 
darius\  Syrien  d'origine*,  il  avait  épousé  une  Dalmate,  Apro- 
nia^,  native  de  Salone\  Il  s'était  établi  en  Thrace  pour  y 
exercer  un  métier  qui  semble  avoir  été  une  des  spécialités  pré- 
férées des  artisans  d'origine  grecque  \  et  particulièrement  des 
Syriens  ^  L'inscription  paraît  dater  du  in%  peut-être  même  du 
IV*  siècle.  Les  personnages,  originaires  de  provinces  où  les 
chrétiens  ont  de  bonne  heure  été  nombreux,  pourraient  avoir 
été  chrétiens:  mais  le  seul  indice  fourni  par  le  texte  serait  l'em- 
ploi  inusité  de  y,a;j-ojc7a  au  sens  de  C'/j^aat^t  :  ce  sont  les  chrétiens 
qui  considèrent  la  vie  comme  une  épreuve,  xaiJiaToç. 

La  formule  finale  est  une  acclamation  dont  le  premier  mot 


1.  Par  exemple,  en  Thrace  :  Arch.-Epigr.  Mitth.,  1892,  p.  206,  no  73  î 
Twv  yovatwv  (xvt[x6(Tuvov  eTcotï]a-av  (Konin)  ;  cf.  ibid.j  1894,  p.  222,  n®  131  (Gha- 
novo). 

2.  Exemple  d'un  O  servant  de  ponctuation  :  Documents,  N»  136,  fig.  47, 
intervalle  entre  les  i.  9  et  10  (ftA,  1915",  p.  180). 

3.  Cf.  Dict.  des  Antiq.,  s.  v.  ;  Waltzing,  Assoc.  professionnelles  chez  les 
Romains,  IV,  p.  95,  n»  33. 

4.  Gomme  le  prouve,  outre  son  nom,  son  ethnique.  Il  n'y  a  aucun  rappro- 
chement à  faire  ici  entre  Sypoç  et  le  nom  propre  Surus,  fréquent  dans  la  pénin- 
sule balkanique  {CIL,  III,  9816,  12422;  Arch.-Epigr.  Mitth.,  1894,  p.  104, 
n»  49;  Rev.  publ.  épigr.,  1913,  n«  239;  cf.  CIL,  VI,  3195,  3201  ;  Ephem.  Epigr.y 
IV,  894  a,  22).  —  On  connaît  deux  autres  Syriens,  à  Callatis  en  Mésie  : 
S'jvTtXîx'.o;  KaadcavoO  et  Aùp-  'Hotu/k;  {Arch.-Epigr.  Milth.,  1887,  p.  32,  n°3l  ; 
1891,  p.  34,  n"  81). 

5.  Pour  ce  nom  en  Thrace,  cf.  CIL,  III,  2599,  12427  ;  Kalinka,  op.  cit., 
n°  337. 

6.  SaXfoviTavoç  (inconnu  au  CIG)  est  la  traduction  de  l'adjectif  latin  Saloni- 
tanus,  qui  est  particulièrement  fréquent  dans  l'èpigraphie  religieuse  :  on  dit 
ecclesia  Salonitana  (la  seule  fois  où  le  mot  soit  employé  avec  un  nom  de 
personne,  c'est  aussi  dans  une  épitaphe  chrétienne  :  CIL,  III,  9537). 

7.  Trois  lapidarii  cités  par  CIL,  III,  14409  (Konin)  sont  Grecs  ou  fils  de 
Grecs  :  Firmus  Antigoni,  Nicostratus  Demosteni,  Zoïlus  Corci. 

8.  L'un  des  Syriens  cités  à  la  note  4  ci-dessus,  AOp.  'Ilaux'?)  paraît  avoir 
été  aussi  Xt8o[upYÔ«].  —  Sur  l'immigration  syrienne  dans  les  régions  centrales 
de  la  péninsule  balkanique,  cf.  Cumont,  Mithra,  I,  p.  262. 

V*  SÉRIE,  T.  m  24 


362  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

doit  équivaloir  au  ^oips  des  inscriptions  païennes,  ou  au  Oàpasc, 
s.'Mxei,  des  inscriptions  chrétiennes.  M.  Filov  a  lu  OTMTN, 
sans  proposer  de  restitution.  L'examen  de  la  photographie 
laisse  quelques  doutes,  impossibles  à  contrôler  :  le  M  n'est  pas 
absolument  net,  le  N  paraît  comme  surchargé  d'une  autre  lettre, 
peut-être  un  P.  Je  ne  vois  pas  de  mot  satisfaisant.  Une  lecture 
comme  cj^Xc  v]Ov  explique  mal  les  traits  douteux  qu'on  croit 
apercevoir  sur  la  photographie  ;  elle  suppose  de  plus  l'emploi 
d'un  impératif  acceptable  pour  le  sens  (ojA-zryaTpE),  mais  poé- 
tique, très  rare*,  et  inattendu  ici.  J'ai  donc,  adoptant  la  lecture 
de  qui  a  vu  la  pierre,  songé  à  restituer  ro]uiJ.uv  =  Oj[X£rv,  infinitif 
employé  au  sens  de  l'impératif.  Toutefois,  si  cette  lecture  peut 
convenir  aux  lettres  gravées  et  au  sens  (6u|X£tzz6àpa£u  e'Myv.), 
elle  a  le  défaut  de  supposer  un  verbe  OupiÉw,  justifié  peut-être 
par  le  composé  èx'.Ojixsw,  mais  dont  je  n'ai  pas  pu  trouver 
d'exemples.  Je  penche,  faute  de  mieux,  pour  cette  interpréta- 
tion :  si  elle  était  assurée,  on  en  tirerait  une  nouvelle  présomp- 
tion que  l'inscription  se  rapporte  à  des  chrétiens. 

149-150.  —  Deux  inscriptions  funéraires  provenant  d'un 
mausolée  découvert  à  Lajene^  (district  de  Lovetch). 

Le  hasard  ayant  fait  retrouver,  en  1910,  dans  cette  localité 
située  aux  confins   de  la  Thrace  et  de   la  Mésie%   quelques 


1.  Le  Thésaurus  ne  connaît  qu'un  exemple  de  l'emploi  littéraire  de  l'impé- 
ratif ouXe  :  c'est  le  vers  d'Homère  o5Xe  te  xat  [xéya /aïps  (Od.,  XXIV,  401). 
Hésychius,  s.  v.,  écrit  bien  oîiXe  •  ûyîatvs  ;  mais  n'est-ce  pas  simplement 
comme  explication  de  l'expression  homérique?  Peut-être  que  non,  s'il  est  vrai 
que  oOXeîv  ait  été,  dans  le  dialecte  ionien,  l'équivalent  de  ûyiatvEiv  (Gre^or. 
Cor.,  p.  491). 

2.  Orthographe  adoptée  par  la  carte  bulgare  déjà  souvent  citée  (RA,  1915*, 
p.  82,  etc.)  :  on  écrit  aussi  Ladjene,  Ledjane  (orthographe  de  VIzvestia).  Ne 
pas  confondre  avec  trois  autres  localités  du  même  nom  (districts  de  Pirdop,  de 
Pechtera,  de  Svichtov;  cette  dernière  située  également  au  voisinage  de  la 
rivière Osem,  et  à  20  km.  à  peine  au  N.  de  celle  qui  nous  occupe). 

3.  Lajene  est  placé  exactement  sous  la  même  latitude  que  Nicopolis  ad 
Istrum  (Novi-Nikiup),  donc  au  voisinage  immédiat  du  parallèle  43°  20'  que  j'ai 
indiqué  comme  coïncidant  sensiblement  avec  la  frontière  thraco-mésienne  (RA, 
1907",  p.  271  ;  cf.  1915»,  p.  174  et  commentaire  du  N»  134).  M.  Filov  {hvesiia 
Soc.  arch.f  1913,  p.  323)  insiste  sur  l'importance  que  paraît  avoir  eue  la  ioca- 


ARCHÉOLOGIE  tBRACE  363 

minimes  fragments  d'un  sarcophage  décoré  de  sculptures,  la 
direction  du  Musée  de  Sofia  a  fait  pratiquer,  en  1912,  une 
série  de  recherches  partiellement  couronnées  de  succès.  On  a 
exhumé,  notamment,  des  statues,  des  morceaux  de  reliefs,  et 
les  restes  de  deux  inscriptions,  le  tout  contenu  dans  les  ruines 
d'un  édifice  intéressant  par  ses  dimensions,  son  plan,  sa  cons- 
truction, ses  divisions  intérieures  et  son  ornementation.  Le 
compte-rendu  des  découvertes  fortuites  et  des  fouilles  métho- 
diques a  paru,  à  deux  reprises,  dans  Vlzvestia  bulgare  ';  un 
résumé  très  bref  a  été  donné  aussi  dans  deux  numéros  consé- 
cutifs de  VAnzfiger  du  Jahrbuch  de  Berlin  ^  Certaines  figures  de 
la  publication  slave  ont  été  reproduites  dans  la  revue  alle- 
mande ;  je  me  dispenserai  de  les  donner  ici,  conformément  au 
plan  que  je  me  suis  imposé  \  J'estime  toutefois  utile,  pour  obéir 
au  même  plan,  de  fournir  un  aperçu  des  résultats  obtenus  : 


lilé  romaine  et  Ihrace  qui  a  précédé  le  village  actuel.  Outre  le  mausolée  dont 
nous  allons  nous  occuper  ici,  on  a  découvert,  à  100  m.  plus  au  N.,  un  édifice 
romain,  en  pierre  et  brique,  de  dimensions  assez  modestes  (environ  8  m.  sur 
6  m.)  et  de  destination  douteuse  (deux  chambres  accolées  :  celle  de  PO.  très 
allongée,  terminée  au  S.  par  une  abside,  munie  en  son  centre  d'un  pilier; 
celle  de  TE.  plus  large,  rectangulaire,  accolée  au  S.  d'une  petite  construction 
carrée),  La  présence  d'une  canalisation  dans  le  mur  oriental  et  la  ressemblance 
de  l'ensemble  du  plan  avec  celui  d'un  édifice  par  moi  déblayé  à  Pastoucha 
près  Philippopoli  {BCH,  1901,  p.  179  et  note;  fig.  8,  croquis  dans  le  coin 
droit)  ferait  penser  à  un  hain\  cf.  Izvestia,  loc  cit.,  fig,  253  et  254, 

Dés  débris  de  tuiles,  de  jarres,  des  monnaies  (tétradrachme  d'argent  de  Phi- 
lippe II,  bronzes  locaux  d'Alexandre  Sévère)  attestent  la  présence  d'un  village 
antique.  Les  fouilles,  si  elles  se  poursuivent,  en  préciseront  peut-être  les 
limites.  Dès  maintenant,  la  présence  d'un  bain,  si  elle  était  certaine,  ferait 
songer  à  quelque  station  romaine  :  par  exemple  à  celte  localité  de  Melta, 
située  sur  la  route  de  Philippopolis  à  Œscus,  qu'on  a  hypothétiquement  et 
sans  preuves  placée  à  Lovetch  (Jirecek,  Heerstrasse,  p.  156;  Kazarov,  Izvestia 
Soc.  arch.,  1910,  p.  117,  note  8;  Besnier,  op.  cit  ,  s.  u.  ;  —  l'identification 
avec  Tchoumakovo  sur  l'Isker,  admise  par  M.  Chkorpil  dans  AbobaPliska, 
p.  482,  est  insoutenable).  Lajene,  comme  Lovetch,  est  placée  sur  l'Osem 
{Asamus}  ;  Lajene  et  Lovetch  sont  presque  également  distants  de  Pleven  (32 et 
36  km.  en  ligne  droite),  ville  avec  laquelle  on  identifie  Storgosia,  station  située 
à  18  mp.  {=  84  km.  environ)  de  Melta  (Tomaschek,  op.  cit.,  II,  2,  p.  81  ; 
Kazarov,  ibid.). 

1.  hoestia  Soc.  arch.,  1911,  p.  276;  1913,  p.  316-323. 

2.  1912,  p.  558  suiv.,  tig.  9  à  U  ;  1913,  p.  344  suiv.,  fig.  7  à  12. 
3    RA,  191 1«,  p.  304. 


â64  REVUE   ARCHÉOLOëlQtJE 

j'en  profiterai  pour  exposer  quelques   remarques  relatives  à 
rinterprétation  de  certaines  sculptures. 

Quant  aux  inscriptions,  elles  n'ont  été  publiées  que  de  façon 
toute  provisoire,  et  en  bulgare  seulement  :  je  m'en  occuperai 
donc  plus  spécialement,  et  je  reproduirai  la  plus  importante 
d'après  \q  fac-similé  de  VIzvestia  (fîg.  48). 

Les  fouilles  bulgares  ont  fait  connaître  : 

I.  —  Le  bain  dont  il  est  question  à  la  page  précédente,  en  note. 

II.  —  Un  mausolée,  construction  carrée  (8  m.  X  8  m.)  aux  murs  épais 
(2  m.  environ),  composés  de  grands  blocs  de  calcaire  (les  plus  grands  ont  3  m. 
de  large)  placés  sur  un  socle  mouluré  et  surmontés  d'une  architrave  décorée  en 
relief  [./a/«r6uc/i,  1913,  fig.  8].  Un  morceau  de  cette  architrave  porte  un  frag- 
ment d'inscription  (notre  N»  149)  qui  indique  le  caractère  sépulcral  du  monu- 
ment et  qui  devait  surmonter  deux  colonnes  lisses  (diam.  :  0™,30  environ), 
vraisemblablement  ioniques,  placées  de  chaque  côté  d'une  porte  percée  dans  le 
mur  oriental.  En  avant  du  mur  N.,  à  l'extérieur  et  à  des  distances  variant  de 
0°^,60  à  i  m.,  deux  bases  peu  élevées,  composées  d'un  blocage  recouvert  de 
dalles  réunies  entre  elles  par  des  crampons  de  fer,  supportaient  deux  statues 
qui  ont  été  retrouvées  [Ibid.t  fig.  10  et  11].  Leur  conservation  est  inégale  ;  la 
tête  manque  à  toutes  deux  ;  il  est  visible  du  reste  qu'elle  était  rapportée  : 
c'était  sans  doute  une  tête-portrait  ajustée  sur  des  corps  achetés  chez  l'artisan 
sculpteur,  qui  en  possédait  un  choix  parmi  lequel  les  clients  désignaient  le  type 
traditionnel  préféré  par  eux.  Ici  les  corps,  d'un  travail  banal,  correspondent 
aux  types  classiques  de  la  matrone  voilée  (longue  robe,  manteau,  bras  dr. 
replié  dans  le  voile  :  cf.  par  exemple  Reinach,  Répertoire^  IV,  p.  424,  n«  5  ; 
Kalinka,  oip.  cit.,  n»  361)  et  de  V homme  drapé  (toge  rejetée  sur  l'épaule  g., 
bras  g.  replié  tenant  un  objet,  ici  assez  volumineux,  mais  peu  distinct,  pc^ut- 
être  une  cassette  :  cf.  Reinach,  ibid.,  II,  en  particulier  la  p.  624), 

Le  monument,  qui  avait  sans  doute  la  forme  d'un  petit  temple  (on  n'a  rien 
retrouvé  du  toit,  qui  paraît  n'avoir  pas  été  recouvert  en  tuiles),  se  compose  à 
l'intérieur  de  deux  parties  : 

a).  —  Une  salle  carrée  (4  m.x4  m.),  dont  le  plafond  était  décoré  de  cais- 
sons (haut.  :  0'°,90;  larg.  :  O^^.eô;  ép.  :  0'*,29),  représentant  des  animaux 
(dauphins,  chiens),  des  fleurs  (palmes,  rosettes),  des  fruits  (épis,  raisins),  des 
couronnes,  des  figures  (sorte  de  masque  gravé  au  trait  [Jahrbuch,  1913,  fig.  9]). 
Les  murs  de  cette  salle  ne  semblent  pas  avoir  eu  de  décoration  spéciale  ;  des 
plaques  y  étaient  sans  doute  scellées  et  portaient  des  inscriptions  ;  l'une  d'elles 
a  été  partiellement  retrouvée  (notre  N°  150). 

6).  --  Un  hypogée,  plafonné  de  larges  dalles  (dimensions  :  3  à  4  m,).  Il 


ARCHÉOLOGIE   THRACE  365 

contenait,  à  en  juger  par  les  fragments  découverts,  au  moins  trois  sarcophages, 
que  je  distingue  d'après  les  sujets  des  sculptures  conservées  : 

I.  _  Sarcophage  des  Génies  ailés.  —  Il  n'en  reste  que  deux  acrotères  [non 
reproduits]  où  sont  sculptés  des  génies  ailés  couronnés,  enveloppés  d'une  peau 
de  lion,  tenant  une  torche  renversée. 

II.  _  Sarcophage  de  Pan.  —  Il  n'en  reste  qu'un  fragment  d'acrotère*  [Jahr- 
huchy  1913,  fig.  12]  :  dans  un  champ  en  forme  de  quart  de  cercle  (centre  à 
l'angle  inférieur  droit),  un  bas-relief  représente  Pan  barbu,  nu,  chèvrepied, 
assis  sur  un  rocher  et  tourné  vers  la  g.  Il  lève  le  bras  droit  et  tient  dans  la 
main  g.  posée  sur  ses  genoux  un  vase  pansu  à  deux  anses.  Devant  lui,  un 
satyre  barbu,  debout,  le  manteau  flottant  derrière  l'épaule  droite,  tient  par  le 
cou  un  animal  qui,  malgré  sa  queue  courte  et  rigide,  est  vraisemblablement  une 
panthère  :  les  pattes  postérieures  de  l'animal  touchent  le  sol,  la  patte  dr.  anté- 
rieure, seule  visible  et  peut-être  incomplète,  semble  levée  et  repliée  comme  si 
la  panthère  bondissait  vers  le  dieu.  Travail  assez  fruste.  —  Haut.  :  0°i,86; 
larg.  :  1  m.  ;  ép.  :  O'njSS. 

III.  —  Sarcophage  des  Travaux  d'Hercule.  —  On  possède  : 

à).  —  Provenant  de  la  cuve,  dont  il  ne  reste  que  de  petits  morceaux  [frag- 
ments non  reproduits]  : 

1®  Hercule  et  les  oiseaux  de  Stymphale. 

2°  Hercule  et  la  biche  aux  pieds  d'airain  :  il  ne  subsiste  que  la  partie  supé- 
rieure du  corps  d'Hercule  et  la  main  g.  du  héros  tenant  une  corne  de  l'ani- 
mal". 

6).  —  Provenant  du  couvercle  :  l'un  des  coins  en  entier,  qui  comprend  un 
fronton  latéral  accolé  de  demi-palmettes,  et,  en  retour  sur  la  granule  face,  deux 
acrotères  sculptés  dans  un  champ  contigu  aux  palmettes  par  sa  grande  face  et 
limité  par  un  quart  de  cercle  ayant  pour  centre  le  sommet  de  l'angle  commun 
aux  deux  faces.  La  décoration  est  appliquée  sur  une  sorte  de  toit  imbriqué  ; 
le  fragment  conservé  mesure  1°^,36  sous  le  fronton  (largeur  du  sarcophage); 
1",29    sur  les  grands  côtés  ;  C™,77  en  épaisseur  (hauteur  du  couvercle). 

S»  A  g.  par  rapport  au  fronton  latéral,  acrotère  :  Hercule  et  Anlée.  Les  com- 
battants, nus  tous  deux,  sont  vus  de  face;  Hercule  soulève  par  la  ceinture  son 
adversaire  qui  tâche  de  dénouer  l'étreinte.  A  g.,  grande  amphore  contenant  la 
palme  destinée  au  vainqueur  ;  à  dr.,  femme  en  longue  robe  et  voilée,  demi-cou- 
chée  à  terre,  regardant  le  combat  (Gaïa»)  [Jahrhuchy  1912,  fig.  11]. 


1.  Il  est  possible,  dit  M.  Filov,  que  les  sculptures  I  et  II  appartiennent  au 
même  sarcophage;  mais  il  n'indique  pas  les  motifs  de  cette  restriction. 

2.  Cf.  Filov,  Sbornik,  1910,  p.  51  suiv. 

3.  Femme  assistant  au  combat  dans  une  attitude  analogue  :  Heinach,  Rép. 
Reliefs,  III,  p.  75,  n»  3  ;  II,  p.  87,  n»  2  (avec  Athéna  debout).  —  Cf.  la  fig.  162 
de  G.   Robert  {f)ie  antiken  Sarcophagreliefs,  HP)  et,  dans  le  texte,  l'explica- 


366  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

4°  A  dr.  par  rapport  au  même  fronton,  acrotère  :  Hercule  et  Diomède.  Her| 
cule  barbu,  nu  sauf  la  peau  de  liou  rejetée  dans  le  dos,  brandit  la  massue  d< 
la  main  dr.  et  de  la  g.  saisit  par  les  cheveux  Diomède,  figuré  sous  les  traits  d'un 
vieillard  barbu,  coiffé  d'une  haute  tiare  cylindro-conique,  vêtu  d'une  longue 
robe  flottante,  et  ceint  de  l'épée.  Assis  sur  un  large  fauteuil  à  bras  placé  devant 
un  mur  tendu  de  draperies,  il  se  cramponne  à  son  siège  et  se  laisse  glisser  à 
terre  sans  se  défendre  [Ibid.,  fig.  10]. 

On  remarquera  que  le  sujet  est  traité  sans  aucune  recherche  de  couleur 
locale  Ihrace,  mais  avec  un  souci  du  décor  accessoire  qui  rappelle  les  bas- 
reliefs  alexandrins.  Le  costume  du  roi  est  celui  que  la  tradition  donne  aux 
souverains  barbares  de  la  Scythie  ou  de  la  Perse  :  l'ensemble  des  détails  rap- 
pelle plutôt  la  scène  classique  de  regorgement  de  Priam  que  celle  de  la  puni- 
tion de  Diomède  telle  qu'elle  est  figurée  sur  d'autres  reliefs*.  De  quel  atelier  a 
pu  sortir  ce  travail  qui,  sans  être  remarquable  ni  surtout  original,  prouve  du 
moins  une  habitude  de  documentation  et  une  certaine  habileté  technique?  C'est 
ce  qu'il  sera  plus  aisé  de  déterminer  en  étudiant  le  motif  qui  décore  le  fronton 
conservé. 

Ce  motif  est  une  variante  de  la  représentation  du  Dieu  Chasseur  [ibid.^  fig.  9] 
Le  sujet  est  très  rare  sur  un  sarcophage  '  ;   il  est,  je   crois,  unique   dans  un 

tion  des  monuments  numismatiques  et  des  gemmes  qui  offrent  la  même  repré- 
sentation. 

1.  Ordinairement  Diomède  est  indiqué  seulement  par  un  buste  et  en  costume 
de  héros  grec  (Reinach,  Reliefs,  II,  p.  476,  n°  1  ;  III,  p.  169,  n»2;  p.  340, 
n«  2),  ce  que  G.  Robert  {op.  cit.,  111*,  p.  119  c)  appelle  un  costume  de  théâtre 
(cf.  ibid.^  pi.  39,  fi,'.  131,  2;  pi.  35,  fig.  126  c,  oij  par  exception  le  roi  de  Thrace 
est  figuré  en  entier,  mais  toujours  dans  le  même  costume,  et  sans  rien  qui 
rappelle  aucune  des  particularités  de  notre  sujet).  —  Voir,  dans  le  même 
ouvrage,  les  scènes  empruntées  à  ï'ilioupersis  (II,  fig.  63-67). 

2.  J'en  ai  publié,  sous  les  N°"  81  et  82  de  la  première  série  des  Documents, 
les  deux  exemplaires  connus.  On  peut  ajouter,  pour  être  complet,  un  sarco- 
phage trouvé  en  Serbie  (Spomenik,  1905,  p.  89  et  fig.  5),  dont  la  cuve  est 
ornée  sur  3  faces  de  guirlandes,  de  grappes  de  raisin,  alternant  avec  des 
Amours  et  des  têtes  de  Phébus,  et  sur  la  quatrième  (l'une  des  petites  faces) 
d'un  cavalier.  Le  chasseur,  monté  sur  un  cheval  au  pas,  armé  d'une  longue 
lance,  poursuit  un  lièvre  et  d'autres  animaux  indistincts.  —  A  signaler  aussi 
des  cavaliers  sur  des  sarcophages  lyciens  (Benndorf-Niemann,  Reise,  II,  p.  72, 
149,  195).  —  Les  cavaliers  d'une  scène  de  chasse  comme  celle  figurée  sur  un 
sarcophage  de  Rome  {CIL,  VI,  16844)  n'ont  pas  de  rapport  avec  le  Chasseur 
thrace.  Au  contraire,  sur  un  autre  sarcophage  romain,  Hippolyte  est  repré- 
senté exactement  comme  le  Dieu  Chasseur  {KeWer,  Tierwelt,  p.  391,  fig.  137)  : 
la  seuledifférenceest  dans  la  présence  de  personnages  secondaires.  La  ressem- 
blance vient  probablement  d'une  œuvre  commune  qui  a  inspiré  l'auteur  du 
sarcophage  et,  de  façon  moins  heureuse  et  plus  lointaine,  certains  artisans 
parmi  ceux  qui  les  premiers  ont  rendu  le  type  du  Dieu  Cavalier  :  dans  la  suite, 
on  a  répété  à  satiété  le  motif  adopté,   sans  même  le  comprendre,  (Sur  les 


ARCHÉOLOGIE   THRAGE  367 

fronton  latéral  *.  Il  offre,  de  la  scène  usuelle,  quelques  variantes  intéres'santes, 
dont  plusieurs  que  j'ai  déjà  étudiées  autre  part*. 

Monté  sur  un  cheval  qui,  dressé  sur  ses  deux  pieds  de  derrière,  bondit  vers 
la  droite',  le  Cavalier,  vêtu  d'un  manteau  flottant*,  d'une  tunique '^j  de  bottes 
à  revers  ^,  menace  de  l'épieu  (6guré  très  court,  peut-être  cassé)  un  sanglier  : 
la  bête  hérissée  fait  front',  attaquée  par  deux  chiens  qui  lui  sautent  à  la  gorge 
et  par  un  troisième,  plus  petit,  qui  la  mord  par  derrière». 

La  main  droite  du  chasseur  tient  derrière  le  cou  du  cheval  un  bouclier  qui 
lui  fait  comme  une  auréole  autour  de  la  tête^.  Il  semble  que  des  pièces  de 
venaison,  déjà  tuées  (habituellement  figurées  au  premier  plan),  soient  suspen- 
dues à  la  selle  de  l'autre  côté  du  cheval,  à  l'arrière- plan'".  Un  jeune  serviteur, 
la  chlamyde  rejetée  sur  les  épaules,  s'accroche  à  la  queue  du  cheval".  Dans 
l'angle  g.,  un  lion  bondit  sur  le  cou  d'un  taureau  agenouillé. 

Ce  dernier  motif  n'est  pas  exceptionnel,  mais  il  est  rare.  Si  l'on  consulte  la  liste 
des  reliefs  où  il  apparaît",  on  constate  que  sur  huit  exemples,  trois  ont  rejeté 

sources  de  celte  inspiration,  cf.  Keller,  j)p,  cit.^  p.  390,  et  mes  réflexions 
dans  /i£A,  1912,  p.  157-158). 

1.  Il  est  au  contraire  assez  fréquent  sur  les  frontons  triangulaires  des  stèles 
funéraires  :  cf.  par  exemple  Sbornik,  1892,  p.  81,  n°  77  (Orkhanié),  p.  78, 
n»  62  (Tirnovo)  ;  1900,  p.  10,  n»  7  (Philippopoli)  ;  p.  22,  n«  36  (Lom)  ;  1901, 
p.  798-799,  n°«  13  (Tchoumakovtzi)  et  14  (Marcianopolis)  ;  —  CIL,  III,  7421 
(Mokrech)  ;  —  Arch.-Epigr,  Mitth.,  1891,  p.  94,  n»  16  (Pannonie). 

2.  EtU'ie  sur  quelques  types  curieux  du  Cavalier  thrace  {RE A,  1912,  fasc.  2, 
3,4). 

3.  Cf.  Djcuments,  Première  série,  N«  88,  fig.  23  ;  N°  90,  fig.  25  ;  N"  92, 
fig.  27. 

4.  Cf.  REA,  1912,  p.  157,  note  4. 

5.  Ibid.,  p.  247  et  note  2.  —  BCff,  1912,  p.  587,  n^  41,  fig.  27,  et  note  4. 

6.  Très  rare  sur  les  reliefs  du  Cavalier;  j'en  connais  seulement  deux  exemples: 
hvestia  Mouzei,  fig.  53,  ex-voto  à  l'Asclépios  de  Glava-Panéga  Canépigraphe)  ; 
--RA,  1904*,  p.  19,  ex-voto  à  Dionysos  :  ©ew 'AdôouXrj  (cf.  REG,  1913, 
p.  255  suiv.). 

7.  Molif  très  fréquent  (90  exemples)  dont  je  n'ai  eu  l'occasion  de  m'occuper 
que  tout  à  fait  accessoirement  {REA,  1912,  p.  154).  —  Parfois  (22  exemples), 
le  sanglier  est  acculé  au  voisinage  de  l'arbre  ou  de  l'autel,  symboles  accompa- 
gnant indifféremment  les  monuments  funéraires  et  les  monuments  votifs. 

8.  Le  chien  courant  apparaît  sur  140  reliefs.  Sur  15  d'entre  eux  il  y  a 
deux  chiens,  sur  trois  seulement  on  voit  trois  chiens  :  Ath.  Mitth.,  1908,  p.  43, 
n»  4  (Philippes)  ;  p.  107,  n°  8  (Imbros)  ;  -  CIL,  III,  5520  (Norique). 

9.  Cf.  REA,  1912,  p.  161. 

10.  Cf.  ibid. y  p.  158, 2». —  Ce  serait  la  scène  de  curée,  rappelée  brièvement, 
en  même  temps  que  la  scène  de  chasi^e  proprement  dite  est  représentée  en 
détail  :  variante  jusqu'à  présent  unique,  et  dont  il  y  a  lieu  de  douter  jusqu'à 
vérification  des  détails  sur  la  sculpture  elle-même. 

11.  Cf.  ibid.,  p.  158,  3«. 

12.  Exemples  en  Thrace  ;  a)  Mém,  Soc.  Aniig.,  1899,  p.  373  :  [Ôe]Û  y\p[w]t 


368  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

le  motif  surajouté  dans  une  partie  accessoire  de  la  composition.  Ces  additions 
rappellent  celles  qu'on  a  constatées  sur  d'autres  monuments,  originaires  sur- 
tout des  bords  du  Danube  et  de  la  Save,  et  influencés  par  les  représentations 
secondaires  de  la  religion  mithriaque  *.  Ici,  sur  un  sarcophage  dont  l'ornemen- 
tation est  consacrée  aux  travaux  d'Hercule,  il  convient  peut-être  en  outre  de 
faire  remarquer  que  c'est  une  habitude  de  la  sculpture  funéraire  d'ajouter,  sur 
les  sarcophages  du  même  type,  des  frises  ou  des  bandeaux  où  sont  figurés  des 
lions  qui  assaillent  des  taureaux,  des  sangliers,  des  cerfs,  etc.*. 

Il  est  possible  que,  sur  notre  relief,  il  faille  tenir  compte  à  la  fois  de  l'une  et 
l'autre  influence.  Mais,  pour  ce  qui  concerne  les  emprunts  vraisemblables  à 
certaines  représentations  secondaires  qui  apparaissent  parfois  sur  les  plaques 
sculptées  relatives  au  culte  de  Mithra,  j'ai  montré  ailleurs  qu'on  ne  saurait 
jamais  conclure  de  ces  variantes  toutes  fantaisistes  à  une  identification  du  dieu 
asiatique  avec  le  Chasseur  thrace».  Mithra  n'est  pour  ainsi  dire  jamais  figuré 
sous  les  traits  d'un  chasseur  *.  Inversement,  les  reliefs  assurément  mithriaques 
où  paraît  un  dieu  cavalier  ne  sont  pas  thraces,  mais  pannoniens  ou  illyriens,  et 
il  ne  s'agit  plus  d'une  scène  de  chasse.  Les  monuments  vraiment  thraces  qui 
font  songer  à  une  contamination  par  le  mithriacisme  du  culte  original  du 
Chasseur  ou  bien  représentent  des  scènes  accessoires  dans  lesquelles  le  lion  et 
le  taureau,  par  exemple,  n'interviennent  sans  doute  que  pour  préciser  la  nature 
de  la  chasse,  celle  aux  grands  fauves  et  aux  animaux  de  forte  taille  ;  —  ou  bien 
ne  rappellent  les  ex-voto  à  Mithra  que  par  un  détail  du  costume,  le  Chasseur 
paraissant  coiffé  du  bonnet  phrygien. 

Mais  ce  détail  n'est  pas  certain.  La  coiff'ure  du  dieu,  dans  les  cas  jusqu'à 

ey-/["^v]  (Sofia).  —  h)  Jzvestia  Mouzei,  p.  106,  n»  151  :  "Hpwt  ey^viv  (Lieublen). 

—  c)  Ibid.,  p.  H3,  n°  162  :  0eù)  'AirôXXwvt  (Marcianopolis).  —  d) Izvestia  russe 
de  Constantinople,  1905,  p.  28,  n»  4;  p.  470,  pi.  98,  4  :  anépigraphe  (Mar- 
cianopolis). —  e)  Ibid.,  p.  27,  n»  2  ;  p.  470,  pi.  98,  3,  douteux  :  0ew  ['A]Ti6X>[a)vi] 
(Marcianopolis).  —  f)y  g)  Izvestia  Mouzei,  fig.  28  et  29,  dans  une  bande  spé- 
ciale (sanctuaire  d'Asclépios  à  Glava  Panéga).  —  h)  Ibid.,  fig.  98,  motif 
double,  dans  une  bande  spéciale  :  ©ew  o-coCovtt  rtxetTtYîvôj  eù/aptaTT^piov  (Dini- 
cli).  —  Ajouter  les  monuments  sur  lesquels  on  ne  voit  que  le  taureau 
agenouillé,  sans  le  lion  :  i)  Sbornik,  1894,  p,  83,  n»  26,  fig.  XI,  1  (Aktcha- 
Kaïrek).  —  j)  Ibid. y  1900,  p.  17,  n»  23  (Baïasli).  —  k)  Ibid.,  p.  21,  n»  34 
(Siiistrie).  —  Ne  pas  ranger  dans  cette  série  le  monument  funéraire  de  Varna 
(Kalinka,  op.  cit.,  fig.  107)  où  le  taureau  voisin  de  l'autel  est  l'animal  destiné 
au  sacrifice  :  Tjpwç  xa'pe^  —  Pour  les  monuments  où  paraît  le  lion  seul,  cf. 
RE  A,  1912,  p.  156,  et  note  6;  p.  155,  et  note  3. 

1.  REA,  1912,  p.  160,  et  note  4,  I. 

2.  Cf.  C.  Robert,  op.  cit.,  III*,  planche  38  en  entier. 

3.  REA,  1912,  p.  243,  note  4. 

4.  Seul  exemple,  dans  une  scène  secondaire  :  Cumont,  op.  cit.,  I,   p.  174. 

—  On  y  voit  un  lion  ;  mais  pas  de  taureau.  Il  s'agit  peut-être  plutôt  du  dieu 
Mên,  ainsi  que  le  remarque  M.  Cumont  lui-même. 


ARCHÉOLOGIE   THRAGE  369 

présent  connus,  reste  indéfinissable*.  Ce  pourrait  être  aussi  un  capuchon,  ou 
bien  ValopékiSy  ou  bien  le  bonnet  national  des  Gètes,  peut-être  même  un 
casque.  Chose  curieuse,  ici  encore,  sur  le  relief  qui  nous  occupe,  l'incertitude 
est  la  même.  La  photographie  montre  une  coiffure  cassée  et  indistincte;  on 
songerait  volontiers  à  un  casque,  s'il  existait  des  exemples  sûrs  du  Cavalier 
thrace  casqué  «. 

Casqué  ou  non,  par  l'ensemble  de  son  costume,  notre  cavalier  fait  songer 
surtout  à  un  soldat  romain  :  le  bouclier,  le  serviteur,  les  bottes,  l'indication 
de  la  selle  et  de  la  bride  sont,  ainsi  que  je  l'ai  montré*,  autant  d'arguments  en 
faveur  de  cette  identification.  Non  que  je  soutienne  que,  sur  le  sarcophage  de 
Lajene,  la  figure  du  cavalier  soil  le  portrait  du  soldat  romain  qui  y  aurait  été 
enseveli,  ni  même  que  ceux  qui  achetèrent  le  sarcophage  aient  été  fixés  dans 
leur  choix  par  la  ressemblance  qu'ils  découvraient  entre  le  costume  militaire 
romain  et  le  costume,  peut-être  composite,  en  tout  cas  probablement  fantai- 
siste, donné  au  Chasseur  thrace  par  les  artisans  qui  ont  sculpté  le  monument. 
J'ai  soutenu  au  contraire,  et  je  crois  avoir  démontré,  que  le  mélange  du  motif 
du  soldat  à  cheval  avec  le  motif  du  chasseur  indigène  est  entré  suffisamment 
dans  les  habitudes  de  la  sculpture  funéraire  thraco-mésienne  pour  qu'on  ne 
puisse  chercher  aucune  intention  spéciale  dans  tel  ou  tel  cas  particulier.  Notre 
monument  n'est  qu'un  exemple  de  plus. 

Du  fait  que  le  Chasseur  est  figuré  partiellement  sous  les  traits  d'un  soldat, 
du  fait  même  que  la  scène  serait  peut-être  influencée  par  des  souvenirs  de  la 
religion  mithriaque,  si  répandue  dans  les  camps  du  Danube*,  on  ne  saurait 
conclure  que  le  sarcophage  de  Lajene  soit  réellement  celui  d'un  soldat.  Seules 
les  inscriptions  trouvées  en  même  temps  pourraient  nous  renseigner  utilement. 
Mais  leur  état  de  mutilation  ne  fournit  aucune  indication  précise;  elles 
semblent  seulement  prouver  qu'il  s'agit  d'habitants  de  langue  latine  dans  une 
contrée  où  la  langue  usuelle  est  encore  le  grec".  Or  quels  autres  habitants  de 

1.  RE  A,  1912,  p.  245. 

2.  Seul  exemple,  probablement  éphèbe  à  cheval  :  BC//,  1913,  p.  119,  n"  38, 
fig.  8  :  T)pa);  -/atpE  (Abdère). 

3.  REA,  1912,  p.  162. 

4.  Gumont,  op.  cit.,  I,  p.  248,  —  Toutain,  Cultes  païens  dans  l'Empire 
romain^  II,  p.  158. 

5.  L'inscription  N»  149  a  conservé  le  nom  propre  Malrona,  On  trouvera  plus 
loin,  p.  373,  note  2,  une  autre  Malrona,  également  mésienne,  dont  le  nom  et 
l'épitaphe  sont  rédigés  en  grec  :  le  fait  qu'ici  les  textes  trouvés  dans  le  mau- 
solée sont  rédigés  en  latin,  ajouté  à  cet  autre  que  Lnjene  est  situé  sur  le  même 
parallèle  que  Nicopolis  ad  Islrum,  donc  exactement  sur  la  frontière  thraco- 
mésienne  (ftA,  1907',  p.  259;  1915',  p.  177),  qui  coïncide  pour  cette  région 
avec  la  frontière  des  langues  (/{A,  19072,  p.  270,  note  2),  semble  prouver  que 
nous  n'avons  pas  aiïaire  à  des  Grecs  romanisés,  lesquels  ont  l'habitude  de 
toujours  rédiger  les  épitaphes  en  langue  grecque  (cf.  N»  151). 


370  REVUE   ARCHÉOLOGIOLE 

langue  latine  le  pays  pouvait-il  attirer  ou  retenir,  si  ce  n'est  les  soldats'  ?  En 
fait,  les  inscriptions  latines  de  la  région  et  les  stèles  funéraires  les  plus  soignées 
sont,  jusqu'à  présent,  presque  toutes  consacrées  à  des  personnages  de  l'armée 
morts  pendant  leur  séjour  dans  des  garnisons  danubiennes  ou  depuis  leur  instal- 
lation comme  vétérans  retraités  dans  le  pays  qu'ils  n'ont  pas  voulu  ou  pas  pu 
quitter.  Cette  constatation  est  un  argument,  mais  ne  saurait  constituer  une 
preuve. 

Si  les  sculptures  ne  peuvent  nous  renseigner  sur  la  profession  ou  la  nationa- 
lité de  ceux  qui  les  ont  commandées,  elles  fournissent  du  moins  des  indications 
sur  les  artisans  qui  les  ont  exécutées.  Nous  avons  vu  que  les  scènes  décoratives 
des  sarcophages  semblent  indiquer  des  influences  gréco-asiatiques  et  témoignent 
d'une  certaine  habileté  technique.  Le  relief  du  Cavalier,  comparé  aux  monu- 
ments analogues,  et  notamment  à  ceux  sur  lesquels  semblent  apparaître  les 
indices  d'une  contamination  due  à  la  diffusion  du  mithriacisme,  prouve  égale- 
ment une  inspiration  moins  grossière  traduite  par  des  ouvriers  plus  exercés. 

Le  mausolée  de  Lajene  et  son  contenu  rappellent  le  tombeau  et  le  sarco- 
phage d'Artchar  (notre  N°  81).  Il  y  a  des  ressemblances  dans  l'ornementation 
sculpturale.  Ici  et  là,  le  Cavalier  funéraire,  rare  sur  des  sarcophages,  est  traité 
peut-être  moins  comme  symbole  religieux  que  comme  sujet  de  décoration.  Ici 
et  là,  le  sépulcre  possède  une  architecture,  un  aménagement,  une  décoration 
qui  révèlent  chez  les  propriétaires  un  rang  et  une  situation  de  fortune  rares 
dans  les  pays  danubiens,  et  chez  les  sculpteurs  une  technique  supérieure  à 
celle  des  artisans  indigènes.  Les  uns  et  les  autres  devaient  être  des  étrangers  : 
ceux-là,  des  Grecs  romanisés  ou  plus  probablement  des  Romains"  ;  ceux-ci, 
des  ouvriers  immigrés  d'Asie-Mineure  sans  doute.  Le  sarcophage  d'Artchar 
est  nettement,  avons-nous  vu,  de  style  gréco-oriental'.  Ceux  de  Lajene  ont  la 
même  inspiration  et  se  réclament  des  mêmes  analogies.  Leurs  dates  aussi  sont 
voisines  :  si  le  premier  ni  peut  guère  être  plus  récent  que  le  second  siècle  de 
notre  ère,  les  autres  ne  doivent  guère  être  antérieurs  à  ce  même  siècle  ni  pos- 
térieurs au  suivant.  A  quelques  dizaines  d'années  près,  ils  appartiennent  les 
uns  et  les  autres  à  l'époque  des  Antonins. 

Le  plus  vraisemblable  est  d'attribuer  l'ensemble,  architecture  et  aménage- 
ment, à  l'un  de  ces  ateliers  de  tailleurs  de  pierre  dont  nous  nous  sommes 
occupés  à  propos  du  N°  148.  Us  étaient  dirigés,  avons-nous  vu,  par  des  immi- 
grés étrangers,  des  asiatiques  surtout,  et  particulièrement  des  Syriens.  J'ai 
cité  les  ateliers  que  nous  connaissons,  à  Callatis,  à  Serdica,  à  Konin  *  ;  il  y  en 

1.  Ou  les  commerçants  installés  auprès  des  camps  (voir  ci-dessous,  commen- 
taire des  N°s  153  et  suivants). 

2.  Voir  à  la  page  précédente,  la  note  5. 

3.  RA,  1913',  p.  60-61. 

4.  Références  ci-dessus,  N°  148  et  notes  7  et  8  de  la  p.  361. 


ARCHÉOLOGIE   THRACE  371 

avait  aussi  à  Périnthe*  et  sans  doute  dans  la  plupart  des  grandes  villes»;  il  y 
en  avait  à  Nicopolis  ad  Istrum,  où  ils  ont  fait  adopter  un  genre  de  monuments 
funéraires,  la  base  surmontée  d'une  pyramide',  qui  est  d'origine  asiatique.  Nico- 
polis est  la  ville  importante  la  plus  voisine  de  Lajene  =  Mellat  :  il  se  pourrait 
qu'on  dût  rapporter  à  ses  ateliers  les  monum'^nts  qui  nous  occupent. 

NM49.  —  Fragment  d'architrave*  (long.  :  1™,29  ;  larg.  : 
0'°,59;  ép.  :  0'°,27).  Sur  le  bandeau  plat  que  limitent  les  mou 
lures,  on  lit  quelques  lettres,  réparties  sur  deux  lignes  (l'^«  ligne  : 
0"^,10;  2«  ligne  :  0",07)  : 

...MATPONA  SAC   MARIT... 

...    T  ERR  EN  O    ET    LAPIDE... 

Au  témoignage  de  M.  Filov  lui-même,  Tinscription  est  des 
plus  soignées.  Aussi  est-on  surpris  que  la  faute  grossière  qui 
apparaît  dans  le  nom  MATRONA  (p  pour  R)  soit  signalée  par 
lui  comme  une  erreur.  On  croirait  plus  volontiers  aune  éraflure 
ayant  fait  disparaître  le  jambage  inférieur  de  la  lettre  R,  et  il 
semble  impossible  que  la  faute  n'ait  pas  sauté  aux  yeux  de 
l'ouvrier  ou  de  la  dédicante,qui  l'auraient  corrigée  ou  fait  cor- 
riger. Toutefois  il  faut,  jusqu'à  plus  ample  informé,  s'en  tenir 
au  témoignage  de  qui  a  vu  la  pierre.  Si  la  lettre  gravée  est 
assurément  un  P,  une  erreur  aussi  étrange  indiquerait,  je  crois, 
une  confusion  entre  l'alphabet  latin  et  l'alphabet  grec,  où  P 
représente  R  :  ce  serait  une  preuve  de  plus  que  les  artisans  du 
mausolée  sont  des  gens  de  langue  grecque. 

11  serait  illusoire  d'essayer  de  retrouver  le  texte  primitif 
grâce  aux  quelques  mots  conservés.  Diverses  remarques  per- 
mettent cependant  d'en  reconnaître  la  disposition,  d'en  sup- 

1.  TéxvTj  Xi6oypyc5v  :  Z>H,  n»  65,  p.  378. 

2.  Il  faut  conclure  de  la  présente  étude  et  de  nos  N°»  81  et  155  à  157  qu'il  y 
en  avait  aussi  à  Ratiaria.  —  Pro^ope,  de  JEdif.,  IV,  6,  p.  291  édit.  Bonn,  cite 
sur  le  Danube  un  çpoupiov  qu'il  appelle  Aa7tt8âpia,  situé  non  loin  d'Utus^  èv  ûoTaTo) 
Tù)v  'IXXupixûv  ôpîwv,  c'est-à-dire  dans  le  voisinage  de  l'embouchure  de  la  rivière 
Vid.  Il  s'agit  vraisemblablement  d'une  carrière  exploitée  par  les  lapidarii  de 
la  ville  voisine,  Svichtov  =  Novae. 

3.  fiA,  1907»,  p.  274,  et  n»  10,  p.  422. 

4.  hvestia  Son.  arch.,  1913,  p.  321. 


372  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

puter  la   longueur,  et  même  d'en  deviner  la  rédaction  et  la^ 
teneur. 

Les  moulurations  qui  limitent  la  pierre  dans  le  haut  comme 
dans  le  bas  prouvent  que  l'inscription  n'avait  réellement  que 
deux  lignes  :  le  début  et  la  fin  ne  pouvaient  se  trouver  que  sur 
des  pierres  contiguës  à  celle-ci  dans  le  sens  horizontal.  L'en- 
semble formait,  soit  une  architrave,  en  un  ou  plusieurs  blocs  *, 
surmontant  en  partie  ou  en  totalité  la  porte  d'entrée,  soit  un 
bandeau  servant  de  dessus  de  porte,  mais  se  continuant  dans 
les  deux  sens  de  façon  à  orner  la  façade  entière  '\  Dans  le  pre 
mier  cas,  la  longueur  maxima  de  l'inscription  aurait  été  de 
5  m.,  dans  le  second,  de  8  m. 

La  régularité  et  la  netteté  de  la  gravure  permettent  de  cal- 
culer très  approximativement  le  nombre  des  lettres  ou  espaces 
qui  pouvaient  composer  la  première  ligne  :  un  peu  plus  de 
60  pour  une  longueur  de  5  m.,  un  peu  moins  de  100  pour  une 
longueur  de  8  m.  '.  La  plus  grande  taille  des  lettres  dans  la 
première  ligne  montre  que  cette  ligne  renfermait  à  tout  le 
moins  la  partie  essentielle  de  la  dédicace.  Or,  cette  partie 
essentielle  se  compose,  au  minimum^  de  trois  éléments  indis- 
pensables :  indication  de  la  personne  qui  dédie,  indication  de 
la  personne  à  qui  on  dédie,  formule  de  consécration. 

De  ces  trois  éléments  nous  connaissons  le  premier,  puisque 

1.  Nous  connaissons  les  dimensions  certaines  de  la  façade  (8  m.)  ;  nous  ne 
pouvons  que  conjecturer  celles  de  la  porte.  Si  le  plan  des  ruines  est  exact 
[hvestia,  1913,  p.  317,  fig  242),  il  indique  dans  les  fondations  mêmes  du  mur 
delà  façade  une  solution  de  continuité  qui  doit  correspondre  au  soubassement 
de  la  porte.  La  largeur  de  5  m.  environ  qui  est  ainsi  marquée  est  parfaitement 
acceptable,  puisque  les  fouilles  ont  prouvé  l'existence  de  deux  colonnes,  les- 
quelles, divisant  l'entrée  en  trois  parties  et  sans  doute  1  architrave  en  trois 
blocs,  donnaient  à  cette  dernière  une  portée  raisonnable,  et  à  l'ensemble  du 
monument  l'aspect  et  l'architecture  normales  d'un  petit  temple  in  antis. 

2.  Il  serait  inutile  et  invraisemblable  de  supposer  que  le  bandeau  inscrit 
aurait  pu,  soit  déborder  sur  les  faces  adjacentes,  soit  enserrer  la  totalité  du 
monument  d'une  suite  continue  et  ininterrompue. 

3.  Exactement  65  et  97.  —  Il  n'y  a  pas  lieu  de  se  demander  si  l'inscription 
a  pu  avoir  moins  de  5  m.  de  long  :  le  raisonnement  qui  va  suivre  montrera 
que  le  nombre  de  65  lettres  pour  la  première  ligne,  supposée  longue  de  5  m., 
est  tout  juste  suffisant,  si  même  il  n'est  pas  un  peu  trop  restreint. 


ARCHÉOLOrxIE  THRACE  373 

le  texte  a  conservé  le  surnom  de  la  dédicante  :  Mat[r]ona^ —  ; 
le  second  :  marit[o] ...  ;  —  peut-être  aussi  le  troisième,  si,  comme 
je  le  pense,  l'abréviation  sac.  doit  être  complétée  par  sac{rum), 
et  non  point  par  sac(erdos),  titre  se  rapportant  à  Matrona*. 

S'il  en  est  ainsi,  il  y  a  lieu  de  restituer  à  gauche,  au  début 
de  la  ligne,  le  nom,  peut-être  aussi  la  filiation,  de  Matrona. 
A  droite,  on  restituera,  selon  Tusage,  un  adjectif  de  louange 
ou  de  regret  appliqué  au  mot  marito  \  puis  les  prénom,  nom, 
surnom  et  filiation  du  mari.  La  question  se  posera  alors 
de  savoir  si  Ton  devra  supposer,  à  la  suite,  des  mots  indi- 
quant que  la  dédicace  s'applique  aussi  à  la  dédicante  elle- 
même  et  à  sa  famille  :  par  exemple  quelque  chose  dans   le 


1.  II  ne  saurait  s'agir  d'une  épithèle,  dont  l'usage  serait  exceptionnel  et  peu 
explicable  ici.  Malrona  est  un  cognomen  fréquent;  en  Thrace  et  en  Mésie  on 
en  connaît  déjà  plusieurs  exemples  :  CIL,  III,  7569,  9601,  12501  ;  IGR,  631.  — 
Cf.  le  nom  d'une  des  quarante  vierges  martyrisées  à  Beroe  sous  Licinius  {Anal. 
Bolland.,  1912,  p.  198). 

2.  Hypothèse  de  M.  Filov.  Il  est  vrai  que,  par  une  curieuse  coïncidence,  le 
texte  IGB^  631,  cité  à  la  noie  précédente,  nomme  OuX^ta  Matpwva,  àp/iepzia., 
(r0[i.6coç  A'jp  •  Ilpeîcrxou  'laiSwpou  IIovTapxou,  etc.  Mais,  d'une  part,  il  ne  s'agit 
pas  de  la  même  personne  ;  d'autre  part,  sacerdos  n'est  pas  l'équivalent  d' ipxitpsia.  : 
il  est  naturel  que  ce  dernier  titre  soit  employé  seul  et  se  suffise  à  lui-même  ; 
au  contraire,  le  titre  de  sacerdos,  surtout  appliqué  à  une  femme,  ne  se  com- 
prend guère  sans  un  déterminatif  indiquant  le  genre  de  sacerdoce  exercé. 
Dans  la  région  thraco-mésienne  notamment,  le  titre  d'iepeîa  (pas  d'exenriple  de 
sacerdos)  est  toujours  accompagné  d'une  précision  spéciale  ou  résultant  du 
contexte  {IGR,  602  ;  Kalinka,  op.  ci<.,n«  186  ;  Arch.-Epigr.  Mitth.,  1882,  p.  19, 
n°  39).  —  Quant  à  savoir  si  le  mot  sac{rum)  est  acceptable  et  bien  placé,  la 
réponse  n'est  pas  douteuse  :  la  formule  D.M.S.  suffirait  seule  à  le  justifier. 
De  plus,  il  s'agit  ici  d'un  monument  en  forme  de  temple;  l'intercalalion  au 
centre  de  la  phrase  du  terme  de  dédicace  (ordinairement  rejeté  à  la  fin)  se  jus- 
tifie par  de  nombreux  exemples  (cf.  CIL,  III,  1863,  2173).  L'abréviation  elle- 
même  du  mot,  si  usuel  et  si  facile  à  comploter,  est  toute  naturelle,  plus  peut- 
être  que  ne  le  serait  celle  du  mot  sac{erdos),  bien  que  VIndex  du  CIL,  III,  cite 
les  lettres  SAC.  uniquement  comme  une  abréviation  de  sac{erdos).  Mais  cf.  par 
exemple  CIL,  VIII,  8458. 

3.  Les  analogies  ne  permettent  de  choisir  qu'entre  deux  hypothèses  :  ou 
bien  marito  était  suivi  d'une  épithète  et  des  noms  du  défunt,  ou  bien  il  était 
employé  absolument  sans  être  suivi  par  rien.  Dans  ce  dernier  cas  la  première 
ligne  se  serait  réduite  à  une  phrase  très  courte  dans  le  genre  de  :  Malrona 
sac.  marito,  ce  qui  revient  à  dire  que  nous  posséderions  la  totalité  de  cette 
ligne;  fait  bien  improbable,  puisque  nous  n'avons  manifestement  qu'une  partie 
de  la  seconde  ligne,  pourtant  symétriquement  placée  par  dessous. 


374  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

genre  de  la  formule  connue  et  sibi  vivae  et  suisK  L'hypothèse 
est  d'autant  plus  vraisemblable  que  l'hypogée,  avons-nous  vu, 
contenait  au  moins  deux  ou  trois  sarcophages,  et  qu'une  inscrip- 
tion conservée  (notre  n"  150)  paraît  s'appliquer  à  une  fille  de 
Matroaa  et  de  son  époux*,  morte  avant  ses  parents  \ 

Réduit  à  ses  éléments  essentiels,  et  sauf  le  cas  peu  vraisem- 
blable oii  il  aurait  été  condensé  en  une  phrase  excessivement 
brève,  l'ensemble  de  la  première  ligne  comprenait  sans  peine 
les  65  lettres  ou  espaces  qui  nous  ont  paru  constituer  sa  lon- 
gueur minima.  En  effet,  en  supposant  les  noms,  etc.,  de  la  dédi- 
cante  aussi  courts  que  possible,  il  faut  toujours  bien  replacer, 
au  début  de  la  ligne  à  gauche,  au  moins  un  nom  abrégé  :  soit 
4  à  6  lettres  ou  espaces  à  tout  le  moins.  Ajoutons  les  19  lettres 
ou  espaces  de  la  partie  conservée  ou  restituée,  plus  un  adjectif 
qualifiant  ma/ito  {dukissimo,  pientissiino,  ou  une  épithète  ana- 
logue), il  ne  reste  plus  pour  compléter  la  ligne  à  droite  qu'une 
trentaine  de  lettres  ou  espaces  :  quantité  assurément  suffisante 
pour  inscrire  les  tria  nomina  d'un  Romain,  surtout  s'ils  étaient 
normalement  abrégés  ;  trop  grande  même,  s'il  se  trouvait  que 
le  surnom  fût  particulièrement  court*;  trop  petite  cependant 
pour  que,  sauf  dans  l'hypothèse  la  plus  favorable",  on  puisse 
ajouter  à  la  nomenclature  autre  chose  qu'un  titre  du  person- 
nage. S'il  y  avait  en  outre  quelque  formule  générale  du  genre 
de  celle  que  nous  avons  tout  à  l'heure  indiquée  comme  possible 
et  même  probable,  la  place  des  32  lettres  ou  espaces  sup- 
plémentaires  admissibles  au    cas  où  l'inscription   aurait  eu 


1.  Dans  cette  formule,  si  fréquente  en  totalité  ou  en  partie,  les  trois  membres 
de  phrase  :  et  sihi  —  vivae  —  et  suis  (=  et  filiis,  etc.,  ou  n'importe  quelle  autre 
variante  de  même  sens)  peuvent,  bien  entendu,  être  employés  ensemble  (1,  2, 
3  ou  1,  3)  ou  séparément  (1  ou  3).  Il  faut  tenir  compte  de  ces  possibilités  dans 
le  calcul  du  total  des  lettres  que  pouvait  contenir  la  première  ligne. 

2.  L.  i4r:v.  15  :  0  genitore[!f]. 

3.  L.  5  z=  V.  5-6  :  disceptarunt  fata  ne  pia  esse  patri  Nec  matri  possem. 

4.  A  titre  d'exemple  :  M.  Aur.  Pio  ne  contiendrait  que  10  lettres  ou  espaces, 

5.  Celle  de  l'exemple  donné  à  la  note  précédente,  ou  de  tous  autres  analo- 
gues :  il  resterait  alors  de  la  place  pour  plus  d'une  vingtaine  de  lettres,  suffi- 
samment pour  une  formule  supplémentaire,  telle  que  :  et  sibi  vivae  et  suis. 


ARCHÉOLOGIE   THRACE  375 

la  longueur  maxima  de  8  m.,  se  trouverait  facilement  occupée. 

Passons  à  la  seconde  ligne.  Gravée  en  caractères  plus  fins,  il 
est  vraisemblable  qu'elle  contenait,  selon  les  analogies,  Ténu- 
mération  des  objets  dédiés  :  les  mots  conservés  prouvent  que 
la  réalité  est  conforme  à  cette  vraisemblance.  Or,  Tusage 
montre  que  cette  énumération  est  faite  dans  Tordre  suivant  : 
1°  un  ou  plusieurs  termes  généraux  indiquant  l'édifice  ou  spé- 
cifiant les  parties  qui  le  composent;  —  2°  une  suite  de  mots 
reliés  aux  précédents  par  ciim  et  entre  eux  par  des  et...,  et..., 
successifs,  l'ensemble  formant  une  liste  nominative  d'objets 
particuliers  qui  font  partie  intégrante  de  l'édifice  ou  de  ses 
annexes,  et  qui  par  conséquent  doivent  être  protégés  par  les 
lois  et  règlements  sur  la  propriété  en  général  et  sur  l'inviola- 
bilité des  sépultures  en  particulier  \ 

Le  terme  général  est  perdu.  Nous  avons  pour  le  restituer  le 
choix  entre  une  foule  de  mots  usuels  :  sepulchrum^  monumen- 
tiim,  aedem,  templum,  etc^  Il  lui  était  peut-être  adjoint  un 
second  term«  indiquant  le  terrain  en  même  temps  qu'est  dési- 
gnée la  construction  :  par  exemple  aream  et  sepulchrum*.  Il 
pouvait  aussi  être  sous-entendu  :  c'est  évidemment  l'édifice 
qui  porte  l'inscription. 

Pour  se  décider  entre  ces  trois  possibilités,  il  faudrait  savoir 
de  quelle  place  nous  disposons  à  gauche,  au  début  de  la  seconde 
ligne.  L'incertitude  où  nous  sommes  pour  la  première  a  comme 
conséquence  une  égale  incertitude  pour  la  seconde.  Mais,  dans 
l'hypothèse  où  il  ne  manquerait  au  début  de  la  première  ligne 

1.  Généralités  relatives  aux  réo^ions  thraco-mésiennes  dans  BCU,  1912, 
p.  606-610  et  dans  fiA,  1913  «,  p.  66. 

2.  Même,  à  la  rigueur,  lumulujn,  comme  on  le  verra  à  propos  de  notre  N"  151. 

3.  Cf.  les  formules  mésiennes  que  voici  :  memoriam  fecit  in  praedio  suo 
{CIL,  111,770;  Tomi)  —  locum  et  sepulchrum  vivus  sibi  et  suis  exornavit 
[Ibld.f  7545;  Tomi)  —  Tf,v  (TTetX:Sa  xaTCo-xéSaffa  aùv  xCù  touo)  tw  TiepiwpKyixévco 
{IGR,  648;  Tomi).  —  Ajouter  le  texte  suivant,  dont  les  diverses  parties  con- 
cordent assez  bien  avec  celles  qui  pouvaient  être  énumérées  ici  :  monimentum 
et  stdlunm  et  arulam  cum  subptisito  in  lerram  sarcophago  lapideo  {CIL,  III, 
13365).  —  Énumération  encore  plus  complète  dans  CIG,  3007  (Éphèse)  :  to 
liVTipietov  xal  y\  xax'  ofùtoû  xa(jiàpa  xat  ïi  utio  tV  xa|xâpav  dopo;  xai  ô  7ieptxet|xevoc 
TtepiêoXo;  xa\  aï  xaxà  toO  lîtptêôXou  <j6poi  8uo  xat  Ta  êvToç  toO  TïepiêéXou  nâvTa.». 


376  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

que  les  quelques  lettres  d'un  nom  sans  doute  abrégé,  il  ne 
saurait  y  avoir  au  début  de  la  seconde  aucun  terme  général, 
puisque  le  court  espace  à  remplir  serait  occupé  par  les  lettres 
ou  espaces  qu'il  faut  obligatoirement  —  nous  allons  le  voir  — 
restituer  avant  les  mots  conservés  :  [citm  ...siib]terreno  et 
lapide...  C'est  le  cas  le  plus  probable. 

Des  termes  spéciaux  deux  ont  subsisté  :  terrenum^  lapis.  — 
Le  premier  est  un  adjectif  qu'on  ne  peut  admettre  ici  ni  comme 
usité  substantivement  ni  comme  désignant  le  terrain,  rempla- 
cement. Le  mot  est  fort  rare  avec  cette  signification*  ;  de  plus, 
s'il  possédait  ce  sens,  j'ai  montré  que  c'est  dans  le  membre  de 
phrase  précédent  qu'il  aurait  été  exprimé.  Reste  qu'il  s'applique 
à  un  substantif  disparu^  ou  que  ce  soit  la  fin  du  mot  com- 
posé sribterrenum,  traduction  du  mot  grec  uTCoyaTjv,  hypo- 
gée*. Dans  les  deux  cas  le  sens  est  le  même,  et  le  terme  s'ap- 
plique avec  justesse  :  il  désigne  la  crypte  où  étaient,  nous 
l'avons  vu,  rangés  et  conservés  les  sarcophages.  —  Le  mot 
lapis  ne  peut  évidemment  pas  désigner  les  matériaux  mêmes  de 
la  construction,  qu'il  n'y  a  aucune  utilité  à  énoncer  à  part  de 
l'ensemble  dont  ils  sont  une  portion  constitutive.  Du  reste,  en 
ce  sens,  le  mot  serait  obligatoirement  au  pluriel.  Au  singulier, 
il  peut  désigner  des  objets  précis  :  ou  bien  la  dalle  qui  ferme 
l'hypogée  (mais  cette  dalle  était-elle  unique  ?);  —  ou  bien  la 

1.  Terrenum  =  area  :  aucun  exemple  dans  Forcellini. 

2.  Comme  locus,  solum.  —  Dans  le  texte  CIL,  III,  13365,  cité  à  la  page  pré- 
cédente, note  3,  suhpositus  in  terrain  sarcopAagws  équivaut  ksubterrenus  sarco- 
phagus.  Ici  il  y- a,  on  le  croit  du  moins,  plusieurs  sarcophages,  d'où  l'impossi- 
bilité de  restituer  :  [cum  sarcophago  suh]terreno.  —  On  ne  peut  davantage 
songer  à  rattacher  terrenus  à  lapis  {et  terreno  lapide),  d'abord  parce  qu'on 
comprend  mal  ce  qu'indiquerait  l'expression  terrenus  lapis  {la  dalle  au  niveau 
du  son  Voir  à  ce  sujet  les  restrictions  formulées  un  peu  plus  loin),  ensuite  et 
surtout  parce  que  l'interposition  de  la  conjonction  et  entre  l'adjectif  et  le  sub- 
stantif n'est  possible  qu'en  poésie  :  or  il  est  plus  qu'improbable  que  nous 
soyons  ici  en  présence  d'une  rédaction  versifiée. 

3.  ^YTroyaîo;,  adjectif,  est  usité  sous  la  forme  d'un  substantif,  ÙTcoyatov.  Sub- 
terrenuSy  adjectif,  a-t-il  donné  naissance  au  substantif  subterrenum,  souter- 
rain ?  Je  n'en  ai  pas  trouvé  d'exemples.  De  l'adjectif  lui-même,  pris  au  sens 
funéraire,  je  ne  connais  que  l'emploi  suivant  {Anlhol.  lat.y  481,  39)  : 

Vili  subterrena  pusillus  tumulor  urna. 


ARCHEOLOGIE    THRACÉ  377 

plaque,  scellée  sur  le  mur  intérieur,  qui  porte  l'inscription  que 
nous  allons  étudier  ci-après  (N°  150);  —  ou  bien  le  revêtement 
décoratif  en  marbre  (cn/5/«).  Dans  ce  dernier  sens,  lapis  est  la 
traduction  du  grec  X'.Ooç,  qui  au  singulier  indique  souvent  du 
marbre  taillé  en  lamelles  formant  appliques  *  :  ordinairement 
alors  le  sens  est  précisé  par  un  adjectif  indiquant  «  Torigine,  le 
caractère  apparent,  l'usage  »'.  Je  préférerais  ici  cette  interpré- 
tation ;  et,  sans  rien  restituer  puisque  nous  manquons  d'élé- 
ments certains,  je  considérerais  comme  assurée  la  présence, 
après  lapide,  d'un  qualificatif  indiquant  la  provenance,  la 
forme  ou  l'emploi  des  plaques  de  marbre*. 

Si  la  dédicante  a  pris  soin  d'indiquer  nominativement  la 
crypte,  les  plaques  du  revêtement,  elle  a  dû  à  plus  forte  raison 
spécifier  des  objets  facilement  transportables  et  plus  tentants  : 
les  sarcophages  renfermés  dans  la  crypte,  les  statues  et  piédes- 
taux érigés  à  l'extérieur  du  monument.  La  mention  de  ces 
objets  mobiliers  est  du  reste  d'usage  courant*.  Il  faut  donc  très 
probablement  restituer,  après  un  adjectif  qualifiant  lapis\  une 
suite  de  mots  comme  :  el  sdrcophagis  (peut-être  avec  mention 
de  leur  quantité  :  tribus)  et  statuis  (de  même  :  duabus).  A  suppo- 
ser qu'il  n'y  ait  pas  d'autres  mots,  cela  donne  un  total  d'environ 
35  lettres  ou  espaces  à  rajouter  sur  la  droite  de  la  seconde 

1.  flA,  1915%  p.  190,  note  4;  BGH,  1912,  p.  615,  n°  72,  et  le  commentaire 
de  la  1.  4.  —  Cf.  Bict.  des  Antiq.,  s.  v.  Crusta,  Lapis. 

2.  Dict.  des  Anliq.,  s.  v.  Lapis,  p.  931. 

3.  M.  Filov,  en  transcrivant  les  deux  lignes  du  texte,  indique,  avant  et 
après  chacune  d'elles,  des  points,  qui  signifient  sans  doute  que  ce  qui  précède 
ou  suit  est  indistinct  sur  la  pierre.  En  ce  qui  concerne  les  points  qui  suivent  à 
la  seconde  ligne  le  dernier  mot,  LAPIDE,  on  peut  se  demander  si  le  premier 
de  ces  points  est  gravé  sur  la  pierre  et  par  conséquent  indique  que  le  mot 
lapide  est  terminé.  Si  non,  on  pourrait  songer  à  restituer  l'adjectif  lapide[us]^ 
en  se  référant  à  l'exemple  cité  p.  375,  note  3  :  cum  sarcophago....  lapideo 
(cf.  CIL.,  VIII,  9985  :  ara  lapidea).  On  appliquerait  alors  répithète  aux  objets 
que  la  suite  immédiate  du  commentaire  prouve  devoir  être  mentionnés  en 
cet  endroit  :  les  sarcophages  de  la  crypte  et  les  statues  de  l'extérieur,  donc  : 
cum  [ornatu  (?)  sub]terreno  et  lapide[is  sarcophagis  et  statuts...]. 

4.  Cf.  à  Nicopolis  ad  Istrum  :  [memoria]s  (?)  et  statuas  duas  (ftA,  1908» 
p.  64,  n«  71);  memoriam  et  st{at)uas  {Ibid.,  p.  69,  n"  81).  —  Ajouter  les  textes 
cités  p.  375,  note  3. 

5.  Ou  après  le  mot  restitué  lapide[is]  :  cf.  note  3  ci-dessus,  à  la  fin. 

v«  SÉRIE,  T.  m.  25 


378  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

ligne;  ce  total  pouvant  monter  jusqu'à  50.  Or  nous  avons  vu 
que  35  lettres  ou  espaces  tiendraient  à  la  rigueur  sur  une  ins- 
cription longue  de  5  m.  ;  mais  pour  50  ou  un  nombre  plus 
grand  il  faudrait  supposer  8  m.  de  longueur.  L'étude  de  la 
première  ligne  n'a  pas  permis  de  décider;  l'analyse  de  la 
seconde  ne  le  permet  pas  davantage.  Le  problème  de  la  lon- 
gueur totale  reste  donc  lié  à  celui  de  la  restitution  intégrale  du 
texte  :  ni  l'un  ni  l'autre  ne  comportent  actuellement  de  solution. 

Mais  il  résulte  du  moins  de  ce  qui  vient  d'être  dit  que  la 
teneur  générale  de  l'inscription  peut  être  représentée  comme 
suit  : 

1^®  ligne  : 

[Nom,  filiation,  etc.]  Matrona  sac{rum)  marito  [dulcissimo  (?) 
prénom,  nom,  surnom,  titres,  etc.,  et  sibi  {?)  vivae  [f?)  et  suis  {??).  ...] 

2«  ligne  : 

^[aream  et  sepulchrum  )■ 

[[{ou  équivalents  ;  ou  rien)  \  ^"^  (substantif  -^)  sub]  terreno 

,      ■  ,    ([(^  adjectif)  et) 
et  lapide  \  V  sarcophagis  (nombre  f?)  et  statuts  (?) 

(nombre  ff)  et  (?) f(aciendum)  c(uravit)  ;  ou  rien] 

N°  150.  —  Cinq  fragments  d'une  plaque  de  marbre*  portant 
une  inscription  métrique  en  latin.  Quatre  de  ces  fragments  se 
rejoignent  et  recomposent  ainsi  à  peu  près  la  totalité  de  la 
moitié  gauche  de  la  plaque  (0°',28  X  0'^,305).  Le  cinquième  se 
replace  dans  le  haut  de  la  partie  droite  perdue  (O^'jlO  X  0°^,14) 
et  se  raccorde,  à  quelques  lettres  près,  aux  premières  lignes  de 
la  moitié  gauche.  La  plaque,  épaisse  d'environ  0",03,  devait 
être  fixée  au  mur  intérieur  du  mausolée;  elle  était  limitée  par 
une  mouluration  qui  s'épanouit  latéralement  en  queues  d'aronde, 
dont  les  angles  internes  supérieurs  portent  les  lettres  d.m. 
—  Fig.  48. 

Le  texte  est  assez  lisible.  Au  début  des  lignes,  l'alignement 
vertical  est  observé  avec  soin;  à  la  fin,  au  contraire,  le  remplis- 

1.  Izvestia  Soc.  arch.,  1913,  p.  322,  fig.  252. 


ARCHÉOLOGIE    THRACE  379 

sage  est  inégal  :  la  première  ligne  est  très  serrée  afin  que  le 
premier  vers  y  tienne  tout  entier;  dans  les  lignes  suivantes, 
inversement,  les  lettres  sont  agrandies  et  espacées;  malgré  cela 
il  reste  à  leurs  extrémités  de  la  place  vide,  qu'on  a  cherché  à 
combler,  aux  1.  3  et  5,  par  des  feuilles  de  lierre.  D'une  façon 
générale,  la  taille  des  lettres  va  en  diminuant  et  les  intervalles 
en  se  resserrant  à  mesure  que  le  texte  se  poursuit;  les  quatre 
premières  lignes  ont  des  lettres  nettement  plus  hautes,  plus 
larges  et  plus  espacées.  Toutes  ces  inégalités  des  lignes,  des 
lettres  et  des  intervalles,  empêchent  qu'on  puisse  fixer  par  le 
calcul  le  nombre  des  lettres  perdues  dans  les  8  fins  de  lignes 
qui  manquent.  Mais  il  est  vraisemblable  que,  d'une  manière 
générale,  ce  nombre  était  plus  considérable  dans  la  seconde 
moitié  du  texte  que  dans  le  début.  On  ne  devra  donc  pas  écarter 
les  restitutions  qui  allongeraient  un  peu  le  contenu  total  des 
dernières  lignes  par  rapport  aux  premières*. 

Le  texte  est  d'une  écriture  médiocre,  mais  relativement  cor- 
rect. Les  ligatures  sont  rares  (1.  4  :  \^z=vnt;  1.  5  :  az=at; 
1.  11  :  ^Ez=zVE,  fèz^TiBi);  les  erreurs  aussi  (1.  5  :  mre=:nere; 
1.  11  :  Roc-zzROGO,  DOLFA=:DOLEAs).  —  Certaines  lettres  ont 
des  formes  spéciales  :  a  pour  a,  ^  pour  d,  \  pour  a,  ^^  pour  s.  — 

1.  La  première  ligne,  serrée  à  la  fin  seulement,  contient  40  lettres.  La  resti- 
tution qu'on  trouvera  plus  loin  suppose  que  la  l.  11  en  aurait  eu  45,  nombre 
d'autant  plus  acceptable  que  le  graveur  y  a  justement,  peut-être  parce  qu'il 
était  gêné  par  le  petit  espace  dans  lequel  il  voulait  terminer  la  ligne  et  le  vers, 
commis  des  erreurs  :  (  •  au  lieu  de  o,  s  oublié)  et  introduit  des  abréviations 
(fèzzTlBl)  et  des  ligatures  ('\e:=Ve)  qui  ont  eu  pour  résultat  de  gagner 
5  espaces  et  de  n'utiliser  ainsi  que  l'emplacement  nécessaire  pour  40  lettres.  — 
De  même  les  1.  14  et  15  paraissent  avoir  contenu  respectivement  46  et  48  lettres. 
Le  total  est  assurément  un  peu  gros  :  toutefois  il  n  est  pas  inacceptable,  s'il  y 
avait  aussi  des  omissions,  des  abréviations  ou  des  ligatures.  Une  autre  restitu- 
tion, possible  a  priori  (voir  ci-dessous,  p.  385),  ne  laisserait  à  ces  lignes  que 
31  et  35  lettres,  total  trop  faible  et  qui  suppose  en  outre  que  Tépitaphe  se  ter- 
minerait par  un  vers  incomplet.  —  Une  difficulté  du  même  genre  se  présente  à 
la  1.  6,  où  la  seule  restitution  possible  pour  un  vers  régulier  ne  comporte  que 
31  lettres  :  l'adjonction  d'une  préposition,  du  reste  nécessaire  au  sens,  rétablit 
une  longueur  normale,  en  fournissant  36  lettres  ;  mais  alors  le  vers  est  trop  long 
d'un  pied.  Il  semble  toutefois  impossible  de  ne  pas  admettre  cette  erreur  de 
versification,  surtout  dans  un  morceau  qui  en  f  ntient  manifestement  d'autres. 


380 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


Des  signes  de  ponctuation  indiquent  la  séparation  des  vers  et 
aident  à  la  reconstitution  du  texte  :  ce  sont  des  points  dans  la 
première  moitié,  des  virgules  dans  la  seconde  moitié  (à  lai.  11, 
le  point  remplace  un  o).  —  D'autres  signes  encore  sont  usités  : 
à  Tavant-dernière  ligne,  un  accent  circonflexe  semble  indiquer 
une  sorte  de  crase  :  o  =00;  après  Tavant-dernier  mot,  une  vir- 
gule paraît  tenir  lieu  d'un  point  d'interrogation. 


S'isie,  viatoi\  iter,  ammu[mgue  intende  sepul]ckro, 

Et  lege  quam  dure  sit  mihi  v[ita  d]ata. 

Ipso  immarcebam  caro  florenl[e]  marito, 

In  (quartum  decimumque)  annum.  Mors  mihi  saeva  fuit  : 
5.        [I\am  d]isceptarunt  fata  ne  pia  esse  patri 

Nec  mat[ri  possem]  te[ne]r(a)e^  pi[a)e  f(a)emin{a)e,  cast{a)e. 

Pro  piet[as!  (inter)  pr]imas  satiavi  fata  superba  ; 

Nomine  v[ ]  rest{i)t[ue]bar  {?), 

Qui  nunc  quam  sci[s  raptam,  illa  sed]  ab  impia  fata 
10.      Disceptata  die,  ut  n[ondum  conjuncta]  marilo 

Crudelis  thalamos  post  mor[lem  invita]  reliqui, 

Teque  ro[go'\,  comis  dolea[s]  :  tibi  pulch[rius  illud], 

Quod  mea  virginitas  mor[tal]i  somn[o  abotevit]  ; 

Isquè  tuas  cineres  aurea  ter[ra  teget], 
15»     [Ast  hoc  tantum  vos]  ego  nunc  moneo^  (0)  genitore[s]f 

[Quid  flelis  f  :  nam  fata  potes t  quis]  rumpere  ?  Nemo. 


ARCHÉOLOGIE    THRACE  381 

Grâce  à  ces  remarques,  on  peut  presque  partout  lire  ou 
retrouver  la  rédaction  primitive.  Dans  les  dernières  lignes,  où 
les  mots  manquants  sont  plus  nombreux,  on  ne  peut  atteindre 
avec  une  certitude  absolue  le  mot  à  mot  original;  mais  les 
parties  restituées  conviennent  à  la  versification,  au  sens  géné- 
ral, à  la  longueur  des  espaces  à  remplir.  Seul  le  v.  8,  qui 
semble  avoir  contenu  les  noms  propres,  échappe  à  tous  les 
efforts. 

Le  morceau  contient  des  erreurs  : 

i^De  grammaire  :  — v.  3  :  abl.  en -i  pour-e ,  florenti;  —  v.  11  : 
ace.  en  -is  pour -es,  crudelis  (forme  volontairement  archaïque  ?)  ; 
—  V.  9  :  ace.  au  lieu  de  l'abl.,  aô  impia  faia;  — v.  10-11,  i/t 
avec  l'indic,  ut....  reliqui; 

2°  De  signification  :  — v.  3  :  ^immarcebam,  mot  inusité*;  — 
V.  4  :  in  XIIII  annum,  erreur  grammaticale  ou  emploi  rare  de 
in  au  sens  de  :  jusqu'au  milieu  de*\  —  v.  12  :  comis,  adj. 
employé  pour  Tadv.  comzV^r,  et  pris  au  sens  de  doucement  signi- 
fiant  légèrement^  de  façon  peu  intense,  comme  équivalent  de 
leniter-,  de  même  que  explétif,  ajouté  pour  la  mesure  et  faus- 
sant le  sens. 

3°  De  prosodie  :  —  e  final  bref,  quoique  remplaçant  «e  ;  v.  6  : 
pïê  fdeminë,  cf.  dans  la  même  phrase  :  lënërë;  —  a  final  de  la 
1"  décl.  bref  même  à  Tablatif;  v.  14  :  isque  tuas  cineres 
aureà  terra  (abl.  de  lieu)  leget;  v.  10  :  disceptatd  die  (abl. 
de  temps); 

4^^  De  versification  :  —  allongement,  à  la  coupe,  d'une  brève 
suivie  d'une  voyelle;  v.  1  :  iièr\  —  manque  d'élision;  v.  5  : 

1.  Seul  l'adjectif  immarcescibilis  est  connu  (Forcellini),  et  encore  il  a  un 
sens  opposé  à  celui  qu'il  faudrait  adopter  ici.  Immarcescihilisy  avec  le  préfixe 
négatif  in,  signifie  qui  ne  se  flétrit  point  ;  immarcesco  (ici  immarceo),  avec  m 
inchoatif  comme  dans  infloresco^  signifierait  je  commence  à  me  flétrir.  —  La 
lecture  immargebam,  possible  d'après  le  texte,  où  C  est  écrit  G,  suppose  un 
barbarisme  (=  immergebam),  peut-être  joint  à  une  faute  de  conjugaison 
{=immergebar),  PÀ  même  alors  ne  fournirait  pas  un  sens  satisfaisant,  faute 
d'un  complément  {immergebar  inmortem,  in  inferos,  in  Tartara,  etc.). 

2.  Voir  les  exemples  de  Bùcheler,  II,  1540  et  1041  :  in  VU,  in  X  (annum) 
ascendens;  sens  plus  rationnel. 


382  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

ne  pïà  ëssê  ;  —  syllabes  ea  surnombre  ;  v.  5  :  fàtd,  ajouté 
tort  au  milieu  d'un  pentamètre  déjà  complet;  v.  7  :  préposi- 
tion donnant  un  pied  de  trop'. 

La  plupart  de  ces  erreurs  ont  une  cause  unique  :  les  modifi- 
cations maladroites  qu'un  versificateur  incompétent  a  fait  subir 
pour  les  adapter  à  des  circonstances  spéciales,  à  des  vers  passe- 
partout  tirés  d'un  manuel  à  l'usage  des  épitaphiers^  Nous  sai- 
sissons assez  bien  ici  le  mécanisme  de  ce  procédé,  et  les  bévues 
qui  en  résultent.  L'auteur  manque  de  culture;  il  connaît  mal 
les  règles  de  la  versification  ;  il  ignore  quelquefois  le  sens  exact 
des  mots  employés  :  il  est  fort  probable  du  reste  que  le  latin 
n'est  pas  sa  langue  maternelle  '.  Il  nous  rappelle  ceux  qui  chez 
nous  composent  les  vers  dits  de  mirlitons.  Même  inexactitude 
dans  le  choix  des  expressions;  même  tendance  à  se  contenter 
des  à  peu  près;  mêmes  fautes  de  versification.  Le  moderne  sou- 
vent néglige  de  compter  les  syllabes  muettes;  l'ancien  oublie 
de  vérifier  la  quantité  des  voyelles;  ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont 
choqués  par  un  vers  trop  long  ou  trop  court  d'un  pied. 

L'auteur  semble  avoir  voulu  écrire  des  vers  élégiaques,  qui 
sont  de  style  dans  les  épitaphes,  et  pour  lesquels  sans  doute  le 
manuel  offrait  le  plus  grand  nombre  de  modèles.  Mais,  ainsi 
qu'il  arrive  fréquemment,  la  régularité  du  distique  n'est  pas 
longtemps  conservée.  On  trouve  commode  d'employer  un  pen- 
tamètre dont  le  sens  agrée,  à  une  place  où  la  correction  exige- 
rait un  hexamètre;  ou  bien  encore  on  rencontre,  dans  le 
manuel,  un  plus  grand  nombre  d'hexamètres  que  de  penta- 
mètres convenant  à  exprimer  l'idée  à  développer.  C'est  pourquoi 
la  pièce,  sur  16  vers,  ne  contient  que  3  distiques  (v.  1-2,  3-4, 13- 

1.  Au  lieu  de  [inter  p]rimas  =  l'une  des  premières  de  ma  génération,  on  pour- 
rait restituer  aussi  [per  lac]rimas.  Le  sens  serait  moins  net  et  peut-être  moins 
satisfaisant  ;  la  faute  subsisterait. 

2.  Cf.  ftA,  1913*,  p.  246-247.  —  Sur  la  question  de  l'existence  de  pareils 
manuels,  voir  Rev.  de  Philologie,  1889,  p.  51  suiv.  ;  Philologus,  LXII,  p.  445 
suiv.  ;  Focillon  dans  Plessis,  Epitaphes,  p.  xvii-xix. 

3.  Le  tailleur  de  pierre  fournit  sans  doute  aussi  la  poésie  funéraire,  et  il  est 
vraisemblable  qu'il  a,  à  sa  solde,  quelque  Grec  immigré  comme  lui  qui  se  charge 
de  la  composer.  —  Cf.  Focillon,  loc.  cit.,  note  1  de  la  p.  xix. 


ARCHÉOLOGIE   THRACE  383 

14).  Encore  le  second  est-il  incorrect  dans  sa  première  moitié,  à 
cause  de  la  difficulté  de  faire  entrer  un  chiffre  dans  le  rythme 
du  vers.  Dans  ce  cas,  les  épitaphiers  ont  l'habitude  de  ne  pas 
tenir  compte  des  syllabes  indiquant  le  chiffre  :  ils  les  mettent 
ordinairement,  pour  ainsi  dire,  hors  rang  et  comme  entre 
parenthèses.  Le  recueil  de  Bûcheler,  Carmina  latina  epigra- 
phica,  qui  est  en  fait  équivalent  à  l'un  de  ces  manuels  poétiques 
dont  usaient  sans  doute  les  anciens,  en  contient  de  nombreux 
exemples*.  Parfois  cependant  le  chiffre  lui-même  compte  dans 
la  mesure  du  vers'  :  mais  alors  peu  importe  qu'il  fournisse  un 
trop  grand  nombre  de  syllabes.  L'excuse  est  qu'on  est  en  pré- 
sence d'une  nécessité  majeure,  analogue  à  celle  qui  se  présente 
quand  on  doit  insérer  dans  le  vers  un  nom  propre  réfractaire  à 
une  scansion  normale  :  même  les  meilleurs  poètes  ont  admis 
cette  licence  indispensable.  Ici  j'ai  supposé  que  le  chiffre  comp- 
tait dans  la  mesure  du  vers  :  celui-ci  a  par  suite  un  pied  de 
trop.  Il  aurait  un  pied  de  moins  si  le  chiffre  n'entrait  pas  en 
ligne  de  compte.  De  toute  façon  il  est  forcément  irrégulier. 

L'auteur  a  emprunté  à  son  manuel  des  vers  entiers,  des  moi- 
tiés de  vers,  parfois  même  de  simples  expressions.  Voyons 
comme  il  les  a  utilisés. 

1.  Xll  ego  annorum  vixi  dulcissimae  matri  (I,  502  =  CIL,  VI,  14578). 
Annorum  VlUl  vixi  dukissima  parentibus  meis  (II,  1541  =CIL,  VI,  30118). 
Ut  annis  Xllî  m.  VI  d.  XXVI  nobiscum  advixeris  una  (I,  613  =  CIL,  X,  2496). 
Quinq(u>^)  et  XL  vixit  pia  larga  benigna  (I,  559  =  CIL,  VIII,  412). 

Vixit  enim  onn.  XV H  tt  mêmes  VU  diesque  XV III,  au  milieu  d'hexamètres 
(I,  454  =  C/L,  XII,  743). 

Hue  sita  est  Paterna  post  annos  VIUl  et  XX,  au  milieu  d'hexamètres  (I,  476 
=  CIL,  VI,  3452). 

Annos  qui  vix[lt]  X  et  XIIJl  soles,  pentamètre  (II,  1224  =  CIL,  VI,  19874). 

Annorum  gnatus  XXV  [peribam],  pentamètre  (II,  1257  =  C/L,  VI,  30134) 

2.  Iter  VII  annis  ego  jam  fatale  peregi  (II,  1068)  [—  septem]. 

In  X  ascendens  animam  deposui  mearn  (II,  1541)  [^decimum  (annum)]. 

Quintum  annum  et  decimum  Narcissus  flore  juventae  (II,  1119). 

Hinc  me  igitur  nosces  sextum  decAmumque  tulisse 

Annum...  (I,  420  =  C/L,  X,  2311). 

Annis  in  lucem  duo  de  triginta  moratus  (II,  1814). 

Unu{m)  et.  viginti  bis  juncti  viximus  annos  (II,  1551  =  CIL,  X,  7565). 

Bis  quinos  annos  mensesque  duos  duo  soles  (I,  434  =  CIL,  XI,  7435). 


384  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Il  est  exceptionnel  qu'un  vers  entier  puisse  être  recopié  sans 
modification.  Généralement  on  change  un  ou  deux  mots,  soit 
pour  adapter  l'idée  générale  au  cas  particulier,  soit  pour  se 
donner,  par  l'introduction  d'un  synonyme,  ou  par  l'interver- 
sion de  deux  mots  de  même  quantité,  l'apparence  d'inventer. 
Ainsi  nous  trouvons  dans  Bûcheler  deux  variantes  du  penta- 
mètre suivant  : 

a)  Aspice  quam.  misère  sit  data  vita  mihi  (II,  1541  —  CIL, 
VI,  30118). 

b')  Aspice  quam  indigne  sit  data  vita  mea  (II,  1539  =  C/L, 
V,  1305). 

Notre  auteur  en  a  composé  une  troisième  : 

Et  legs  quam  dure  sit  mihi  vita  data  (v.  2). 

De  même  le  v.  11  est  évidemment  calqué  sur  un  modèle, 
dont  je  ne  connais  pas  d'exemples,  mais  qui  est  de  la  forme  : 

Crudeles  thalamos  post  m,ortem  —  ^  reliqui. 

Ce  vers  admet  à  l'avant-dernier  pied  des  substitutions  aisées 
et  nombreuses  (mots  de  deux  syllabes  :  — -^,  ou  même,  s'ils 

commencent  par  une  voyelle,  de  trois  et  de  quatre  : >^, 

^^  ^  — — .)  Mais  il  est  plus  difficile  de  changer,  sauf  pour  la 
troisième  personne  (re/iguit),  le  verbe  final  qui,  à  d'autres  temps, 
personnes  ou  modes,  deviendrait  trop  long.  C'est  pourquoi  ici 
le  versificateur  a  renoncé  au  subjonctif,  pourtant  exigé  par  le 
ut  du  vers  précédent. 

De  même  encore,  un  vers  du  genre  de  : 

Atque  tuas  cineres  aurea  terra  teget* 
est  d'usage  commode;  mais  si  le  sens  de  la  phrase  précédente 

1.  Autres  exemples  du  même  vers  :  II,  1540,  1083,  1084  (avec  mihi  au  lieu 
de  ?7iea),  1542  (partiellement  disparu,  l'adverbe  est  douteux).  —  La  fréquence 
de  ce  vers  tend  à  prouver  qu'il  est  conforme  au  modèle  original. 

2.  Nous  le  connaissons  sous  la  forme  : 

lllius  cineres  aurea  terra  teget  (II,  1308  =:  CIL,  X,  633)i 


ARCHÉOLOGIE   THRACE  385 

oblige  à  changer  un  mot  {isque  au  lieu  de  atque),  le  sujet  change 
du  même  coup,  et  aurea  terra  devient  un  ablatif  que  Fauteur 
scande  maladroitement  comme  s'il  avait  conservé  le  nominatif 
de  son  modèle. 

Les  moitiés  de  vers  sont  plus  faciles  à  reprendre  sans  change- 
ment. On  en  reconnaît  ici  plusieurs,  remployées  avec  des  suc- 
cès divers  : 

v.  1  :  Siste,  viator,  iter.,,, 

V.  4  :  Mors  mihi  saeva  fuit. 

v.  3  :  ....  caro  ftorente  marito  (il  est  évident  que  sur  notre 
texte  l'interversion  des  deux  premiers  mots  est  une  faute  du 
graveur;  Vi  final  de  ftorenti  est  soit  une  mauvaise  lecture,  soit 
une  erreur  provenant  de  ce  qu'après  interversion  du  mot  l'au- 
teur ne  sentait  plus  le  besoin  d'une  syllabe  brève). 

V.  6  :  ....  pia  femina  casta  (fin  de  vers  maladroitement  faus- 
sée par  l'emploi  d'un  cas  différent). 

V.  7  :  saiiavi  fata  super ba. 

V.  15  : vos  ego  nunc  moneo^  a  genitores. 

V.  16  :  ....  fata  potes t  quis  rumpere?  Nemo. 

(Remarquer  que  ces  deux  dernières  formules  pourraient  se 
rabouter  exactement*  : 

Vos  ego  nunc  moneo,  o  genitores  :  fata  potest  quis 
Rumpere?  Nemo. 

(J'ai  expliqué  plus  haut  pourquoi  cet  ensemble  ne  me  paraît 
pas  pouvoir  être  adopté  ici'). 

Les  formules  toutes  faites  sont  parfois  reprises  et  modifiées 
sans  adresse  : 

y.  9  :  ah  impia  fata,  solécisme  provenant  de  l'usage  irréfléchi 

1.  Je  n'en  connais  pas  d'exemples.  —  A  comparer  avec  le  v.  16  ; 

1"  pour  le  sens  de  la  seconde  partie  :  ' 

.,.moneo  :  mors  omnibus  instat  (I,  485  =  CILy  IT,  391). 

2"  pour  la  première  partie,  restituée  : 

...moneo  ne  quis  me  lugeat  (II,  1032  =  CIL,  XIV,  2553). 

2.  Ci-dessus,  p.  379^  note  1. 


386  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

d'une  expression  qui  dans  le  modèle  devait  être  :  per  (ou  ac 
impia  fata. 

V.  9  :  Qui  nunc  quant,  transition  toute  faite  dans  laquelh 
quam  était  sans  doute  primitivement  un  adverbe  :  il  est  malaisé 
d'arriver  ici  à  un  mot  à  mot  exact. 

Le  sens  général  du  morceau  me  paraît  être  celui-ci  : 
La  fille  de  Matrona  et  de  son  mari  est  morte  à  14  ans,  soit 
fiancée  et  non  mariée,  soit  plutôt  si  nouvellement  mariée  qu'elle 
n'a  pas  eu  le  temps  d'être  pour  son  mari'  une  véritable  épouse. 
D'où  le  sens  des  consolations  qu'elle  adresse  à  celui-ci  :  sa  dou- 
leur doit  être  calme  (comis),  et  il  vaut  mieux  pour  lui  (v.  12) 
n'avoir  pas  connu  les  joies  d'une  union  qui  lui  aurait  laissé 
trop  de  regrets  (v.  10  et  13).  Le  reste  n'est  que  remplissage  et 
banalités  :  la  mort  s'est  montrée  particulièrement  cruelle  pour 
la  défunte  (v.  4);  elle  a  disparu  l'une  des  premières  de  sa  géné- 
ration (v.  7),  sans  même  vivre  assez  longtemps  pour  rendre  les 
derniers  devoirs  à  ses  parents  (v.  5-6).  Mais  il  n'y  a  qu'à  s'incli- 
ner devant  les  arrêts  de  la  fatalité  (v.  15-16)  :  nous  mourons 
tous;  le  jeune  époux  lui-même  mourra  à  son  tour  (v.  14). 

Cette  pièce  de  vers  n'ajoute  rien  à  la  valeur,  très  faible,  de 
la  littérature  funéraire  latine  telle  que  nous  la  connaissons  par 
les  documents  épigraphiques'.  Elle  a  cependant  le  mérite  de 
se  prêter  à  une  analyse  qui  montre  bien  les  procédés  de  com- 
position des  épitaphiers,  les  sources  de  leur  inspiration  et  les 
causes  de  leurs  incorrections,  surtout  quand  le  manuel  aide- 
mémoire  est  employé  par  des  gens  peu  lettrés  pour  qui  le  latin 

n'est  pas  la  langue  maternelle. 

Georges  Seure. 

1.  Je  soupçonne,  sans  pouvoir  en  apporter  de  preuve,  que  ce  jeune  époux 
pourrait  bien  s'être  appelé  Florens.  Gela  expliquerait  l'interversion  étrange  que 
nous  avons  signalée  au  v.  3,  et  aussi  la  finale  ablative  en  i,  rare  pour  le  parti- 
cipe, mais  usuelle  pour  le  surnom  qui  en  est  tiré. 

2.  J'ai  déjà  cité  l'étude  de  M.  Focillon,  Sur  la  Poésie  funéraire  d'après  les 
inscriptions  (dans  Plessis,  op.  cit. s  p.  xv-lx).  Elle  vaut  la  peine  d'être  lue  ; 
mais  elle  aboutit  à  des  conclusions  trop  indulgentes,  surtout  quand  on  les 
applique  à  la  poésie  provinciale. 


LES 

FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE 


i 


{Suite*) 

Je  pourrais  dès  maintenant  conclure;  mais  je  tiens  à  ajouter 
à  cette  démonstration  une  preuve  matérielle  et  directe.  Sous  le 
titre  Pompei  et  Petra,  la  lievue  archéologique  (1862,  t.  II,  p.  1 
sq.)  a  jadis  publié  en  partie  un  mémoire  d'Hittorf  sur  une  pein- 
ture pompéienne  (pi.  X)*.  Je  passe  sous  silence  les  extrava- 
gances d'Hittorf  à  son  sujet.  Elle  représente  une  enceinte  rec- 
tangulaire, bordée  de  constructions,  au  fond  et  à  droite.  Au 
premier  plan,  une  entrée  fantaisiste,  —  fronton  coupé,  colonnes 
décorées,  etc.  —  fermée  à  mi-hauteur  par  un  rideau  contre 
lequel  est  posé  un  autel,  a  pour  but  avoué  d'encadrer  et  de  laisser 
voir  une  tholos  qui  occupe  le  centre  de  Tédifice.  Le  toit  de 
celle-ci  s'appuie  sur  six  colonnes  corinthiennes  et  a  son  sommet 
terminé  par  une  amphore  panathénaïque;  une  chaîne  en  des- 
cend, où  pend  un  aigle  ou  un  cygne  qui  tient  un  diadème.  A 
droite  de  l'entrée,  le  mur  a  été  également  coupé  à  mi-hauteur 
et  porte  un  masque  tragique  dont  le  front  est  pourvu  de  deux 
cornes  de  taureau.  Au  dessous  de  ce  masque  et  contre  le  mur, 
repose  à  terre  une  amphore  décorée  d'une  peinture  où  l'on 
reconnaît  distinctement  Apollon  sur  l'omphalos  ;  à  droite, 
Oreste  accourt  vers  lui,  sans  doute  pour  recevoir  de  lui  l'épée 
vengeresse;  à  gauche,  une  femme  est  debout  (la  Pythie?)*. 

1.  Voy.  \dL  hev.  arc/i.  de  septembre-octobre,  novembre-décembre  1915,  jan- 
vier-février et  mars-avril  1916. 

2.  Voir  préférablement  la  grande  planche  de  Zahn,  Les  plus  beaux  ornements 
et  les  tableaux  les  plus  remarquables  de  Pompei^  t.  II,  Berlin,  1342-1844, 
pi.  70. 

3.  Sur  ia  planche  de  Zahn,  ce  personnage  est  quasi  effacé.  —  Voir  Dict.  des 


388  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

Or,  M.  Svoronos  {op.  cit.,  p.  18,  f.  17;  cf.  p.  17,  f.  16  ;  p.  19, 
f.  18-19)  a  publié  une  monnaie  corinthienne  du  sanctuaire  isth- 
mique  (L.  Verus),  présentant  l'image  d'une  tholos  construite 
comme  celle  d'Épidaure,  sur  une  partie  souterraine  dont  le  rôle 
important  est  mis  en  relief  par  une  élévation  évidemment  exa- 
gérée. Du  sommet  pend  une  chaîne  terminée  par  un  cygne  en 
plein  vol. 

On  souscrira,  j'espère,  aux  propositions  suivantes  : 

1^  Malgré  la  part  de  fantaisie  que  comporte  le  dessin  pom- 
péien, celui-ci  permet  de  restituer  un  édifice  réel.  Le  soin  apporté 
à  cette  peinture,  ses  dimensions  (4'"  X  3™),  la  place  qui  lui  a 
été  attribuée  {œcus),  attestent  la  célébrité  de  l'édifice;  la  com- 
position indique  en  outre  que  ce  renom  était  dû  pour  beaucoup 
à  la  tholos  qui  en  occupe  le  centre. 

2°  L'autel  prouve  qu'il  s'agit  d'un  monument  religieux;  le 
diadème  et  l'oiseau  prouvent  que  le  rituel  y  était  en  relations 
directes  ou  indirectes  avec  le  symbolisme  solaire.  La  peinture 
de  l'amphore  précise  que  le  culte  était  apollonien  ou  très  proche 
du  culte  d'Apollon.  Le  masque,  cette  amphore  et  celle  du  som- 
met de  la  tholos  révèlent  que  le  sanctuaire  possédait  des  jeux 
très  connus. 

3^  L'identité  d'un  détail  caractéristique  (chaîne,  diadème, 
oiseau)  permet  de  reconnaître  dans  la  fresque  de  Pompéi  la 
tholos  isthmique;  par  suite,  l'oiseau  figuré  sur  cette  fresque  est 
bien  un  cygne.  D'autre  part,  la  monnaie  citée  offre,  selon  les 
expressions  de  M.  Svoronos  ((  in  seinen  wesentlichen  Zûgen,  eine 
gelreue  Copie,  wenn  nicht  das  àp^^éxuxov  der  Tholos  von  Epidau- 
ros  »  (p.  18).  Cette  similitude  paraîtra  plus  frappante  encore 


ant.t  t.  IV,  p.  199,  v°  Omphalos  (Karo)  et  233,  v»  Orestes  (A.  Martin)  ;  Ros- 
cher.  Lex.,  t.  III,  col.  964,  v°  Orestes  (Hôfer)  ;  cf.  S.  Reinach,  Rép.  de  vases,  l.  I, 
p.  390,  n«*  2  3.  On  pourrait  songer  à  Oreste  venant  demander  au  dieu  protec- 
tion et  purification  (cf.  S.  Reinach,  op.  cit.,  t.  I,  p.  53,  n»  3  ;  p.  276,  n»  1  ; 
p.  467,  n»  2;  Middieton,  The  temple  of  Apollo  at  Delphi,  in  Journ.  of  hell.  St. y 
t.  IX,  1888,  p.  296  sq.);  mais  les  représentations  de  cette  scène  montrent 
Oreste  sur  l'omphaios  et  tenant  Tépée.  Je  regrette  au  surplus  de  ne  pouvoir  exa- 
miner la  peinture  elle-même. 


LES  FALLACIEUX  DETOURS  DU  LABYRINTHE       389 

dès  qu'on  aura  remarqué  ceci  :  entre  la  3®  et  la  4®  colonne  de  la 
tholos  pompéienne  existe  la  place  d'une  7^,  intentionnellement 
supprimée  pour  qu'on  puisse  voir  le  diadème;  l'édifice  avait 
donc  en  réalité  quatorze  colonnes  corinthiennes,  comme  la  cella 
de  la  tholos  d'Épidaure.  En  outre,  la  partie  souterraine  du 
monument  isthmique  est  un  labyrinthe.  Résultat  confirmé  par 
ailleurs.  La  peinture  étudiée  par  Hittorf  a  été,  en  effet,  trouvée 
dans  la  Maison  du  Labyrinthe,  à  quelques  pas  de  la  mosaïque 
fameuse  d'où  cette  maison  tire  son  nom.  Je  ne  crois  point 
qu'on  puisse  voir  là  un  curieux  hasard;  je  le  crois  d'autant 
moins  que  le  masque  aux  cornes  de  taureau  établit  un  lien 
entre  les  deux  œuvres.  «  Nous  ne  savons,  dit  M.  Navarre, 
quel  attribut  indiquait,  chez  Euripide,  la  métamorphose  d'Hippè 
en  cheval,  quel  autre  caractérisait  le  Minotaure  »  [Dict.  des 
ant.,  t.  IV,  p.  410,  v°  Persona).  Pour  le  Minotaure  du  moins,  le 
masque  de  la  peinture  pompéienne  me  paraît  fournir  une 
réponse'.  Et  si  la  série  de  ces  déductions  est  exacte,  le  masque 
et  les  amphores  de  la  fresque  indiquent  la  destination  des  tholoi 
isthmique  et  épidaurienne. 

Faut-il  aller  plus  loin?  Il  est  à  peine  conjectural  de  penser  que 
le  propriétaire  de  la  Maison  du  Labyrinthe  a  fait  couronner  aux 
Jeux  Isthmiques  un  canticum  qui  donnait  une  voix  au  Mino- 
taure ^  Il  l'est  davantage  d'imaginer  que  nous  pouvons  aller  le 
voir  à  la  maison  dite  «  du  Poète  tragique  »  ;  mais  je  ne  résiste 
pas  à  cette  tentation.  Les  deux  maisons  sont  situées  à  deux  pas 
l'une  de  l'autre  et  se  font  presque  vis-à-vis;  elles  sont  de  la 
même  époque  et  les  peintures  sont  du  même  style  :  première 


L  Cf.  le  Thésée  d'Euripide  (Nauck,  Trag.  gr.  fi\,  Lipsiae,  1856,  p.  373, 
fr.  383-384;  Piutarque,  Thés.,  15.) 

2.  Cf.  Boissier,  De  la  signification  des  mois  saltare  et  cantare  tragœdiam,  in 
Rev.  arch.,  1861,  t.  II,  p.  33  3  sq.  On  représentait  à  Delphes  le  combat  d'Apollon 
contre  le  dragon,  sa  fuite,  sa  purification  à  Tempe  et  son  retour  à  Delphes  ;  un 
éphèbe  jouait  le  rôle  du  dieu  (v.  H.  Weil,  Inscriptions  de  Delphes,  in  Bull,  de 
corr.  hell.,  t.  XVII,  1893,  p.  567).  Je  suppose  ici  l'existence  d'un  «  mystère  » 
analogue,  —  d'un  «  mystère  »  de  Thésée. 


390  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

moitié  du  i^"^  siècle  ap.  G.  *.  Pourquoi  les  deux  propriétaires  n'au- 
raient-ils pas  été  liés  par  TafTection,  et  Torfèvre  qui  habitait  la 
Maison  «  du  Poète  tragique  »  n'aurait-il  pas  voulu  avoir  sous 
les  yeux  le  portrait  d'un  ami  que  sa  victoire  a  dû  rendre  illustre 
à  Pompéi?  La  Maison  du  Labyrinthe  serait  ainsi  la  vraie  maison 
du  ((  Poète  tragique  ». 

Ce  sont  là  simples  hypothèses;  mais  je  ne  crois  point  qu'ail- 
leurs un  doute  puisse  subsister  :  la  tholos  d'Épidaure  est  essen- 
tiellement un  odéon,  comme  celles  du  Ptoïon  et  du  sanctuaire 
isthmique,  comme  aussi,  selon  toute  vraisemblance,  celles  de 
Marmaria,  de  Trézène  et  d'Argos',  comme  la  Skias  de  Sparte  et 
enfin  le  théâtre  panathénaïque.  Les  peintures  de  Pausias  (Pau- 
sanias,  III,  27,  3)  représentaient  d'un  côté  Éros,  porte-lyre,  de 
l'autre  une  femme  buvant,  une  Ménade;  les  deux  scènes  sont 
des  motifs  dionysiaques  très  communsMls  réclamaient  ici  leur 
place;  c'est  pour  fêter  la  vigne  que  naquit,  au  sein  du  divin  cor- 
tège, la  poésie  dramatique.  Les  deux  hymnes  delphiques  à 
Apollon  ont  été  exécutés  par  les  artistes  dionysiaques  d'Athènes 
(Weil,  Un  nouvel  hymne  à  Apollon  in  Bull,  de  corr.  hell.^ 
t.  XVIII,  1894,  p.  348,  362).  Si  l'on  songe  d'une  part  que  la  reli- 
gion asclépiaque  d'Athènes  était  épidaurienne  —  elle  y  aurait 
même  été  intronisée  par  Sophocle  *  —  comme  celle  de  Sicyone, 
de  Cos,  de  Garpathos,  de  la  Grète,  de  la  Gyrénaïque,  de  Pergame, 


1.  V.  Thédenat,  Pompei,  Paris,  1906,  p.  99,  101,  108,  plan  in  fine  \  cf. 
Mau,  Ges':h.  der  decorativen  Wandmalerei  inPompei,  Berlin,  1882,  p.  127  sq. 

2.  V.  Svoronos,  op.  cit. ^  p.  16,  fig.  11-14  et  p.  17,  f.  15.  —  Thiersch  {Arch. 
Anz.,  1907,  p.  491)  a  déjà  eu  cette  pensée.  Dans  la  Tholos  de  Marmaria 
auraient  donc  été  chantés  le  péan  d'Aristonoos  de  Gorinthe  (Weil,  op.  cit.^ 
p.  561  sq.)  et  les  deux  hymnes  du  Trésor  des  Athéniens.  Le  rôle  qu'y  joue 
Pallas,  rôle  remarqué  par  M.  Weil  (p.  568),  n'est  pas  pour  interdire  cette 
conclusion. 

3.  Cf.  S.  Reinach,  Rép.  de  vases,  t.  I,  p.  203,  n»  5  ;  t.  II,  p.  22  n»  5, 
p.  155  n®  11,  p.  348  n°  1  ;  Frickenhaus,  Lenàenvasen  (72ème  Progr,  zum  Winc- 
kelmannsf.),  Berlin,  1912,  p.  13,  f.  28.  Pausanias  (IV,  34,  6)  signale  à  Koroné 
un  temenos  consacré  à  Artémis  -jiaiSoTpôcpoç,  Dionysos  et  Askiepios. 

4.  L.  V.  Sybel,  Askiepios  und  Aikon,  in  Ath.  Mitth  ,  t.  X,  1885,  p.  99.  — 
Voir  Pausanias,  I,  21  ;  II,  26,  8  ;  cf.  Dittenberger,  Syll.,  p.  549,  n»  374. 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        391 

deSmyrne,  etc.';  d'autre  part,  que  les  cultes  épidaurien  et  del- 
phique  étaient  étroitement  liés^  on  admettra  que  ce  synode  a 
pu  venir  à  Épidaure.  Peut-être  est-ce  lui  qui  a  fait  entendre  le 
poème  d'Isyllos  (Cavvadias,  FoinVes,  p.  37,  n<^  7;  Wilamowitz, 
loc.  cit.). 

La  mosaïque  de  Pompéi  m'a  déjà  ramené  au  labyrinthe  dont 
cette  digression  m'éloignait.  Il  constitue  un  élément,  à  coup 
sûr  essentiel,  de  la  Tholos  d'Épidaure,  non  architectural,  comme 
le  présume  Fiechter  {Arcli.  Anz.,  191 2,  p.  18), car  Polyklète aurait 
eu  tant  de  moyens  tellement  plus  simples  et  moins  coûteux  de 
soutenir  la  construction  supérieure'  —  mais  religieux.  Le  lec- 
teur ne  s'en  étonnera  point  :  il  a  vu  dans  les  labyrinthes  une 
des  images  les  plus  anciennes,  dans  les  plans  circulaires  une 
des  traditions  les  plus  vénérées  de  Théliolâtrie.  Et  ce  n'est  pas 
seulement  le  sang  d'Apollon  qui  fait  battre  le  cœur  d'Asklépios; 
la  légende  a  ici  une  signification  plus  haute  et  plus  profonde. 
Le  fîls  de  Koronis  est  tout  animé  de  l'esprit  du  Dieu  vainqueur; 
il  garde  un  peu  de  son  âme  ;  il  participe  vraiment  à  son  essence, 
et  c'est  d'elle  qu'il  tient,  comme  son  frère  nordique^  Auschla- 
vis  *,  ce  doux  pouvoir  de  guérir  dont  les  miracles  lui  font  une 
auréole,  aussi  glorieuse  que  la  couronne  de  Phoïbos.  Sur  de 
nombreux  monuments,  il  prend,  auprès  de  l'omphalos,  la  place 
de  son  père^  ;  ses  trois  filles  ont  le  visage  envermeillé  des  Cha- 
rités, et  la  plus  jeune,  Aigle,  porte  le  nom  de  l'une  d'elles  ''.  Lui 


1.  Hérodote,  VII,  9ê  ;  Dittenberger,  p.  588,  n««  398  et  399;  Bull,  de  corr. 
hell.,  t.  VI,  1881,  p.  231  et  234;  G.  Wescher,  Hey.  arch.,  1863,  t.  II,  p.  481  ; 
Pausanias,  II,  10,  3  ;  26,  8  et  9. 

2.  Wilamowitz-Môllendorf,  Isj/Z/os  i;oM  Epidauros  {Philol.  Unters.,  IX,  1886, 
p.   11,  13,  91);  Frôhner,  inscr.  gr.  du  Louvre,  Paris,  1865,  p.   105,  n«  48. 

3.  Fiechter  l'a  obscurément  senti  ;  les  passages  ménagés  dans  les  murs,  sur- 
tout, le  gênent.  Ce  sont  eux  qui  le  poussent  à  supposer  que  le  dispositif  a  eu 
une  adaptation  utilitaire  (trésor). 

4.  V.  Krause,  Tuisk.,  p.  207  sq. 

5.  S.  Reinach,  Rép.  stat.,  t.  I  [ClaracJ,  p.  289,  pi.  550,  n^  1161  ;  pi.  549 
n»  1159;  Frôhner,  Notice  de  la  sculpture  au  Louvre,  Paris,  1870,  p.  369; 
Amelung,  Puhrer  d.  die  Ant.  in  Plorenz,  1897,  p.  67  et  68,  f.  18;  Mionnet, 

Descr.  des  méd.ant.,  suppl.,  t.  IV,  1829,  p.  520  (monnaies  de  Pergame,  etc.). 

6.  Un  relief  du  Vatican  montre  les  Charités  à  la  droite  d'Asklépios,  debout 


392  REVUE   ARCHEOLOGIQUE 

même  a  sur  ses  traits  le  rayonnement  de  jeunesse  de  rétern( 
Amant*.  Enfin,  son  nom  est  éclatant  de  lumière  et  sa  bruissante 
sonorité  n'est  que  le  frémissement  de  la  clarté  du  jour*.  C'est 
pourquoi  l'image  du  piège  d'où  l'astre  sauveur  se  délivre  à 
chaque  printemps  pouvait  illustrer  le  sanctuaire  d'Asklépios  et 
émouvoir  son  fidèle,  —  ou  même  un  passant  comme  Pausanias». 
Rien  n'autorise  à  parler  de  rhystères  à  Épidaure;  le  labyrinthe 
de  la  tholos  n'est  d'ailleurs  pas  mystérieux.  Le  pèlerin  qui  le 
parcourait  accomplissait  simplement  un  geste  pieux,  d'une 
vertu  éprouvée  et  consacrée  par  les  siècles,  celui  du  chrétien 
suivant  à  genoux  les  a  chemins  de  Jérusalem  »  des  églises 
médiévales;  devant  ses  pas, 

Les  quatre  ardents  chevaux  dressaient  leur  poitrail  d*or. 

Souterrain  comme  le  labyrinthe  de  Crète,  mais  semblable  en 
plan  à  celui  de  Tirynthe,  le  labyrinthe  d'Épidaure  dérive  de  ses 
lointains  ancêtres  et  en  rappelait  le  mythique  souvenir.  Entre 
l'impérissable  croyance  des  temps  les  plus  reculés  et  les  dévo- 
tions d'une  Grèce  parvenue  aux  raffinements  de  la  plus  noble 
culture,  entre  l'art  primitif  des  Dédales  d'autrefois  et  la  suprême 


devant  un  adorant  à  genoux  {Dict.  dss  ant.,  t.  I,  p.  124,  f.  163).  Cf.  Apollon 
et  Dionysos  tauromorphe  portant  les  Charités  (Decharme,  Myth.  de  la  Grèce*y 
1886,  p.  129,  f.  25;  p.  461,  f.  122),  en  plaçant  auprès  de  ce  dernier  monu- 
ment le  Tarvos  Trigaranus  de  Nolre-Datne-de-Paris  (Musée  de  Cluny;  v. 
S.  Reinach,  Cultes,  t.  I,  1904,  p.  233  sq.  ;  la  danse  du  répavoç  permet  de  com- 
prendre pourquoi  trois  grues  remplacent  les  Charités).  On  aura  ainsi  trois 
expressions  de  la  même  exquise  pensée. 

1.  Le  type  jeune  et  imberbe  est  le  plus  ancien  ;  v.  Pausanias,  II,  10,  3  ;  13  ; 
VIII,  28,  1;  Helbig,Fu/irer...  in  Rom,  i.  I,  1891,  p.  142;  S.  Reinach,  fi^p.  5f., 
t.  I,  p.  289,  pi.  545,  n°  1145;  pi.  549,  n»  1159. 

2.  Isyllos  le  dérive  de  At'yXiri  ["AdyXyj];  cf.  Homère,  Od.,  IV,  45;  VI,  45; 
Wilamowitz, /oc.  cit.;  Preller-Robert,  Gr.  Myth.,  p.  258  n.  3;  Roscher,  Lex., 
t.  I,  1884-1886,  p.  616  (Thraemer).  J'ai  même  noté  au  musée  de  Sofia  plu- 
sieurs stèles  (n°«  410,  3297,  3868)  où  Asklépios,  formellement  désigné  par 
l'inscription,  se  confond  avec  le  cavalier  solaire.  Cf.  Filow,  Arch.  Anz.,  1912, 
p.  571,  f.  12  et  Seure,  Deux  variantes  thraces  du  type  d' A  7' té  mis  chasseresse, 
in  ft.  d.  Et,  gr.,  t.  XXV,  1912,  p.  26. 

3.  Voir  sa  conversation  avec  un  Sidonien  rencontré  dans  le  temple  d'Asklépios 
à  Aegium  (VII,  23). 


Les  fallacfeuX  oÉTOuns  l)tj  Labyrinthe  393 

élégance  d'un  Polyclète,  il  constituait  un  lien  visible,  immortel 
et  vivant*. 


VIII 

On  voit  tout  ce  qu'affirme,  précise,  unit  le  labyrinthe  de 
Tirynthe;  il  porte  encore  d'autres  témoignages. 

Si  Ton  restitue  comme  je  Tai  indiqué  le  plan  édité  par 
M.  Kurt  Millier,  la  présence  d'une  unité  de  mesure  saute  immé- 
diatement aux  yeux.  L'épaisseur  des  murs  et  la  largeur  des 
couloirs  intérieurs  sont,  en  effet,  constantes  et  respectivement 
égales  à  0'^,80  et  l'^,20;  l'épaisseur  des  murs  extrêmes  est  de 
2"\80.  La  comparaison  de  ces  trois  valeurs  indique  a  priori 
pour  commune  mesure  :  a  =  0'",40.  On  aurait  dans  cette  hypo- 
thèse : 

5°»,80r:14,5a  9'n,80  =  24,5  a 

T"™       =17,5  a  W^       =27,5  a 

7'",80=  19,5  a  13'",80  =  34,5  a 

9™       =22,5  a 

0'",80  =  2a;  l"',20  =  3a;  2'",80  =  7  a 

On  voit  immédiatement  que  l'étalon  est  en  réalité  0'^,20.  On 
obtient  ainsi  : 

5'",80  =  29azz  28  +  1=2*.  7  +  1 
7""  =  35  a  =  :<4  +  1  =  2  .  17  +  1 
7™,80  =  39a=  38  +  1:^2.19+1 
44  +  1  =  2M1  +  1 


9™       =  45  a  _  ,    ^,   g 


=î 


1.  Bien  entendu,  le  pavement  de  la  cella  de  la  Tholos  était  continu  (Arc/i. 
Anz.,  1909,  p.  111).  La  statue  centrale  paraît  être  une  Hygie  (Svoronos,  op. 
cit.^  p.  il  8^)-  Li^s  portes  du  Labyrinthe  s'ouvrent  à  l'E.  comme  celle  de  la 
cella;  l'entrée  —  ou  les  entrées  —  existaient  donc  à  l'E.  également,  prob:ible- 
ment  sur  les  côtés  du  plan  incliné.  Je  n'en  ai  découvert  aucune  trace  (août 
1912);  une  fouille  serait  peut-être  plus  heureuse  ;  peut-être  même  retrouverait- 
elle  au  centre  du  labyrinthe  quelque  vestige  d'un  monument  cultuel  ou  de  la 
foi  des  pèlerins.  Et  puisque  je  rêve  une  levée  de  pelles  et  pioches,  on  me  per- 
mettra d'ajouter  qu'il  serait  également  intéressant  de  rechercher  le  labyrinthe 
de  la  tholos  islhmique  et  de  vérifier  si  celle  d'Argos  n'a  pas  été  construite  sur 
un  labyrinthe  souterrain, 

v"  sÉRTK,  T.  m.  26 


394  hEVÙE   ARCHÉOLOGIQUE 

48-hl  =2^   3  +  1 


9m 


^48- 
,80zn49azz|     ^, 


11'"       zz55azz  54  +  1=2.   3' -h  1 

13'",80=:69  a=  t)8+l=:2M7  +1 

0«»,90=:   4(x—  2* 

l"\20z=   6  Jtur  2.3 

2»',80=14ai=:  2.7 

Cette  unité  de  0'",20  ne  correspond  ni  à  l'unité  mégalithique 
armoricaine  qui  paraît  avoir  été  environ  0'^, 30  (Martin,  op  cit., 
p.  116  sq.),  ni  à  la  coudée  moyenne  égyptienne  (0"^,45).  Mais 
le  plus  ancien  talent  babylonien,  le  talent  des  maçons  (40  mines) 
(Decourdemanche,  op.  cil.,  p.  13;  cf.  p.  119)  a  un  pied  de 
266'"'^, 314  que  nous  restitue  la  règle  de  Goudéa  :  l'exemplaire 
le  mieux  conservé  a  0'",27*.  Ce  pied  donne  à  son  tour  une 
coudée  de  399'""^, 471  qui  s'identifie  exactement,  à  un  demi- 
millimètre  près,  avec  celle  du  labyrinthe  de  Tirynthe  et  servira 
encore  de  module  au  circuit  de  Khorsabad  (Decourdemanche, 
op.  cit.,  p.  68). 

J'estime  que  le  labyrinthe  de  Tirynthe  a  été  construit  d'après 
une  unité  de  mesure  et  que  cette  unité  est  l'empan  de  Goudéa 
(3  palmes,  1/2  coudée  ou  3/4  pied;  on  comprend  en  même 
temps  pourquoi  le  premier  chiffre  (a  =  0'",40)  a  pu  faire  hésiter. 

Cette  constatation  présente  un  double  intérêt.  Elle  s'accorde 
avec  la  date  du  labyrinthe  de  Tirynthe  (milieu  du  3*^  millénaire). 
Maspero  {/Jist.,  p.  192)  place  la  suzeraineté  d'Ourou  vers  3.000  : 
Goudéa  aurait  donc  vécu  dans  la  première  moitié  du  troisième 


1.  Le  pied  est  «  là  lotiguê-jf  du  côté  du  cube  dont  la  dontenance  en  eau  est 
égale  au  poids  du  talent  »  (Decourdemanche,  op.  cit.^  p.  9).  La  règle  de  Gou- 
déa n'est  donc  pas  un  «  empan  »,  comme  le  disent  Perrot,  op.  cit.^  t.  II, 
p.  340,  Lenormant  et  Babelon,  op,  cit.,  t.  V,  p.  189,  etc.  Cf.  le  grand  édi- 
fice de  Tello  (Lenormant  et  Babelon,  t.  IV,  p»  82;  Heuzey,  Un  palais  chaldéen 
Paris,  1888^  p*  12  sq.)  :  il  mesure  à  peu  près  53  x  -^t  m.^  sa  cour  intérieure 
17x21  m.  Or  I 

[23  »  52]  200  X  0,266  :s  53»»,20 

[23.8i5]  110  X  0,266=  3l'",92 

[2^.5]  80  X  0,266  =  2lmj28 

[Z^\  64  X  0,266  =nm,Oa 


LES  FALLACIEUX  DETOURS  DU  LABYRINTHE        395 

millénaire  (cf.  Lenormant  et  Babelon,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  80). 
Elle  dénonce  en  outre,  dès  cet  âge  reculé,  entre  les  rives  euro- 
péenne et  asiatique,  entre  les  princes  égéens  et  chaldéens,  des 
relations  que  la  géographie,  Thistoire  des  migrations  posté- 
rieures et  les  fouilles'  ont  déjà  établies.  Relations  lointaines, 
d'ailleurs.  Les  41  hauteurs  des  degrés  de  la  grande  pyramide 
augmentent  d'une  valeur  constante  et  égale  à  0™,0135,  c'est-à- 
dire  au  1/20  du  pied  de  Goudéa,  qui,  par  suite,  doit  être  le 
module  du  monument.  La  hauteur  mesurée,  233'", 28,  égale  en 
effet  0,27x1728  (2''-3=')'.  Si  l'on  remarque  qu'à  Tirynthe, 
comme  ici,  c'est  la  moitié  de  l'étalon  normal  qui  est  pratique- 
ment employée  comme  unité,  il  paraîtra  vraisemblable  d'ad- 
mettre que  Tirynthe  a  connu  le  système  chaldéen  par  l'Egypte. 
La  Crète  a  été  l'intermédiaire  naturel  et  quasi  obligé.  Si  jamais 
Gnosse  nous  livre  un  labyrinthe  du  troisième  millénaire,  je 
serais  fort  étonné  qu'on  n'y  retrouvât  point  le  pied  ou  l'empan 
de  Goudéa ^ 


1.  Cf.  Blinkenberg,  op.  cit.,  p.  18  sq.;  Kôhler,  S6.  d.  K,  pr.  Ak.  d.  Wiss,^ 
t.  I,  1897,  p.  272  sq.  ;  Athenœum,  1^05,  t.  1,  p.  633. 

2.  Cf.  les  erreurs  de  Grébaut  (4c.  Inscr.,  18  mai  18S3)  et  Decourdernanche 
{op.  cit.,  p.  132).  Le  pied  dit  «  de  Goudéa  »  aurait  donc  été  employé  avant 
Goudéa. 

3.  Je  note  pour  mémoire  que  l'unité  de  mesure  d-u  grand  mégaron  de 
Tirynthe  (Perrot,  Hist.,  t.  VI,  p.  284,  f.  83,  d'après  Dorpfeld)  =:  0'",292,  c'est- 
à-dire  un  pied  très  proche  du  pied  italique  (pied  romain  Ipgal  —  0'",296  [24  p.  25 
du  pied  assyrien  ou  attique  ;  Decourdemanche,  op.  cit.,  p.  86J  ;  pied  de 
l'Héfceon  d'Oiympie  =  0">,297  [Curtius,  Olympia  and  Umgegend,  Berlin,  1882, 
p  30J;  pied  du  grand  temple  de  Pœstum  =  0™,298  ;  pied  du  temple  dHercule 
à  Agrigente  =:0™,296  [Koldewey  et  Puchstein,  Diegr.  Tempel  in  U  nier  italien 
u.  Sicilien,  Berlin,  1899,  p.  228J  ;  pied  de  Milet  et  de  Priène  =z  0ra,2i^5  [Benoit, 
op.  cit.,  p.  330,  no  1].  Si  l'on  tient  compte  en  elTet  des  erreurs  inhérentes  à 
l'exécution  —  par  exemple,  le  plan  étant  rectangulaire,  toutes  les  largeurs  ont 
dû  être  théoriquement  égales  — ,  les  analyses  suivantes  paraîtront  probantes  : 


i  A)     4,98 

0,292  X  n  —    *.96 

17 

Longueur  =  24m,39 

1  ïi)     1,63 

0,292  X    7  =    2,04 

7 

0,292  X  84  =  24»,52 

1  C)     4,72 

0,292  X  16=    4,67 

24 

84  =  22 . 3 . 7 

1  l^)    1,25 

0,292  X    4=    1,23 

22 

'  E)  11,81 

0,292X40  =  11,68 

23.5 

l        24,39 

24,52 

396  I^EVUE   At^CHÉOLOGIQUE 

Les  facteurs  que  je  viens  de  dégager  sont  particulière- 
ment dignes  d'attention.  Parmi  les  nombres  pairs,  celui  qui 
désigne  la  dyade  ou  le  couple,  2,  apparaît  partout,  et  lui 
seul  (cf.  le  disque  de  Phaistos).  Tous  les  autres  chiffres  sont 
impairs  et  premiers  ;  la  plupart  —  3,  7,  19  —  ont  une  valeur 
religieuse  connue'.  Et  l'unité,  origine  des  nombres  et  des 
choses,  gardera,  dans  toute  l'histoire  du  dorisme,  la  place 
qu'elle  tient  ici.  Le  Grand  Temple  de  Poostum  (Koldewey,  op. 
cit  ,  p.  30)  mesure  : 
Longueur  [entre  les  bords  extérieurs  des  col.j  59*", 88 

201  X  0,298  —  59,898        2» .  5*  +  1 
L;irgeur  [id.]  zn  24'",14         81X0,298  =  24,138         2*.5+l 


LHrgeur=:9ra,65  l  A)  2,93        0,292  X  iO  rr  2;92  2-5 

0,292  X  33  =  9m,63  |  B)  3,80         0,292  X  '3  =  3,79  13 

33=3  .  H   i  C)  2,92         0,292  X  !<)  =  2,92  2,5 
\        9,65                                V3 

Cf.  1°  le  grand  mégaron  de  Mycènes  (Perrol,  t.  VI,  p.  341,  f.  Mo7). 


U)  3* 

0n.,292X  70  =  20^,43  /  ^^-îl!!!        ^«292  X  13,5  z.  _3^       13.5 

iç^  —  ^)    K    i]        V       12,92         0,292X44     =12,84  22.11 


95    0  292  X  13,5=  3,94    13,5 
95    0,292  X  lî  =  4,96    17 


B)  4,37    0,292  X  <5  =  4,38    3,5 

C)  3,19    0,292  X  11  =  3,21    11 


20,48  20,43 

Largeur  =  11  m,50        0,292  X  39  =  1 1°',39        3,13 
Remarquer  une  erreur  d'exécution  ceiiaine,  a  et  c  devant  être  égaux. 
2**  le  grand  mégaron  de  Troie  (Perrot,  t.  VII,  p.  71,  f.  10). 

/  m  m 

Longueur  =  15"», 30 

0,292  X  52  =  15n»,18 

52=  22  .  13 


A)  4,15 

0,292  X  14  =  4,09 

2.7 

B)  3,50 

0,292  X  12  =  3,50 

22.3 

C)  3,50 

0.292X12  =  3,50 

22.3 

D)  4,15 

0,292  X  14  =  4,09 

2.7 

15,30 

15,18 

=  8m,40 

0,292  X  29  =  8^,46 

29 

Largeur 

1.  V.  Virgile,  Ed.,  VIII,  75;  Vitruve,  De  arch.,  III,  1,  28  sq.  ;  Végèce,  De 
re  mil.,  III,  8;  Diels,  Die  Fragmente  dtr  Vursokraiiker,  Berlin,  1903,  t.  I, 
p.  239,  271;  surtout  les  éludes  de  Roscher  :  Die  Enneadischen  und  hebdo- 
madischen  Fristen  und  Wochen  der  àllesten  Griechen  in  Abh.  d.  phil.-hist. 


LES  FALLACIEUX  DÉTOURS  DU  LABYRINTHE        397 

A  Psestum  même,  TEnnéastyle*  donne  encore  : 

Longueur  =  54'^295        113  X  0,48  =  54'n,24        2' .  7  +1 
Largeur    =  24n»,45-52      51  X  0,48  =  24'»,48        2  .  5*  4-  1 

A  Locres,  le  nouveau  temple  donne  (Koldewey^  p.  4)  : 
Longueur  =45«s:30  103 X 0,44  =  40^82        2  .3*+l 

Largeur     ^=19^02  43  X  0,44:=:18'",92         2.3.7+1 

A  Agrigente,  le  temple  d'Hercule  donne  (Koldewey,  p.  146)  : 
Longueur  =67^,005        226  X  0,296  =  66'»,896        3* .  5*  +  1 
Largeur    =  25,34  96  X  0/^98  =r  25»',45  5.17  +  1 

Ces  résultats  que  M.  Koldewey  a  constatés  pour  le  Grand 
Temple  de  Pœstum  et  qu'il  déclare  «  aiisserordentlich  ûberras- 
chend  »  (p.  30),  n'ont  rien  d'extraordinaire  ni  de  surprenant. 
L'architecture  n'est  pas  seule  à  trahir  le  sentiment  qu'ils 
décèlent.  La  constitution  politique  de  Dracon' comprend  une 
boulé  de  401  membres  ;  celle  de  Solon  et  la  constitution  oligar- 
chique proposée  après  Aegos  Potamos  ('AOr^v.  xoX. ,  19  et  21)  une 
de  400  seulement.  Cette  unité  de  moins,  c'est  le  dorisme  exilé 
d'Athènes.  Aussi  le  Parthénon  dissimule-t-il  en  quelque  sorte 
la  particularité  que  je  signale,  tandis  que  les  temples  d'Aphaia 
àEgine  et  de  Zeus  à  Olympie  la  présentent  encore  à  leur  front, 
la  portent  sur  leur  visage^  Le  temple,  si  curieusement  asiatique. 

Kl.  d.  K.  Sachs.  Ges.,  t.  XXl,  n«  4,  Leipzig,  1903;  Die  Sieben  =  und 
Neuzahl  in  Kultus  uni  Mytkus  der  Griechen,  lbid.,i.XXlV,  n"  1,1904;  Die 
Hebdomadenlefiren  der  gr.  Philosophen  und  Aerzte,  Ib.,  t.  XXIV,  n»  6, 
1906;  Enneadische  Sludien,  /6.,  t.  XXVI,  n»  1,  1907. 

1.  Koldewey  {op.  cit.^  p.  17)  indique  comme  unité  de  mesure  0»',5178  :  c'est 
une  erreur.  Elle  se  déduit,  ici  comme  toujours,  de  l'entr'axp  frontal  (2™, 86  : 
0^,48X6  =  2™, 88)  et  des  diamètres  de  la  colonne  (d  =  (  ™,96  ;  0'»,48X2 
^Qna.gô  —  D=:l°^,44  à  l'^^ôS;  0'",48  X  3  =  l'",44  —  A=  1^,20;  0°',48 
X  2.5  ^1^20). 

2.  Aristote,  'Aôrjv.  -noX.,  4.  Cf.  Th.  Reinach,  Rev.  d.  Et.  qr.,  t.  IV,  1891, 
p.  155    Cf.  la  durée  du  deuil  spartiale.  fixée  par  Lycurgue  à  11  jours. 

3.  Egine  (Furlwaengler,  op.  cit.,  Tnfel,  n»  32)  : 

Largeur    =  ISw.SO        43  X0,32  =  i3,^6        2.3.7+1 
Longueur  z=28'",8l        90  X  0,32=  2S,80         2.32.5 

Olympia  {Ausgrab.  zu  OL,  t.  I,  Berlin,  1876,  p.  18  et  pi.  33). 

Largeur     =2-7™, .^6  86X0-32=27,52        6.17-f-l 

Longueur  =  63«», 45        198X0,32  =  63.36        2.:i2.it 

Pour  les  fronts,  remar{|uer  :    1»  quelles  mégarons  de  Troie,  Tirynlhe  et 


398 


REVUE   ARCHEOLOGIQUE 


d'Asso     appuie   ma  démonstration  d'une   façon  singulière  : 
c'est  le  chiffre  pair  qui  s'inscrit  à  son  front*. 

Le  lecteur  attend  désormais  que  j'interroge  la  Tholos  d'Épi- 
daure;  voici  sa  réponse^  : 

Diam.  ext.  (hors  d'œiivre)  -  ^l'^.SS      0,32  X  68  =r  21,76      2' .  17 
Diam.  cella  (int  )  =13-36      0/^2X42=13,44      2   3.7 

Diam.  pavt  (labyrinthe)      =   8'",96      0  H2  X  28  =    8,86      2' .  7 

Il  est  naturel  que  l'unité  qui  caractérise  les  mesures  du  Laby- 
rinthe de  Tir\  nthe  fasse  ici  défaut  ;  mais,  à  cette  unité  près,  il 
saute  aux  yeux  que  les  facteurs  qui,  dans  les  deux  monuments, 
composent  les  longueurs  fondamentales,  —  les  diamètres  exté- 
rieurs, le  diamètre  intérieur  du  labyrinthe  de  Tirynthe  et  celui 
du  labyrinthe  de  la  Tholos  —  sont  de  part  et  d'autre  identiques. 
Qu'une  tradition  deux  fois  millénaire  ait  transmis  en  même 
temps  l'image  sacrée  et  les  rites  qui  en  étaient  inséparables,  je 
ne  m'en  étonne  point  :  l'âme  des  races  est  vraiment  immortelle. 
Il  fallait  pourtant,  pour  ceux  qui  en  doutent,  enregistrer  cette 
preuve  de  sa  perpétuité.  Le  labyrinthe  d'Epidaure  ne  «  dérive  » 
pas,  comme  je  l'écrivais  tout  à  l'heure,  de  celui  de  Tirynthe  :  il 
le  répète.  Polyklète  n'y  a  ajouté  qu'un  diadème  de  marbre,  — 
le  plus  merveilleux  qui  fut  jamais. 

[A  sitivrr,)  Robert  de  Launay. 


Mycènes,  en  excluent  tout  facteur  pair  ;  2»  que  les  letnples  cerlaineruent  consa- 
crés à  une  divinité  raâle  suivent  la  même  loi. 

1.  Perrot,  t.  Vit,  p.  473,  pi.  34  (d'après  Clarke)  : 

Longueur  t=  30m, 885  0,309X100  =  30,90  22.52 
Largeur  =14n»,585  0,309  X  47'=  14,523  325  .+ 2 
—  On  notera  la  répétition  de  certains  chiffres  :  100  à  Assos,  au  Parthénon, 
au  temple  d'Hercule  à  Agrigente  (Koldewey,  p.  152);  86  à  Olympie  et  au 
temple  d'Hercule  à  Agrigente  ;  198  au  Parthénon  et  à  Olympie  ;  225  (226)  au 
Parthénon  et  au  temple  d'Hercule  à  Agrigente;  43  au  nouveau  temple  de  Loeres 
et  à  Egine,  etc.. 

D'où  il  semble  bien  ressortir  que  le  temple  de  Zeus  à  Olympie,  le  Parthénon 
et  le  temple  d'Hercule  à  Agrigente  sont  étroitement  liés. 

2.  Cf.  Gavvaiias,  Fouilles,  p.  13,  pi.  IV  et  V;  Defrasse  et  Lechat,  op.  cit.^ 
p.  102-103.  Je  prends  les  chiffres  de  Gavvadias.  Defrasse  a  mesuré,  pour  le 
diamètre  extérieur,  21", 76. 


DE  QUELQIS  PIIETËIUS  mmm  DE  SCULPTEURS 


A  l'outil  on  reconnaît  l'ouvrier.  Ce  principe  de  bon  sens  se 
vérifie  dans  l'art  moderne  comme  dans  l'art  antique.  Un  per- 
sonnage représenté  tenant  des  pinceaux  et  une  palette  est  évi- 
demment un  peintre;  s'il  tient  un  ciseau,  c'est  un  sculpteur. 

Ce  qui  est  vrai  de  l'outil  ou  de  l'instrument,  considéré  comme 
indiquant  la  profession  d'un  modèle,  ne  l'est  évidemment  pas 
de  l'œuvre  d'art,  tableau  ou  sculpture.  Il  existe  toute  une  série 
de  peintures  flamandes  et  hollandaises  représentant  des  per- 
sonnages dans  des  galeries  de  tableaux;  personne  ne  songe  à  y 
voir  des  peintres  :  ce  sont  des  amateurs  de  peintures,  des  collec- 
tionneurs. La  même  conclusion  aurait  dû  s'imposer  dans  l'in- 
terprétation des  portraits  qui  figurent  des  hommes  tenant  des 
sculptures,  ou  environnés  de  sculptures  tantôt  posées  devant 
eux  sur  quelque  support,  tantôt  décorant  le  fond  du  tableau. 
Au  Heu  de  prétendre  voir  en  eux  des  sculpteurs,  il  eût  été 
logique  et  prudent  de  les  désigner  comme  des  amateurs  de 
sculpture.  C'est  ce  que  les  historiens  de  l'art  et  les  rédacteurs 
de  catalogues  n'ont  généralement  pas  fait.  D'où  cette  consé- 
quence que  les  Musées  contiennent  nombre  de  prétendus  por- 
traits de  sculpteurs  qui  ne  représentent  certainement  pas  des 
sculpteurs  et  auxquels  on  a  voulu  imposer  les  noms  d'artistes 
célèbres  parce  que,  comme  on  le  sait  bien,  il  n'en  coûte  rien 
d'attribuer  à  des  inconnus  les  désignations  les  plus  honorables. 
Je  prends  un  premier  exemple  au  Louvre  même,  parmi  les  chefs- 
d'œuvre  du  Salon  Carré. 

Le  n*'  1184,  catalogué  comme  Portrait  d'un  sciûptoiir,  repré- 
sente un  homme  imberbe,  vu  à  mi-corps,  tenant  des  deux  mains 
une  statue  de  femme.  Les  anciens  inventaires  y  reconnais- 

1»  Lu  à  l'Académie  des  Inscriptions  en  1915  (p,  245  des  Comptes-rendus), 


400  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

saient,  sans  la  moindre  raison,  le  portrait  de  Baccio  Bandinelli 
par  Sebastiano  del  Piombo;  d'autres  y  voyaient,  sans  argument 
plus  plausible,  Daniel  de  Volterre.  Mûndler,  suivi  par  Villot  et' 
tous  les  critiques  récents,  attribua  le  portrait  à  Bronzino;  mais 
on  continua  à  voir  un  sculpteur  dans  le  modèle.  En  1912, 
M.  Dubrulle  a  essayé  de  démontrer  que  le  prétendu  sculpteur 
était  Jean  de  Boulogne  et  que  la  petite  statue  de  bronze  quil 
tient  des  deux  mains  était  une  Vénus  sortie  de  son  atelier  ^  De 
cette  dernière  assertion,  il  ne  donne  aucune  preuve,  sinon  que 
la  statuette  serait  «  tout  à  fait  dans  la  manière»  de  Jean  de  Bou- 
logne, qui  avait  d'ailleurs  sculpté  des  Vénus  et  des  baigneuses. 
Le  jeune  homme  qui  tient  cette  statuette  ressemblerait,  suivant 
M.  Dubrulle,  au  portrait  de  Jean  de  Boulogne  jeune,  par  un 
artiste  inconnu,  dont  une  copie  figure  au  Musée  de  Douai.  La 
ressemblance  est  inexistante;  mais  il  n'est  même  pas  établi  que 
l'original  du  portrait  de  Douai  représente  Jean  de  Boulogne  ^ 
C'est  un  jeune  homme  avec  barbe  et  moustache,  assis  devant 
une  table;  au  fond,  par  une  ouverture,  on  découvre  un  atelier 
où  serait  placée  la  statue  de  l'Océan,  principal  motif  de  la  fon- 
taine qui  décore  Vlsoletlo,  au  jardin  Boboli  à  Florence  (1576). 
En  admettant  —  cela  n'est  pas  certain  —  l'identité  de  la  statue 
aperçue  dans  le  fond  du  tableau  avec  VOcéan  de  la  fameuse 
fontaine,  il  n'en  résulterait  nullement  que  le  personnage  fût 
Jean  de  Boulogne,  car,  né  à  Douai  en  1524,  il  avait  cinquante- 
deux  ans  en  1576,  quarante-sept  ans  en  1571,  date  à  laquelle 
Abel  Desjardins  suppose  qu'il  commença  VOcéan^ \  le  modèle 
du  portrait  de  Douai  est  certainement  plus  jeune.  Le  person- 
nage représenté  n'est  pas  dans  un  atelier,  mais  dans  une  pièce 
qui  a  vue  sur  un  atelier;  ce  peut  être  un  personnage  de  la  cour 
du  grand-duc  de  Toscane  à  l'époqiie  où  l'architecte  Bernardo 
Buontalenti  présidait  à  la  décoration  des  jardins  Boboli.  Rien 
n'autorise  à  voir  en  lui  le  sculpteur  plutôt  qu'un  intendant,  un 

1.  Gazette  des  Beaux- Aris,  191?,  II,  p.  333. 

2.  Hypothèse  d'Abel  Desjardins,  Jean  de  Boloyne,  p.  55. 

3.  A.  Desjardins,  Jean  de  Bologne,  p.  92. 


DE  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   401 

ingénieur  fontainier  ou  tout  autre.  Des  deux  portraits  où  Ton 
a  quelque  raison  de  reconnaître  Jean  de  Boulogne  —  la  pein- 
ture de  Jacopo  da  Ponte  et  le  buste  attribué  à  Pietro  Tacca*  — 
le  second  est  celui  d'un  octogénaire  à  longue  barbe,  le  premier 
celui  d'un  homme  d'âge  mûr  qui  n'oiïre  qu'une  ressemblance 
très  générale  et  vague  avec  le  modèle  du  portrait  de  Douai.  Con- 


* 


Kig.  1    -   liroijziiio.  Portrait  d'un  amateur.  Coll.  Edouard  Simon. 

cluons  que  le  portrait  de  Bronzino  au  Louvre  n'a  rien  à  voir 
avec  Jean  de  Boulogne  et  qu'il  ne  faut  pas  non  plus  le  désigner 
comme  le  portrait  d'un  sculpteur  :  c'est  celui  d'un  jeune  ama- 
teur florentin. 
La  collection  Edouard  Simon  à  Berlin  possède  un  autre  por- 


1.  GazHlr^  191?,  II,  p.  33't5. 


402  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

trait  de  Bronzino,  représentant  un  homme  barbu,  assis,  la  tête 
tournée  vers  la  gauche  du  spectateur;  à  gauche,  au  fond,  on 
voit,  sur  un  piédestal,  une  statuette  mutilée  et,  par  suite , 
antique  de  Vénus,  privée  de  la  tête,  du  bras  gauche  et  des  pieds, 
qui,  nue  à  mi-corps,  retient  sa  draperie  de  la  main  droite* 
(fig.  1).  Ici  encore  il  s'agit  sans  doute  du  portrait  d'un  collec- 
tionneur. La  statuette  reproduit  un  type  connu  *,  mais  je  ne 
puis  l'identifier  à  l'une  de  celles  qui  ont  été  restaurées  et  gra- 
vées après  restauration'. 

Je  puis  mentionner  ici,  à  titre  de  rapprochement,  deux  por- 
traits célèbres  de  l'école  florentine  oii  l'on  a  voulu  à  tort  voir 
des  portraits  d'artistes,  parce  que  les  modèles  sont  représentés 
tenant  des  œuvres  d'art.  Le  premier,  œuvre  de  Botticelli,  est 
aux  Offices  (n.  1154)  :  c'est  un  buste  d'homme  exhibant  une 
médaille  au  nom  de  Cosme  de  Médicis.  C'était,  croyait-on,  le 
portrait  d'un  graveur  de  médailles.  Mûntz  a  essayé  de  montrer 
que  le  modèle  était  Piero  di  Lorenzo  di  Medici;  comme  la  res- 
semblance avec  les  portraits  authentiques  de  ce  prince  n'est  pas 
frappante,  on  se  contente  d'y  voir  aujourd'hui  le  portrait  d'un 
Médicis  '.  Le  second  portrait  est  au  Pitti  (n.  207)  ;  cru  autrefois 
de  Léonard,  il  est  donné  aujourd'hui  à  Ridolfo  Ghirlandajo  ou 
à  Franciabigio.  Le  modèle,  vu  à  mi-corps,  regarde  avec  atten- 
tion un  bijou  qu'il  tient  de  la  main  droite.  «  Portrait  d'orfèvre 
ou  de  joaillier  »,  a  t-on  dit;  mais  aucun  attribut  ne  désigne  ici 
le  travailleur  manuel;  c'est  certainement  le  portrait  d'un  noble 
amateure 

Outre  leur  intérêt  d'œuvres  d'art,  les  portraits  de  la  série  qui 
m'occupe  offrent  souvent  celui  de  nous  avoir  conservé,  dans 

1.  Zeitschrifl  fur  bildende  Kunst,  1909,  p.  201. 

2.  Par  ex.  Rép.  stat.,  I,  p.  323,  324. 

3.  De  Bronzino  encore  :  1°  à  la  galerie  Corsini  de  Florence  (n°  206),  un  por- 
trait d'homme  la  main  appuyée  sur  un  fauteuil  ;  à  gauche,  sur  une  table,  une 
petite  réplique  en  bronze  -lu  Tireur  d'épine  {Das  Muséum,  x,  pi.  89)  ;  2°  à  Berlin 
{ibid.^  VI.  pi.  133),  portrait  de  l'humaniste  Ugolino  Martelli,  avec  vue  sur  la 
cour  du  palais  Martelli  ;  dans  une  niche,  le  D  ivid  de  Donatello. 

4.  Crutlwell,  The  Florentine  Galleries,  p.  55;  Venturi,  Storia,  t  VII,  î.  p.  600. 

5.  Rép.  des  peintures^  II,  p.  703. 


DE  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   403 

leur  état  primitif,  des  monuments  de  la  sculpture  antique,  qui 
ont  depuis  été  détruits  ou  restaurés  arbitrairement.  Un  des 
plus  curieux,  à  cet  égard,  fait  partie  de  la  galerie  de  Hampton 
Court  ;  il  mérite  d'autant  plus  d'être  étudié  qu'autrefois  quali- 
fié, suivant  l'usage,  de  «  portrait  de  sculpteur  »,  il  a  pu  être 


Fig.  2.  —  L.  Lotto,  Polira  t  de  l'oimateur  Odoni.  Château  de  Hampton  Court. 


désigné  plus  exactement  grâce  à  un  texte'  (fig.  2).  Un  homme 
barbu,  vu  presque  de  face,  est  assis  devant  une  petite  table  où 
Ton  voit  un  livre  et  des  monnaies.  Dans  sa  main  droite  il  tient 
une  très  petite  figure  antique  à  tête  féminine  et  en  forme  de 

1.  Berenson,  Lorenzo  Lotto,  2'  éd.,  p.  170  et  planche. 


404  t^EVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

gaîne,  qu'il  semble  montrer  avec  complaisance  comme  s'il 
attachait  un  grand  prix.  Je  ne  connais  pas  de  figure  gréco-n 
maine  de  ce  genre  et  je  supposerais  volontiers  que  le  peintre  a' 
ainsi  modernisé  et  italianisé  une  des  figures  égyptiennes  que 
nous  appelons  oushahti.  Si  cette  hypothèse  est  admise,  nous 
avons  là,  incontestablement,  la  plus  ancienne  représentation 
d'une  sculpture  égyptienne  dans  l'art  moderne.  Devant  la  table 
on  aperçoit  un  petit  torse  de  Vénus  nue,  sans  tête  ni  bras,  et  une 
tête  en  marbre  de  grandeur  naturelle,  probablement  féminine, 
dont  la  chevelure  a  été  mal  rendue  par  le  peintre.  k\\  fond  du 
tableau,  sur  une  plinthe,  on  aperçoit  quatre  marbres  antiques. 
C'est  d'abord  un  homme  nu  vu  de  dos,  les  jaml)es  cassées  à  la 
hauteur  du  genou,  qui  paraît  soulever  un  fardeau  ou  une  grosse 
pierre.  Cette  figure  peut  avoir  été  détachée  d'un  haut  relief; 
elle  rappelle  singulièrement  une  de  celles  qui.  sur  la  frise  orien- 
tale du  temple  dit  Théséion  à  Athènes  a  été  interprétée  par 
M.  Sauer  comme  représentant  un  Pelage  combattant  avec  un 
bloc  de  pierre,  dans  la  lutte  d'Krichlhonios  contre  Amphiction 
pour  la  possession  d'Athènes  '.  Puisque  le  portrait  est  celui  d'un 
Vénitien  et  a  été  peint  en  1527  à  Venise  il  serait  tentant 
d'admettre  qu'une  des  figures  de  la  frise  îithénienne  fût  entrée 
dans  la  collection  de  l'amateur  La  seconde  statue  au  fond  est 
celle  d'un  Hercule  juvénile,  le  bras  gauche  levé  le  bras  droit 
(dont  il  ne  reste  que  la  main)  pendant  le  long  du  corps  et 
s'appuyant  sur  une  massue:  ce  motif  m'est  inconnu  et  trouvera 
place  dans  le  prochain  volume  du  lippertoirf  île  la  statunirf. 
Vient  ensuite  une  Vénus  nue  le  pied  gauche  posé  sur  un  grand 
vase  ;  le  peintre  a  marqué  une  cassure  qui  interrompt  le  contour 
de  la  jambe  gauche  au-dessus  du  pied,  ce  qui  paraît  témoigner 
de  la  fidélité  de  son  dessin.  Le  type  est  très  fréquent  :  c'est 
celui  de  la  Vénus  nue  debout  sur  un  pied,  que  j'ai  proposé  de 
rapporter  à  Polycharmos  ;  mais  je  n'en  connais  pas  d'exemple 
où  le  pied  soit  appuyé  sur  un  récipient.  La  dernière  figure  est 

1.  Kép.  des  riiiefs,  I,  p.  47, 


t)E  QUELQUES   PRETENDUS   POfttnAlTS    DE   SCULPTEURS      40S 

très  indistincte  sur  la  photographie.  Cornélius  Visscher,  qui  a 
gravé  ce  tableau  au  xvir  siècle  alors  qu'il  appartenait  à  la  col  - 
lection  Reynst  d'Amsterdam,  a  interprété  cette  figure  comme 
un  Hercule  meiem,  tenant  la  massue  sur  son  épaule  ;  Tétude 


Fig.  3.  —  École  vénitienne  vers  1510.  Portrait  d'un  amateur. 
Collection  Lansdowne. 


directe  du  tableau  permettrait  seule  de  contrôler  Tinterpréta- 
tion  du  graveur. 

Dans  la  collection  Heynst,  la  peinture  qui  nous  occupe  était 
attribuée  à  Gorrège  et  considérée  comme  le  portrait  d'un  sculp- 


400  ftEVtJE    ARCHÉOLOGIQtJË 

leur.  En  1863,  le  tableau  ayant  été  nettoyé  à  Hampton  Court  ', 
on  découvrit  la  signature  du  peintre  et  la  date  :  Latirentius 
Lotus  1527.  Bientôt  après,  Eastlake  reconnut  que  dans  l'opus- 
cule dit  YAnonimo  di  Morelli  (en  réalité,   du  Vénitien   Marc 
Antonio  Michiel,   mort  en  1552)  le  portrait  en  question   est 
signalé  comme  appartenant  à    Andréa  Odoni  de  Venise  et 
représentant  cet  amateur;  Vasari,  qui  le  vit  au  même  endroit, 
l'a  mentionné  à  son  tour.  Or,  nous  savons  qui  était  le  vénitien 
Andréa  Odoni  :  il  fut  un  des  premiers  collectionneurs  d'œuvres 
d'art  en  Italie  et  le  portrait  de  Lotto  montre  qu'ils  s'intéressait 
particulièrement  aux  antiques.  A  un  noble  vénitien,  il  ne  devait 
pas  être  difficile  de  s'en  procurer,  tant  de  la  région  d'Aquilée,  si 
riche  en  sculptures  romaines,  que  de  l'Archipel,  des  côtes  de  la 
Grèce  et  de  l'Asie  Mineure,  sans  cesse  visitées  par  le  commerce 
vénitien.  Ici  donc  nous  trouvons  une  preuve  documentaire  du 
fait  que  je  me  suis  proposé  de  mettre  en  évidence  :  le  portrait 
d'un  homme  environné  d'œuvres  de  sculpture  n'est  pas  celui 
d'un  sculpteur,  mais  d'un  amateur. 

Un  portrait  vénitien  plus  ancien  encore  —  puisqu'on  l'a 
attribué  à  Giorgione,  mort  en  1510  —  prête  à  des  observations 
du  même  genre,  mais  soulève  une  difficulté  particulière  (fig.  3). 
C'est  celui  d'un  homme  barbu,  à  la  mine  sévère,  vu  à  mi-corpsj 
et  de  trois-quarts.  De  la  main  droite,  il  maintient  la  pointe  infé- 
rieûre  d'un  compas  sur  la  nuque  d'une  statuette  de  marbn 
mutilée,  tandis  que  l'autre  pointe  repose  sur  l'extrémité  la  pluî 
saillante  de  l'épaule  gauche  du  marbre.  Dans  ce  tableau,  qui^ 
appartient  au  marquis  de  Lansdowne  à  Londres,  on  a  voulu 
reconnaître,  sans  preuve  aucune,  le  portrait  du  sculpteur  San- 
sovino  ;  mais  pourquoi  un  sculpteur  mesurerait-il  si  exacte-* 
ment  une  figure  antique?  Il  ne  peut  être  question  d'un  travail 
de  copie,  car,  d'abord,  on  ne  copiait  pas  d'antiques  au  début; 
du  xvi«  siècle  et,  de  plus,  il  faudrait  que  le  peintre  eût  précisé,^ 


1.  Voir  Will.  Smilh,  A  catalogue  of  the  iJborks   of  Corn.   Visscher, 
n.  52  et  la  note  finale. 


t)E  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   407 

sa  pensée  en  faisant  figurer  une  maquette  d'argile  près  de  son 
modèle.  A  mon  avis,  il  s'agit  encore  d'un  amateur,  c'est-à-dire 
d'un  homme  dont  l'antique  reproduit  est  la  propriété  ;  cet  ama- 
teur peut  du  reste  être  un  anatomisle,  un  géomètre,  un  théori- 
cien des  proportions  du  corps  humain,  occupé  à  promener  son 
compas  à  la  surface  d'un  beau  marbre  pour  vérifier  ou  décou- 
vrir ce  que  les  anciens  appelaient  le  canon  '. 

Cette  statuette  mutilée,  haute  d'un  mètre  environ,  repré- 
sente un  homme  couché,  dans  une  attitude  parfois  prêtée  à  des 
Fleuves,  qui  est  aussi  celle  d'une  statue  d'Hercule  couché  au 
Vatican  et  d'une  statuette  du  même  dieu  découverte  à  Brousse-. 
Il  est  singulier  qu'une  figure  assez  semblable  à  celle-là  se 
trouve  à  l'Ambrosiana  de  Milan,  dans  un  croquis  attribué  à 
Sebastiano  del  Piombo,  par  suite  aussi  vénitien;  j'ai  publié  ce 
dessin  en  1895  dans  les  Mélanges  de  Romc^  et  j'ai  fait  ressortir 
les  analogies  frappantes  qu'il  oiïre  avec  le  Céphise  (?)  du  Par- 
thénon,  sans  oser  conclure  que  le  dessin  eût  été  fait  à  Athènes 
ou  d'après  quelque  imitation  perdue  de  la  statue  du  fronton 
qui  aurait  été  transportée  en  Italie.  M.  Petersen,  reprenant  la 
question  après  moi,  opinait  que  l'original  du  dessin  de  Milan 
pouvait  être  l'Hercule  Chiaramonti  avant  restauration  '\  La  dif- 
ficulté d'identifier  l'original  du  dessin  de  Milan  est  accrue  par  le 
fait  qu'il  n'y  a  aucune  indication  d'échelle  ;  au  contraire,  dans 
le  portrait  de  Lord  Lansdowne,  l'échelle  approximative  du 
marbre  est  indiquée  par  le  buste  humain  qui  l'accompagne. 
Notons  qu'il  s'agit  encore,  comme  dans  les  accessoires  du  por- 
trait d'Odoni,  d'un  original  de  dimensions  restreintes,  facile- 
ment transportable  et  tel  que  le  commerce  maritime  pouvait  en 
fournir  aux  amateurs  vénitiens.  Je  songe  volontiers  à  la  figure 
angulaire  d'un  fronton,  mais  ne  veux  pas  abuser  de  l'hypothèse 

1.  Comparez  un  tableau  de  Schalken  au  Musée  Staedel  (n.  226).  Un  homme 
en  toque  noire,  la  main  sur  un  crâne,  a  près  de  lui  une  statuette  au  type  de  la 
Vénus  de  Médicis,  les  mains  mutilées. 

2.  Répertoire,  I,  p.  469;  IV,  p.  133 

3.  Mélanges  de  Rome,  1895,  t.  XV,  p.  183;  Réf.  slat.^  II,  p.  41. 

4.  Rom.  Miliheil,,  I896j  p.  100. 


40â  REVUE   AhCHÊOLÔGlOUË 

en  tentant  de  préciser  davantage  —  en  supposant,  par  exemple, 
qu'une  figure  de  Tlnopos,  imitée  d'un  des  Fleuves  couchés  du 
Parthénon,  pût  avoir  orné  Tangle  nord  d'un  fronton  du 
temple  d'Apollon  à  Délos,  faisant  pendant  à  une  figure  du 
Cynthe  à  l'angle  sud. 

Le  fait  que  les  Vénitiens  ont  recueilli  des  antiques  depuis  le 
début  du  xvi^  siècle  et  en  ont  orné  leurs  appartements,  est 
attesté,  entre  autres,  par  le  5.  Jérôme  dans  son  cabinet  de  travail^ 
peinture  de  Carpaccio  à  l'église  des  Esclavons  de  Venise,  exé- 
cutée en  1505.  On  y  voit,  sur  une  tablette,  un  cheval  et  une 
petite  Vénus  de  bronze,  qui  ont  toute  l'apparence  d'être  des 
statuettes  antiques  et  ont  toujours  été  considérées  comme 
telles  ^ 

Je  connais  dautres  portraits  vénitiens  qui  peuvent  être  rap- 
prochés des  précédents  et  ne  crois  pas  inutile  de  les  décrire, 
d'autant  plus  que  les  antiques  qui  y  sont  représentés  n'ont  pas 
encore,  que  je  sache,  appelé  l'attention  des  historiens  de  l'art. 
Dans  la  collection  Benson  à  Londres  (n.  81)  est  un  portrait  à 
mi-corps  d'un  jeune  homme  vu  de  trois-quarts  qui  tient  dans 
la  main  droite  un  papier  roulé.  Au  fond,  dans  une  niche,  on 
voit  une  Vénus  nue  qui  se  présente  de  dos,  le  bras  droit  écarté 
du  corps  \  Sous  la  niche  est  la  signature  de  l'artiste  M.  Basa. 
Il  s'agit  de  Marco  Basaiti,  qui  travaillait  à  Venise  entre  1503 
et  1525. 

Je  ne  crois  pas  que  cette  Vénus  soit  la  copie  fidèle  d'un  origi- 
nal antique.  Il  en  est  de  même  d'une  Vénus  nue  vue  de  face,  le 
bras  gauche  collé  au  corps,  le  bras  droit  brisé,  qui  se  voit  dans 
la  copie  ancienne  d'un  tableau  perdu  de  Giorgione,  V Horoscope, 
à  Dresde ^  où  elle  occupe  également  le  fond  d'une  niche. 

Publiant  en  héliogravure  le  beau  portrait  qu'il  possède, 
M.  Benson  a  sagement  intitulé  sa  notice  :  Portrait  of  a  sculptor 


1.  Ludwig  et  Molmenti,  Carpaccio,  éd.  franc.,  pi.  à  la  p.  lôO  ;  Molmenti,  La 
vie  privée  à  Venise,  p.  249. 

2.  Rép,  des  peint.,  I,  p.  28. 
a.  Rassegna,  1907,  p.  153. 


bE  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  t)Ê  SCULPTEURS   409 

or  coUector.  C'est  certainement  un  jeune  amateur  qui  a  posé 
devant  Basaiti. 

Dans  la  galerie  de  l'Ermitage  (n'^SQ),  on  voit  le  portrait  d'un 
jeune  homme  à  mi-corps,  d'un  style  influencé  à  la  fois  par 
Giorgione  et  par  Raphaël;  dans  le  lointain,  à  droite,  est  une 


pm/mm 


Fig.  4.  —  TitieD.  Portrait  de  J.  Strada.  Musée  de  Vienne. 

niche  contenant  une  bonne  statue  de  Vénus  sans  tête  ni  bras. 
En  bas  du  tableau  on  lit  m.  d.  xii  dominicvs,  ce  qui  donne  la 
date  1512,  et  le  nom  de  l'artiste,  peut-être  Domenico  Mancini, 
identifié  sans  preuves  certaines  au  peintre  vénitien  Domenico 
Gapriolii.  Les  catalogues  voient  dans  ce  portrait  celui  de  Tar- 


1.  Àrle,  19i2,  p.  135  cl  137. 

Y«  SÈHIK,  T.   m. 


27 


410  réVué  archéologique 

liste  lui-même,  mais  ils  n'en  allèguent  aucune  raison.  C'esl 
encore  un  jeune  amateur  vénitien,  membre  de  quelque  famille 
patricienne. 

Titien  a  peint  un  magnifique  portrait  de  Jacopo  de  Strada, 
qui  commença  par  être  un  peintre  obscur  à  Mantoue,  puis 
devint  l'antiquaire  attitré  des  cours  de  Bavière,  de  Vienne  et  de 
Prague,  Il  fut  chargé  de  plusieurs  missions  en  Italie,  à  l'effet 
d'y  acquérir  des  œuvres  d'art.  Dans  ce  tableau  (Vienne,  n^  182), 
l'antiquaire  est  figuré  tenant  une  statuette  en  marbre  de  Vénus 
nue,  la  main  gauche  ramenée  sur  la  poitrine  (on  ne  voit  pas  le 
bras  droit,  qui  paraît  manquer).  Devant  lui,  sur  une  table,  sont 
de  grandes  médailles  d'or  et  d'argent  et  un  torse  d'homme  en 
bronze'  (fîg.  4).  Outre  la  signature  de  Titien  —  une  lettre  placée 
sur  la  table  est  à  son  adresse  —  on  lit  une  inscription  latine  en 
l'honneur  de  Strada  et  la  date,  1566. 

James  West  rapporta  autrefois  d'Italie  un  portrait  de  Titien, 
âgé  de  65  ans  environ,  exécuté  dans  son  école,  qui  passa  dans 
la  collection  Ashburnham  et  se  trouvait  récemment  chez  un 
marchand  de  Londres,  L.  Nicholson^  L'artiste  tient  un  panneau 
et  un  pinceau  ;  dans  le  fond  figure  une  Vénus  du  type  dit  de 
Médicis.  Le  pinceau  caractérise  Titien  en  sa  qualité  de  peintre, 
mais  la  Vénus  révèle  qu'il  était  aussi  un  amateur.  Ici  encore, 
c'est  une  figure  antique  de  Vénus  qui  semble  résumer  et  sym- 
boliser toute  une  collection. 

Bernardino  Licinio,  qui  travaillait  à  Venise  vers  1530,  est 
l'auteur  d'un  grand  tableau  représentant  la  famille  du  frère  de 
l'artiste,  conservé  dans  la  galerie  Borghèse  à  Rome.  Sur  la 
droite,  on  voit  un  jeune  homme  tenant  une  statuette  d'Hercule 
assis,  sans  tête  ni  bras^  d'un  type  connu  par  d'autres  exem- 
plaires de  petite  taille.  On  ne  mentionne  pas  de  sculpteur  appar- 
tenant à  la  famille  de  Licinio  ;  le  jeune  homme   qui  porte 


1.  Fischel,  fiiidfi,  p.  i55;  Crowe  et  Gàrâlcàsellé,  fitian,  éd»  ail.,  p.  657. 
2;  Renseignements  dûs  à  M™«  Berenson. 
3.  Arte,  d903,  p.  305. 


DE  QUELQUES  PRETENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   411 

cette  statuette  doit  donc  être  considéré  comme  un  amateur. 
Gian  Battista  Moroni,  de  Bergame,  appartient  aussi,  par  son 
éducation  et  son  style,  à  l'école  vénitienne.  Le  Musée  de  Vienne 
{n^2\(y)  possède  de  lui  un  beau  portrait  à  mi-corps,  représentant 
un  homme  vu  de  trois  quarts  qui  tient  des  deux  mains  un  petit 


Fig.  5.  —  G.-B.  Moroui.  Portrait  d'un  amateur.  Musée  de  Vienne. 

torse  d'homme  en  marbre,  sans  tête,  ni  bras,  ni  jambes  '  (fig.  5)  ; 
c'est  une  bonne  copie  d'une  des  figures  athlétiques  de  Polyclète. 
Autrefois  attribué  à  Titien,  ce  portrait  a  passé  pour  être  celui 
du  sculpteur  Sansovino  ou   de   l'anatomiste  Vesale;  il  n'y  a 


1.   Gr.phische  Kunst".,  1891,  pi.  à  la  p*  21 , 


4lâ  tlEVUÉ   ARCHÉOLOGIQtfK 

aucun  motif  de  ne  pas  y  voir,  comme  dans  les  précédents,  celi 
d'un  amateur,  qui  pouvait,  d'ailleurs,  être  un  anatomiste.  Le" 
costume  du  modèle,  avec  le  bras  gauche  à  demi-nu,  n'est  pas 
celui  d'un  patricien  oisif.  Mais  alors  même  que  le  modèle 
inconnu  aurait  été  sculpteur,  il  va  de  soi  qu'il  n'a  pas  exécuté 
un  torse  antique  sans  tête  ni  bras  ;  c'est  bien  en  sa  qualité 
d'amateur  d'art  qu'il  a  été  figuré  avec  cet  attribut. 

Un  autre  portrait  de  Moroni,  dans  la  collection  Kaufmann  à 
Berlin,  représente,  au  dire  de  l'inscription  qui  se  lit  sur  un 
cippe,  Marc  Antoine  Savelli,  ex  familia  romanaK  Savelli  est 
assis,  tenant  un  livre;  près  de  lui,  une  colonne  antique  brisée; 
au  fond,  dans  une  niche,  une  Vénus  nue,  les  bras  mutilés.  Le 
type  de  cette  statue  est  singulier  et  ne  paraît  pas  antique;  bien 
que  le  peintre  se  soit  évidemment  inspiré  d'un  original  gréco- 
romain,  il  l'a  interprété  plus  que  librement.  Ce  Savelli  n'est 
pas  connu  ;  on  suppose  que  c'était  un  membre  de  la  famille 
romaine  de  ce  nom  qui  avait  élu  domicile  à  Venise. 

Je  suis  moins  exactement  informé  de  la  vaste  production 
des  peintres  du  xvii°  siècle  ;  voici  pourtant  quelques  exemples 
de  ce  temps  là  qui  viennent  confirmer  ma  thèse. 

Le  musée  de  Gassel  possède  un  portrait  d'homme  de  Van 
Dyck,  tenant  un  livre  ouvert  sur  une  table;  à  sa  gauche  est  un 
buste  antique,  du  type  où  l'on  croyait  autrefois  reconnaître  le 
philosophe  Sénèque  et  dont  la  vraie  désignation  reste  douteuse. 
Or,  nous  connaissons  le  nom  du  personnage  représenté  :  ce 
n'est  pas  un  sculpteur,  mais  un  avocat  fiscal  de  Bruxelles,  G.  van 
Meerestraten». 

Du  même  Van  Dyck,  dans  la  collection  Lederer  à  Budapest, 
est  le  portrait  d'un  homme  assis  à  côté  d'une  table  sur  laquelle 
est  placé  un  buste  de  Jupiter.  Le  personnage  figuré  est 
Nicolas  Rockox,  qui  fut  huit  fois  bourgmestre  d'Anvers*'. 

Un  troisième  portrait  de  Van  Dyck,  autrefois  dans  la  collec- 

i.  Rpp.de  peint.,  III,  p.  48. 

2.  Schaeffer,  Van  Dyck,  p.  314;  Arte,  1908,  p.  177, 

3.  Scbaeffer,  op.  /.,  p.  165. 


DE  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   413 

tion  du  roi  Léopold  II,  est  bien  le  portrait  d'un  sculpteur, 
François  Duquesnoy,  né  à  Bruxelles  en  1594;  mais  le  masque 
du  satyre  qu'il  tient  à  la  main  n'est  pas  son  œuvre  :  c'est  évi- 
demment un  marbre  antique  de  sa  collection  ^ 

Nous  connaissons  plusieurs  autres  portraits  du  même 
Duquesnoy.  Celui  que  peignit  Nicolas  Poussin,  aujourd'hui  à 
Panshanger,  le  représente  avec  un  ciseau  à  la  main,  auprès 
d'une  table  qui  porte  un  modèle  de  sculpture;  ici  pas  de  doute, 
le  sculpteur  est  nettement  désigné  par  son  outil  et  son  œuvre. 
Dans  un  autre  portrait  de  Duquesnoy,  par  Jan  van  Hoeck, 
autrefois  dans  la  collection  d'Épinay,  l'attribut  qu'il  tient  —  un 
relief  d'ivoire  —  n'est  pas  moins  significatif.  On  signale  encore 
un  prétendu  portrait  de  Duquesnoy  par  Jacques  Blanchart,  dans 
la  collection  Gzernin  à  Vienne  :  l'artiste  tient,  dit-on,  une  sta- 
tuette antique;  c'est  donc  qu'il  est  figuré,  comme  dans  le  por- 
trait de  Van  Dyck,  en  qualité  d'amateur". 

Enfin,  on  a  exposé  à  Rome  en  1908  un  tableau,  propriété  de 
la  maison  Messinger,  représentant  les  deux  sculpteurs  François 
Duquesnoy  et  Alessandro  Algardi\  Duquesnoy,  d'un  geste 
déclamatoire,  montre  au  spectateur  sa  statue  colossale  de  S. 
André,  qui  figure  aujourd'hui  sur  la  coupole  de  S.  Pierre; 
devant  lui  est  représenté  le  torse  du  Belvédère,  sans  doute 
parce  qu'il  croyait  s'en  être  inspiré.  Algardi  montre,  avec  non 
moins  de  satisfaction,  mais  plus  de  calme,  le  modèle  de  sa  statue 
d'Innocent  X,  aujourd'hui  au  palais  des  Conservateurs,  et  s'ap- 
puie de  la  main  gauche  sur  un  médaillon  portant  en  relief  le 
portrait  du  pape.  Ces  portraits  de  sculpteurs  ne  prêtent  à 
aucune  incertitude;  on  voit  assez  combien  ils  diffèrent  de  ce 
que  nous  appelons  des  portraits  d'amateurs. 

Rodolphe  Kann  possédait  à  Paris  un  beau  tableau  de  Rem- 
brandt, daté  de   1653,   où  l'on   voit  un   homme  d'âge  mûr, 


1.  Gazette  des  Beaux- Arts ^  1890,  I,  p.  177. 

2.  Pour  ces   portraits,  voir  l'art.  Duquesnoy  dans  le  Lfxicon  de  Thieme  et 
Becker,  p.  189. 

3.  Arte,  1908,  p.  53. 


414  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

presque  un  vieillard,  la  main  droite  posée  sur  le  crâne  d'un 
buste  d'Homère ^  Gomme  un  buste  d'Homère  figure  dans  l'in- 
ventaire des  biens  de  Rembrandt,  dressé  après  son  décès,  il  est 
probable  que  cet  exemplaire  même  appartenait  à  l'artiste.  On 
est  d'accord  pour  reconnaître  dans  le  modèle  un  savant  profes- 
seur d'Amsterdam,  non  un  sculpteur.  Peut  être  Rembrandt, 
plus  jeune  que  lui,  acheta  t-il,  après  la  mort  de  l'helléniste, 
le  buste  du  poète  auprès  duquel  celui-ci  s'était  fait  peindre. 

Dans  l'école  française  du  xvi[®  siècle,  les  artistes  sont  souvent 
figurés  en  qualité  d'amateurs.  Ainsi  Sébastien  Bourdon  s'est 
peint  lui-même  au  Louvre,  la  main  gauche  appu\^ée  sur  une 
tête  antique  de  Garacalla'.  Dans  le  portrait  de  Ch.  Le  Brun,  par 
Largillière  (Louvre  n°  320),  le  peintre  a  près  de  lui  une  table 
sur  laquelle  on  aperçoit  des  réductions  de  l'Antinous  et  du  Gla- 
diateur Borghèse;  à  gauche,  sur  le  sol,  sont  une  tête  et  un 
torse  moulés  sur  l'antique.  Mignard  s'est  peint  lui-même 
(Louvre,  n"  360)  devant  une  table  qui  porte  une  vue  de  la 
Golonne  Trajane  et  de  petits  modèles  de  sculpture.  Dans  quel- 
ques portraits  de  cette  époque,  les  accessoires  de  sculpture  rap- 
pellent l'activité  du  modèle;  mais  ce  sont  alors  des  œuvres 
modernes,  non  des  antiques,  fragments  ou  moulages  d'antiques. 
Ainsi  Rigaud,  peignant  le  portrait  de  Martin  van  den  Bogaert, 
dit  Desjardins,  l'auteur  du  monument  de  Louis  XIV  sur  la  place 
des  Victoires  (Louvre,  n^  479),  lui  mit  un  ciseau  dans  la  main 
droite,  tandis  que  la  gauche  est  appuyée  sur  la  tête  colossale 
en  bronze  d'un  des  esclaves  qui  décoraient  le  monument  de 
Louis  XIV.  De  même,  au  xvirr®  siècle,  Henri-François  Riesener, 
peignant  le  portrait  de  Ravrio,  fabricant  de  bronzes  (Louvre, 
n*^  472),  lui  tît  tenir  une  réduction  en  bronze  de  la  Vénus  de 
Médicis. 

Si  ce  portrait  appartenait  à  l'école  italienne  du  xvi«  siècle,  il 
faudrait  le  considérer  comme  un  portrait  d'amateur  ;    l'inter- 


1.  A.  Rosenherer,  Hembmndt,  p.  282. 

2.  Gazette,  1912,  I,  p.  11. 


DE   QUELQUES    PRÉTENDUS    PORTRAITS    DE    SCULPTEURS      415 

prétation  qu'on  en  donne  et  qui  est  certaine  tient  à  la  connais^ 
sance  que  nous  avons  de  l'activité  particulière  de  Ravrio. 


Flg.  6.  — liane,  l'orlrait  liu  sculpteur  Michel.  Académie  de  SI.  berdmand  à  Madrid. 

Jean  Ranc  do  Montpellier,  peintre  de  la  Cour  d'Espagne 
depuis  1724,  a  peint  le  portrait  du  sculpteur  Robert  Michel, 
français  également,  qui  se  fixa  en  1740  à  Madrid  et  fut  direc- 


416  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

teur  de  r  Académie  de  Saint-Ferdinand'.  Ce  portrait,  conservé 
à  l'Académie  en  question  (fig.  6)^  représente  Michel  debout,  à 
mi-corps,  la  main  gauche  appuyée  sur  le  front  d'un  buste  au 
type  de  la  Vénus  de  Médicis  *.  Michel  n'a  sculpté  que  des  sujets 
religieux  et  décoratifs  ;  ce  buste  de  Vénus  devait  être  sa  pro- 
priété. C'était  sans  doute  une  tête  sculptée  à  part,  pour  être 
insérée  dans  une  des  très  nombreuses  répliques  de  la  Vénus  de 
Médicis,  et  que  Michel  avait  fait  monter  en  buste.  Le  Musée  de 
TAriana,  à  Genève,  possède  une  très  jolie  tête  de  la  Vénus  de 
Médicis,  d'une  antiquité  douteuse,  que  le  fondateur  de  cette 
collection,  Réveillod,  avait  acquis  en  Espagne.  Il  ne  serait  pas 
impossible  que  ce  marbre  fût  celui  de  l'ancienne  collection 
Michel,  au  sujet  de  laquelle  je  n'ai  rien  appris*. 

Au  xvni®  siècle  et  plus  près  de  nous,  il  faut  tenir  compte  de 
Terreur  répandue,  dont  témoignent  les  catalogues  et  inven- 
taires jusqu'à   ce  jour,    consistant   à  voir  des    portraits    de 
sculpteurs  dans  ceux  de  personnages  associés,  d'une  manière 
quelconque,  à  des  sculptures.  L'influence  de  cette  erreur  s'est 
sans  doute  exercée  sur  les  artistes,  qui  ont  pu,  en  peignant  un 
sculpteur,  mettre  ainsi  en  évidence  sa  profession.  Mais  on  peint 
encore  de  nos  jours  des  portraits   d'artistes   associés  à  des 
œuvres  de  l'art  antique  qui  témoignent  non  de  leur  profession, 
mais  de  leurs  goûts.  Ainsi  le  peintre  anglais  Charles  Shannon  a 
peint  récemment  son  propre  portrait'  à  côté  de  deux  objets 
précieux  de  sa  collection,  une  coupe  attique,  que  je  n'ai  pas 
identifiée,  et  un  beau  torse  de  l'Apollon  Sauroctone  que  j'ai 
publié  dans  mon  Répertoire  (t.  IV,  p.  55,  5\  d'après  une  pho- 
tographie qui  avait  été  donnée  par  le  possesseur  à  M.  Arthur 
Mahler. 


1.  Stanislas  Lami,  Dict.  des  sculpteurs  du  XVIW  siècle,  p.  135. 

2.  Cliché  obligeamment  prêté  par  la  Gazette  des  Beaux  Arts. 

3.  Gazette,  1913,  I,  p.  345. 

4.  J'ai  déjà  émis  cette  hypothèse  dans  la  Revue^  1915,  I,  p.  336-7,  avec 
gravure  de  la  tête  de  Vénus  de  l'Ariana. 

5.  Ce  tableau  était,  en  1913,  à  l'exposition  de  Dûsseldorf  (n.  1193). 


DE  QUELQUES  PRÉTENDUS  PORTRAITS  DE  SCULPTEURS   417 

En  résumé,  je  crois  avoir  montré  que  la  présence  de  statues 
ou  de  fragments  de  statues  auprès  d'un  personnage  représenté 
par  la  peinture  n'autorise  nullement  à  lui  attribuer  la  profession 
de  sculpteur  et  que  la  désignation  de  «  portrait  d'un  sculpteur  », 
si  fréquente  dans  nos  catalogues,  doit  être  révoquée  en  doute 
toutes  les  fois  qu'elle  n'est  pas  appuyée  d'un  témoignage  formel 
ou  justifiée  par  la  représentation,  entre  les  mains  du  modèle, 
d'un  outil  servant  à  la  sculpture. 

Salomon  Reinagh. 


BULLETIN  MENSUEL  DE  L'ACADÉMIE  DES  INSCKIPTIONS 


SÉANCE  DU  3  MARS  i9l6 

M.  Babelon  annonce  que  la  commission  du  prix  Duchalais  a  décerné  ce  prix 
à  M.  Alfred  Dieudonné  pour  le  tome  II  de  son  Manuel  de  numismatique. 

M.  Ghavannes  annonce  que  la  commission  du  prix  Stanislas  Julien  a  décerné 
ce  prix  à  M.  Berohard  Kalgren,  docteur  de  l'Université  d'Upsal,  pour  son 
livre,  écrit  en  français,  qui  a  pour  titre  :  Études  sur  la  phonflogie  chinoise. 

M.  Paul  Girard  lit  une  note  sur  !e  sens  du  mot  TuoSapxiQç  dans  Homère.  Ce 
mot,  l'une  des  épithètes  d'Achille  dans  l'Iliade^  et  qui  fait  visiblement  allusion 
à  l'agilité  légendaire  du  héros,  semlde  avoir  primitivement  désigné  la  solidité 
de  la  résistance  dans  la  défensive.  C'est  ainsi  qu'il  était  employé  pour  caracté- 
riser les  chefs  de  peuples,  les  rois,  dont  le  rôle  primordial  était  de  protéger  les 
leurs  à  If^  guerre.  —  M.  Théodore  Reinach  et  M.  Maurice  Croiset  présentent 
quelques  observations. 

M.  Morel-Fatio  communique  une  lettre  d'un  rmbassadeur  de  Charles-Quint 
à  Rome  où  il  est  parlé  d'une  invention  naut'que  mystérieuse  de  J^an  Lascaris. 
Ce  document  montre  seulement  qu'il  s'agit  d'un  engin  permettant  aux  navires, 
même  d'un  fort  tonnage,  de  naviguer  par  temps  calme.  La  lettre  en  question 
permet  aussi  de  rectifier  certains  détails  de  la  biographie  de  Lascaris. 

SÉANCE  DU  10  MARS  1916 

M.  Salomon  Reinach  revient  sur  la  communication  oij  M.  Morel-Fatio  a 
parlé  d'un  document  d'après  lequel  Jean  Lascaris  aurait  connu  le  secret  d'un 
navire  qui  pouvait  se  mouvoir  sans  voiles  ni  rames.  M.  Reinach  rappelle  à  ce 
propos  un  petit  traité  latin  sur  les  machines  de  guerre  dont  la  date  est  incer- 
taine, mais  qui  doit  être  antérieur  au  moyen-àge.  Ce  traité  est  une  lettre 
adressée  à  un  empereur  non  désigné,  par  un  anonyme  qui  préconise  des 
réformes  et  offre  des  projets  de  m;  chines.  L'ur  e  d'elles,  actionnée  par  des 
bœufs,  doit  être  placée  à  l'intérieur  d'un  navire  pour  mettre  en  mouvement  des 
roues.  Grâce  à  ce  moteur,  le  navire  pouvait  acquérir  une  force  capable  de 
couler  tout  navire  ennemi  au  premier  contact. 

M.  Antoine  Thomas,  à  l'aide  d'un  estampage  qu'il  a  reçu  de  M.  l'abbé 
Vayssié,  complète  la  lecture  de  l'inscription  provençale  découverte  à  Figeac. 

M.  Ghavannes  insiste  sur  l'importance  de  la  donation  faite  par  M.  A.  Giles, 
professeur  à  l'Université  de  Cambridge,  pour  fonder  un  prix  en  faveur  des 
sinologues  français. 

M.  J.-B.  Chabot  fait  une  communication  sur  les  inscriptions  néo-puniques 
découvertes  à  diverses  époques  dans  les  ruines  célèbres  de  Doagga,  la  Thugga 


BULLETIN  MENSUEL    DE  l'aGADÉMIE    DES    rNSGRIPTIONS      419 

des  Romains,  aux  confins  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie.  Il  montre  que  trois  de 
ces  inscriptions,  jusqu'ici  mal  comprises,  renferment  le  nom,  etïcore  inconnu, 
de  cette  petite  cité  numide  qui  s'appelait,  dans  la  langue  indigène,  Tobgaga. 
—  MM.  Gagnât  et  Durrieu  présentent  quelques  observations. 

M.  Morel-Fatio  annonce  que  la  commission  du  prix  Delalande-Guérineau  a 
décerné  ce  prix  aux  Inventaires  des  ducs  de  Bourgogne  publiés  par  feu  Ber- 
nard Prost  et  que  ce  prix  a  été  attribué  au  neveu  de  ce  dernier,  M.  Henri 
Prost,  tué  à  l'ennemi. 

M,  Emile  Eude  lit  une  note  sur  l'itinéraire  parisien  de  Jeanne  d'Arc  dans  la 
journée  du  8  septembre  1429. 

SÉANCE   DU  17  MARS  1916 

M.  JuUian  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  A.  Héron  de  Villefosse  relative 
à  la  découverte,  en  Sicile,  d'une  tombe  intéressant  les  antiquités  de  la  France. 
Il  s'agit  de  l'épitaphe  grecque  d'un  Marseillais,  Xénocritos,  fils  d'Héphaisto- 
cléos,  qui  serait  mort  à  Syracuse  au  ni"  siècle  a.  G.  Ce  monument  prouve  que 
Marseille  entretenait  alors  des  relations  commerciales  avec  les  grandes  villes 
de  Sicile  et  confirme  ce  que  l'on  savait  déjà  par  les  Plaidoy(rs  de  Démosthène. 
Celui-ci,  en  effet,  parle  d'un  négociant  de  Marseille  qui  avait  accepté  du  fret 
entre  Syracuse  et  le  Pirée.  Ces  relations  entre  la  Sicile  et  le  Midi  de  la  Gaule 
continuèrent  eous  l'Empire  romain  :  M.  Héron  de  Villefosse  cite  par  exemple 
un  négociant  de  Narbonne  qui  reçut  des  honneurs  munif'ipaux  dans  toutes  les 
grandes  villes  de  Sicile 

M.  Jules  Toutain  montre,  par  l'examen  d'un  rite  peu  connu  de  l'antiquité 
classique,  que  le  paganisme  a  connu  l'idée  religieuse  de  la  rédemption.  Dans 
certaines  villes  du  monde  grec  et  romain,  à  Leucade,  à  Curium,  en  Chypre,  à 
Terracine,  à  Marseille,  on  précipitait  chaque  année,  une  victime  humaine  du 
haut  d'un  promontoire  rocheux  dans  la  mer.  Un  texte  formel,  reproduit  dans 
le  Lexique  de  Pholius  et  dans  celui  de  Suidas,  montre  que  le  malheureux 
ainsi  jeté  dans  les  flots  était  considéré  comme  le  sauveur,  le  rédempteur  de  ses 
concitoyens.  Le  terme  employé  dans  ce  texte  pour  expliquer  le  sens  d'un  tel 
«acritice  est  précisément  celui  par  lequel  les  chrétiens  de  langue  grecque  dési- 
gnaient la  rédemption.  —  MM.  Salomon  Reinnch,  Jullian,  Bouché-Leclercq  et 
Maurice  Croiset  présentent  quelques  observations. 

M.  Louis  Havet  donne  lecture  d'un  travail  sur  la  répartition  des  actes  dans 
les  comédies  de  Térence.  —  M.  Théodore  Reinach  présente  quelques  obser» 
vations. 

SÉANCE  DU  24  MARS  1916 

M.  Paul  Fournier  anuonce  que  la  commission  du  concours  des  Antiquités 
nationales  de  1916  a  décerné  :  une  deuxième  médaille  à  M.  Pierre  Gautier  pour 
ses  Études  diplomatiques  sur  les  actes  des  évêques  de  Langres,  du  viii'  siècle  à 
i436\  et  une  troisième  médaille  à  feu  M.  E.  Morel,  pour  sa  publication  rela- 
tive au  Plan  d'Arrasen  1382. 

M.  Morel-Fatio  annonce  ensuite  que  la  commission  du  prix  de  La  Grange  a 


420  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE  :' 

décerné  ce  prix  à  M.  Jeanroy  pour  La  chanson  de  Jaufré  Rudel  et  Les  joies  du 
gai  sçavoir^  ainsi  que  pour  ses  publications  antérieures  de  poésies  proven- 
çales. 

M.  Antoine  Thomas  fait  connaître  un  document  qui  permet  de  fixer  définiti- 
vement à  l'année  1305  la  date  de  la  mort  de  Jean  de  Meun,  le  plus  célèbre  des 
deux  auteurs  du  Roman  de  la  Rose.  Ce  document,  conservé  à  la  Bibliothèque 
nationale,  établit  que  Jean  de  Meun  était  encore  vivant,  le  17  mai,  le  jour  de 
l'Ascension  de  cette  année-là.  Or  Jules  Quicherat  avait  publié  un  acte  du 
6  novembre  1305  d'où  il  résulte  que  le  poète  avait  d^'^jà  cessé  de  vivre  à  cette 
date.  La  mort  de  Jean  de  Meun  se  place  donc  entre  ces  deux  dates  :  27  mai- 
6  novembre  1305. 

M.  Moret,  conservateur  du  Musée  Guimet,  interprète  un  des  termes  rares  des 
décrets  de  Koptos.  Le  signe,  jusqu'ici  méconnu,  désigne  les  ouvriers  et  le  ser- 
vice du  four  à  potier  dans  les  temples  de  Koptos  et  d'Abydos  et  sur  le  domaine 
royal.  L'industrie  céramique,  encore  aujourd'hui  florissante  dans  la  région  de 
Kéné  et  de  Koptos,  était  donc  organisée  en  ces  mêmes  lieux  dès  l'ancien 
empire  égyptien. 

M.  Meillet  fait  une  communication  sur  le  développement  de  l'infinitif.  — 
MM.  Louis  Havet,  Maurice  Croiset  et  Antoine  Thomas  présentent  quelques 
observations. 

SÉANCE  DU  31  MARS  1916 

M.  Seymour  de  Ricci  communique  une  inscription  grecque  d'Alexandrie.  En 
juxtaposant  deux  fragments  jusqu'ici  publiés  séparément,  il  a  pu  reconstituer 
un  texte  de  l'an  120  p.  G.  relatif  à  la  police  des  nécropoles  d'Alexandrie.  Cette 
police  était  confiée  à  un  détachement  de  Lyciens,  chargés  d'empêcher  le  pil- 
lage des  tombes,  et  qui  sont,  en  l'espèce,  accusés  d'avoir  abandonné  leur 
poste. 

M,  Cagnat  annonce,  au  nom  de  la  commission  du  prix  Saintour,  que  ce  prix 
est  partagé  de  la  manière  suivante  :  1.000  francs  à  M.  Graillot,  pour  son 
ouvrage  sur  le  Culte  de  Cybèle  •  —  800  francs  à  M.  de  Labriolle,  pour  son  livre 
intitulé  :  La  crise  montaniste  ;  —  600  francs  à  M.  Courbaud,  pour  son  étude 
intitulée  Horace;  —  600  francs  à  M.  P.  Noailles,  pour  son  travail  sur  les  Col- 
lections de  Novelles  de  Justinien. 

M.  Collignon  annonce  ensuite,  au  nom  de  la  commission  du  prix  Auguste 
Prost,  que  la  commission  a  partagé  ce  prix  de  la  manière  suivante  :  600  francs 
à  M.  Duvernoy,  archiviste  de  Meurthe-et-Moselle,  pour  ses  Actes  des  ducs  de 
Lorraine,  et  600  francs  à  M.  Chevreux,  pour  son  livre  sur  les  Institutions  com- 
munales d'Èpinal  au  temps  des  évoques  de  Metz, 

M.  A.  Héron  de  Villefosse  communique  un  rapport  du  R,  P.  Delattre,  cor- 
respondant de  l'Académie,  sur  les  fouilles  d'une  grande  basilique  chrétienne 
située  à  Carthage,  près  de  Sainte-Monique.  Le  P.  Delattre  a  poursuivi  très 
activement  cette  exploration  à  l'aide  d'une  subvention  de  l'Académie  ;  il  consi- 
dère cette  église,  aujourd'hui  complètement  ruinée,  comme  une  des  plus  impor- 
tantes de  la  ville  antique  et  croit  avoir  retrouvé  une  des  principales  basiliques 


ËtJLLEfiN  MENSUEL  DE  l'aCADÉIVIIE  DÉS  INSCRlt>TI()NS        421 

de  saint  Cyprien,  probablement  celle  où  Bélisaire  se  rendit  le  lendemain  de  la 
prise  de  Carthage.  Bâlie  dans  une  situation  magnifique,  elle  ne  comptait  pas 
moins  de  sept  nefs.  Au  milieu  de  débris  architecloniques,  le  P.  Delattre  a 
recueilli  plus  de  3.000  fragments  épigraphiques  provenant  pour  la  plupart 
d'inscriptions  funéraires.  Cette  grande  basilique  a  tant  souffert  que  les  textes 
intacts  y  sont  assez  rares  ;  il  y  a  lieu  pourtant  de  signaler  l'épitaphe  métrique 
d'une  jeune  fille  dont  le  nom  a  disparu.  Les  résultats  de  cette  exploration 
présentent  un  intérêt  particulier  pour  l'onomastique  de  Carthage  à  l'époque 
byzantine. 

M.  Joseph  Lolh  étudie  des  inscriptions  gravées  ou  tracées  à  la  pointe  sur 
des  pesons  de  fuseau,  inscriptions  dont  M.  Héron  de  Villefosse  a  publié  la  série 
jusqu'ici  dispersée  dans  le  Corpus  de  Berlin.  M.  Loth  a  reconnu  que  certaines 
de  ces  inscriptions,  restées  mystérieuses,  étaient  en  langue  celtique.  Ce  sont 
des  appels  d'amitié  adressés  à  des  femmes.  Mais  de  l'examen  de  ces  textes  il 
résulte  qu'on  y  trouve  bon  nombre  de  mots  celtiques  nouveaux.  Ces  inscriptions 
sont  du  m"  ou  du  iV  siècle  ;  or  on  n'a  de  ce  temps  aucun  texte  épigraphique 
gaulois,  et  on  avait  même  supposé  que  la  langue  celtique  était  dès  lors  oubliée 
dans  les  milieux  populaires.  La  découverte  de  M,  Loth  prouverait  qu'il  n'en 
était  rien. 

SÉANCE  DU  7  AVRIL  1916 

L'Académie  procède  à  l'élection  des  commissions  suivantes  : 

Fondation  BarMer-Muret  :  MM.  de  Vogué  et  Sénart,  le  P.  Scheil,  M.  Cuq. 

Fondation  Thorlet  :  MM.  Durrieu,  Prou,  Sénart,  Bouché- Leclercq. 

M.  Paul  Durrieu,  ayant  étudié  la  manière  dont  les  peintres  miniaturistes 
français  de  la  fin  du  moyen  âge  et  du  commencement  du  xvi*  siècle  figu- 
raient les  dieux  de  l'Olympe  et  les  autres  personnages  mythologiques  de 
l'antiquité,  signale  que  des  représentations  de  ce  genre  se  sont  glissées 
jusque  dans  l'illustration  des  livres  d'Heures  exécutés  à  Paris  au  xv»  siècle. 
Mais  de  l'ensemble  des  observations  de  M.  Durrieu  il  résulte  qu'à  cette  époque 
les  miniaturistes  français  ne  s'imaginaient  guère  que  les  divinités  païennes  et 
les  héros  antiques  pussent  différer,  pour  les  costumes  et  les  manières  d'être, 
des  Français  et  des  Françaises  de  leur  temps.  Cette  tendance  pouvait  être  favo- 
risée chez  eux  par  la  rédaction  des  textes  qu'ils  devaient  illustrer  et  qui  rajeu- 
nissaient en  quelque  sorte  les  souvenirs  de  l'antiquité.  M.  Durrieu  cite  par 
exemple  un  récit  des  amours  de  Héro  et  Léandre  où  ce  n'est  plus  le  Bosphore, 
mais  la  Seine  que  Léandre  traverse  à  la  nage  pour  rejoindre  Héro,  celle-ci 
résidant  à  Honfleur. 

M.  Chavannes  étudie  quelques  textes  se  rapportant  à  l'histoire  de  la  princi- 
pauté de  Wou  et  Yuc  qui  eut  une  existence  à  peu  près  indépendante  dans  la 
province  chinoise  de  Tcho-Kiang,  de  l'an  897  à  l'an  978  p.  C  :  un  brevet  gravé 
sur  une  tuile  de  fer  en  l'an  897  ;  un  récit  de  la  construction  de  la  digue  en  910 
et  de  la  bataille  livrée  par  les  archers  du  roi  de  Wou  et  Yuc  aux  flots  de  la 
mer;  une  plaquette  de  jade  et  une  tablette  d'argent  relatives  à  la  cérémonie 
taoïste  qui  consistait  à  jeter  dans  un  lac  des  petits  dragons  en  métal  destiiHs  à 


4â2  tlEVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

convoyer  la  prière  du  roi.  Ces  petits  monuments  éclairent  certaines  coutumes 
et  croyances  He  la  Chine. 

SEANCE  DU  14  AVRIL  1916 

M.  Maurice  Croiset  lit  une  note  sur  le  rôle  d'Apollon  dans  les  Euménides 
d'Eschyle  et  principalement  dans  la  scène  du  jugement.  C'est  à  tort  que  l'on 
considère  généralement  tout  ce  qui  est  dit  par  le  dieu  comme  un  plaidoyer  en 
faveur  d'Oreste,  En  réalité,  Apollon  se  contente  de  déclarer,  dès  le  début, 
qu'Oreste  est  justifié  par  le  seul  fait  qu'il  a  agi  selon  l'ordre  de  Zeus.  Les 
paroles  que  le  poète  lui  prête  ensuite  ne  sont  pas,  comme  on  le  dit  souvent,  des 
arguments  en  faveur  de  l'accusé,  mais  des  ripostes  passionnées  du  dieu  aux 
insinuations  malveillantes  que  les  Erinyes  dirigent  contre  lui-même.  Apollon 
exige  l'acquittement.  Il  ne  se  croit  pas  obligé  d'en  donner  d'autre  raison  que 
la  volonté  de  son  père  dont  il  a  été  l'interprète.  —  M.  Théodore  Reinach  pré- 
sente quelques  observations. 

M.  Salomon  Reinach  commence  la  lecture  d'une  note  intitulée  :  «  Quelques 
enseignements  des  mystères.  » 

SÉANCE  DU  19  AVRIL  1916 

M.  Maurice  Ooiset,  président,  retrace  brièvement  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Auguste  Barth,  membre  de  l'Académie  depuis  1893,  décédé  le  15  avril. 

M.  Homolle  communique  une  lettre  de  M.  Brivois,  consul  de  France  à  Lar- 
naka,  contenant  des  renseignements  sur  la  régularisation  des  fouilles  archéo- 
logiques dans  l'île  de  Chypre. 

M.  Salomon  Reinach  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'instruction 
préparatoire  que  recevaient  les  candidats  à  l'initiation  d'Eleusis.  Il  insiste  par- 
ticulièrement sur  les  légendes  et  généalogies  divines,  différentes  de  celles  qui 
sont  connues,  dont  les  candidats  devaient  se  pénétrer  avant  d'être  admis  aux 
mystères.  Une  de  ces  légendes,  qui  faisait  de  Déméter,  et  non  de  Latone,  la 
mère  d'Apollon  et  d'Arlémis,  fut  l'objet,  dans  une  tragédie  d'Eschyle,  d'une 
allusion  jugée  indiscrète,  qui  mit  en  péril  la  vie  de  l'auteur.  M.  Reinach 
montre  que  Déméter  devait  être  considérée,  à  Eleusis,  comme  l'épouse  de 
Dionysos,  légende  mystérieuse  dont  quelques  traces  se  retrouvent  ailleurs.  -- 
MM.  Bouché-Leclercq  et  Alfred  Croiset  présentent  quelques  observations. 

SÉANCE  DU  28  AVRIL  1916 

M.  Homolle  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur  l'origine  des  caryatides.  — 
MM.  Théodore  Reinach  et  Collignon  présentent  quelques  observations. 

M.  Emile  Eude  lit  une  note  sur  l'ancien  hôtel  de  Vaucouleurs,  à  Paris,  qui 
était  sis  rue  des  Poulies  (à  l'angle  des  rues  actuelles  du  Louvre  et  de  Rivoli). 
Il  croit  que  cet  hôtel  ne  devrait  pas  son  nom  à  Jeanne  d'Arc,  mais  à  Claude 
des  Armoises,  l'une  des  fausses  Jeanne  d'Arc,  qui  vint  à  Paris  en  1440  et  y 
eut  des  démêlés  avec  la  justice.  —  M.  Salomon  Reinach  présente  quelques 
observations. 

{Reuue  critiquCi)  Léon  Dobez. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  CORRESPONDANCE 


AUGUSTE  BARTH 

Né  en  1834  à  Scbilligheim  (Alsace),  Auguste  Barth  fit  ses  études  à  Stras- 
bourg el  fui  reçu  licencié  à  la  Faculté  des  Lettres  de  cette  ville.  En  1859, 
il  devint  professeur  au  Collège  de  Bouxviller  et  commença,  sans  maître,  à 
s'initier  aux  langues  anciennes  de  l'Inde.  Une  modeste  aisance  lui  permit,  en 
1864,  de  renoncera  l'enseignement  pour  se  consacrer  tout  entier  à  l'indianisme. 
Il  porta  le  fusil  pendant  le  siège  de  Strasbourg  et,  après  la  ruine  de  sa  petite 
patrie,  s'établit  d'abord  à  Genève,  puis  à  Paris  (1874).  Dès  1872,  un  article 
critique  relatif  à  une  publication  de  Bergaigne  avait,  suivant  l'expression  de 
M.  Sénart  «  apporté  de  Genève  la  bonne  nouvelle  qu'un  indianiste  nous  était 
né  )>.  En  1878,  Lichtenberger  le  pria  d'écrire,  pour  l'Encyclopédie  des  Sciences 
religieuses^  un  article  sur  les  religions  de  l'Inde.  Cet  article  devint  un  livre, 
traduit  en  anglais  dès  1882  et  réédité  pour  la  dernière  fois  dans  les  Œuvres 
d'Auguste  Barth  recueillies  à  l'occasion  de  son  quatre-vingtième  anniversaire 
(Paris,  Leroux,  1914,  t.  I,  p.  1-255).  Partout  on  se  plut  à  reconnaître  que 
cet  exposé  est  un  chef-d'œuvre;  il  a  fait  époque  et  ne  cessera  pas  de  rendre 
service.  Presque  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  Barth  le  compléta  par  les  Bulletins 
des  religions  de  l'Inde  qu'il  publia  dans  la  Revue  de  l'histoire  des  religions^ 
ainsi  que  par  de  nombreux  articles  de  \a.  Revue  critique,  de  Mélusine,  du  Jour- 
nal des  Savants,  etc.  Avec  Bergaigne  et  M.  Sénart,  il  édita  les  inscriptions  sans- 
crites recueillies  au  Cambodge  par  Aymonnier;  il  prit  part  aussi  à  la  publication 
du  Rayon  d'Angkor  Thom.  Bréal,  qui  l'avait  fait  entrer  à  la  Revue  critique,  le 
tenait  en  haute  estime  et  s'employa  énergiquement  (il  usait  rarement  de  son 
crédit)  à  lui  assurer  un  siège  à  l'Académie  des  Inscriptions;  Barth  y  entra  du 
premier  coup,  en  1893,  succédant  à  Hervey  de  Saint-Denys.  Dès  cette  époque, 
il  avait  l'oreille  dure  ;  depuis  plusieurs  années,  toute  conversation  avec  lui 
était  devenue  presque  impossible  et  il  vivait  très  retiré,  avec  ses  livres,  ne 
paraissant  que  de  loin  en  loin  aux  séances.  Il  est  mort  le  17  avril  1916,  à  l'âge 
de  83  ans. 

L'ensemble  des  Bulletins  (réimprimés  dans  les  Œuvres,  t.  I  et  II)  est  une 
source  inépuisable  d'érudition  et  de  saine  doctrine.  Barih  avait  le  sens  de  la 
critique  créatrice;  on  pourrait  lui  appliquer  cette  paraphrase  d'un  vers  célèbre  : 

Et,  même  en  résumant,  toujours  original. 

Darmesteter  écrivait  en  1890,  dans  son  Rapport  annuel  d  la  Société  asia^ 
tique  :  u  M.  Barth,  dans  son  dernier  RuUetin  des  rtligions  de  l'Inde,  résume 
tout  le  travail  des  études  indiennes  durant  les  quatre  dernières  années,  avec 
celle  universalité  de  connaissance  et  cette  sûreté  de  vue  qui  font  de  ces  Bulle- 


424  ftËVUE   ARCHEOLOGIQUE 

tins  une  des  œuvres  les  plus  sérieuses  et  les  plus  larges  de  l'indianisme  euro- 
péen. Toutes  les  périodes  de  l'histoire  littéraire  et  religieuse  de  l'Inde,  depuis 
le  Védas  jusqu'aux  derniers  produits  de  l'hindouisme,  depuis  les  inscrip- 
tions d'Açoka  jusqu'à  celles  du  Cambodge  et  de  l'archipel  Malais  où  la  coloni- 
sation a  porté  la  langue  et  les  religions  de  l'Inde;  tous  les  problèmes  de 
critique  contestés,  depuis  les  origines  des  légendes  jaïnes  jusqu'à  celles  du 
Mahâbhârata,  sont  successivement  passés  en  revue  ;  le  lecteur  et  l'étudiant 
sont  mis  au  centre  de  la  question  et  peuvent  dès  lors  s'y  orienter  en  toute 
sûreté.  »  Et  plus  loin  :  «  M.  Barlh  nous  a  donné  pour  la  littérature  des  contes 
dans  l'Inde  la  contre-partie  de  son  travail  sur  la  religion,  et  embrasse  avec  la 
même  puissance  le  chaos  de  cette  littérature  populaire  qui  ne  diffère  que  dans 
le  fond  de  la  haute  littérature  de  l'Inde  et  qui  se  confond  avec  elle  dans  la 
légende  buddhique  '  ».  Je  citerai  encore  ces  lignes  de  M.  Sénart,  tirées 
d'une  allocution  touchante  qu'il  prononça  en  présentant  à  Barth  les  deux  pre- 
miers volumes  de  la  réédition  de  ses  Œuvres  (22  mars  1914)  :  «  Vous  avêz 
infatigablement  voué,  à  l'examen  de  publications  nouvelles,  toutes  les  res- 
sources du  savoir  le  plus  vaste,  du  jugement  le  plus  mesuré,  de  la  pensée  la 
plus  pénétrante,  servis  par  une  langue  toujours  limpide  et  ferme,  souvent 
piquante  et  ingénieuse.  Ces  aperçus  critiques  peuvent  être  inégaux  en  étendue, 
môme  en  importance  ;  tous  sont  frappés  à  votre  coin  ;  il  n'en  est  aucun  qui 
n'ait  son  prix.  Se  succédant  ainsi  au  fil  des  jours,  ils  reflètent  pour  une  longue 
période  et  la  marche  générale  des  études  indiennes  et  l'activité  propre  de  votre 
vie  scientifique.  Deux  motifs  d'intérêt  et  deux  motifs  de  durée.  » 

Amédée  Jaubert,  interprète  de  Bonaparte  en  Egypte,  disait  un  jour  à  Maxime 
du  Camp,  parlant  de  Victor  Hugo  :  «  Faire  des  Orientales  sans  connaître 
l'Orient,  c'est  faire  une  gibelotte  sans  avoir  de  lapin.  »  Dédain  de  voyageur 
pour  le  poète  ou  le  savant.  Barth  n'est  jamais  allé  en  Inde,  comme  Hugo  n'a 
jamais  visité  la  Grèce,  non  plus  que  Bœckh  et  Henri  Weil,  les  plus  émi- 
nents  hellénistes  du  siècle  passé.  Il  y  a  des  impressions  directes  qui  tiennent 
lieu  de  toute  la  science  des  livres  ;  il  y  a  aussi  une  compréhension  des  textes  qui 
supplée  aux  impressions  des  sens.  Barth  a  sans  doute  regretté  de  n'avoir  pas 
vu  le  soleil  et  les  temples  de  l'Inde,  mais  ses  lecteurs  ne  se  sont  jamais  aperçus 
que  ce  complément  d'information  lui  fît  défaut. 

Ce  spécialiste  illustre  était  aussi  un  homme  instruit  ;  il  s'intéressait  à  la 
littérature  grecque  ;  il  connaissait  à  merveille  l'histoire  de  l'Alsace  et  avait  réuni 
une  précieuse  collection  d'Alsatica,  dont  il  fit  don  à  la  bibliothèque  de  l'Institut. 
Ceux  qui  l'ont  beaucoup  fréquenté  — je  ne  suis  pas  du  nombre  —  ont  loué  sa 
libéralité  et  la  noblesse  de  son  caractère.  Je  laisse  de  nouveau  la  parole  à 
M.  Sénart  :  «  Assemblés  autour  du  savant  dans  le  sentiment  très  vif,  très  doux 
de  notre  dette,  de  la  dette  du  pays  qui  lui  doit  un  lustre  durable,  notre  pensée, 
par  delà  l'œuvre  scientifique,  ne  saurait  se  défendre  d'aller  droit  à  l'homme 
même  qui  si  soigneusement  se  dérobe,  à  l'homme  bon,  à  l'homme  rare  dont  nous 
mesurons  si  bien  ce  que  l'apparent   stoïcisme  enveloppe  de  sensibilité  tendre, 


i.  Voir  Mélusine,  189?,  n.  24;  18.0,  ii.  1. 


I 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  Eî  CORRESPONDANCE     425 

dont  le  puissant  esprit,  si  robuste  et  si  alerte,  s'assouplit  sans  effort  à  la  plus 
parfaite  bonhomie,  à  une  simplicité  souriante  aux  plus  humbles.  » 

S.  R. 

AUGUSTIN-FRANÇOIS  IMBERT 
Né  à  Strasbourg  en  1851,  mort  le  5  mars  1916  à  Brezolles  (Eure-et-Loir), 
Imbert  fut  longtemps  receveur  de  l'enregistrement  dans  cette  petite  ville. 
Depuis  1887,  il  s'intéressa  très  vivement  au  déchiffrement  et  à  l'interprétation 
des  inscriptions  lyciennes;  il  fut  même  le  seul  en  France  à  s'occuper  de  ce  dif- 
ficile sujet.  Dans  mes  Chroniques  d'Orient,  j'ai  eu  maintes  fois  l'occasion  de 
résumer  ses  travaux,  publiés  parfois  en  collaboration  avec  l'Anglais  Arkwright. 
Le  ministère  lui  confia,  en  1891,  une  mission  archéologique  en  Lycie,  qui  ne 
donna  pas  les  résultats  espérés.  Imbert  a  notablement  contribué  à  l'identifica- 
tion des  noms  propres  de  la  stèle  de  Xanthos  et  à  la  détermination  des  termes 
de  parenté  usités  dans  les  inscriptions  lyciennes.  Peu  de  mois  avant  sa  mort,  il 
achevait  un  dernier  mémoire,  actuellement  sous  presse.  Imbert  était  membre 
de  la  Société  de  Linguistique  et  correspondant  de  l'Institut  archéologique 
autrichien'^. 

S.  R. 

GIUSEPPE  PITRE 

Modeste  médecin  de  quartier  à  Palerme,  Pitre  fut  le  premier  Sicilien  à  s'oc- 
cuper avec  suite  et  dans  un  esprit  rigoureusement  scientifique  du  folklore  de 
son  île  natale,  auquel  il  a  consacré  de  très  nombreux  volumes.  Il  devint  profes- 
seur de  démo-psychologie  à  l'Université  de  Palerme  et  directeur  du  Musée 
Ethnologique  fondé  par  ses  soins  (voir  Hevue  des  traditions  populaires,  19 13, 
p.  191  et  suiv.).  Les  travaux  de  Pitre  ont  été  utilisés  par  G.  Vuillier  dans  son 
ouvrage  illustré  sur  la  Sicile;  mais  j'ai  souvent  constaté  que  son  nom  même 
était  ignoré  des  archéologues.  Pitre  est  mort  au  mois  de  mars  1916. 

S.  R. 

RENÉ  DE  LAGENESTE 

Le  5  avril  1916,  René  Duchamp  de  Lageneste  «  a  trouvé  une  mort  glorieuse 
en  conduisant  à  l'attaque  d'un  fortin  allemand,  sous  un  feu  violent  de  grenades, 
un  groupe  d'éclaireurs  volontaires  »  (citation  à  l'ordre  de  l'armée).  Le  nom  de 
ce  jeune  homme  doit  être  conservé  pieusement  par  tous  ceux  qu'intéressent  en 

1.  Dans  le  Babylonian  and  Oriental  record,  1888  (épigraphie  lycienne),  1890 
(Pharnabaze  et  Tissapherne  sur  la  stèle  de  Xanthos),  1891  (déchiffrements 
lycieus);  dans  le  Muséon  de  Louvaiu,  1889  (études  d'épigr.  lycieuue  de  1880  à 
1888),  1891  (Autiphellos  et  uu  passage  d'Hérodote;  quelques  uoms  propres  de  la 
stèle  de  Xauthôs);  dans  la  Revue  numismatique,  1887  (mounaies  lyciennes)  ;  daua 
la  Hevue  archéologique,  1890  (tombeaux  lycieus)  ;  daus  la  Hevue  des  Études 
(jmcques,  1894  (sur  la  stèle  de  Xauthos);  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  lin- 
(jaistique,  1894,  1896,  1897,  1898,  1900  (épigraphie  lycieuue,  quelques  mémoires 
étendus). 

V«   SKRIK,     T.    III.  S8 


426  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

France  les  études  anciennes.  Né  à  Tulle,  le  28  octobre  1890,  d'une  ancieno^ 
famille  du  Limousin,  élève  de  l'Institut  catholique  de  Paris,  de  la  Sorbonne 
de  l'École  pratique  des  Hautes  Études,  René  de  Lageneste  voulait  se  consa- 
crer à  l'histoire  des  religions  anciennes.  Il  avait  présenté  en  1911,  pour  le 
diplôme  d'études  supérieures,  un  mémoire  remarquable  sur  la  première  partie 
du  De  errore  profanarum  religionum  de  Firmicus  Maternus.  Depuis  lors,  il 
n'avait  cessé  d'élargir  et  d'enrichir  une  intelligence  curieuse  et  souple,  en 
même  temps  qu'il  s'initiait  à  la  méthode  philologique.  Nul  ne  sentait  mieux  que 
lui  la  nécessité  de  la  rigueur  et  de  la  précision  dans  des  recherches  qui  sont 
inutiles  et  malhonnêtes  si  elles  ne  sont  pas  minutieusement  conduites.  Une  de 
ses  préoccupations,  en  ces  derniers  temps,  était  même  la  crainte  de  voir  l'hor- 
reur légitime  des  Allemands  faire  oublier  les  traditions  des  savants  français  du 
xvi»  et  duxvu"  siècle.  Et  cependant  sa  vaste  culture  et  son  esprit  philosophique 
déjà  mûri  auraient  excusé  plus  aisément  chez  lui  la  facilité  des  généralisations 
rapides.  Secrétaire  d'état-major  au  moment  de  la  guerre,  il  s'engageait  dans 
les  zouaves  dès  le  mois  de  septembre  1914,  se  distinguait  dans  l'affaire  de  la 
maison  du  Passeur  (citation  à  l'ordre  de  la  brigade)  et  contribuait  à  la  prise 
d'une  mitrailleuse  le  9  mai  1915  (citation  à  l'ordre  de  la  division).  Dans  la 
guerre  comme  dans  l'étude,  il  était  toujours  vraiment  un  volontaire  ;  il  appor- 
tait un  entrain,  un  «  allant  »,  qui  était  le  charme  de  sa  jeunesse  vibrante. 
Soldat  chevaleresque  et  héroïque,  il  promettait,  par  l'alliance  de  qualités  rare- 
ment unies,  un  savant  incomparable.  Son  frère,  Roger,  médecin  auxiliaire, 
que  son  courage  et  son  dévouement  avaient  conduit  en  Allemagne,  revenu  sur 
le  front  à  sa  demande,  dans  le  poste  de  fortune  où  il  secourait  les  blessés  en 
première  ligne,  a  vu  «  rapporter  le  corps  de  son  propre  frère  tué,  l'a  embrassé 
et,  montrant  une  force  d'âme  peu  commune,  a  continué  à  prodiguer  ses  soins 
aux  autres  blessés  »  (citation  à  l'ordre  de  l'armée).  Quels  exemples  donnent  ces 

jeunes  gens! 

P.  L. 

LÉON  G  ART 

Professeur  à  la  Faculté  de  théologie  de  Neufchâtel,  Léon  Cart  est  mort  dans 
cette  ville  le  3  mai,  à  l'âge  de  47  ans.  Hébraïsant  et  exégète,  il  s'intéressait 
aussi  à  l'archéologie  orientale,  surtout  depuis  un  voyage  qu'il  avait  fait  au 
Sinaï  avec  les  Pères  dominicains  de  Jérusalem. 

X. 

HENRI  HEUGEL 

Éditeur  de  musique  et  président  honoraire  de  la  Ghambre  syndicale  des  édi- 
teurs, Henri  Heugel  est  mort  à  Paris,  au  mois  de  mai  1916,  dans  un  âge  très 
avancé.  Sans  disposer  de  moyens  illimités,  Heugel  consacrait  depuis  des 
années  des  sommes  importantes  à  l'acquisition  intelligente  de  tableaux  et 
d'œuvres  d'art.  La  collection  qu'il  avait  réunie,  dans  son  appartement  de  l'ave- 
nue du  Bois,  est  une  des  plus  précieuses  qu'il  y  ait  en  France.  On  y  trouve 
représentés  des  maîtres  très  rares,  notamment  Albert  Durer,  Rogier,  Ghirlan- 
dajo,  peut-être  Raphaël  lui-même  (portrait  de  femme).  Heugel  possédait  aussi 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES   ET   CORRESPONDANCE  427 

une  pièce  de  choix  de  la  fabrique  dite  de  Saint-Porchaire,  des  faïences  italiennes 
et  de  beaux  bronzes  de  la  Renaissance.  C'était  un  homme  simple,  aimable, 
accueillant,  qui  vivait  avec  ses  trésors  et  les  aimait.  Il  y  a  quelques  années,  on 
lui  en  offrit  dix  millions.  «  Cela  ferait  quatre  cent  mille  francs  de  rente,  me 
dit-il;  ce  serait  très  bien  si  je  pouvais  garder  ma  collection;  mais  que  devien- 
drais-je  sans  elle  »  ?  Son  choix  fut  bientôt  fait  :  il  repoussa  la  tentation  trans- 
atlantique ;  mais  pourra-t-elle  être  repoussée  après  lui  ? 

S.  R. 

ALEXIS  GIRAUD-TEULON 

Mort  à  Antibes,  à  la  fin  de  mai  1916,  Alexis  Giraud-Teulon  était  le  fils  d'un 
ophtalmologiste  célèbre,  membre  de  l'Académie  de  Médecine,  qui  était  sorti 
de  l'École  polytechnique.  Alexis  G.-T.  publia,  en  1874,  un  bon  résumé  critique 
de  l'énorme  ouvrage  de  Bachofen,  Mutterrecht,  sous  le  titre  :  Les  origines  de  la 
famille.  Ce  livre  a  été  très  lu  et  mérite  de  l'être  encore  :  c'est  l'exposé  le  plus 
complet,  dans  noire  langue,  de  la  doctrine  du  matriarcat  préhistorique  et  de  ses 
survivances.  Giraud-Teulon  enseigna  ensuite  la  philosophie  de  l'histoire  et 
l'esthétique  à  l'Université  de  Genève  ;  il  y  enseigna  également  la  préhistoire.  On 
lui  doit  aussi  une  traduction  de  l'Histoire  de  la  Papauté,  œuvre  retentissante 
du  chanoine  Dœllinger,  l'adversaire  (un  peu  oublié  aujourd'hui)  du  dogme  de 
l'infaillibilité. 

S.  R. 

IVAN  IVANOVITCH  TOLSTOÏ 

C'est  avec  un  profond  regret  que  j'annonce  la  mort  de  mon  cher  ami  le  comte 
Ivan  Tolstoï,  ancien  ministre  de  l'instruction  publique,  député  à  la  Douma, 
directeur  de  l'École  des  Beaux-Arts  et  maire  de  Saint-Pétersbourg  (4  juin 
1916).  Tolstoï  appartenait  à  une  famille  riche,  annoblie  sous  Nicolas  I",  qui 
n'a  que  des  liens  très  lointains  avec  celle  de  l'illustre  romancier.  Il  eut  pour 
précepteur  l'archéologue  Kondakoff,  avec  lequel  il  publia  le  grand  ouvrage 
illustré,  Rousshia  Drevnosti,  dont  j'ai  donné  une  édition  française  partielle  (les 
antiquités  préchrétiennes  seulement)  sous  ce  titre  ;  Antiquités  de  la  Russie 
méridionale.  Il  travaillait  depuis  de  longues  années  à  un  grand  traité  sur  les 
monnaies  byzantines,  dont  il  a  paru  7  fortes  livraisons,  remplies  de  documents 
nouveaux.  Possesseur  d'une  magnifique  bibliothèque,  très  apprécié  pour  son 
amabilité  et  son  esprit,  Tolstoï  aurait  pu  mener  une  vie  paisible  de  dilettante 
ei  de  collectionneur  ;  mais  il  aimait  trop  son  pays  pour  ne  pas  vouloir  le  servir 
plus  directement.  Il  fut  de  ceux  qui  crurent  que  le  régime  traditionnel  du 
grand  empire  «lave  n'était  pas  inconciliable  avec  les  idées  modernes.  Ministre  de 
l'Instruction  publique,  il  essaya  de  les  appliquer  ;  mais  la  réaction  qui  suivit  la 
dissolution  de  la  première  Douma  l'obligade  céder  la  place  à  d'autres.  Il  rentra 
dans  la  politique  pour  devenir  maire  de  Saint-Pétersbourg  et,  dans  ces  fonc- 
tions très  absorbantes,  rendit  des  services  signalés.  Il  y  a  un  an  environ,  sa 
santé,  devenue  précaire,  le  contraignit  au  repos.  Quand  j'appris  qu'il  avait 
donné  sa  démission,  je  conclus  qu'il  devait  être  très  malade,  car  Tolstoï  était 


ï 


428  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

de  ceux  qui  se  surmènent  pour  le  bien  public  et  ne  consentent  à  déposer  uû 
fardeau  que  lorsqu'ils  s'affaissent  sous  lui. 

Imbu  des  idées  de  tolérance  religieuse  comme  un  grand  seigneur  du 
xviir  siècle,  Tolstoï,  quoique  surchargé  de  travail,  entreprit  de  traduire  en 
russe  et  de  publier  mon  Orpheus.  Je  possède  le  manuscrit  de  cette  traduction, 
entièrement  de  sa  belle  écriture.  Il  n'y  mit  pas  son  nom,  mais  il  signa  un  livre 
courageux  sur  la  question  juive  en  Russie,  qui  a  été  traduit  en  allemand;  il  fut 
aussi  parmi  les  promoteurs  les  plus  actifs  des  nombreux  manifestes  d'  «  intellec- 
tuels »  russes  qui  s'élevèrent  contre  l'antisémitisme  administratif.  Il  a  fait  tout  cela 
comme  mille  autres  choses,  par  amour  de  l'humanité  et  de  sa  patrie.  La  science 
perd  en  lui  un  serviteur  d'élite  et  la  Russie  un  excellent  citoyen  i. 

S.  Relnach. 

M.  Raoul  Warocqué. 

La  mort  de  cet  éminent  amateur  et  mécène  belge  ayant  été  annoncée,  en 
avril  1916,  par  tous  les  journaux,  nous  sommes  particulièrement  heureux  de 
dire  qu'on  l'a  vu  à  Paris,  sur  le  boulevard,  vers  le  23  mai  suivant.  Il  avait 
obtenu,  étant  malade,  de  quitter  son  château  de  Mariemont  pour  aller  faire  une 
cure  à  Vichy.  «  Vous  voyez,  dit-il  à  un  journaliste,  que  le  bruit  de  ma  mort 
était,  pour  reprendre  le  mot  de  Mark  Twain,  un  peu  exagéré  ». 

S.  R. 

A  Mitylène. 

L'élection  triomphale  de  M.  Venizelos  à  Mitylène  vient  de  remettre  au  pre- 
mier plan  de  l'actuahté  contemporaine  l'île  antique  de  Sapho,  d'Alcée,  de  Ter- 
pandre  et  d'Arion  le  musicien...  Mitylène  est,  après  l'Eubée,  la  plus  grande 
île  de  l'Archipel.  C'était  l'île  préférée  d'Apollon,  parce  que  la  tête  du  poète 
Orphée,  roulée  par  les  eaux  jaunes  de  l'Hèbre  jusqu'aux  rives  de  Thrace,  fut 
portée  doucement  par  les  flots  bleus  de  la  mer  Egée  vers  les  bords  enchantés 
de  Lesbos. 

Aujourd'hui,  le  voyageur  nouvellement  débarqué  dans  cette  île  naguère  libé- 
rée du  joug  des  Turcs  est  averti  de  la  persistance  d'un  souvenir  glorieux, 
lorsque,  flânant  aux  abords  du  vieux  castel  génois  qui  domine  la  rade,  il  aper- 
çoit, sur  la  façade  d'une  bâtisse  neuve,  posée  dans  un  terrain  vague,  à  la  lisière 
d'un  bois  d'oliviers,  cette  inscription  pleine  d'archaïsme  et  de  modernité  : 
Cinématographe  Sapho. 

C'est  du   grec,  incontestablement.  Mais  entre  l'épanouissement  radieux  de 
l'hellénisme  d'autrefois  et  la  résurrection  laborieuse  de  l'hellénisme  d'aujour- 
d'hui l'Histoire  déroule,  comme  une  sorte  de  «  film  »,  tragique,  une  longue  ^ 
suite  de  siècles   sombres,  d'années  noires,  de  mois  sinistres  et  de  semaines 
sanglantes,  où  la  figure  des  gens  et  l'aspect  des  choses  ne   se  révèlent  qu'à  la  - 
lueur  des  incendies,  parmi  l'horreur  des  massacres  qui  ont  multiplié  d'innom- 

\.  Un  fils  d'Ivan  Tolstoï  s'est  déjà  distingué  comme  arcLéologue  ;  son  frère  est 
directeur  du  Musée  de  l'Ermitage. 


NOUVELLES  ARCHÉOLOGIQUES  ET  GOHRESPONDANGE    429 

râbles  visions  d'enfer  en  cette  riante  contrée,  faite  pour  donner  aux  hommes 
un  avant-goût  du  paradis. 

Si  l'on  quille  le  chef-lieu  de  l'île  pour  visiter  les  villages  de  l'inlérieur,  et 
pour  monter,  à  travers  les  escarpements  rocheux  de  la  campagne  inculte,  vers 
le  monastère  du  Très-Haut,  qui  domine,  comme  un  poste  d'écoute,  les  côtes  de 
la  Troade,  le  cap  Sigée  et  l'entrée  des  Dardanelles,  on  recueille  sur  place, 
par  la  seule  vue  de  ce  décor  dévasté,  l'impressoin  des  calamités  ineffaçables 
qui  affligent  encore  d'une  mystérieuse  mélancolie  l'âme  des  paysages  et  des 
paysans  de  Mitylène. 

Les  traces  d'une  longue  misère  sont  inscrites,  comme  des  stigmates  indélé- 
biles, dans  les  balafres  du  sol  ravagé  où  rien  ne  fleurit  plus  et  dans  les  rides 
des  vieillards  dont  la  voix  cassée  chevrote  encore  les  lentes  mélopées,  les 
lamentables  cantilènes  où  la  plus  illustre  et  la  plus  infortunée  des  races 
humaines  raconte  tout  un  passé  d'esclavage,  d'humiliation  et  de  douleur. 

Methymna,  cité  chère  à  Terpandre  le  citharède  ;  Napé,  que  charmait  la  lyre 
du  musicien  Hellanicos;  Arisba,  ville  éolienne  où  Diophane  enseigna  la  rhéto- 
rique... ces  noms  harmonieux  ne  désignent  plus  que  des  solitudes  illuminées 
par  l'éclatant  soleil  qui  brille  indifféremment  sur  nos  joies  et  sur  nos  deuils, 
sur  les  berceaux  et  sur  les  tombes.  La  terreur  a  vidé  les  plages  accueillantes 
où  abordaient  les  trirèmes  poussées  par  le  rythme  des  avirons,  tandis  que  la 
voix  des  matelots  chanteurs  jetait  aux  échos  du  rivage  les  refrains  sonores  de 
quelque  aventureuse  odyssée. 

Quelles  épouvantes,  sur  ces  grèves  et  sur  ces  collines,  lorsque  au  déclin  de 
l'empire  de  Byzance,  incapable  de  défendre  ses  frontières  et  de  surveiller  son 
domaine,  on  voyait  venir,  du  fond  de  l'horizon  hostile,  les  felouques  des  cor- 
saires tarragonais,  qui  poussaient  leurs  incursions  jusque  dans  ces  parages,  et 
s'en  allaient  ensuite  partager  leurs  cargaisons  d'or,  d'argent  et  d'esclaves  dans 
les  repaires  inaccessibles  de  Samothrace  et  d'Imbros  ! 

Un  aventurier  génois,  Francesco  Galtilusio,  ayant  fait  la  guerre  à  ces  pirates, 
reçut  de  l'empereur  Jean  Paléologue,  en  récompense  de  ses  services,  la  prin- 
cipauté de  Mitylène  pour  lui  et  pour  ses  descendants.  Mais  sous  cette  dynastie 
étrangère,  divisée  contre  elle-même  par  des  querelles  de  frères  ennemis  qui 
s'assassinaient  les  uns  les  autres,  Mitylène  ne  tarda  pas  à  souffrir  cruellement 
du  voisinage  formidable  des  Turcs. 

Par  ordre  du  sultan  Mourad,  le  gouverneur  de  Gallipoli,  Balta-Oglou,  chef 
d'escadre,  jette  sur  Lesbos  une  ruée  de  forbans  armés  de  coutelas,  ravage  la 
délicieuse  ville  de  Galloni,  blottie  au  fond  du  golfe  de  Pyrrha,  fait  une  razzia 
d'esclaves  et  d'otages,  et  rentre  dans  les  Dardanelles,  après  avoir  répandu  par- 
tout, sur  son  passage,  le  feu,  le  sang  et  la  désolation. 

Mais  la  «  grand'pitié  »  de  Mitylène  date  surtout  de  l'année  1462.  Cette 
année-là,  Mahomet  le  Conquérant,  déjà  maître  de  Gonstantinople,  résolut  d'en 
finir  avec  la  dynastie  des  Galtilusio,  et  de  prendre  leur  île,  riche  en  olives 
grasses,  en  bon  vin,  en  belles  femmes.  C'est  en  vain  que  le  malheureux  prince 
de  Mitylène,  triste  suzerain  de  Lemnos,  envoyait  ponctuellement  au  Grand-Turc 
un  tribut  annuel  de  deux  milles  statères  d'or.  11  vit  appareiller  vers  son  port  et 


430  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

vers  son  château  une  flotte  de  plus  de  cent  galères,  tandis  qu'une  puissante 
armée,  conduite  par  le  sultan  en  personne,  occupait  la  côte  d'Asie,  entre  Assos 
et  Adramytte,  pour  empêcher  l'exode  des  populations  affolées  et  capturer  les 
fugitifs.  L'artillerie  de  la  flotte  turque  ouvrit  un  feu  effroyable  sur  la  ville  et 
sur  la  citadelle  de  Mitylène.  Le  bombardement  dura  vingt-sept  jours.  On  peut, 
aujourd'hui  encore,  apercevoir  les  ravages  des  boulets  dans  les  brèches  ouvertes 
et  dans  les  crevasses  béantes  des  murailles  canonnées,  qui  achèvent  de  s'écrou- 
ler parmi  les  décombres,  sur  la  rive  déserte. 

Lorsque  le  prince  de  Mitylène  eut  capitulé,  Mahomet  II  choisit  dans  les 
familles  nobles  de  l'île  huit  cent  jeunes  filles  et  garçons  pour  en  disposer  à  sa 
guise.  La  sœur  du  prince,  veuve  d'Alexandre  Comnène,  empereur  de  Trébi- 
zonde,  jeune  femme  de  la  plus  rare  beauté,  entra  dans  le  harem  du  sultan. 
Trois  cents  prisonniers  furent  sciés  entre  deux  planches  sous  divers  prétextes. 
D'autres  furent  empalés.  Les  riches  négociants  furent  déportés  à  Stamboul.  Le 
reste  fut  livré  à  une  garnison  de  janissaires  et  d'azabs,  recrutés  parmi  les  plus 
féroces  tribus  de  l'empire  ottoman. 

Qu'un  pays  puisse  renaître  après  une  telle  catastrophe,  qu'une  race  ait 
conservé  le  courage  de  vivre  et  la  force  de  travailler  après  avoir  subi  tous  ces 
outrages  et  touché  ainsi  le  fond  de  la  souffrance  humaine,  c'est  l'éternel  étonne- 
ment  des  historiens.  Mitylène  attendit  pendant  quatre  cent  cinquante  ans 
l'heure  de  sa  délivrance,  puisque  c'est  dans  la  journée  du  21  novembre  1912 
qu'une  flotte  hellénique  vint  mettre  fin  à  la  turcocratie  qui,  depuis  plus  de 
quatre  siècles,  pesait  sur  cette  île,  placée  à  l'extrémité  de  l'Europe  comme  une 
sentinelle  avancée  de  la  civilisation. 

Dans  l'enchantement  de  la  liberté  retrouvée,  Mitylène  a  redoublé  d'ardeur 
au  travail  et  de  zèle  libéral  pour  reprendre  contact  avec  l'Europe  civihsée.  Il 
n'y  a  point  de  pays  en  Orient  où  l'on  aime  plus  sincèrement,  plus  passionné- 
ment la  France,  où  l'on  soit  plus  attaché  à  la  juste  cause  que  nous  défendons, 
avec  nos  fidèles  alliés,  contre  la  nouvelle  coalition  des  Barbares.  Celui  qui 
écrit  ces  lignes  a  vu  se  manifester,  dans  le  chef-lieu  de  l'île,  comme  à  Plou- 
mari,  comme  à  Molivo,  à  Sigri  et  sur  tous  les  points  du  territoire  mitylénien, 
l'expression  des  sentiments  dont  se  sont  inspirés  les  électeurs  de  M.  Venizelos. 
Les  citoyens  de  Mitylène  ont  voulu  que  le  premier  usage  de  leurs  droits 
d'hommes  Ubres,  après  une  si  longue  servitude,  fût  un  hommage  rendu  à  la 
Uberté.  En  votant,  d'un  cœur  unanime,  pour  le  libérateur  de  la  Crète,  de  l'Épire, 
de  la  Macédoine,  ils  ont  voté  pour  l'indépendance  des  peuples,  pour  l'affran- 
chissement des  nations  opprimées,  pour  tout  ce  qui  fait  l'honneur  de  la  per- 
sonne humaine  et  la  dignité  du  foyer,  c'est-à-dire  pour  les  intérêts  sacrés  et 
pour  les  réalités  idéales  que  les  puissances  protectrices  de  la  Grèce  sont  réso- 
lues à  soutenir  jusqu'au  bout. 

{Temps^  16  mai  1916.)  Gaston  Descramps. 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  431 

Rome  et  la  politique  d'annexion  *. 
Si  la  Grèce  ancienne  a  possédé  à  un  degré  si  haut  le  sens  des  limites  dans 
le  domaine  spirituel,  Rome  l'a  possédé  dans  le  domaine  politique.  Le  phéno- 
mène en  apparence  le  plus  étrange  de  l'histoire  de  Rome,  c'est  l'esprit  persis- 
tant d'opposition  aux  agrandissements  territoriaux,  qui  a  dominé  la  politique 
après  la  conquête  de  l'Italie.  Tant  qu'il  s'est  agi  de  conquérir  l'Italie  centrale 
et  méridionale,  Rome  a  procédé,  quand  elle  a  pu,  avec  un  esprit  d'agression 
assez  décidé  ;  mais  dès  qu'il  s'est  agi  de  franchir  les  Apennins,  les  Alpes  et  la 
mer,  de  fonder  le  grand  empire  méditerranéen  qui  a  eu  tant  d'influence  sur 
l'histoire  de  l'Europe,  elle  s'est  sentie  comme  paralysée  par  la  grandeur  même 
de  l'occasion  qui  s'offrait  à  elle.  Même  pendant  les  siècles  des  grandes  con- 
quêtes en  Europe,  en  Asie  et  en  Afrique,  l'aristocratie  qui  gouvernait  l'empire 
a  été  toujours  contraire  à  la  politique  des  annexions  et  des  conquêtes.  Il  n'est 
pas  exagéré  de  dire  que  Rome  a  créé  son  immense  empire  malgré  elle,  forcée 
par  un  enchaînement  de  circonstances,  qui  a  été  plus  fort  que  la  volonté  de 
son  gouvernement,  mais  qu'elle  a  toujours  redouté  l'agrandissement  de  son 
empire  comme  un  danger.  Ce  phénomène  semble  bizarre  et  presque  incom- 
préhensible à  une  époque  comme  la  nôtre,  où  l'impérialisme  agressif  a  joui 
d'une  si  grande  faveur;  mais  pour  celui  qui  se  place  au  point  de  vue  des 
Romains,  la  raison  n'en  est  point  douteuse.  La  noblesse  romaine  savait  qu'il 
était  plus  facile  de  conquérir  des  territoires  que  de  les  garder  ;  elle  voyait 
partout  les  ruines  des  empires  qui  étaient  tombés  parce  qu'ils  avaient  voulu 
grandir  trop  et  trop  vite  ;  elle  ne  voulait  pas  trop  risquer  pour  conquérir  un 
empire  qu'elle  n'aurait  pas  la  force  de  garder.  La  noblesse  romaine,  d'ailleurs, 
et  c'est  encore  un  caractère  qui  la  différencie  des  classes  dirigeantes  de  notre 
époque,  n'a  jamais  ambitionné  de  faire  de  Rome  un  État  plus  riche  ou  plus 
puissant  que  d'autres  États  ;  elle  a  voulu  seulement,  après  avoir  conquis 
l'Italie,  que  Rome  pût  jouir  d'une  certaine  sécurité  et  qu'elle  fût  gouvernée 
d'après  certains  principes  et  certaines  règles  qui  lui  semblaient,  à  tort  ou  à 
raison,  représenter  un  idéal  parfait  de  vertu  et  de  sagesse.  Pour  rester  fidèle 
à  cet  idéal,  elle  préféra,  pendant  plusieurs  siècles,  renoncer  à  des  conquêtes 
et  à  des  enrichissements  qui  lui  auraient  été  faciles  ;  ce  qui  explique,  par 
exemple,  pourquoi  Paul-Émile,  après  avoir  vaincu  la  Macédoine,  ferma  toutes 
les  mines  d'or  el  en  défendit  l'exploitation  ;  ce  qui  explique  aussi  pourquoi  le 
Sénat  refusa  à  un  certain  moment  rien  de  moins  que  l'Egypte,  que  son  roi  lui 
avait  léguée  par  testament.  L'Egypte  pourtant  passait  pour  être  le  pays  le  plus 
riche  et  le  plus  fertile  du  monde  ancien.  Mais  Rome  le  refusa  justement  parce 
qu'il  était  trop  riche.  L'aristocratie  traditionaliste  et  puritaine  craignait  que  ces 
richesses  et  les  exemples  égyptiens  ne  finissent  par  a  corrompre  »  Rome  ; 
c'est-à-dire  par  détacher  les  nouvelles  générations  de  cet  idéal  de  perfection 
morale  dans  lequel  elle  croyait.  L'idéal  de  perfection  morale  l'emportait  sur 
l'ambition  de  la  puissance  et  sur  le  désir  des  richesses. 

1.  Extrait  d'une  conférence  faite  à  Lyon  par  M.  G.  Ferrero  (/.e  Temps,  21)  avril 
1916). 


432  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Rome  savait  qu'elle  ne  pourrait  pas  imposer  sa  volonté  à  tous  les  peuples 
sujets  ;  et  elle  préférait  les  laisser  se  gouverner  eux-mêmes.  Cette  prudence  et 
ces  hésitations  expliquent  la  lenteur  avec  laquelle  l'empire  romain  fut  créé, 
mais  elles  expliquent  aussi  sa  durée. 

G.  Ferrero. 

L'exposition  des  chefs- d* œuvres  du  Louvre  à  Toulouse. 

M.  Dalimier.  sous  secrétalrp  d'État  aux  Beaux-Arts,  vient  de  donner  un  avis 
favorable  au  principe  d'une  exposition,  dans  les  locaux  du  musée  de  Toulouse, 
d'une  partie  des  chefs-d'œuvre  du  musée  du  Louvre,  transportés  au  chef-lieu 
de  la  Haute-Garonne  dans  les  premiers  jours  de  septembre  1914.  Le  conseil 
des  ministres,  réuni  samedi  dernier,  a  ratifié  la  proposition  présentée  par 
M.  Dalimier,  et  l'exposition  projetée  aura  lieu  prochainement  à  une  date  qui 
n'est  pas  encore  déterminée.  Elle  ne  comprendra  pas  la  totalité  des  tableaux  et 
objets  d'art  provenant  du  Louvre,  mais  seulement  des  meubles  et  des  tapisse- 
ries, ce  qui  suffira  d'ailleurs  à  lui  assurer  le  plus  grand  succès. 

Les  autorités  compétentes  ont  été  guidées,  en  écartant  les  tableaux  et  les 
statues  de  la  prochaine  exposition  toulousaine,  par  le  souci  d'éviter  un 
déballage  des  caisses  remplies  de  toiles  précieuses,  qu'il  aurait  fallu  remballer 
ensuite.  A  Toulouse,  il  ne  serait  assurément  pas  difficile  de  trouver  des 
locaux  parfaitement  aérés,  offrant  les  meilleures  conditions  d'hygiène,  si  l'on 
peut  dire,  pour  nos  trésors  d'art.  Il  y  a  moins  d'humidité  dans  la  ville  rose 
qu'aux  bords  de  la  Seine,  et  les  tableaux  du  Louvre  peuvent  attendre  en  toute 
sécurité  à  Toulouse,  aussi  longtemps  qu'il  le  faudra.  Mais  il  est  inutile  de 
multiplier  les  manipulations  :  les  vernis  pourraient  s'écailler,  les  toiles  se 
déchirer. 

L'exode  de  nos  chefs-d'œuvre,  menacés  au  début  de  la  guerre  par  les  obus 
allemands,  est  mal  connu  du  public;  on  peut  maintenant,  sans  inconvé- 
nient, donner  quelques  détails  à  ce  sujet.  Ce  ne  fut  point  une  petite  affaire, 
et  les  conservateurs  du  Louvre,  ainsi  que  M.  Dalimier  et  l'administration  des 
beaux-arts  en  savent  quelque  chose.  Grâce  à  l'admirable  dévouement  du  per- 
sonnel du  musée,  à  son  habileté  technique,  à  l'activité  de  chacun,  au  concours 
de  tous,  les  plus  belles  œuvres  du  Louvre  ont  pu  être  mises  à  Tabri.  Dans 
la  première  voiture,  on  avait  placé  plus  de  deux  cent  cinquante  tableaux, 
dans  la  liste  desquels  nous  comptons  la  Mise  au  tombeau  du  Titien;  le  Biogène 
jetant  son  écuelle,  de  Poussin  ;  le  Gilles^  de  Watteau  ;  la  Vierge  aux  Rochers 
et  le  BacchuSy  de  Léonard  de  Vinci  ;  le  Pied-bot  de  Ribéra  ;  la  Raie^  de  Char- 
din ;  l'Accordée  de  village,  de  Greuze  ;  la  Belle  jardinière,  de  Raphaël  ;  les 
Noces  de  Cana,  de  Véronèse;  la  Sainte -Famille,  d'André  del  Sarte;  la  Nais- 
sance de  la  Vierge,  de  Murillo  ;  le  Repos  des  paysans,  des  frères  Le  Nain  ;  la 
Femme  hydropique,  de  Gérard  Dow.  La  deuxième  voiture  contenait  près  de 
vingt  caisses  de  tableaux,  sans  compter  les  œuvres  emballées  spécialement, 
comme  VImmaculée  Conception,  de  Murillo  ;  la  Kermesse,  de  Rubens  ;  la 
Prairie^  de  Paul  Pottpr  ;  la  Cruche  cassée,  de  Greuze  ;  la  Diligence,  de  Boilly. 
Parmi  les  œuvres  les   plus  célèbres  comprises  dans  les  caisses,   citons  :  le 


NOUVELLES    ARCHÉOLOGIQUES    ET   CORRESPONDANCE  433 

Vieillard  et  l'Enfant^  de  Ghirlandajo ,  la  Belle  Ferronniers  et  la  Joconde,  de 
Vinci  ;  les  Pèlerins  d'Emmaiis,  de  Rembrandt  ;  le  Balthazar  Castiglione,  de 
Raphaël;  les  portraits  de  Glouet  ;  la  Mère  laborieuse,  de  Chardin  ;V Assemblée 
dans  un  parc,  de  Watteau,  etc.  Le  troisième  wagon  contenait  un  grand 
nombre  d'œuvres  de  l'école  française  du  xyiii"  siècle  ;  dans  le  quatrième,  on 
avait  placé  des  objets  précieux  du  moyen  âge,  delà  Renaissance  et  des  temps 
modernes  :  l'épée  de  Charles  X,  la  Vierge  de  Jeanne  d'Evreux,  les  Évangé- 
liaires  de  Saint-Denis,  l'épée  de  Gharlemagne,  la  couronne  de  Napoléon,  le 
bougeoir  de  Marie  de  Médicis,  le  casque  de  Charles  IX.  Une  caisse  renfermait 
les  bijoux  égyptiens.  Les  cinquième  wagon  contenait  des  tapisseries  et  des 
objets  précieux  provenant  du  musée  de  Cluny  ;  dans  le  sixième  wagon 
(compartiment  de  dames  seules)  voyageait  la  Vénus  de  Milo,  trop  grand  per- 
sonnage pour  partager  son  wagon  avec  d'autres  voyageurs.  D'autres  caisses 
et  d'autres  wagons  transportaient  des  tapisseries,  vitraux,  retables,  consoles, 
crédences,  torchères,  etc.,  provenant  des  cathédrales  de  Soissons,  Reims, 
Nancy,  Beauvais,  Arras,  Amiens,  et  d'un  grand  nombre  d'églises  de  l'Aisne, 
de  l'Oise,  de  la  Meuse,  du  Nord,  du  Pas-de-Calais,  de  la  Somme.  Enfin 
venaient  les  tapisseries  et  meubles  du  Louvre,  des  palais  de  Compiègne,  de 
l'Elysée,  de  Fontainebleau,  des  ministères,  du  palais  de  Versailles,  des  châteaux 
de  Maisons-Laffîtie  et  de  la  Malmaison  ;  des  manufactures  des  Gobelins  et  de 
Sèvres  ;  du  musée  Galliera;  du  Théâtre-Français;  de  la  Cour  des  Comptes;  de 
l'Institut,  du  Palais  de  Justice  et  de  la  bibliothèque  des  avocats,  etc.,  etc. 

On  sait  que  ce  formidable  déménagement  s'est  accompli  dans  les  meilleures 
conditions,  sans  que  rien  ait  été  endommagé,  sauf  le  pied  d'une  chaise,  pro- 
venant, je  crois,  de  Fontainebleau  et  qui  aurait  été  cassé. 

Si  les  Toulousains  ne  voient  pas  exposées,  dans  la  lumière  ardente  de  leur 
ville,  toutes  les  merveilles  du  Louvre,  ils  pourront  du  moins  contempler  des 
chefs-d'œuvre  de  la  tapisserie  et  du  mobilier.  Ils  songeront  devant  ces  exem- 
plaires uniques  de  l'art  qu'à  Toulouse,  aussi,  autrefois,  il  y  eut  une  école  du 
meuble,  un  style  du  mobilier,  et  M.  Rachou,  le  distingué  directeur  de  l'École 
des  beaux-arts,  y  pourra  trouver  matière  à  d'utiles  conférences. 

D'autres  précautions  ont  été  prises  depuis  pour  mettre  en  sécurité  nos 
incomparables  richesses  artistiques.  Des  travaux  considérables  ont  été  faits 
dans  ce  sens  pour  préserver  certains  monuments  de  la  région  du  front,  et  le 
musée  de  Reims  a  été  transporté  à  Paris  par  les  soins  du  sous-secrétariat  des 
beaux-arts. 

{Temps,  11  mai  1916.) 

Chefs-d'œuvre  à  Vabri. 

La  Renaissance  a  fait  savoir,  de  source  autorisée,  que  les  Memling  de  Bruges 
et  V Adoration  de  l'agneau  de  VanEyck  à  Gand  sont  «  en  lieu  sûr  ».  On  est 
d'autant  plus  heureux  de  l'apprendre  qu'on  manquait  absolument  d'informa- 
tions sur  le  sort  de  ces  chefs-d'œuvre. 

X. 


434  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

V Archéologie  au  «  Journal  Officiel  ». 

Plusieurs  journaux  ont  fait  remarquer  que  le  Journal  officiel  du  29  avril  1916 
a  consacré  73  colonnes  d'un  texte  serré  à  un  rapport  sur  les  services  des 
monuments  historiques  en  Algérie  pendant  l'exercice  1915.  Ils  estiment,  avec 
raison,  que  de  pareils  documents  ont  leur  place  ailleurs,  dans  les  comptes-ren- 
dus des  sociétés  savantes  ou  les  Revues  spéciales.  L'État  vend  cinq  centimes 
un  numéro  de  l'Officiel,  qui,  pesant  160  grammes,  vaut  actuellement  trois  sous, 
abstraction  faite  du  texte.  Cela  se  fait  depuis  plusieurs  années  ;  même  en  temps 
normal,  l'Officiel  vend  du  papier  au  rabais.  On  ne  peut  qu'encourager  la  presse 
à  s'occuper  des  impressions  officielles,  y  compris  celles  du  Parlement  ;  il  y  a 
là  matière  à  notables  économies. 

X. 

La  collection  Chabrières-Arlès, 

Cette  belle  collection  d'œuvres  d'art  (xiii*-xiv*  siècle),  formée  à  Paris  par  le 
lyonnais  Chabrières-Arlès,  a  été  acquise,  en  mai  1916,  par  la  maison  Duveen 
(Londres  et  New-York).  Une  pièce  capitale,  aquamanile  du  xni*  siècle,  a  été 
exclue  de  la  vente  et  donnée  au  Louvre  par  la  famille. 

X. 

La  donation  Radin. 

L'œuvre  du  statuaire  Rodin  sera  définitivement  présentée  au  public,  en 
même  temps  que  ses  collections  particulières,  dans  Tbôtel  Biron,  affecté  à  cet 
usage  par  l'État  pour  une  durée  de  vingt-cinq  ans.  La  donation  de  l'artiste  et 
l'engagement  de  l'État  sont  désormais  faits  acquis.  Les  pourparlers  traînaient 
depuis  trois  ans.  Grâce  à  l'amicale  entremise  de  M.  de  Monzie,  député  du  Lot, 
ami  du  statuaire,  les  dernières  difficultés  étaient  levées,  il  y  a  déjà  une  quin- 
zaine. L'acte  qui,  sous  forme  de  donation  provisoire,  lie  l'artiste,  et  qui  précise 
d'autre  part  les  modalités  acceptées  par  l'État,  était  signé  le  1"  avril  à  Meu- 
don,  dans  la  propriété  du  maître,  par  le  donataire  et  par  M.  Painlevé,  ministre 
de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  en  présence  de  M.  Clémentel, 
ministre  du  Commerce,  de  M  de  Monzie,  de  M.  Valentino,  directeur  au  sous- 
secrétariat  d'État  des  Beaux-Arts,  et  de  deux  officiers  ministériels.  M'  Cottin, 
notaire  de  l'administration  des  Beaux-Arts,  et  M*  Théret,  notaire  de  l'artiste. 

L'acte  a  été  rédigé  sous  la  forme  d'une  donation  provisoire,  un  décret  seul 
pouvant  autoriser  l'État  à  accepter  sous  forme  définitive,  et  ce  décret  ne  pou- 
vant être  rendu  qu'après  le  vote  d'une  loi,  en  raison  de  la  durée  de  la  conces- 
sion de  l'hôtel  Biron. 

La  donation  provisoire  donne  à  l'État  un  délai  de  six  mois  pour  accomplir 
toutes  les  formalités  qui  lui  permettront  l'acceptation  définitive. 

Dans  le  contrat  intervenu,  il  est  stipulé  qu'à  l'expiration  du  délai  de  vingt- 
cinq  ans,  si  l'État  juge  à  propos  de  retirer  de  l'hôtel  Biron  les  collections 
Rodin  pour  les  placer  dans  un  autre  musée,  il  devra  néanmoins  les  conserver 
groupées,   sans  aucun   morcellement.  Les   frais  de  l'installation  sont  pris  par 


NOUVELLES   ARCHÉOLOGIQUES   ET  CORRESPONDANCE         435 

Rodin  à  sa  charge.  11  aura  à  sa  disposition,  dans  l'hôtel,  un  atelier  et  un  cabi- 
net de  travail.  Quant  au  jardin,  l'État  en  donnera  la  jouissance  au  public. 

L'inventaire  annexé  à  l'acte  comprend,  pour  l'œuvre  de  Rodin,  trois  catégo- 
ries de  travaux:  1°  ceux  qui  ont  été  exécutés  en  matières  définitives;  2°  les 
plâtres  et  les  moules,  dont  l'artiste  se  réserve  de  tirer  des  épreuves  en  nombre 
limité;  3°  les  dessins. 

Les  collections  particulières  se  composent  d'antiquités  égyptiennes,  d'anti- 
quités grecques,  de  céramique  antique,  d'œuvres  d'art  contemporaines,  entre 
autres  de  tableaux  de  Carrière  et  de  Besnard,  et  de  quelques  meubles. 

Le  chiffre  d'estimation  de  l'inventaire  dressé  :  pour  l'œuvre  du  maître,  par 
M.  Léonce  Bénédite,  conservateur  du  musée  du  Luxembourg;  pour  les  anti- 
quités égyptiennes,  par  M.  Georges  Bénédite,  conservateur  du  musée  du 
Louvre;  pour  les  antiquités  grecques,  par  M.  Michon,  conservateur  au  musée 
du  Louvre,  et  pour  la  céramique  ancienne  par  deux  autres  conservateurs  du 
même  musée,  MM.  Edmond  Pottier  et  Paul  Jamot,  s'élève  à  une  somme  de  plu- 
sieurs millions. 

{Le  Temps,  5  avril  1916.) 

Le  Musée  Ashmoléen  d'Oxford. 

Les  deux  rapports  sur  les  acquisitions  de  1914  et  1915  sont  nécessairement 
brefs,  les  acquisitions  à  titre  onéreux  ayant  presque  complètement  cessé.  Pour- 
tant, le  Musée  s'est  enrichi  d'objets  importants,  parmi  lesquels  je  signalerai 
ceux-ci  : 

1®  80  sceaux  hittites. 

2°  Une  petite  tête  égyptienne  en  basalte,  d'un  travail  admirable  (XI«  dynas- 
tie). 

3®  Sept  vases  à  figures  rouges  de  la  collection  Jekyll,  entre  autres  une  coupe 
de  Vulci,  de  l'ancienne  collection  du  prince  de  Ganino,  avec  le  nom  d'éromèrie 
Diogénès. 

4°  Une  riche  série  de  poteries  anglaises  du  moyen  âge. 

5®  Un  très  précieux  petit  tableau  de  Franciabigio,  Miracles  de  saint  ISicolas 
de  Tolentino  {Buriingtone  Magazine,  maii  1915,  p.  72),  ayant  fait  partie,  comme 
l'a  établi  M.  F.  Borenius,  de  la  prédelle  d'un  tableau  d'autel  à  San  Spirito 
Santo  de  Florence,  mentionné  par  Vasari. 

X. 

Hommage  à  la  mémoire  de  Joseph  Déchelette. 

Quelques  amis  plus  particulièrement  liés  avec  l'éminent  archéologue  Joseph 
DÉCHELETTE,  SI  noblcmcnt  tombé  au  champ  d'honneur  à  Vingré  (Aisne),  le 
4  octobre  1914,  ayant  eu  la  pensée  de  conserver  son  effigie  et  de  glorifier  sa 
mémoire,  ce  projet  reçut  d'un  grand  nombre  de  ses  confrères  un  accueil 
empressé. 

Ses  traits  énergiques  et  probes  nous  seront  rendus  par  une  plaquette  de 
bronze  qui  sera    digne   du    savant  et  du  grand   citoyen  que  nous  voulons 


436  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

honorer  ;  nous  avons  pu,  en  effet,  nous  assurer  le  concours  de  M.  Henry 
Nocq,  dont  la  médaille  Aux  écrivains  morts  pour  la  France  a  rappelé  tout 
récemment  la  maîtrise. 

Pour  le  revers,  il  a  semblé  qu'un  emblème  s'imposait  :  l'épée  moderne  de 
l'héroïque  capitaine  s'y  croisera,  au  travers  d'une  large  couronne  de  lauriers, 
avec  le  glaive  de  la  grande  époque  gauloise  que  l'archéologue  a  si  bien  fait 
revivre. 

Consacrer  sa  vie  à  la  Gaule  avant  de  la  donner  à  la  France,  admirable 
accord  d'une  haute  intelligence  et  d'un  grand  cœur  ! 

C'est  l'unité  d'une  carrière  déjà  riche  d'œuvres,  plus  pleine  encore  de  pro- 
messes, que  rappellera  la  légende  : 

GALLIAE    •    RELiaVIAS 

ILLVSTRAVIT 

PRO    •    GALLIA   •    MILES    •    CECIDIT 

Nous  vous  prions  de  recueillir  à  notre  projet  le  plus  d'adhésions  possible,  en 
le  faisant  connaître  autour  de  vous. 

Nous  n'avons  garde  d'oublier  que  Joseph  Déchelette  comptait  en  grand 
nombre,  dans  les  pays  alliés  et  neutres,  des  confrères  devenus,  eux  aussi,  des 
amis  et  des  admirateurs;  si  noire  appel  ne  porte,  à  cause  des  difficultés  de 
l'heure,  que  des  signatures  françaises,  nous  savons  que  ce  n'est  pas  en  France 
seulement  qu'il  y  sera  chaleureusement  répondu. 

Le  Comité. 

Les  souscriptions  et  commun\cations  doivent  être  adressées  à  M.  0.  Costa 
de  Beauregard,  château  de  Sainte-Foy,  par  Longueville  (Seine-Inférieure). 
Prix  de  la  médaille  de  bronze  :  10  francs  ;  de  la  médaille  d'argent,  50  francs. 


BIBLIOGRAPHIE 


Otto  Tschumi  el  Paul  Vouga.  Einfiihrung  in  die  Vorgeschichte  der 
Sckweiz.  Berne,  A.  Francke,  1915.  In-8,  36  p.,  avec 24  gravures.  —  Le  grand 
ouvrage  de  Heierli  sur  la  Suisse  préhistoriq'ue  étant  épuisé  et  d'ailleurs  peu 
élémentaire,  la  Société  suisse  de  préhistoire  a  été  bien  inspirée  en  demandant 
à  deux  savants  compétents  de  rédiger  le  précis  que  nous  annonçons.  Il  comporte 
cinq  chapitres  :  1»  le  paléolithique;  2°  le  néolithique;  '3»  l'âge  du  bronze; 
4°  le  premier  âge  du  fer  ;  5°  le  second  âge  du  fer.  L'illustration  est  riche  et 
généralement  satisfaisante;  pourtant,  des  pointes  de  flèche  comme  celles  de  la 
figure  7  auraient  été  plus  clairement  rendues  par  de  bons  dessins  que  par  des 
similis  trop  noirs.  —  La  figure  15  représente  le  «  chevet  »  d'Ebersberg  ;  le 
texte  nous  dit  que  ces  objets,  assez  nombreux  dans  les  palafîttes,  ont  sans  doute 
une  destination  religieuse  et  qu'on  peut  rappeler,  pour  les  interpréter,  les 
«  cornes  de  taureau  de  la  Crète  ».  Qui  comprendra  ce  que  cela  veut  dire  ?  La 
figure  porte  comme  légende  Mondbild  ;  on  ne  voit  vraiment  pas,  quoi  qu'on  en 
ait  dit,  ce  que  ces  croissants  ont  de  lunaire,  d'autant  plus  qu'ils  sont  pourvus 
d'un  petit  socle  lequel  leur  ''assigne  une  position  dont  le  croissant  lunaire 
n'offre  jamais  d'exemple.  —  P.  3ô,  il  est  dit  que  les  prêtres  des  Gaulois,  les 
Druides,  formaient  une  caste  privilégiée  «  dont  le  souvenir  se  conserve  dans 
nos  croyances  populaires  par  de  nombreuses  légendes  ».  Cela  est  tout  à  fait 
faux  ;  il  n'y  a  pas  de  légendes  populaires  sur  les  Druides  ;  il  n'y  a  que  des 
dénominations  récentes,  dues  à  des  savants  de  village,  telles  que  <<  pierres  des 
Druides  »,  «  autel  des  Druides  »,  etc.  J'ai  montré,  il  y  a  de  longues  années,  que 
les  Druides  n'ont  gardé  aucune  place  dans  le  folklore  des  mégalithes  et  que 
celle  dont  on  leur  fait  honneur  est  le  résultat  de  petites  fraudes.  La  phrase  que 
j'ai  citée,  la  dernière  de  cet  estimable  livre,  est  à  supprimer  entièrement. 

S.  R. 

L.  Mayet  et  J.  Pissot.  Abri  sous  roche  de  La  Colombiére  près  Poncia  (Ain). 
Lyon,  Rey,  1915.  In-8,  205  p..  avec  25  planches  (684  fîg.)  et  102  fig.  dans  le 
texte.  —  -Monographie  remarquable,  illustrée  avec  une  rare  perfection.  Signalé 
d'abord  par  Arcelin  en  1867,  le  gisement  de  La  Colombiére  a  été  exploré  avec 
grand  soin  au  commencement  de  l'été  de  1914  ;  il  a  fourni,  outre  de  très  nom- 
breux silex  (aurignaciens,  magdaléniens),  des  os  et  des  galets  gravés  d'un 
vif  intérêt.  Une  des  gravures,  sur  os  de  mammouth,  représente  la  partie  supé- 
rieure d'un  être  humain  vu  de  profil,  le  bras  droit  étendu.  Os  et  galets  gravés 
proviennent  d'un  niveau  du  plus  ancien  âge  du  renne,  avec  mammouth,  rhi- 
nocéros, ours  des  cavernes,  etc.  Les  animaux  figurés  sont  le  bœuf  musqué,  le 
rhinocéros,  l'ours  des  cavernes,  le  cheval,  le  chamois,  le  renne  —  une  véritable 


438  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

iconographie  de  la  faune  quaternaire,  écrivent  les  auteurs.  Toutes  les  sil- 
houettes, dégagées  des  dessins  qui  s'accumulent  et  s'embrouillent  sur  les 
galets,  ont  été  gravées  au  trait  dans  le  texte;  les  galets  eux-mêmes  ont  été 
reproduits  par  la  photographie,  sans  retouches,  une  poudre  blanche  ayant  été 
introduite  dans  les  creux  pour  rendre  plus  apparents  les  contours. 

S.  R. 

G.  Poisson.  Les  migrations  néolithiques.  Clermont-Ferrand,  Mont-Louis, 
1916.  In-8,  47  p.  (extrait  de  la  Revue  d'Auvergne,  1915).  —  Mémoire  inté- 
ressant et  parfaitement  informé,  peut-être  trop  intluencé  par  des  hypothèses 
d'hier  et  d'avant-hier.  «  On  reconnaît,  au  début  de  la  période  néolithique,  une 
première  migration  venue  du  sud,  et  probablement  même  de  l'Afrique,  qui 
a  contribué  dans  une  large  mesure  à  la  formation  des  peuples  européens 
et  à  l'élaboration  de  leur  civilisation...  La  plupart  des  progrès  constituant  la 
civilisation  néolithique  sont  venus  en  Europe  des  régions  du  Sud  ou  du  Sud- 
Est.  »  Partant  du  fait  que  les  monuments  mégalithiques  ne  paraissent  pas  dans 
le  centre  de  l'Europe,  où  les  Méditerranéens  se  seraient  introduits  avec  leurs 
usages  caractéristiques,  l'auteur  attribue  aux  mégalithes  une  origine  septen- 
trionale. Il  pense  aussi  que  les  «  Aryens  »  sont  partis  du  Nord  ou  tout  au 
moins  du  centre  de  l'Europe  pour  se  répandre  au  Sud  et  à  l'Est,  u  Mais  les 
migrations  aryennes  sont  postérieures  au  néolithique  ;  il  y  a  donc  place  aupa- 
ravant pour  des  migrations  en  sens  inverse  qui,  seules,  peuvent  expliquer  le 
peuplement  rapide  de  l'Europe  après  le  quaternaire  et  l'apparition  brusque, 
dans  cette  partie  du  monde,  de  races  et  de  coutumes  nouvelles.  »  Il  faudrait  une 
grosse  brochure  pour  discuter  ces  conclusions  ;  qu'il  me  suffise  ici  d'en  recom- 
mander l'exposé,  qui  est  très  clair. 

S.  R. 

Jean  Stroobant.  Les  Hunebedden  de  Drouwen.  Tournai,  Splichal,  1914. 
In-8,  21  p.,  avec  23  planches.  —  Nils  Aberg:.  Die  Stemzeit  in  den  Meder- 
landen.  Upsal,  Librairie  académique,  1916.  In-8,  82  p.,  avec  2  cartes  et  46  gra- 
vures. —  I.  On  a  déjà  beaucoup  écrit  sur  les  allées  couvertes  de  Drouwen 
(province  de  Drenthe)  ;  mais  la  première  fouille  régulière  de  deux  de  ces  monu- 
ments a  été  exécutée  en  1912  par  M.  J.  H.  Holwerda.  M.  Jean  Stroobant  a 
rendu  service  en  publiant  un  résumé  français  de  la  relation  écrite  en  hollandais 
par  cet  archéologue,  accompagné  de  la  réédition  des  clichés  originaux.  L'allée 
qui  a  donné  les  objets  les  plus  abondants  était  entourée  d'un  cercle  de  pierres, 
limite  du  tumulus  érigé  sur  la  sépulture.  La  couche  archéologique,  épaisse  de 
G™, 30,  ne  contenait  que  de  faibles  vestiges  d'ossements;  on  y  recueillit  les  tes- 
sons de  plusieurs  centaines  d'urnes,  plusieurs  vases  entiers  et  une  quantité  de 
haches  en  pierre.  «  Il  semble  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  dépôt  céramique  unique 
accompagnant  le  corps,  mais  bien  d'offrandes  répétées,  au  cours  desquelles  des 
poteries  étaient  brisées,  tandis  que  les  nouvelles  étaient  offertes.  L'allée  est  donc 
un  tombeau  accessible...  Les  trouvailles  faites  dans  le  hunebed  s'étendent  sur 
toute  la  période  où  il  fut  employé  »  (p.  10). 


BIBLIOGRAPHIE  439 

La  céramique  de  cette  période  comprend  des  poteries  analogues  à  celles  du 
N  0.  de  l'Allemagne  et  des  vases  en  forme  de  cloche.  Les  haches  sont,  pour 
la  plupart,  petites  et  trapues;  quelques-unes  sont  plus  allongées  et  plus  minces. 
Des  fragments  de  bronze  ont  été  recueillis  immédiatement  sur  le  pavement-  la 
présence  de  petites  quantités  de  ce  métal  a  été  constatée  aussi,  comme  on  sait, 
dans  les  allées  couvertes  de  France  (Déchelette,  I,  p.  399,  428). 

IL  Le  travail  de  M.  Nils  Aberg  sur  l'âge  de  la  pierre  aux  Pays-Bas  est  un 
exposé  exact  et  complet  de  l'état  de  nos  connaissances,  avec  statistiques  des 
trouvailles  et  deux  cartes  archéologiques.  Ces  dernières,  qui  sont  particulière- 
ment remarquables,  indiquent  :  1°  Les  haches  en  silex  minces  de  type  ouest- 
européen  ;  2o  di^fo  du  type  septentrional;  3®  les  haches  en  silex  épaisses; 
4»  les  tombes  mégalithiques  isolées  ;  5»  les  tombes  mégalithiques  groupées; 
6"  la  céramique  mégalithique  ;  1"  les  deux  autres  types  de  vases  ;  8°  les  haches 
dites  de  combat.  Une  édition  française  de  cet  intéressant  travail  serait  la  bien- 
venue; les  gravures  dans  le  texte  sont  excellentes. 

S.  R. 

Léon  Coutil.  La  céramique  des  palafittes  du  lac  du  Bourget.  Le  Mans, 
Monnoyer,  1915.  In-8,  20  p.,  avec  12  pi.  —  Depuis  1862,  les  stations  lacustres 
du  lac  du  Bourget  (Savoie)  ont  fourni  une  quantité  très  considérable  de  vases 
et  fragments  de  vases;  bien  entendu,  les  fouilles  d  la  pince  n'ont  pu  distinguer 
les  couches  ;  par  suite,  le  classement  des  objets  recueillis  ne  saurait  être  fondé 
sur  la  stratigraphie.  Mais  les  découvertes  faites  dans  les  stations  contempo- 
raines de  terre  ferme  suffisent  à  autoriser  les  essais  qui  ont  été  tentés  pour 
établir  la  chronologie  relative  des  vases  lacustres.  M.  Morin-Jean,  en  1908,  a 
proposé  une  division  en  deux  séries  :  1°  De  la  fin  de  l'âge  de  la  pierre  jusqu'à 
une  période  avancée  de  l'âge  du  bronze  (A,  groupe  indigène;  B,  groupe  d'ori- 
gine méditerranéenne)  ;  2°  Bel  âge  du  bronze  (expression  créée  par  Desor), 
synchronique  avec  les  débuts  du  Hallstattien  (A,  plats  et  cuvettes  à  couverte 
peinte,  prototypes  des  vases  hallstattiens  polychromes  ;  B,  urnes  apparentées  à 
celles  de  Golasecca  ;  G,  vases  ornés  débandes  d'étain).  D'accord  en  substance 
avec  cette  classification*,  M.  Coutil  a  repris  la  question  dans  son  ensemble,  en 
l'éclairant  par  de  nombreuses  figures  et  des  comparaisons  bien  choisies.  «  Par 
sa  variété  de  décor  et  de  pâte,  on  trouve  au  Bourget  une  partie  de  l'évolution 
de  la  céramique  peinte  du  premier  âge  du  fer,  ce  qui  est  très  important,  et  la 
plus  nombreuse  série  d'ornements  d'étain  sur  les  vases  ;  par  suite,  les  riches 
palafittes  du  Bourget  soutiennent  la  comparaison  avec  celles  de  la  Suisse,  si 
môme  elles  n'ont  pas  donné  une  plus  grande  variété  d'objets  et  surtout  une 
céramique  plus  variée.  »  Cette  conclusion  pourrait  être  mieux  rédigée,  mais 
elle  est  exacte  et  justifiée  par  une  très  abondante  illustration. 

S.  R. 

Arthur  Ungnad.  Babylonian  letters  of  the  Hammurapi  period.  Phila- 
delphie, University  Muséum,  1915.  Gr.  in-8,  54  p.,  avec  104  planches.   —  Ce 

1.  Réserves  faites  sur  les  urnes  dite?  du  type  de  Golasecca  (p.  17). 


4.4Ô  REVtJË  ARCHÉOLOGIQUE 

volume  contient  des  textes  cunéiformes  copiés  par  l'auteur  à  Philadelphie  pen- 
dant l'hiver  1913-1914,  Presque  tous  sont  des  lettres  de  l'époque  de  la 
dynastie  d'Hammurapi  (2225-1926);  l'un  d'eux,  que  l'auteur  a  cru  devoir 
transcrire  et  traduire,  émane  d'Hammurapi  lui-même  et  c'est  la  seule  inscrip- 
tion officielle  de  ce  prince  avant  sa  victoire  sur  Rim-Sin.  Elle  concerne  la  cons- 
truction du  mur  deSippar,  qui  paraît  avoir  duré  deux  ans  et  se  termina  pendant 
la  vingt-cinquième  année  du  règne  d'Hammurapi.  Le  roi  agit  sous  l'inspiration 
de  Shamash,  son  dieu  prolecteur  *.  Nous  savons  que  le  mur  de  Sippara  s'effondra 
pendant  les  dernières  années  de  ce  long  règne  et  fut  reconstruit  une  fois  de 
plus;  par  ce  motif,  la  quarante-troisième  année  du  règne  d'Hammurapi  fut 
appelée  «  l'année  de  Sippar  ». 

S.  R. 

E.  Bell.  The  architecture  of  ancient  Egypt.  Londres,  G.  Bell,  1915.  In-8, 
xxiii-255  p.,  avec  une  carte  et  de  nombreuses  gravures.  —  Ce  livre  est  le  pre- 
mier qui  traite  séparément  de  l'architecture  égyptienne;  il  vient  à  point  après 
des  découvertes  toutes  récentes,  comme  celles  de  MM.  Naville  et  Hall,  qui  ont 
singulièrement  accru  nos  connaissances  et  n'ont  pas  encore  trouvé  place  dans 
les  histoires  générales.  «  Il  me  semble,  écrit  l'auteur,  qu'il  y  avait  place  pour 
un  ouvrage  qui,  bien  que  sommaire  et  sans  prétentions  techniques,  se  propose 
de  tracer  un  tableau  historique  du  sujet  et  met  en  lumière  les  changements  des 
idées  esthétiques  qui,  malgré  le  conservatisme  inné  des  Égyptiens,  se  sont 
produits  à  quelques  époques  de  leur  histoire  ».  L'avantage'de  cette  méthode 
d'exposition,  c'est  que  l'architecture  égyptienne  ne  se  présente  plus  comme  un 
ensemble  homogène,  dont  tous  les  éléments  seraient  à  peu  près  contempo- 
rains; on  se  préoccupe  de  l'évolution  de  ces  éléments  et  de  l'apparition  d'élé- 
ments nouveaux.  M.  Bell  n'est  pas  un  admirateur  de  l'architecture  de  rÉsj:ypte; 
il  en  signale  les  défauts,  entre  autres  le  «  manque  de  logique  »  (p.  198)  et 
conclut  que  le  génie  architectural  a  manqué  aux  Égyptiens,  bien  que  les 
ouvriers  employés  par  eux  aient  été  souvent  des  techniciens  de  premier  ordre. 
Mais  peut-être  cela  s'explique- t-il  par  le  dualisme  de  la  population  ;  les  conqué- 
rants venus  du  Sud  trouvèrent  dans  le  Delta  une  race  plus  douée  qu'eux,  à 
laquelle  l'art  de  l'Ancien  Empire  est  redevable  de  sa  perfection  relative.  Le  goût 
du  colossal  (Karnak)  marque  une  déviation  et  une  décadence;  M.  Bell  suppose 
que  les  éléments  négroïdes  du  sacerdoce,  alors  de  plus  en  plus  puissant,  sont 
partiellement  responsables  de  ces  erreurs.  Je  ne  pense  pas  que  cette  introduc- 
tion de  l'idée  de  race  dans  l'histoire  de  l'architecture  égyptienne  soit  heureuse 
et  il  me  semble  que  l'auteur  n'a  pas  exprimé  très  clairement  sa  manière  de 
voir  (p.  205).  Le  livre  est  bien  illustré  et  pourvu  d'un  index. 

S.  R. 


1.  Je  ne  puis  qu'accepter  respectueusement  la  traduction  de  M.  Ungnad  et  je 
sais  que  la  marche  des  idées  d'un  Babylonien  ue  pouvait  ressembler  à  la  uôtre  ; 
pourtant,  je  dois  avouer  que,  si  je  ne  comprends  pas  du  tout  le  texte,  j'entends 
fort  iaiparfaitemeut  la  traduction.  11  y  a  des  moments  où  l'ou  a  l'humeur  scep- 
tique ;  c'est  un  grand  tort,  car  les  ignorants  doivent  avoir  la  foi. 


BIBLIOGRAPHIE  '  441 

G.  van  der  Leeuw.  Godvoorstellingen  in  de  oud-aegyptische  Pyramide- 
texten.  Leyde,  Brill,  1916.  In-8,  165  p.  —  Quatre  chapitres  :  la  force  imper- 
sonnelle; le  dieu  cosmique;  Thomme-dieu  ;  l'idée  de  la  divinité.  Je  sais  trop 
mal  le  hollandais  pour  dire  ce  que  contient  cette  dissertation  couronnée  sur  la 
religion  égyptienne  d'après  les  textes  des  Pyramides.  Pourquoi  les  thèses 
hollandaises  ne  sont-elles  pas  précédées  ou  suivies  d'un  résumé  en  français, 
en  anglais  ou  en  latin  ? 

S.  R. 

A.  van  Gennep  et  G.  Jéquier.  Le  tissage  aux  cartons  et  son  utilisation 
décorative  dans  l'Egypte  ancienne.  Neuchalel,  Delachaux,  1916.  In-4°,  130  p., 
avec  5  planches  en  trichromie,  6  en  phototypie  et  135  illustrations  dans  le  texte. 
Chaque  exemplaire  contient  une  planche  de  rubans  tissés  en  cotOn-soie,  repro- 
duisant des  motifs  égyptiens.  —  Mémoire  important  et  original,  fruit  de  la  col- 
laboration d'un  égyptologue  avec  un  ethnographe  dont  on  connaît  la  compétence 
en  matière  de  technologie  comparée.  On  savait  depuis  longtemps  que  la  plupart 
des  motifs  décoratifs  égyptiens  sont  empruntés  à  l'art  du  tisserand  et  ont  été 
copiés  sur  des  étoffes  de  couleur;  les  auteurs,  bornant  leur  étude  aux  thèmes 
décoratifs  de  l'Ancien  Empire,  ont  essayé  de  reconstituer  les  étoffes  qui  ont 
servi  de  modèles  et  à  en  retrouver  la  technique.  De  pièces  originales  de  cette 
catégorie,  il  ne  reste  presque  rien  :  ce  sont  les  imitations  qui  doivent  tenir  lieu 
des  originaux.  «  Ces  étoffes  à  dessins  rentrent  plutôt  dans  la  catégorie  des 
rubans  et  des  galons  que  dans  celle  des  étoffes  proprement  dites.  Elles  appar- 
tiennent au  travail  du  passementier  plutôt  qu'à  celui  du  tisserand.  Nous  devons 
donc  chercher  si,  parmi  les  métiers  actuellement  en  usage  en  Orient  et  particu- 
lièrement en  Egypte  et  dans  le  nord  de  l'Afrique,  il  s'en  trouve  avec  lesquels  on 
puisse  faire  ce  genre  de  tissu  et  assembler  les  couleurs  de  manière  à  obtenir 
toutes  les  combinaisons  qui  se  trouyent  dans  les  figurations  égyptiennes  de  ces 
bandes  d'étoffes  à  dessins  géométriques.  »  Le  procédé  suivi  est,  suivant 
MM.  van  Gennep  et  Jéquier,  le  tissage  aux  cartons  (Brettchenweberei)  ;  un 
ruban  tissé  aux  cartons  est  une  juxtaposition  de  petites  cordes  ou  ficelles  reliées 
entre  elles  régulièrement  par  un  fil  qui  correspond  à  la  trame  des  étoffes  ordi- 
naires (p.  61).  Les  Égyptiens  paraissent  avoir  désigné  sous  le  nom  d'adma  les 
rubans  et  galons  ainsi  tissés.  Assurément,  comme  le  reconnaissent  les  savants 
auteurs  (p.  118),  leurs  reconstitutions  de  rubans  de  l'Ancien  Empire  ne  valent 
pas  des  preuves  directes,  mais  «  si  quelqu'un  a  des  raisons  de  penser  que  les 
décors  peints  des  stèles-façades  et  les  ceintures  sculptées  sur  les  statues  ne 
sont  pas  la  reproduction  de  rubans  et  de  bandes  tissés  aux  cartons,  il  lui 
incombe  de  démontrer  à  l'aide  de  quelle  technique,  soit  de  vannerie,  soit  de 
tissage,  leurs  prototypes  ont  été  obtenus.  »  Si,  au  contraire,  on  accepte  les  con- 
clusions et  les  reconstitutions  proposées,  il  en  résulte:  1®  que  l'invention  du  tis- 
sage aux  cartons  recule  jusqu'à  l'époque  prédynastique;  2°  que  celte  invention, 
faite  en  Egypte  avant  l'an  4000,  a  passé  ensuite  en  Mésopotamie,  en  Crète  peut- 
être,  jpuis  dans  la  Grèce  préhistorique,  la  Phénicie  et  de  là  à  Carthage;  enfin, 
par  des  voies  multiples,  elle  aurait  pénétré  jusqu'au  Maroc  vers  l'ouest,  jusqu'en 
Islande  vers  le  nord,  jusqu'en  Chine  et  au  Japon  vers  l'est.  On  n'a  encore  con* 

V«  SÉHIK,  T.  III.  29 


442  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

slaté  aucune  diffusion  de  cette  technique  vers  le  centrç  ni  vers  le  sud  africain. 

Exécuté  avec  grand  luxe,  tiré  à  peu  d'exemplaires,  cet  ouvrage,  quoique 

cher,  risque  de  devenir  bientôt  rare.  L'intérêt  exceptionnel  qu'il  présente  pour 

l'étude  des  arts  du  tissu  doit  en  recommander  l'acquisition  aux  bibliothèques. 

S.  R. 

Alfred  E.  Knight.  Amentet.  An  account  of  the  Gods^amulets  and  scarabs 
of  the  ancients  Êgyptians.  Londres,  Longmans,  1915.  In-8,  274  p.,  avec 
4  planches  et  193  gravures  dans  le  texte.  Prix  :  15  fr.  50.  —  Amentet  est  la 
résidence  de  la  plupart  des  dieux  égyptiens;  c'est  dans  cette  région  que  les 
morts  entraient  en  contact  avec  eux.  Ainsi  se  justifie  le  titre  de  ce  dictionnaire 
illustré  de  mythologie  égyptienne,  fondé  sur  les  grands  ouvrages  de  Daressy, 
Budge  et  Pétrie.  A  la  suite  du  dictionnaire,  il  y  a  des  chapitres  sur  les  animaux 
sacrés  (classés  alphabétiquement  d'après  leurs  noms  anglais),  les  amulettes  et 
les  scarabées.  Utile  travail  d'amateur  destiné  à  des  amateurs,  sans  prétentions 
à  l'originalité.  Les  petites  illustrations,  très  nombreuses,  sont  satisfaisantes.  Ce 
manuel  peut  être  recommandé  aux  non  spécialistes  qui  auraient  à  classer  et  à 
étiqueter  une  collection  égyptienne.  L'introduction  donne  de  bons  conseils  pour 
assurer  la  conservation  des  objets.  Elle  m'apprend,  car  je  l'ignorais,  que  l'ou- 
vrage allemand  de  Rathgen  à  ce  sujet  a  été  publié  en  anglais  par  la  Cambridge 
University  Press;  mais  M.  A.  Knight  s'en  méfie  :  «  Nous  conseillerons  la  pru- 
dence dans  l'emploi  des  procédés  qu'indique  cet  ouvrage.  Rathgen  est  un  Alle- 
mand, plus  intéressé  à  montrer  les  tours  de  force  qu'on  peut  faire  en  écorchant 
un  bronze  qu'à  la  préservation  des  belles  patines  authentiques  qui  font  la  joie 
des  vrais  amis  de  l'art.  Les  différents  auteurs  dont  il  allègue  les  formules  sont 
tous  des  Teutons  et,  comme  l'on  pouvait  s'y  attendre,  plus  curieux  de  faits 
matériels  que  de  la  poésie  ajoutée  aux  choses  anciennes  par  la  touche  discrète 
du  Temps.  A  leurs  yeux,  la  patine  n'est  rien,  le  métal  est  tout.  »  M.  Knight  a 
bien  raison  :  il  faut  conserver  sans  astiquer;  les  œuvres  d'art  ne  sont  pas  des 
casseroles. 

S.  R. 

M.  Vernes.  Sinaï  contre  Kadès  {Annuaire  de  l'École  des  Hautes-Études, 
Paris,  imprimerie  Nationale,  1916).  In-8,  89  p.,  avec  un  plan.  —  Polémique 
contre  des  vues  nouvelles,  exposées  en  France  par  le  capitaine  Raymond  Weill 
{Rev.  des  Études  juives,  1909),  à  savoir  que  le  Sinaï-Horeb  des  traditions  pri- 
mitives était  situé,  non  dans  la  péninsule  dite  sinaïtique,  mais  quelque  part  vers 
Kadès.  M.  Vernes  croit  pouvoir  maintenir  la  tradition  «  en  confrontant  les 
assertions  empruntées  au  Pentateuque  avec  Ptolémée  et  la  Table  de  Peutinger  ». 
Sans  entrer  dans  le  vif  de  la  discussion,  je  ferai  observer  que  la  locaHsation 
du  Sinaï  dans  un  document  aussi  tardif  que  la  Table  de  Peutinger  ne  signifie 
rien.  La  mention  des  Monts  Noirs  dans  Ptolémée,  qui  seraient  les  monts  du 
Sinaï-ljoreb,  est  encore  moins  concluante.  L'auteur  paraît  donc  se  faire  illusion 
quand  il  écrit  (p.  79j.  «  Nous  croyons  avoir  fourni  la  démonstration  que  les 
rédacteurs  des  documents  primitifs,  dont  la  réunion  a  formé  le  Pentateuque, 
avaient  une  connaissance  précise   du  système  routier  unissant  dès   la  haute 


BIBLIOGRAPHIE  443 

antiquité  l'Egypte  à  l'Asie  —  système  routier  qui,  sauf  modifications  de  détail, 
se  retrouve,  à  l'époque  romaine,  dans  la  Tabula  Peutingeriana,  que  confirment 
les  données  de  la  Géographie  de  Ptolémée.  »  Le  P.  Lagrange,  dans  la  Revue 
biblique  (1916,  p.  289),  a  présenté  d'autres  objections  à  l'argumentation  de 
M.  Vernes  et  à  ce  qu'il  appelle  ses  «  opérations  philologiques.  »  Ce  mémoire 
est  d'ailleurs  bien  écrit  et  agréable  à  lire,  avec  le  secours  d'une  carte  très 
claire. 

S.  R. 

Eusèbe  Vassel.  Études  pumgfwes.  III.  Encore  l'inscription  de  Bir-Tlelsa. 
—  IV.  Treize  ex-voto  (extr.  de  la  Revue  tunisienne^  1915-1916).  —  L'auteur  nous 
apprend  que  «  sa  soixante-douzième  année  s'écoule  »  ;  à  en  juger  par  son  acti- 
vité, on  serait  porté  à  ne  pas  le  croire.  1°  L'inscription  de  Bir-Tlelsa  est  néo- 
punique; c'est  assez  dire  qu'on  la  comprend  fort  mal.  M.  Vassel  en  propose 
une  nouvelle  traduction,  où  l'intitulé  et  le  début  inspirent  seuls  confiance  :  «  A 
Baal  Auguste  a  été  consacré,  Baal  Shillek,  fils  de  Marcus  Avianius...  »  ;  2"  Les 
treize  ex-voto  offrent  moins  de  difficultés,  mais  peut-être  aussi  moins  d'intérêt, 
car  ils  sont  conformes  aux  formules  courantes.  Voici  une  observation  utile  à 
relever  (stèle  11)  :  «  Maton  Baal  (don  de  Baal),  très  rare  comme  nom  d'homme 
(5  ex.  au  Corpus)^  est  au  contraire  fort  commun  comme  nom  de  femme  «.Pour- 
quoi? Il  doit  y  avoir  à  cela  une  raison  religieuse  que  nous  ignorons*. 

S.  R. 

Paul  Gauckler.  Nécropoles  puniques  de  Carthage,  Paris,  Picard  1915. 
2  vol.  in-8,  XLiii-603  p.,  avec  340  planches.  —  Nous  devons  à  la  piété  éclairée 
de  Mlle  Gauckler  la  publication  de  ces  deux  volumes,  pleins  de  matériaux  iné- 
dits ou  dispersés  qui  le  seraient  restés  sans  son  dévouement  à  la  mémoire  d'un 
frère  bien  aimé.  Voici,  brièvement  notés,  les  éléments  dont  ils  se  composent.  — 
Tome  I.  Une  préface  (anonyme)  donnant  les  indications  essentielles  sur  les 
travaux  de  Paul  Gauckler  en  Algérie  et  en  Tunisie  (catalogues  et  fouilles); 
nous  y  lisons  que  le  jeune  archéologue  dirigea  simultanément,  dans  la  Régence, 
jusqu'à  quatorze  chantiers  !  —  Une  remarquable  Introduction ^  due  à  M.  An- 
ziani  (disparu,  hélas!  depuis  le  mois  d'août  1914)  sur  les  nécropoles  carthagi- 
noises, en  particulier  celle  dite  de  Dermech,  explorée  par  Gauckler  depuis 
1899.  «  Quand  on  se  rappelle  la  réputation  d'opulence  et  de  luxe  éblouissant 
que  les  anciens  avaient  faite  à  Carthage,  on  est  surpris  que  le  contenu  des 
tombeaux  carthaginois  justifie  si  peu  cette  réputation  »  (p.  xl).  A  la  suite  d'une 
série  de  plans  et  de  photographies,  les  minutieux  carnets  de  fouilles  de  Paul 
Gauckler,  avec  facsimilé  de  ses  croquis;  il  y  a  là  des  ensembles  très  précieux 
pour  la  chronologie  des  petits  objets  et  la  disposition  des  sépultures  (1899- 
1905;  plus  de  500  tombes).  Mémoire  de  P.  Gauckler  sur  les  hachettes-rasoirs 
en  bronze  de  la  nécropole  de  Dermech  (publié  Hev.  d*assyr.,  V,  p.  106  sq.). 

i.  A  la  p.  4  de  sa  première  brochure,  M.  Vaasel  cite,  comme  une  autorité» 
M.  W.  von  Landau;  ce  n'est  qu'un  riche  amateur,  aachaut  de  l'hébreu,  mais 
8iui6  aucune  préparation  scientifique. 


444  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Fours  à  potiers  tunisiens.  Objets  provenant  des  fouilles  de  Carthage.  Stèles 
puniques  du  musée  Lavigerie.  Notes  sur  le  musée  de  Cagliari,  Esquisse  d'une 
histoire  de  la  tombe  africaine.  Ce  volume  comprend  226  planches,  dont  la  der- 
nière (histoire  de  la  lampe,  par  types  classés  dans  l'ordre  chronologique)  n'est 
pas  la  moins  intéressante.  —  Tome  11.  Études  diverses.  Musée  de  Constantine 
(pubhé).  Musée  de  Cherchell  (publié).  Stèles  puniques  et  punico-romaines  trou- 
vées en  Tunisie.  Nécropoles,  stèles  et  objets  divers  (Bull,  du  Comité,  1897, 
p.  460;  1894,  p.  269,  etc.).  Nouvelle  nécropole  punique  à  Bordj  Djedid  (ihid., 

1898,  p.  171).  Nécropole  de  Thapsus  (ibid.,  1899,  p.  cGvvii).  Notes  diverses 
{ibid.y  1899-1900).  Découvertes  dans  les  nécropoles  de  Carthage  {CR.  de  iAcad. , 

1899,  p.  156,  162  ;  Bull,  du  Comité,  1900,  p.  cxxvuî,  etc.).  Peignes  et  hachettes, 
article  de  M.  Heuzey  à  propos  des  fouilles  de  P.  Gauckler  à  Carthage  [CR.  de 
VAcad.i  1900,  p.  16  sq.).  Étuis  puniques  à  lamelles  gravées  (ibid.,  1900, 
p.  476  sq.,  avec  note  de  Ph.  Berger).  Deux  mausolées  néo-puniques  de  Tata- 
houine  {Bull,  du  Comité,  1901,  p.  290,  avec  note  de  Ph.  Berger).  Rapports  sur 
la  marche  du  service  (des  antiquités  en  Tunisie),  1901-2.  Notes  diverses  {Bull, 
du  Comité,  1901,  p.  324,  etc).  Fouilles  à  Dermech  [ibid.,  1902,  p.  clxxxih  sq.). 
Fouilles  de  Carthage,  nécropole  de  Dermech  {Rev.  archéoL,  1902,  II,  p.  369  sq.). 
Bijoux  puniques  trouvés  à  Carthage  {Bull.  soc.  antiq.,  1902,  p.  271  sq.). 
Découvertes  de  P.  Delattre  à  Carthage  {CR.  Acad.,  1903,  p.  3).  Marche  du  ser- 
vice, 1903;  inscr.  puniques  de  la  coll.  Marchand.  Vase  égyptien  en  forme  de 
gourde,  trouvé  dans  la  nécropole  proto-punique  de  Dermech  (CJR.  Acad.,  1907, 
p.  320).  Notes  diverses  (Bu//,  du  Com  ,  1904-6).  La  céramique  punique  de 
Carthage  {Nouv,  arch.  des  Miss.,  xv,  p.  574).  Arsenal  punique  de  Carthage 
{ibid.,  p.  569).  Fouilles  à  Gunugus  (Algérie),  en  1891-1892,  avec  nombreuses 
planches  et  facsimilés  de  carnets.  —  Ce  volume  contient  les  planches  237-340 
et  se  termine  par  une  table  des  planches  et  une  table  des  matières,  dressées 
l'une  et  l'autre  avec  grand  soin  *. 

S.  R. 

G.  G.  Porro.  Influssi  deW  Oriente  preellenico  sulla  civitta  primitiva  délia 
Sardegna  (extr.  d'Atene  e  Rama,  1915,  p.  145-184).  Florence,  Ariani,  1915.  — 
«  On  dirait  que  M.  Pais  soit  irrésistiblement  tenté  d'étendre  à  tout  contact  avec 
l'Orient  sa  belle  réfutation  de  l'existence  supposée  de  colonies  égyptiennes  en 


1.  On  trouvera  quelques  observations  de  détail  dans  uu  arlicle  de  M.  de  Ridder, 
Revue  critique,  1916,  I,  p.  245.  —  Gauckler  m'écrivait  de  Tunis,  le  23  nov.  1898  : 
0  Je  me  permets  de  joindre  à  la  photographie  (du  Bacchus  du  Douar  ech  Choit) 
le  relevé  bibUographique  que  je  me  suis  amusé  adresser  ces  jours-ci  des  articles 
et  études  de  détail  concernant  l'archéologie  africaine  où  je  me  suis  dépensé 
depuis  huit  ans.  Pour  mon  intérêt  personnel,  il  eût  mieux  valu,  certes,  concen- 
trer toute  ma  force  sur  un  seul  travail;  mais,  même  ainsi,  je  crois  avoir  des 
maintenant  apporté  mon  moellon  à  l'édifice  scientifique  que  nous  bâtissons  en 
commun  dans  l'Afrique  du  Nord  ».  La  publication  de  M"'  Gauckler  prouve  une 
fois  de  plus  que  son  frère  appréciait  avec  modestie  l'importance  et  la  solidité  de 
ses  travaux  africains. 


BIBLIOGRAPHIE  445 

Sardaigne  ;  cette  victoire  légitime  a  laissé  dans  l'esprit  de  l'ingénieux  savant 
un  sédiment  d'aversion  illégitime  pour  des  hypothèses  qui,  si  elles  ne  sont  pas 
certaines,  gagnent  tous  les  jours  en  probabilité  »  (p.  169).  Je  ne  pense  pas  que 
le  scepticisme  de  M.  Païs  ait  encore  été  réfuté  par  des  arguments  probants  ; 
n'empêche  qu'il  ne  soit  utile  de  réunir,  comme  l'a  fait  M.  Porro,  tous  les  rap- 
prochements qu'on  peut  alléguer,  à  tort  ou  à  raison,  entre  la  civilisation  pri- 
mitive de  la  Sardaigne  et  celle  de  l'Orient  préhellénique.  Un  petit  bronze  pro- 
venant du  nuraghe  Fluminilonga  près  d'Alghero  (p.  160)  rappelle  incontesta- 
blement, avec  son  pileus  élevé,  certains  bronzes  mycéniens  (Dussaud,  p.  323); 
mais  il  est  possible  que  le  centre  de  diffusion  de  ces  objets  soit  plutôt  Chypre 
que  le  monde  mycénien  et,  d'ailleurs,  il  n'y  a  pas  lieu  de  tirer  des  conclusions 
graves  d'une  découverte  aussi  isolée. 

Ce  bon  mémoire  nous  est  parvenu  avec  la  dédicace  suivante  :  «  A  la  rédac- 
tion de  la  Revue  archéologique,  hommage  de  la  part  de  l'auteur,  mort  pour  la 
patrie,  par  A.  Taramelli.  »  Notre  sympathie  profonde  va  au  jeune  savant  et  à 
ses  maîtres,  qui  perdent  en  lui  un  travailleur  zélé  auquel  était  promis  un  bel 
avenir. 

S.  R. 

Michel  Clerc.  Aquae  Sextiae.  Histoire  d'Aix-en-Provence  dans  C antiquité. 
In-8,  Aix,  1916.  —  C'est  un  fort  volume  de  576  pages  de  texte  et  41  planches, 
édité  avec  goût.  L'auteur,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  d'Aix  et  directeur 
du  Musée  Borély,  à  Marseille,  a  déjà  consacré  à  l'histoire  ancienne  de  la  Pro- 
vence une  importante  étude  sur  la  bataille  d'Aix.  Il  nous  donne  aujourd'hui 
une  très  complète  monographie  sur  la  vieille  cité  sextienne. 

Ce  livre  s'adresse  aussi  bien  aux  Provençaux  soucieux  de  connaître  le  passé 
de  leur  capitale  qu'aux  historiens  et  archéologues  :  le  double  écueil  que  l'auteur 
signale  lui-même  dans  sa  préface,  —  être  trop  long  pour  les  gens  du  métier, 
trop  court  pour  les  lecteurs  du  pays,  —  est  en  somme  habilement  évité.  D'une 
part  la  rareté  des  vestiges  d'Aix  antique,  d'autre  part  l'abondance  des  témoi- 
gnages et  hypothèses  modernes,  rendaient  la  tâche  de  M.  Clerc  particulière- 
ment délicate  :  la  façon  dont  il  s'en  est  acquitté  est  très  propre  à  encourager 
ceux  qui  voudront  après  lui  apporter  à  l'érudition  locale  le  secours  d'une 
méthode  sûre. 

L'ouvrage  se  divise  en  trois  parties  :  I,  La  région  d'Aix  avant  l'arrivée  des 
Romains  ;  II.  Aix  romain  ;  III.  Topographie  et  archéologie. 

I.  —  Avant  l'arrivée  des  Romains,  la  région  d'Aix  était  habitée,  comme  on  sait, 
par  les  Salyens,  peuplade  ligure.  M.  Clerc  détermine  ainsi  les  limites  de  leur 
territoire  :  «  Tout  le  pays  compris  entre  le  Lubéron,  la  Durance  à  partir  de 
Gavaillon,  le  Rhône,  le  Var,  et,  au  Nord-Est,  les  chaînes  subalpines  d'entre  ces 
dernières  rivières  *  »  (p.  13).  On  considère  généralement  les  oppida  salyens 
comme  des  forteresses  destinées  à  protéger  les  populations  de  la  plaine,  qui  s'y 
réfugiaient  en  cas  de  danger  :  M.  Clerc  pense,  non  sans  raison,  que  ces  oppida 
étaient  habités  d'une  façon  permanente  et  constituaient  de  véritables  villages 

1.  Euteudez  :  la  Durance  et  le  Var. 


446  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

La  construction  de  leurs  remparts,  dont  on  voit  encore  des  restes  sur  plusieurs 
collines  provençales*,  porterait  la  marque  d'une  influence  grecque,  signalée  du 
reste  par  un  texte  de  Justin  ". 

Le  plus  connu  de  ces  oppida  est  celui  d'Antremont,  à  3  kilomètres  d'Aix  : 
les  bas-reliefs  qu'on  y  a  trouvés  en  1817  l'ont  rendu  célèbre  parmi  les  archéo- 
logues. M.  Clerc  leur  consacre  une  étude  minutieuse  et  pleine  d'intérêt.  Il 
montre  qu'il  faut  y  voir  l'œuvre  des  Gaulois  installés  au  milieu  des  populations 
ligures  primitives  ;  il  les  date  du  iV  siècle  avant  notre  ère,  en  s'appuyant  sur 
un  détail  du  vêtement  (absence  de  braies)  et  sur  la  nature  de  l'armement  (épée 
pointue  et  à  double  tranchant).  C'est  avec  raison  que  M.  Clerc  voit  dans  l'arme 
du  cavalier  de  la  première  pierre  non  point  un  javelot  porté  sur  l'épaule,  mais 
une  épée  brandie  pour  un  coup  d'estoc  ;  il  nous  semble  qu'on  peut  aller  plus  loin, 
et  voir  dans  la  tête  qui  est  devant  le  poitrail  du  cheval  autre  shose  qu'un  tro- 
phée suspendu  à  son  cou  :  la  pointe  de  l'épée  est  dirigée  vers  elle;  d'autre  part, 
nous  croyons  distinguer,  malgré  l'usure  de  la  pierre,  une  partie  du  tronc  auquel 
cette  tête  s'attache  :  ce  ne  serait  doue  pas  une  tête  coupée,  mais  la  tête  d'un 
fantassin  que  le  cavalier  s'apprête  à  tuer  (pi.  III,  2)  :  le  motif  serait  analogue 
à  celui  de  la  deuxième  pierre  (pi.  IV,  2),  où  Michel  de  Loqui  avait  distingué  les 
jambes  d'un  homme  fuyant  devant  le  cavalier  (p.  77). 

M.  Clerc  attribue  avec  beaucoup  de  vraisemblance  à  l'imitation  de  modèles 
grecs  l'heureuse  facture  des  chevaux  représentés  sur  les  bas-reliefs  d'Antre- 
raont.  C'est  encore  l'influence  grecque  et,  plus  particulièrement,  celle  de  l'art 
ionien,  qu'il  retrouve  dans  les  énigmatiques  statues  de  la  Roque-Pertuse.  Elles 
M  sont,  en  Gaule,  le  prototype  des  statues  de  figures  accroupies  de  l'époque 
postérieure  »  ;  elles  remontent,  comme  les  bas-reliefs  d'Antremont,  malgré  la 
différence  de  la  facture,  aux  iv'-iii*  siècles  avant  notre  ère;  ce  sont  des  statues 
de  divinités  :  il  devait  y  en  avoir  trois,  placées  dans  de  petits  encadrements 
creusés  dans  le  roc,  et  qui  sont  encore  visibles.  L'acropole  de  la  Roque-Per- 
tuse serait  non  pas  un  oppidumy  mais  un  sanctuaire,  centre  reUgieux  de  toute 
la  région. 

Les  conclusions  de  M.  Clerc  sur  les  oppida  ont  le  mérite  d'être  fort  nettes. 
Les  remparts  des  oppida  ont  été  bâtis  par  les  Ligures  Salyens  ;  les  Celtes  arri- 
vèrent dans  le  pays  au  iV  siècle  :  ils  s'y  installèrent  en  petit  nombre  :  la  popu- 
lation primitive  continua  à  fabriquer  les  objets  d'usage  commun,  ce  qui  explique 
le  caractère  barbare  de  la  poterie  indigène  des  oppida  ;  seuls,  les  monuments 
civiques  et  religieux  sont  l'œuvre  des  Gaulois.  Les  Romains  firent  descendre 
dans  la  plaine  les  habitants  des  oppida  :  dès  la  fin  de  la  République,  ces  sta- 
tions étaient  abandonnées. 

II.  Ch.  1.  La  fondation  d'Aix.  —  M.  Clerc  appelle  castellum  l'établissement 
fondé  en  122  avant  J.C.  par  C.  Sextius  Calvinus.  Cassiodore  dit  :  oppidum, 
où  il  n'y  a  rien  de  plus  que  ville.  Strabon  dit  :  TtôXi?;  il  ajoute  :  IvTaOOa  xe 

1.  M.  Clerc  signale  pour  la  première  fois  d'importants  vestiges  d'enceinte  à 
Piéredon  (p.  118  et  pi.  XI,  2). 

2.  Justin,  XLIII,  4* 


BIBLIOGRAPHIE  447 

çpoupàv  xatwxtffe  *Pa)(jLa:«ov  *,  ce  qui  ne  nous  paraît  pas  indiquer  nécessaire- 
ment la  construction  d'une  enceinte  fortifiée.  Enfin  Solin  dit  :  quondam  hiberna 
consulis...  postea  excultae  moenibus  *.  M.  Clerc  y  voit  l'indication  nette  de  deux 
étapes  :  le  castellum,  la  colonie.  Mais  le  mot  de  moenia  ne  conviendrait-il  donc 
point  aux  remparts  du  castellum'î  Ce  texte  nous  paraît  indiquer  plutôt  que  la 
ville  fondée  par  Galvinus  ne  reçut  de  fortifications  en  pierre  qu'au  bout  d'un 
certain  temps.  Nous  retrouverons  la  question  à  propos  du  tracé  de  l'enceinte. 

Aix  devint  colonie  latine  sous  Auguste  :  M.  Clerc  se  rallie  sur  ce  point  à 
l'opinion  de  M.  JuUian,  contre  l'avis  de  Herzog  et  Hirschfeld,  qui  attribuent 
cette  fondation  à  César.  Pour  sa  transformation  en  colonie  romaine,  M.  Clerc 
propose  deux  dates  :  22  av.  J.-C.  (Auguste)  ou  39-40  ap.  J.-G.  (Caligula). 
Aucune  inscription  ne  mentionnant  des  Aixois  citoyens  romains  avant  l'année  43 
de  notre  ère,  il  nous  paraît  préférable  d'admettre  la  plus  récente  de  ces  deux 
dates.  Observons  à  ce  propos  que  l'inscription  CIL.,  III,  2035  peut  être  datée 
beaucoup  plus  précisément  que  ne  le  fait  M.  Clerc,  p.  160  et  p.  267  :  la  légion 
Xllll  Gemina  y  porte  les  surnoms  de  Martia  Victrix^  qu'elle  reçut  en  62'  :  il 
faut  donc  dire,  non  «  entre  Auguste  et  Néron  >»,  mais  :  sous  Néron,  entre  62 
et  68. 

Ch.  2.  Le  territoire  de  la  cité.  —  Quelles  étaient  les  limites  de  la  civitas 
aixoise?  Question  difficile  et  qui  ne  comporte  pas  de  solution  certaine.  M.  Clerc 
l'étudié  avec  tout  le  détail  souhaitable;  mais  nous  éprouvons  quelque  difficulté 
à  nous  rallier  à  la  solution  qu'il  propose.  Il  étend  considérablement  les  limites 
de  la  cité  vers  l'Est,  en  y  englobant  les  territoires  de  Sainle-Zacharie  et  de 
Cabasse.  Il  considère  comme  formelles  à  cet  égard  deux  inscriptions  provenant 
de  ces  localités  et  mentionnant  la  tribu  VoUinia^.  Mais  ne  peut-il  s'agir  d'Aixois 
émigrés  et  qui,  fixés  sur  le  territoire  d'Arles,  ont  continué  d'appartenir  à  leur 
tribu  d'origine?  ^  Autrement  sérieux  sont  les  indices  fournis  :  1«  par  les 
bornes-limites  portant  :  fines  Aquensium,  fines  Arelatensium  ;  2"  par  les  fron- 
tières des  circonscriptions  épiscopales  du  moyen  âge.  Or,  comme  l'avait  déjà 
noté  Albanès,  les  bornes  marquent  nettement  une  ligne  Belcodène- Château- 
neuf-Vauvenargues.  M.  Clerc  renonce  à  expliquer  la  présence  de  la  borne 
de  Vauvenargues  (p.  192).  Pourquoi  ne  pas  l'admettre? Il  y  a,  il  est  vrai,  les 
bornes  de  Peynier*  et  de  la  Grande  Pugère  :  mais  ne  peut-on  penser  qu'elles 

1.  Strabon,  IV,  1,  5  (180). 

2.  Solin,  H,  54. 

3.  Cf.  Gagnât,  dans  Saglio,  art.  Legio. 

4.  CIL.,  Xn,335,  344. 

5.  Vu  l'iraportance  que  l'auteur  attache  à  cet  argument,  on  s'étonne  qu'il  ne 
fasse  point  état  de  rinscription  CIL,  Xil,  1130  (Cucuron),  qui  porte  deux  men- 
tions de  la  tribu  Voltinia,  pour  confirmer  que  la  cité  d'Aix  s'étendait,  au  Nord, 
au-delà  de  la  Durance  jusqu'au  Lubéron.  L'argument  ue  nous  paraît,  du  reste, 
valable  que  pour  les  inscriptions  de  Puyricard  {CIL.,  XII,  522)  et  de  Saint-Canna- 
det  {ibid.,  521),  où  il  s'agit  nou  de  simples  particuliers,  mais  de  magistrats,  qui, 
s'ils  avaient  été  des  émigrés,  eussent  fait  Suivre  l'indication  de  la  charge  du  nom 
de  la  cité  où  ils  l'avaient  exercée. 

6.  On  se   demande  pourquoi  M.  Clerc,  sur  la  carte   de  la  pi.  XLl,  ne  fait  pas 


448  REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

témoignent  d'un  agrandissement  de  la  civitas  à  l'Est  ?  La  présence  de  deux 
bornes  à  Belcodène  s'expliquerait  ainsi,  Belcodène  ayant  été  le  pivot  de  la  rec- 
tification opérée*.  Un  tel  tracé  a  l'avantage  de  laisser  en  dehors  de  la  cité  d'Aix 
les  églises  de  la  vallée  de  Trets,  qui  jusqu'au  xiv°  siècle  ne  dépendirent  pas 
de  l'archevêché  d'Aix.  La  seule  objection  possible  est  fournie  par  les  bornes  de 
Géménos  :  mais  M.  Clerc  reconnaît  lui-même  qu*  «  on  peut  évidemment  les 
révoquer  en  doute  »  (p.  188). 

Ch.  3.  Les  subdivisions  de  la  cité.  —  La  civitas  était  subdivisée  en  pagiy 
dont  le  nombre  reste  incertain.  Le  nom  de  l'un  d'eux,  au  moins,  nous  est  connu 
par  une  dédicace  qu'il  fit  en  l'honneur  de  Néron  :  c'est  le  pagus  Juvenalis. 
M.  Clerc  admet  que  «  ce  nom  pourrait  dériver  de  celui  de  la  Jouïne  »,  ruisseau 
des  environs  d'Aix  (p.  204).  Nous  ne  voyons  guère  comment*.  Si  nous  devions 
proposer  une  explication  pour  l'origine  de  ce  pagus  Juvenalis,  nous  prendrions 
comme  point  de  départ  l'inscription  même  qui  l'a  fait  connaître.  C'est  une  dédi- 
cace faite  par  le  pagus  «  pour  lej salut  de  Néron  »  »  :  le  nom  ô\i pagus  ne  serait- 
il  pas  lui-même  un  hommage  à  cet  empereur?  On  sait  qu'en  58  il  institua  des 
fêtes  dénommés  Juvenalia,  à  l'occasion  de  sa  première  barbe  . 

Ch.  4.  Les  voies  romaines.  —  M.  Clerc  fixe  définitivement  le  tracé  de  la  voie 
dite  «  Aurélienne  »  à  l'Est  d'Aix  :  elle  passait  non  dans  la  plaine  de  l'Arc, 
mais  sur  le  versant  de  la  montagne  du  Cengle.  Il  restitue  à  la  fraction  Aix-Fréjus 
le   milliaire  CIL.,  XII,  5477,  attribué   par   Hirschfeld  à  la  fraction  Aix-Arles. 

Ch.  5.  La  vie  municipale.  —  P.  264,  on  ne  saisit  pas  le  pourquoi  de  la  res- 
titution :  N.  Julius  Pulcher. 

Ch.  6.  Les  cultes  de  la  cité.  —  P,  274  et  278,  nous  ne  comprenons  pas 
comment  l'auteur  peut  lire  Belinno  sur  la  pierre  dont  il  donne  pi.  XXIX,  48, 
la  reproduction  photographique.  Le  G  initial  est  très  visible.  Nous  lisons 
Cehnllo.Ldi  si  heureuse  conjecture  de  M.  Jullian,  qui  voyait  dans  cette  inscrip- 
tion une  dédicace  à  la  divinité  éponyme  du  Cengle,  devient  une  certitude. 

Ch.  7.  Aix  chrétien.  —  P.  324,  à  propos  du  cippe  funéraire  CIL.,  XII,  589, 
M.  Clerc  se  demande  s'il  est,  oui  ou  non,  d'origine  païenne  :  mais  la  question 
nous  paraît  résolue,  sans  contestation  possible,  dans  le  sens  de  l'affirmative, 
par  le  caractère  de  la  gravure  (pi.  XXXIV,  106). 

m.  —  Les  vestiges  de  l'antiquité  romaine  encore  en  place  sont  exception- 


passer  la  limite  à  Peynier   même,  puisque  c'est   là  que    Burle  a  vu  une  borne 
(cf.  p.  168). 

1.  Au-delà  de  la  Grande-Pugère,  la  nouvelle  frontière  suivait  peut-être,  jusqu'à 
la  rivière  de  Saiate-Bachi,  la  même  ligne  que  la  limite  départementale  actuelle? 

2.  Jouïne,  où  l'on  doit  de  toute  nécessité  reconnaître  la  présence  du  suffixe 
latin  inus,  parait  venir  du  bas-lat.  gaudina,  petit  bois  (origine  douteuse),  qui  a 
donné  l'anc.  fr.  très  usité  gaudine.  Ajoutons  que  les  trois  noms  propres  aixois 
rapprochés  à  ce  propos  ont  chacun  une  étymologie  difierente  :  Juvénal  z=  juve- 
nalis; Juven  =zjuvencus;  Jouyne  z=z  juvenis.  —  A  rejeter  également,  p.  233,  la 
suggestion  :  Muy  =:  mutaiio  (évidemment,  modium  !) 

3.  CIL.,  XII,  512. 

4.  Tacite»  Ann.,  XIV»  15;  Dion,  LXI,  19. 


BIBLIOGRAPHIE  449 

nellement  rares  à  Aix.  On  ne  peut  citer  avec  quelque  certitude  qu'une  partie  du 
mur  de  façade  de  la  cathédrale  Saint-Sauveur.  D'autres  vestiges,  pierres  rem- 
ployées dans  des  murs  du  moyen  âge,  colonnes  formant  la  rotonde  du  baptis- 
tère de  Saint-Sauveur  ou  décorant  des  fontaines  publiques,  proviennent  de 
monuments  romains  dont  nous  ignorons  tout.  En  1866,  il  existait  encore  des 
restes  de  thermes  à  la  place  des  bains  Sextius  actuels  :  ils  ont  disparu  aujour- 
d'hui. Sauf  cette  indication,  on  ne  peut  rien  dire  sur  la  façon  dont  les  Romains 
avaient  utilisé  les  eaux  thermales  qui  ont  donné  leur  nom  à  Aix;  l'origine  et  la 
circulation  de  ces  eaux,  qui  apparaissent  sur  plusieurs  points  delà  ville,  restent 
encore  une  énigme. 

M.  Clerc  signale  des  restes  de  la  voie  Aurélienne  dans  le  sous-sol  des  mai- 
sons 16,  18,  20  de  la  rue  de  Saporta.  Ce  sont  des  dalles  qui  «  forment,  non 
point  le  sol  ou  un  des  murs  de  ces  caves,  mais  bien  le  plafond.  C'est-à-dire 
que,  lorsqu'on  creusa  ces  caves,  on  trouva  la  voie  Aurélienne,  toujours  à  cette 
profondeur  moyenne  d'environ  1™,50.  Et  l'on  éprouva  de  telles  difficultés  pour 
démolir  les  dalles  de  la  couche  supérieure  que  l'on  y  renonça,  et  que  l'on 
creusa  la  cave  par  dessous,  laissant  les  dalles  comme  plafond.  C'est  dire  que 
les  couches  inférieures,  nucleus  et  statumen^  ont  disparu.  En  revanche,  on  dis- 
tingue fort  bien,  par  endroits,  la  trace  des  ornières  qui  sillonnent  la  surface 
des  dalles  »  (p.  366-337).  On  souhaiterait  une  description  plus  claire  :  il  paraît 
singulier  que  des  «  ornières  »  soient  visibles  si  les  dalles  sont  vues  par  dessous. 

Un  fragment  d'architrave,  remployé  dans  la  façade  d'une  maison,  permet  de 
conjecturer  l'existence  d'un  monument  dédié  par  des  Fevirs  augustaux  *  :  nous 
ne  pensons  pas,  avec  M.  Clerc,  que  la  gravure  date  l'inscription  du  i"  siècle  de 
notre  ère  (p.  378);  la  forme  de  l'R,  notamment,  indique  l'époque  des  Antonins 
(pi.  XXXIII,  95). 

L'étude  des  monuments  romains  d'Aqux  Sextiae  doit  faire  une  place  d'hon- 
neur aux  trois  fameuses  tours  du  palais  des  comtes  de  Provence,  conservées 
presque  intactes  jusqu'en  1778,  et  livrées  à  cette  époque  à  la  pioche  des  démo- 
Hsseurs.  M.  Clerc  leur  consacre  trois  chapitres  (ch.  5,  6,  7).  Son  étude  est 
illustrée  par  une  série  de  planches  parmi  lesquelles  on  doit  signaler  la  repro- 
duction de  deux  dessins  anonymes,  appartenant  à  la  collection  Arbaud,  et  restés 
jusqu'à  présent  inédits  (fig.  8  et  pi.  XIV).  M.  Clerc  établit  de  façon  définitive, 
en  utilisant  un  manuscrit  inédit  de  Fauris  de  Saint-Vincent  le  père  (Bibl. 
Méjanes),  que  la  tour  de  l'Horloge  était  un  mausolée.  Il  y  rattache,  avec  beau- 
coup de  vraisemblance,  l'inscription  Cl  L.,  XII,  516  :  ce  tombeau  serait  celui 
de  trois  patrons  de  la  colonie,  parmi  lesquels  un  puer  laticlctvius  :  on  a  trouvé 
dans  la  tour,  lors  de  sa  démolition,  trois  urnes  funéraires,  et,  à  côté,  une  bulle 
d'or;  une  des  urnes  contenait  une  médaille  peu  usée  datée  du  deuxième  consu- 
lat d'Aelius  Verus  (161  ap.  J.-C.)  :  le  monument  n'est  donc  pas  antérieur  à  cette 
date,  «  et  il  ne  peut  lui  être  postérieur  que  d'un  petit  nombre  d'années  »  (p.  409)  : 
c'est  tout  ce  qu'on  en  peut  dire  :  le  dater  «  entre  161  et  169  au  plus  tard  », 
comme  fait  l'auteur  quelques  pages  plus  loin  (p.  415),  c'est  trop  préciser.  Les 
deux  autres  tours,  dites  du  Trésor  et  du  Chaperon,  avaient  un  autre  caractère  : 

1.  CIL.^  XII,  5776: 


450  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

«  les  deux  tours  et  l'erisemble  qu'elles  commandaient  étaient  une  construction 
militaire,  une  porte  monumentale,  et  sans  doute  la  porte  principale  de  la  ville, 
puisqu'elle  s'ouvrait  sur  la  voie  Aurélienne...  »  (p.  425).  L'auteur  pense  qu'elles 
«  remontaient  au  temps  de  la  fondation  de  la  colonie  »  (p.  434). 

Au  chapitre  8,  l'auteur  établit  l'existence,  sous  l'Empire,  dans  la  partie  ouest 
et  nord-ouest  d'Aix,  «  d'un  quartier  peuplé  de  villas  (au  sens  moderne  du  mot), 
hors  ville,  dans  la  banlieue  immédiate  et  dans  le  voisinage  des  eaux  thermales  » 
(p.  443).  C'est  là,  et  non  dans  la  ville  même,  que  par  une  singularité  qu'on 
s'explique  mal,  (cf.  ch.  12,  où  la  question  est  très  clairement  exposée)  fut  éta- 
blie la  métropole  chrétienne  primitive. 

Dans  ses  Recherches  sur  le  tracé  de  l'enceinte  (ch.  10-H),  M.  Clerc,  s'aidant 
d'un  travail  de  M.  de  la  Calade  sur  les  rues  d'Aix,  détermine  avec  précision 
le  tracé  d'une  enceinte  qui  fut  au  moyen  âge  celle  du  bourg  Saint  Sauveur  : 
établie  sur  le  point  le  plus  élevé  de  l'agglomération  urbaine,  elle  était  mi-ovale, 
mi-rectangulaire,  et  avait  790  mètres  de  tour.  Il  y  a  là  évidemment  le  souvenir 
d'une  enceinte  romaine. 

Mais  doit-on  dire,  avec  l'auteur,  que  c'est  l'enceinte  d'un  castellum  contem- 
porain de  la  fondation  de  Calvinus,  et  doit-on  rechercher,  comme  il  le  fait,  une 
plus  grande  enceinte,  englobant  celle-là,  et  qui  aurait  été  celle  de  la  colonie? 
Il  serait  singulier  que  pendant  toute  la  durée  de  l'Empire  on  eût  maintenu 
dans  l'enceinte  de  la  colonie  des  murailles  qui  ne  servaient  plus  de  rien  :  et 
pourtant,  il  faut  bien  qu'on  les  y  ait  maintenues,  pour  que  le  bourg  Saint- 
Sauveur  se  soit  constitué  dans  leurs  limites.  M.  Clerc  part  de  ce  principe, 
qu'on  ne  fondait  pas  de  colonie  sans  l'entourer  de  murs  (p.  341)  :  mais,  outre 
qu'il  y  a  des  exceptions,  tel  Camulodunum,  que  M.  Clerc  cite  lui-même,  quand 
la  ville  antérieure  possédait  déjà  des  remparts,  on  se  dispensait  d'en  bâtir  de 
nouveaux*.  Il  y  a  bien  la  porte  monumentale  représentée  par  les  tours  du 
Trésor  et  du  Chaperon  :  mais  il  est  assez  remarquable  que  les  auteurs  qui  ont 
parlé  de  ces  tours  aient  fait  mention  d'un  mur  semi-circulaire,  qui  les  joignait 
aux  deux  bords  de  la  voie  Aurélienne,  et  n'aient  signalé  aucune  trace  de  l'attache 
d'un  rempart  sur  les  côtés  externes.  Nous  croyons  qu'il  n'y  eut  qu'une  enceinte 
d'Aquae  Sextiae,  celle  que  M.  Clerc  appelle  l'enceinte  du  castellum,  et  qu'elle 
fut  bâtie  à  une  époque  ancienne,  postérieure  cependant,  pour  les  raisons  que 
nous  avons  dites  plus  haut,  à  la  fondation. 

Le  livre  se  termine  par  une  bonne  étude  sur  les  aqueducs.  En  appendice, 
'auteur  a  réuni  les  inscriptions  de  la  cité  d'Aix,  au  nombre  de  205.  M.  Clerc  a 
le  grand  mérite  d'avoir  fait  reproduire,  dans  une  série  de  planches  fort  bien 
gravées,  la  photographie  des  inscriptions  qui  existent  encore.  Il  nous  avertit 
que  a  c'est  sa  propre  lecture  qu'il  donne,  faite,  soit  sur  l'original,  soit  sur  la 
photographie  ».  Cependant,  ses  lectures  ne  sont  pas  toujours  d'accord  avec  la 
photographie.  Nous  avons  déjà  noté  : 

â8.  Cehnllo,  non  Belinno. 
Voici  d'autres  exemples  : 

Ik  Cf.  G.  Humbert,  dans  Saglio,  art.  Colonfa,  p.  1312*é 


BIBLIOGRAPHIE  451 

27.  Punic{us)  non  Public{ius). 

76.  Herculis  (génitif)  plutôt  que  Herculi  s{acrum). 

78.  GratuSf  non  Gra[t]us. 

79.  merito,  non  me[e]rito. 
81 .  Nenpis,  non  Nenfis. 

83.  Baccylus,  non  Bacchius. 
402.  V.  11  pulcer^  non  pulc[e]t\ 
104,  1.  5  ter  adest  su... 

\.  6  sentari  pet... 
49A  aed{Ui),  non  aedili. 
195,  I.  1  Quadron[io],  non  Qu[a]dr[o]ni{o]. 

\.  3  C{olonia)  J{ulia)  P{aterna)  C{laudia)  N{arbone)  M{artio). 

Signalons  encore  un  désaccord  entre  la  lecture  du  n°  193,  [duovi]r  praetor, 
et  l'avis  exprimé  par  l'auteur  p.  246,  n.  2;  des  fautes  d'impression  comme 
muninime  {108)  pour  munimene,  CIL.^  XII,  1906  (55)  pour  1096;  un  regret- 
table lapsus  de  traduction,  invida  fata  {28-28a)  traduit  par  u  destinée  peu 
enviable  ».  Enfin  M.  Clerc  restitue  v{otu'm.)  s{olvit)  l{ibens)  m(eritis)  sur  les 
dédicaces  qui  ont  plusieurs  personnes  pour  objet  (cf.  45,  50,  52^  53)  ;  mais  ne 
convient-il  pas  de  restituer  toujours  meritOy  adverbe  ? 

L'auteur  a  fait  suivre  le  recueil  d'inscriptions  d'un  index  des  noms  propres 
qui  y  sont  contenus.  Beaucoup  regretteront  l'absence  d'un  index  général,  dont 
l'auteur  n'a  pas  voulu  grossir  un  volume  déjà  considérable.  Tel  qu'il  est,  et  mal- 
gré des  imperfections  inévitables  dans  des  travaux  de  cette  importance,  l'ou- 
vrage fait  le  plus  grand  honneur  à  celui  qui  l'a  écrit.  La  haute  récompense  qui 
lui  a  été  décernée  par  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  est  un  sûr 
garant  de  sa  valeur. 

L.-A.  GONSTANS. 

E.  Babelon.  Le  Trésor  d'argenterie  de  Berthouville^  près  Bernay  (Eure), 
conservé  au  Département  des  médailles  et  antiques  de  la  Bibliothèque  Nationale. 
Paris,  E.  Lévy,  19l6.  Grand  in-4°;  155  pages,  34  planches.  —  M.  Babelon  a 
dédié  son  beau  volume  à  la  mémoire  de  Raoul  Rochette,  ancien  conservateur 
du  Gabinet  des  Médailles.  G'est  un  acte  de  justice  bien  mérité.  M.  Georges 
Perrot  nous  avait  déjà  fait  connaître  en  1906,  dans  sa  Notice  sur  la  vie  de 
Raoul  Rochette,  de  quels  déboires,  de  quels  affronts  fut  victime  cet  adminis- 
trateur intègre,  lors  de  l'achat  du  Trésor  de  Berthouville  en  1830.  Il  fut  de 
ces  fonctionnaires  —  on  en  connaît  d'autres  exemples  —  qui  payèrent  chère- 
ment l'audace  de  vouloir  rendre  service  à  l'État  sans  se  soumettre  aveuglément 
aux  règles  de  la  comptabilité  publique.  Il  crut  qu'on  le  remercierait  d'avoir  agi 
avec  décision,  d'avoir  acheté  à  bon  compte  un  inestimable  ensemble  d'œuvres 
d'artqui  allaient  enrichir  lescollectionsde  son  pays  et  apporterde  nouveaux  docu- 
ments à  la  science.  Mais  il  avait  traité  ou  fait  des  promesses  sans  autorisation 
officielle,  il  avait  négocié  sans  pouvoirs  réguliers.  Au  lieu  de  monter  au  Capi- 
tole,  le  pauvre  homme  fut  traîné  aux  Gémonies,  accusé  de  corruption,  de  dila- 
pidation, même  de  fraude  et  de  malversation.  M.  Babelon  remet  sous  nos  yeux 


452  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

tous  les  détails  de  cette  navrante  histoire,  où  l'on  ne  sait  qui  l'on  doit  plaindre 
le  plus,  de  l'innocent  accusé  ou  de  ses  ennemis  dont  la  bassesse  cherche  à  pro- 
fiter d'une  imprudence  pour  déshonorer  un  honnête  homme.  La  mémoire  de 
Raoul  Rochette  en  est  sortie  indemne,  plutôt  grandie  par  l'injustice  du  sort 
qu'il  supporta  :  pendant  dix-huit  ans  il  traîna  après  lui  ce  fardeau  et,  quand  il 
fut  mis  à  la  retraite,  nul  n'ignorait  que,  bien  que  lavé  de  tout  soupçon 
d'improbité,  il  payait  encore  sa  faute  administrative, 

M  Babelon  a  fait  l'historique  des  recherches  succédant  à  l'heureuse  et  for- 
tuite découverte  d'un  paysan  illettré  qui  faillit  jeter  à  la  fonte  les  richesses 
heurtées  par  le  soc  de  sa  charrue.  Berthouville  est  une  petite  commune  du 
déparlement  de  l'Eure,  dans  l'arrondissement  de  Bernay;  on  donne  souvent  à 
cette  trouvaille  le  nom  de  «  Trésor  de  Bernay  ».  Des  fouilles  méthodiques 
furent  pratiquées  dans  la  localité  par  M.  Le  Métayer-Masselin  en  1861  et  par 
le  Père  de  la  Croix  en  1896.  Il  en  résulte  que  cet  emplacement  antique,  appelé 
Canelonum^  comprenait  une  enceinte  contenant  deux  temples,  un  théâtre,  les 
restes  d'un  hypocauste,  un  puits,  une  voie  romaine;  une  villa  romaine,  centre 
d'une  exploitation  agricole,  est  dans  le  voisinage,  mais  on  ne  retrouve  ni 
agglomération  de  maisons,  ni  rues.  Pour  expliquer  l'importance  de  ces  édifices 
dans  un  endroit  privé  d'habitants,  on  a  supposé  que  Canetonum,  situé  à  un 
carrefour  de  routes,  pouvait  être  un  lieu  de  pèlerinage,  avec  un  champ  de  foire, 
un  forum^  dont  l'attrait  était  augmenté  par  la  présence  d'un  théâtre.  Un  des 
temples  est  dédié  à  Mercure  Ganetonensis,  comme  le  prouvent  les  dédicaces  gra- 
vées sur  les  vases  d'argent  eux-mêmes.  En  effet,  les  objets  trouvés  ont  dû 
faire  partie,  soit  des  ex-votos  offerts  au  dieu,  soit  du  mobilier  affecté  aux 
cérémonies  dans  le  sanctuaire.  Deux  statuettes  de  Mercure  en  argent  (pi.  là 
IV)  représentent  les  idoles  du  culte.  Le  second  temple,  englobé  dans  la  même 
enceinte,  ne  pouvait  être  que  celui  deMaia,  parèdre  de  Mercure;  des  bustes  de 
la  déesse  gauloise  Maia-Hosmerta  figurent  aussi  dans  les  trouvailles.  Construits 
en  marbres,  avec  des  sculptures  ornementales,  ces  édifices  furent  détruits  vers 
la  fin  du  m*  siècle  de  notre  ère.  Réparés  à  l'époque  de  Probus  ou  de  Dioclé- 
tieu,  dans  des  dimensions  plus  petites,  avec  les  débris  du  vieux  sanctuaire,  ils 
ne  survécurent  pas  aux  invasions  barbares. 

Le  trésor  avait  sans  doute  été  enfoui  dans  une  cachette,  lors  de  la  première 
ruine  des  temples.  Il  est  certain  que  les  restaurateurs  gallo-romains  de  Cane- 
tonum durent  ignorer  l'existence  de  ces  richesses  qui  restèrent  ensevelies  jus- 
qu'à nos  jours.  En  effet,  aucune  des  inscriptions  dédicatoires  n'est  postérieure 
au  \\\*  siècle.  Parmi  les  noms  des  donateurs  on  remarque,  à  côté  de  vocables 
purement  romains,  des  noms  gaulois  et  gallo-romains.  A  côté  de  P.  Aelius 
Numitor,  G.  Propertius  Secundus,  on  voit  des  personnages  appelés  Buolanus, 
Camulognata,  Combaromarus,  ou  Placidius  Docirix,  Creticus  Runatis.  Parmi 
les  vases  les  plus  beaux,  neuf  portent  le  nom  de  Q.  Domitius  Tutus,  peut  être 
le  propriétaire  de  la  villa  voisine. 

Cette  argenterie  offre  donc  un  caractère  tout  autre  que  celui  du  Trésor 
de  Boscoreale  ou  d'Hildesheim,  dont  l'ensemble  représente  le  mobilier  d'un 
riche  Romain;  Elle  a  une  destination  religieuse  et  votive.  Il  ne  faut  pas  oublier 


BIBLIOGRAPHIE  453 

pourtant  qu'avant  de  passer  dans  la  propriété  du  dieu,  la  plupart  de  ces  vases 
avaient  dû  appartenir  d'abord  à  un  particulier.  Sans  doute  Domitius  Tutus 
avait  reçu,  par  héritage  de  ses  ancêtres,  les  pièces  magnifiques  qu'il  avait 
offertes  lui-même  au  temple  de  Mercure.  D'autres  pèlerins  y  apportèrent  plus 
tard,  venant  d'autres  régions,  des  offrandes  qui  se  joignirent  aux  précédentes. 
Aussi  l'ensemble  est  disparate.  Des  objets  du  plus  beau  style  grec  voisinent 
avec  des  œuvres  de  travail  romain,  un  peu  lourd,  ou  avec  des  produits  d'un 
art  à  moitié  barbare.  Les  uns  ont  pu  sortir  de  quelque  grande  fabrique  alexan- 
drine  ou  d'une  fabrique  de  Pergame,  les  autres  de  Rome  où  prospéraient  des 
ateliers  renommés,  d'autres  enfin  de  la  Gaule  même. 

Une  description  détaillée  de  chaque  statuette  et  de  chaque  vase  termine 
l'ouvrage,  illustré  par  d'excellentes  héliogravures,  qui  font  de  ce  beau  livre  un 
digne  recueil  des  publications  similaires  sur  Boscoreale  ou  sur  Hildesheim. 
L'auteur  félicite  son  éditeur  —  et  nous  l'en  félicitons  avec  lui  —  d'avoir  eu  le 
courage  de  mener  à  bien  celte  entreprise  de  librairie  pendant  les  heures  tra- 
giques que  nous  traversons.  C'est,  comme  il  le  dit,  un  acte  de  foi  et  de 
confiance  qui  méritait  d'être  loué.  Non-seulement  il  faut  que  «  les  civils  » 
tiennent,  mais  il  faut  qu'ils  travaillent.  C'est  leur  seule  façon  de  se  battre  pour 
la  France. 

E.    POTTIER. 


F.  Legge.  Forerunners  and  rivais  of  Christianily,  being  Studies  in  reli- 
gions history  from  330  B.  C.  to  330  A.  D.  Cambridge,  University  Press,  1915, 
2  vol.  in-8,  LXiii-202  et  425  p.  —  Cet  ouvrage  considérable  se  compose  de 
chapitres  isolés  dont  le  lien  est  marqué  par  le  titre  général.  A  la  suite  d'une 
introduction  qui  met  en  lumière  les  analogies  du  christianisme  avec  les  reli- 
gions qui  l'ont  précédé  et  les  religions  rivales  — l'auteur  est  disposé  à  admettre 
une  très  grande  influence  du  Zoroastrisme  —  on  trouve  des  études  sur  la  con- 
quête d'Alexandre,  les  divinités  alexandrines,  les  origines  du  gnosticisme 
(magie,  astrologie),  le  gnosticisme  pré-chrétien  (orphisme,  essénisme,  Simon 
le  Mage),  le  gnosticisme  post-chrétien  {Pistis  Sophia,  Ophites,  Valentin,  Mar- 
cion),  le  mithraïsme  et  le  manichéisme.  M.  Legge  a  énormément  lu,  surtout 
des  ouvrages  français  et  anglais  ;  il  a  réuni  quantité  de  textes  et  d'opinions 
que  l'on  ne  trouverait  pas  facilement  ailleurs  et  en  a  facilité  la  recherche  par  un 
index  très  soigné  ;  il  a  aussi  donné  une  chronologie  (de  3H6  av.  J.-C.  à  3.S7 
après)  et  une  bibliographie  considérable,  qui  n'est  d'ailleurs  pas  exempte  d'er- 
reurs. Par  une  décision  de  principe  qu'on  peut  louer  et  dont  il  nous  fait  part 
dans  sa  préface,  M.  Legge,  pour  ne  pas  grossir  encore  ces  deux  volumes,  a 
pris  le  parti  de  renvoyer  souvent  à  des  auteurs  modernes  de  bon  aloi,  au  lieu 
d'accumuler  les  références  aux  textes  que  ces  auteurs  ont  visés.  Il  ne  s'est 
pourtant  pas  tenu  assez  rigoureusement  à  ce  principe  et  il  en  résulte  des  notes 
comme  celle-ci  (t.  I,  p.  42)  :  «  Foucart,  Culte  de  Dion.,  p.  68  ;  Stephen  of  Byzan- 
tium  in  Hesychius,  Etymologium  (sic)  Magnum,  s.  v.  ^Aypai  ».  Le  texte  visé 
étant  dans  Etienne  de  Byzance  à  l'article  "Aypat  et  Hesychius  ne  fournissant  rien, 
non  plus  que  le  Grand  Étymologique,  cette  note  laisse  une  impression  fâcheuse» 


45  i  Î\EVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

—  Strabon  (XVI,  785),  dit  que  Ctésias  appelle  Atargatis  Derceto  ;  M.  L.  écrit 
(II,  p.  40)  :  «  Atargatis  of  which  Derketo  was^  teste  Prof.  Garstang,  a  ho- 
monym.  »  S'il  fallait  citer  quelqu'un  ici,  c'était  Ctésias  ou  Strabon  ;  le  teste 
Garstang  (sans  renvoi  d'ailleurs)  est  imposisible  à  défendre  —  I,  p.  133,  la  pla- 
que d'or  citée,  avec  inscription  orphique,  ne  provient  pas  de  Naples,  mais  de 
Thurii.  —  I,  p.  137,  Zagreus  est  qualifié  de  uavuTilpTaToç  dans  un  fragment  de 
VAlcmêonide\  M.  L.  n'a  aucun  droit  de  parlera  ce  propos  d'Eschyle. —  I, 
p.  143,  ce  qui  est  dit  de  Misé  est  faux  ;  il  est  singulier  que  l'auteur  n'ait  pas  eu 
recours  au  Lexicon  de  Roscher,  d'ailleurs  cité  dans  la  bibliographie  (avec  faux 
millésime;  la  publication  a  commencé  en  1884,  non  en  1889).  —  I,  p.  181. 
'ATtoppori,  au  sens  d'émanation,  est  déjà  dans  Empédocle  ;  il  eût  suffi  à  M.  L. 
d'ouvrir  le  Thésaurus  pour  s'en  assurer.  —  Je  ne  multiplierai  pas,  bien  que 
cela  soit  aisé,  ces  observations  de  détail.  Embrassant  un  domaine  immense,  il 
était  inévitable  que  l'auteur  ne  fût  pas  toujours  parfaitement  informé.  Mais  je 
ne  voudrais  pas  que  des  réserves  légitimes  sur  l'exactitude  de  son  savoir 
parussent  mettre  en  question  l'utilité  de  son  grand  travail.  Il  y  a  tel  chapitre 

—  celui  du  Manichéisme,  par  exemple  —  qui,  tenant  compte  des  plus  récentes 
découvertes,  se  recommande  à  la  lecture  de  tous  les  non-spécialistes  et  même 
des  autres.  Si  des  ouvrages  de  ce  genre  ne  réalisent  pas,  à  proprement  parler, 
des  progrès  dans  les  études  religieuses,  on  peut  dire  qu'ils  permettent  de  con- 
naître rapidement  les  résultats  acquis  et  servent  ainsi  de  point  de  départ  à  des 
recherches  ultérieures.  Le  dessein  de  l'auteur  était  de  les  faciliter  ;  il  l'a  certai- 
nement accompli. 

S.R. 

E.  Michon.  Rebords  de  bassins  chrétiens  ornés  de  reliefs,  Paris,  Gabalda, 
1916.  In-8,  105  p.,  avec  37  fig.  (extrait  de  la  Revue  biblique).  —  En  1908, 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  (p.  268-283),  M.  Michon  avait 
traité  des  rebords  de  tables  byzantines  en  "îiarbre  ornés  de  bas-reliefs  ;  il 
étudie  aujourd'hui,  dans  le  plus  grand  détail,  les  rebords  de  bassins  chrétiens 
de  même  style.  Chaque  spécimen  (il  y  en  a  40)  est  décrit  minutieusement  et  le 
sens  des  reliefs  qu'il  porte  élucidé  par  comparaison  avec  d'autres  monuments 
de  l'art  chrétien  et  une  érudition  palristique  de  première  main.  A  quoi  ser- 
vaient ces  bassins?  C'est  ce  qui  ne  peut  encore  être  précisé.  «  Le  mot  de 
bénitier,  étant  donnée  la  terminologie  actuelle,  serait  trop  spécial...  Le  bénitier 
proprement  dit  serait  à  l'aboutissement  d'un  processus  où  le  geste  de  prendre 
de  l'eau  préalablement  sanctifiée  aurait  remplacé  ce  qui  était  d'abord  une 
ablution.  Les  récipients  qui  nous  occupent  pourraient  peut-être  alors  cor- 
respondre à  la  transition  et  pour  cette  raison  seraient  difficiles  à  nommer  d'un 
nom  qui  leur  convienne  pleinement  »  (p.  100).  La  date  des  rebords  varierait 
entre  le  iii»  et  le  v*  siècle  de  notre  ère  ;  ils  semblent  tous  être  sortis  de  quelque 
atelier  syro-alexandrin. 

S.  R. 

Bruce  Dickins.  Bunic  and  heroic  poems  of  the  old  Teutonic  peoples . 
Cambridge,  University  Press,  1915.  In-8,  vn-92  p.   —  Ce  petit  livre  -—  c'est 


Bibliographie  45S 

un  de  ses  mérites  d'être  petit  —  comprend  deux  divisions  :  1©  les  poèmes 
runiques,  à  savoir  le  poème  anglo-saxon,  le  norvégien  et  l'islandais,  transcrits, 
traduits,  amplement  commentés,  précédés  d'une  histoire  détaillée  de  l'écriture 
runique  et  d'une  notice  sur  les  trois  courts  poèmes,  qui  sont  ineptes,  le  moins 
insignifiant  étant  le  dernier  ;  2°  les  poèmes  héroïques  anglo-saxons  (sauf 
Beowulfei  Widsith^  publiés  en  1912  et  1914  par  le  D'  Charabers  à  Cambridge), 
à  savoir  Waldhere,  Finn,  Deor;  suit  HUdebrand,  le  seul  fragment  connu  de  la 
poésie  héroïque  des  Germains.  Le  tout  traduit  et  commenté  avec  détail.  Finn  et 
Hildebrand  ont  quelques  mérites  de  poésie  sauvage  :  le  reste  est  bien  mince. 
Le  savant  éditeur  n'a  pas  négligé  les  observations  d'ordre  archéologique  ; 
ainsi  {Finn,  v.  32)  il  croit  que  banhelm  signifie  un  casque  à  cornes  et  rappelle 
que  Bugge  voulut  lire  barhelm,  signifiant  «  casque-sanglier  ».  Il  eût  été  bon 
de  renvoyer  ici  à  Lindenschmit,  Alterth.  der  mtrov.  Zeit.,  p.  256. 

S.  R. 

Abbé  René  Aig:rain.  Le  trésor  des  reliques  de  la  cathédrale  de  Poitiers. 
Poitiers,  Roy,  1915  (extr.  du  Bulletin  de  la  Soc.  des  Antiq.  de  l'Ouest),  In-8, 
14  p.  —  Excellent  article  critique  sur  les  reliques  de  sainte  Anlonine,  de  sainte 
Victoire  Marose  et  de  saint  Irénée,  envoyées  de  Rome  vers  1680  par  un  reli- 
gieux d'origine  poitevine.  L'auteur  n'exprime  aucune  opinion  sur  le  culte  rendu 
depuis  la  fin  du  xvii"  siècle  à  ces  reliques  :  c'est  l'affaire  de  l'Ordinaire  du  lieu 
et  n'intéresse  pas  les  érudits.  Ce  qui  les  intéresse,  c'est  de  connaître  la  valeur 
de  la  relation  concernant  les  découvertes  de  ces  corps  dans  les  catacombes; 
l'abbé  Aigrain  montre  fort  bien  que  la  valeur  en  est  nulle,  tout  en  traitant  avec 
un  respect  digne  d'éloges  ses  auteurs  et  ceux  qu'ils  ont  abusés.  Conclusion  : 
«  Encore  une  fois,  je  n'ai  pas  qualité  pour  trancher  le  problème  canonique  du 
culte  public  rendu  aux  trois  corps  dans  les  anciens  couvents  de  la  Trinité,  de 
Sainte-Catherine  et  des  Capucins,  et  depuis  à  la  cathédrale.  Mais  à  s'en  tenir 
au  point  de  vue  archéologique,  la  solution  la  plus  vraisemblable  est  celle-ci  : 
les  trois  corps  sont  ceux  de  trois  chrétiens  du  iv*  siècle  ensevelis  ad  Catacum' 
bas  après  la  paix  de  l'Église,  el  rien  n'empêche  de  les  vénérer  comme  trois 
corps  saints,  mais  rien  non  plus  n'engage  à  voir  en  eux  des  martyrs,  ni  la 
chronologie,  ni  l'étude  des  symboles  qui  ornaient  leurs  épilaphes  :  il  ne  s'y 
trouve  pas  plus  de  signes  de  martyre  que  de  signes  de  virginité  ».  Cela  est  très 
bien  dit.  Sous  le  second  Empire,  on  attribuait  la  haute  qualité  littéraire  des 
articles  du  Journal  des  Débats  à  la  vigilance  de  la  censure  politique,  qui  obli- 
geait les  rédacteurs  à  mettre  des  gants  pour  exprimer  leur  avis  ;  la  censure 
ecclésiastique  est  un  bienfait  du  même  genre,  et  qui  exerce,  sur  les  érudits 
d'Église,  une  influence  heureuse. 

S.  R. 

Sir  Thomas  Graham  Jackson.  Gothic  architecture  in  France^  England 
and  llaly.  Cambridge,  Universily  Press,  1915,  2  vol.  in-4»,  xxii-291  et  339  p., 
avec  191  pi.  et  229  ï\^.  dans  le  texte.  --  Architecte  très  connu  en  Angleterre, 
notamment  par  la  restauration  de  la  cathédrale  de  Winchester  et  ses  construc- 
tions à  Oxford,  l'auteur  de  ces  deux  magnifiques  volumes  a  voulu  donner  une 


456  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

suite  à  son  ouvrage,  publié  en  1913,  sur  l'architecture  byzantine  et  romane.  La 
guerre  l'ayant  empêché  de  visiter  à  nouveau  l'Allemagne  et  la  Belgique,  il  a 
laissé  de  côté  les  monuments  gothiques  de  ces  pays  ;  il  ne  s'est  pas  non  plus 
occupé  de  ceux  de  l'Espagne,  parce  qu'il  n'a  jamais  exploré  la  péninsule.  Ces 
scrupules  disent  assez  que  l'auteur  travaille  sur  ses  propres  notes  et  sur  ses 
propres  croquis  :  «  Je  n'ai  pas  entendu  rédiger  un  guide,  écrit-il,  et  n'ai  pas 
visé  à  des  énumérations  complètes.  J'ai  voulu,  non  pas  décrire  un  grand 
nombre  de  monuments,  mais  présenter  une  vue  rationnelle  d'un  style  dans  son 
ensemble.  J'ai  choisi,  pour  les  décrire,  les  édifices  ou  parties  d'édifices  qui 
sont  typiques  pour  l'histoire  et  le  développement  de  l'art.  J'ai  pris  presque 
exclusivement  comme  exemples  les  monuments  que  j*ai  étudiés  moi-même, 
convaincu  qu'il  est  peu  utile  d'écrire  sur  l'architecture  d'après  les  travaux 
d 'autrui.  » 

Sur  la  question  litigieuse  de  l'origine  de  l'arc  ogival,  Sir  T.  G.  Jackson  n'a 
pas  cru  qu'une  discussion  approfondie  fût  nécessaire  :  «  Longtemps  avant  qu'il 
lût  employé  dans  la  construction,  la  forme  de  cet  arc  doit  avoir  été  familière 
aux  hommes.  Les  Arabes  s'en  sont  servis  bien  avant  qu'il  ne  fût  adopté  en 
Occident  ;  on  le  trouve  au  Dôme  du  Rocher  et  à  la  mosquée  d'EI  Aksa  de  Jéru- 
salem au  vii«  siècle,  dans  les  arcades  des  églises  coptes  de  Dair  Anba  Bishoi  et 
Dair-es-Suriani  en  Egypte,  attribuées  au  vi*  siècle;  les  arcades  de  la  mosquée 
de  Ibn  Touloun  au  Caire  (878)  sont  pointues.  Nous  n'avons  pas  lieu  de  nous 
demander  si  l'introduction  de  cet  arc  en  Occident  fut  due  aux  Croisés  qui 
l'avaient  vu  en  Orient,  ou  si  l'emploi  en  a  été  suggéré  par  des  motifs  de  cons- 
truction, ce  qui  est  plus  vraisemblable.  Quelle  qu'en  soit  l'origine,  nous  le  trou- 
vons en  usage  chez  les  architectes  romans  de  la  première  moitié  du  xii"  siècle, 
tant  pour  les  arcs  que  pour  les  voûtes.  »  Au  sujet  de  Durham,  l'auleur  partage 
l'opinion  de  M.  de  Lasleyrie  et  pense  que  les  voûtes  d'ogives  n'appartiennent 
pas  au  plan  primitif  (p.  185).  La  priorité  resterait  assurée,  à  cet  égard,  à  l'abba- 
tiale de  Saint-Denis,  mais  le  style  nouveau  y  paraît  déjà  si  mûr  qu'il  faut 
admettre  bien  des  essais  antérieurs.  Je  remarque  que  sir  T.  G.  J.  continue 
à  appeler  «  Pierre  de  Montereau  »  l'architecte  que  M.  Stein,  appuyé  sur  des 
documents  certains,  appelle  «  Pierre  de  Montreuil  ». 

La  thèse  de  M.  Goodyear  sur  les  «  raffinements  architectoniques  »  a  été  cri- 
tiquée avec  courtoisie  et  pénétration.  Sir  T.  G.  J.  rappelle  un  curieux  passage 
de  Biary  d'Evelyn.  Le  27  août  1666,  six  jours  avant  que  le  vieux  S.  Paul  de 
Londres  ne  fût  détruit  par  un  grand  incendie,  Evelyn  alla  visiter  cette  église 
avec  quelques  amis.  «  Trouvant  que  le  bâtiment  principal  inclinait  vers  le 
dehors,  MM.  Chichley  et  Prat  estimèrent  qu'il  avait  été  construit  ainsi  ab  ori- 
gine,  en  vue  d'un  effet  en  perspective  relatif  à  la  hauteur;  mais  le  Dr  Wren  et 
moi  fûmes  d'une  opinion  toute  différente.  »  Ainsi  M.  Goodyear,  inventeur  des 
«  raffinements  en  largeur  »,  pense  comme  M.  Prat  en  1666.  «  Malheureuse- 
ment, écrit  Sir  T.  G.  J.,  j'ai  eu  trop  affaire  à  des  murs  et  à  des  piliers  inclinés, 
dont  l'inclinaison  n'était  certainement  due  à  un  raffinement^  pour  ne  pas  com- 
prendre le  scepticisme  de  MM.  Bilson  et  de  Lasteyrie,  qui  n'ont  pas  été  con- 
vaincus par  M.  Goodyear.  En  ce  qui  touche  Sainte-Sophie^  église  sur  laquelle  les 


BIBLIOGRAPHIE  4^7 

autorités  turques  m'ont  demandé  un  rapport,  je  peux  certifier  qu'il  y  existe  à 
peine  un  mur  ou  une  colonne  qui  n'ait  pas  dévié  de  la  verticale,  alors  qu'on  ne 
les  a  certainement  pas  construits  ainsi.  «  Admettons  pourtant  que  M.  Goodyear 
ait  raison  :  à  quoi  répondraient  ces  raffinements 'i  L'objet  des  raffinements  bien 
constatés,  comme  la  courbure  des  lignes  horizontales  au  Parthénon,  est  de 
combattre  quelque  illusion  optique,  de  rétablir  pour  l'œil  la  régularité  et  l'ap- 
parence de  la  rectitude.  Or,  la  courbe  d'une  voûte  rencontrant  un  mur  vertical 
pourrait  donner  au  mur  l'apparence  d'une  inclinaison  vers  le  dehors.  Je  conce- 
vrais donc  qu'on  remédiât  à  cette  apparence  en  inclinant  légèrement  le  mur 
vers  le  dedans.  Mais  le  faire  incliner  vers  le  dehors  ne  corrigerait  pas  l'illusion 
optique  ;  au  contraire,  ce  serait  l'aggraver,  alors  que  l'œil  demande  qu'un  mur 
soit  vertical  et  qu'il  éprouve  un  sentiment  de  malaise  s'il  ne  l'est  pas. 
M.  Goodyear  a  démontré,  par  le  fil  à  plomb,  que  la  divergence  est  réelle  ;  reste 
à  l'expliquer.  La  preuve  que  la  pression  y  est  pour  quelque  chose  ressort  de  la 
constatation  de  M.  Goodyear  à  Amiens,  que  certaines  colonnes  de  la  nef  sont 
inclinées  vers  le  dedans  et  non  vers  le  dehors.  D'autre  part,  l'inexactitude  des 
architectes  du  moyen  âge  est  telle  qu'on  ne  peut  fonder  aucune  théorie  sur  les 
irrégularités  de  construction.  J'ai  eu  à  mesurer  un  grand  nombre  de  vieilles 
églises  ;  j'ai  constaté  que  bien  peu  de  tours  sont  rectangulaires,  que  bien  peu 
de  nefs  ont  des  côtés  parallèles,  que  bien  peu  de  colonnes  sont  verticales.  » 
(t.  I,  p.  289-291).  On  n'entend  pas  donner,  par  ces  quelques  extraits,  une  idée 
de  la  manière  de  Sir  T.  G.  J.,  ni  de  l'intérêt  multiple  qu'offre  la  lecture  de  ces 
deux  volumes,  excellemment  illustrés  (avec  un  minimum  de  photographies  et  sur- 
tout de  clichés  déjà  connus),  écrits  avec  verve,  simplicité  et  bonne  humeur. 
Le  tome  II  se  termine  par  d'utiles  tables  chronologiques,  depuis  1096  (Canler- 
bury)  jusqu'en  1670  (le  Louvre  de  Perrault).  L'index  est  maigre  ;  les  noms 
d'auteurs  y  font  défaut  et  il  y  a  des  rubriques  déconcertantes,  par  exemple 
«  Immobilité  des  anciens  styles,  I,  11,  16.  »  Qui  jamais  songera  à  chercher  le 

mot  immobilité  dans  un  index  ? 

S.  R. 

Henry  Martin.  Images  historiques.  La  guerre  au  XV'  siècle.  Paris,  Lau* 
rens,  1916.  In-4*»,  16  p.,  avec  30  photographies.  —  Précieux  opuscule  orné 
d'excellentes  reproductions  de  miniatures  tirées  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 
Le  texte  n'offre  pas  moins  d'intérêt;  en  voici  un  spécimen  :  «  Dès  le  règne  de 
Charles  VII,  c'est  le  canon  qui  joue  le  premier  rôle  dans  les  sièges.  La  pre- 
mière bouche  à  feu  paraît  avoir  été  le  mortier,  auquel  on  adjoignit  bientôt  la 
bombarde  ouverte  aux  deux  extrémités  et  se  chargeant  par  la  culasse.  L'inven- 
tion de  la  bombarde  fut  suivie  de  près  par  celle  du  veuglaire,  canon  composé  de 
deux  parties  distinctes,  la  volée  et  la  chambre  à  feu,  celle-ci  d'un  calibre 
moindre  que  la  volée.  Enfin,  ce  n'est  qu'en  dernier  lieu  que  furent  fabriqués 
des  canons  dont  l'image  eût  dû  s'offrir  tout  d'abord,  semble-t-il,  à  l'esprit  des 
inventeurs,  c'est-à-dire  des  canons  se  chargeant  par  la  gueule.  Le  xv*  siècle  a 
d'ailleurs  produit  des  bouches  à  feu  de  tout  calibre.  En  1475,  une  bombarde 
monstrueuse,  fondue  à  Tours,  est  apportée  à  Paris  :  l'essai  en  est  fait  à  la 
Bastille.  Chargée  de  330  livres  de  poudre,  elle  lance  un  premier  boulet  jusqu'à 
V*  SÉRIE,  T.  m.  30 


458  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Charenton  ;  au  second  coup  elle  éclate  et  tue  son  fondeur.  Les  affûts  ne  son! 
pas  moins  variés,  aiïût  sur  roues,  affût  fixe,  affût  à  crémaillère.  La  plupart  de 
ces  affûts  laissent  le  canon  à  découvert  ;  il  en  est  aussi  qui  sont  pourvus  du 
mantelet,  panneau  de  bois  protecteur  que  le  canonnier  actionne  à  l'aide  d'une 
corde  ou  d'une  chaîne.  » 

S.  R. 

G.  Groslier.  A  rombre  d'Angkor,  Paris,  Challamel,  1916.  Jn-8,  190  p., 
avec  16  planches.  —  Il  y  a  beaucoup  de  talent  et  d'observations  fines  dans  ce 
petit  livre  ;  il  y  a  aussi  des  pages  que  les  archéologues  peuvent  recueillir  dans 
leur  scrap-book,  celle-ci  par  exemple,  que  j'ai  plaisir  à  copier  :  «  Sans  aucun 
principe  mathémalhique,  sans  passé  expérimental,  sans  formule,  commettant 
toujours,  dans  chaque  muraille  nouvelle,  les  mêmes  erreurs,  utilisant  sans  cesse 
le  même  plan  crucial  et  les  mêmes  combinaisons  de  galeries,  du  premier  monu- 
ment au  dernier,  les  Khmers  bâtirent  comme  on  sculpte  et  comme  on  écha- 
laude...  Architectes  déplorables,  ils  furent  cependant  de  grands  artistes.  Du 
premier  coup,  ils  surent  atteindre  à  la  majesté  et  à  l'ordonnance.  Et  superpo- 
sant au  hasard,  avec  seulement  de  l'ingéniosité,  des  blocs  énormes,  ils  sont 
parvenus  à  ériger  sur  tout  un  pays  des  monuments  qui  n'ont  d'architectural 
que  le  plan,  mais  qui,  par  leur  allure  et  ce  qui  s'en  dégage,  se  classent  parmi 
les  plus  beaux  du  monde.  »  On  lira  avec  intérêt,  aux  p.  89  et  suiv.,  ce  que 
l'auteur  écrit  sur  les  caractères  particuliers  des  différents  temples  Khmers  — 
le  Prah  Vihear,  le  Vat  Phu,  le  Prah  Khan,  le  Ta  Phran,  Angkor  Vat,  le 
Bayon  «  avec  le  sourire  paisible  de  ses  tours.  »  Les  seize  petites  phototypies 
sont  instructives.  S.  R. 

Frank  Jewett  Mather.  Estimâtes  in  Art.  New -York,  Scribner,  1916. 
En-8,  xi-315p.  avec  10  gravures.  —  J'ai  déjà  eu  souvent  l'occasion  de  dire  le 
bien  que  je  pense  des  essais  du  savant  professeur  de  Princeton,  qui  traite  avec 
une  égaie  facilité  et  une  égale  compétence  les  questions  de  littérature  et  d'art. 
Le  présent  volume  est  un  recueil  d'essais  sur  lesquels  je  ne  puis  insister,  car 
la  plupart  sont  en  dehors  du  cadre  de  notre  Revue.  Je  signalerai  pourtant  ceux 
qui  concernent  Botticelli  et  la  peinture  de  l'Extrême-Orient.  Voici,  sur  Botticelli, 
quelques  vues  intéressantes  (p.  54)  :  «  C'est  l'artiste  qui  exprime  directement, 
avec  un  minimum  de  moyens,  une  émotion  hautement  intellectualisée.  Tous 
ceux  qui  considèrent  le  monde  visible  comme  consistant  surtout  en  choses 
superflues,  lui  sont  apparentés.  Aussi  ses  vraies  affinités  artistiques,  en  par- 
ticuHer  dans  la  phase  de  sa  maturité,  ne  sont  pas  parmi  les  peintres  de  l'Italie, 
mais  parmi  ces  peintres  bouddhistes  qui  inventèrent  des  symboles  concis  et 
abstraits  pour  tous  les  degrés  de  la  perfection  spirituelle  ;  ou,  mieux  encore, 
parmi  ces  interprètes  japonais  du  ciel  et  de  la  mer  qui  ont  disséqué  les  appa- 
rences jusqu'à  faire  apparaître  le  tréfonddes  choses.  Des  artistes  de  ce  genre  ne 
font  rien  pour  nous  rendre  plus  cher  le  monde  de  tous  les  jours;  ils  ne  prêtent 
pas  de  gloire  aux  choses  communes  et  saines  de  notre  entourage*  Pourtant,  ils 
rendent  de  bons  services  en  stimulant  le  tissu,  naturellement  un  peu  inerte,  de 


BIBLIOGRAPHIE  459 

l'esprit  humain  ».  On  peut  n'en  point  tomber  d'accord,  mais  c'est  bien  dit  et 
ingénieusement  pensé. 

S.  R. 

J.  P.  Droop.  Archaeological  Excavation.  Cambridge,  University  Press, 
1915.  In-8,  80  p.  —  Opuscule  d'un  connaisseur,  où  il  y  a  beaucoup  d'observa- 
tions justes  et  de  conseils  utiles.  Muni  de  ce  guide,  un  fouilleur  sera  autre 
chose  qu'un  chercheur  de  trésors;  il  apprendra  à  travailler  avec  méthode,  à 
observer  la  stratification,  à  dresser  des  plans,  à  pourvoir  d'étiquettes  les  objets 
découverts,  etc.  Dans  un  épilogue,  l'auteur  se  déclare  hostile  à  l'association 
des  deux  sexes  en  vue  d'une  fouille,  et  cela  surtout  à  cause  des  proprieties 
(convenances  de  la  vie  matérielle)  et  de  l'usage  presque  inévitable  d'expressions 
énergiques,  dont  les  dames  ne  peuvent  s'accommoder.  Au  premier  inconvénient, 
qui  est  très  sérieux,  il  existe  un  remède,  coûteux  mais  toujours  applicable  :  il 
faut  avoir  deux  maisons  ou  deux  cahutes.  Quant  au  second,  ce  serait  plutôt 
un  avantage,  car  il  n'est  nullement  nécessaire,  pour  fouiller  avec  fruit,  de  pro- 
diguer les  gros  mots,  et  l'énergie  qu'on  déploie  à  cet  effet  serait  plus  utilement 
réservée  à  d'autres  fins. 

S.  R. 

Art  in  America.  T.  IV,  fasc.  3,  avril  1916.  New- York,  Frederick  Fairchild 
Sherman.  In-8.  —  C'est  vers  les  Etats-Unis  qu'il  faut  nous  tourner  si  nous  vou- 
lons chercher,  en  ce  moment,  une  certaine  continuité  dans  les  études  artistiques. 
L'excellent  périodique  dont  nous  venons  de  recevoir  le  dernier  fascicule  illustre 
à  merveille  les  préférences  actuelles  des  dilettantes  américains.  Pendant  long- 
temps ils  n'ont  eu  d'autres  guides  que  leurs  caprices  et  leurs  fournisseurs.  Ils 
ont  acheté  à  l'aveugle  avec  la  moins  prudente  des  exaltations,  payant  des 
prix  énormes  pour  des  œuvres  souvent  suspectes  et  faisant  preuve  plus  d'une 
fois  d'une  ignorance  et  d'un  mauvais  goût  incroyables.  Petit  à  petit,  l'expé- 
rience les  a  assagis.  Les  jeunes  Américains  sont  venus  s'instruire  en  Europe  : 
les  savants  européens  ont  fait  profiter  l'Amérique  de  leurs  connaissances. 
Trop  avisés  pour  tuer  la  poule  aux  œufs  d'or,  les  grands  antiquaires  sont 
devenus  d'une  extrême  prudence  et  hésitent  aujourd'hui  à  baptiser  «  chef- 
d'œuvre  »  le  premier  objet  venu,  d'autant  plus  que  les  clients,  devenus 
méfiants,  ne  veulent  plus  acheter  que  des  pièces  dûment  authentiquées.  La 
recherche  des  «  pedigrees  »  et  la  fabrication  des  certificats  d'authenticité  sont 
devenus  une  industrie  reconnue.  Les  savants  allemands  notamment  y  excellent; 
pour  un  Bode,  d'un  désintéressement  insoupçonnable,  que  d'experts  de 
moindre  grandeur  et  de  moindre  conscience! 

A  cette  période  des  vastes  acquisitions  succède  depuis  trois  ou  quatre  ans 
l'ère  des  classements.  Dans  la  forêt  touffue  d'œuvres  de  toutes  époques  et  de 
tous  genres  importées  en  masse  aux  États-Unis  et  répandues  à  travers  le  pays 
tout  entier,  une  équipe  de  pionniers  a  porté  la  hache.  Un  tri  s'imposait  et 
petit  a  petit  il  s'effectue. 

L'un  des  protogonistes  de  cette  exploration  fut  M.  Berenson,  singu- 
lièrement servi  dans  sa  tâche  tant  par  sa  connaissance  approfondie  de  toute 


460  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

l'école  italienne  que  par  sa  sensibilité  extrême,  son  étonnante  mémoire  visuelle 
et  son  sens  délicat  de  la  qualité,  caractère  qui  le  distingue  nettement  de  la 
plupart  des  savants  américains.  Si,  à  Theure  actuelle,  les  primitifs  italiens 
existant  aux  États-Unis  sont  correctement  baptisés,  c'est  à  M.  Berenson  qu'on 
le  doit,  et  s'il  a  aujourd'hui  des  rivaux  en  Amérique  même  (notamment 
M.  Frank  Jewett  Malher,  de  Princeton)  leur  érudition  a  pour  base  principale 
ses  ouvrages. 

Cette  facile  suprématie  de  M.  Berenson  donne  un  prix  particulier  à  une  série 
d'articles  qu'il  a  publiés  dans  Art  in  America  sur  les  peintures  vénitiennes 
primitives  aux  États-Unis.  Il  a  eu  l'occasion  de  traiter  à  nouveau  des  thèmes 
qui  lui  sont  chers  et  de  développer  des  appréciations  exprimées  par  lui  dans 
sa  monographie  sur  Lotto,  dans  les  deux  éditions  de  sou  livre  sur  les  peintres 
vénitiens  et  dans  son  catalogue  de  la  collection  Johnson.  Il  résulte  de  ses 
derniers  articles  que,  sans  sortir  des  États-Unis,  on  peut  connaître  à  peu  près 
tous  les  aspects  de  la  peinture  vénitienne  jusqu'à  Giorgione. 

Dans  le  numéro  que  nous  avons  sous  les  yeux,  M.  Berenson  consacre 
quelques  pages  instructives  à  la  peinture  si  remarquable  de  Bellini  «  Saint 
François  recevant  les  stigmates  »,  qui  fut  révélée  aux  connaisseurs  par  une 
exposition  anglaise  en  1912.  Les  Parisiens,  en  1913,  purent  l'examiner  et  l'ad- 
mirer aux  galeries  Knoedler,  avant  que  M.  Frick,  de  New- York,  en  eût  fait 
Tacquisition  à  un  prix  voisin,  dit-on,  du  million. 

M.  Roger  Fry  a  cru  reconnaître  dans  cette  œuvre  si  émouvante  la  main  non 
de  Bellini,  mais  de  son  collaborateur  Basaiti.  M.  Berenson  nous  donne  d'ex- 
cellentes raisons  de  ne  pas  attribuer  à  un  élève  cette  peinture  bien  digne  d'un 
maître.  Sans  doute,  dans  des  peintures  exécutées  vers  1510  et  1515  par  Basaiti, 
on  retrouve  quelques  paysages  d'une  inspiration  analogue  ;  mais  n'est-ce  pas, 
dit  fort  justement  M.  Berenson,  parce  que  Basaiti  cherchait  ses  modèles  dans 
des  œuvres  de  Bellini  qui,  comme  le  «  Saint  François  »  se  placent  chronologi- 
quement vers  1480  ou  1485?  Le  «  Saint  François  »  de  M.  Frick  est  au  reste 
cité  comme  de  Bellini  par  l'Anonyme  de  Morelli. 

Le  Louvre  n'est  pas  aussi  riche  en  œuvres  bellinesques  qu'on  pourrait  le 
souhaiter;  mais  depuis  quelques  années  nous  avons  regagné  du  terrain. 
A  la  Madone  acquise  sous  Napoléon  III  (et  que  j'ai  identifiée  dans  le  catalogue 
de  Lord  Northwick),  s'est  ajouté  le  portrait  endommagé  mais  authentique  de 
la  collection  Vandeul  ;  puis  nous  avons  acquis  le  Christ  de  la  collection  Orloff, 
œuvre  saisissante  de  la  jeunesse  du  maître  ;  ces  mois  derniers,  le  legs  Schlich- 
ting  nous  a  apporté  la  magnifique  Madone  Eastlake,  excellent  exemple  du 
grand  Bellini  classique. 

Verrons-nous  jamais  au  Louvre  un  grand  Gainsborough?  Il  est  permis  d'en 
désespérer  en  voyant  tour  à  tour  ses  plus  célèbres  portraits  traverser  l'Atlan- 
tique. Art  in  America  nous  donne  les  reproductions  de  trois  de  ses  chefs* 
d'œuvre  :  une  Lady  Petre  coiffée  d'un  immense  chapeau,  Lord  Ligonier  et  son 
cheval,  enfin  Lady  Ligonier  accoudée  au  socle  d'une  statue.  Si  Lady  Ligonier 
nous  rappelle  par  plus  d'un  côté  Reynolds  et  si  le  portrait  de  son  mari  semble 
peut-être  d'une  exécution  un  peu  mièvre,  Lady  Petre,  dans  son  parc  vaporeux, 


BIBLIOGRAPHIE  461 

satisfera  les  plus  exigeants  et  avivera  encore  nos  regrets  que  les  huit  ou  dix 
beaux  Gainsborough  que  possèdent  des  amateurs  parisiens  soient  tous  invi- 
sibles au  public. 

Les  Américains,  encore  peu  sensibles  à  la  beauté  du  mobilier  ancien,  sont 
néanmoins  très  friands  de  beaux  tapis  d'Orient.  La  vente  Yerkes,  en  1910, 
nous  en  a  fait  connaître  toute  une  série  (reproduite  à  l'époque  dans  une  somp- 
tueuse monographie)  et  le  legs  Altman  en  a  apporté  au  Metropolitan  trois 
splendides  spécimens.  Ils  sont  reproduits  dans  un  intéressant  article  de 
M.  Meyer  Riefstahl,  où  l'auteur  témoigne  d'une  heureuse  familiarité  avec  un 
sujet  encore  fort  obscur. 

Pour  jeter  un  peu  de  lumière  sur  l'histoire  des  tapis  persans  de  la  plus 
belle  époque  (c'est-à-dire  du  xvi«  siècle),  il  faudrait,  tout  d'abord,  publier  un 
Corpus  de  ces  tapis,  réunir  en  un  volume  les  précieux  exemples  exposés  à 
Paris  en  1903  et  à  Munich  en  1910,  y  joindre  ceux  de  Vienne,  publiés  en  189?,- 
1896,  de  Berlin,  du  Kensington»  des  Musées  parisiens  (Louvre,  Arts  décoratifs, 
Gobelins),  du  Musée  Stieglitz  à  Petrograd  et  de  quelques  grandes  collections 
particulières. 

L'examen  attentif  d'un  pareil  Corpus  permettrait,  ce  qui  n'a  jamais  encore  été 
fait,  de  classer  ces  tapis  par  familles  et  de  suivre  dans  chaque  famille  l'évolu- 
tion des  motifs.  On  constaterait  que  beaucoup  de  tapis  existent  en  deux  exem- 
plaires. C'est  précisément  cette  constatation  que  vient  de  faire  M.  Meyer  Rief- 
stahl pour  les  trois  tapis  de  la  collection  Altman;  il  en  a  trouvé  des  répliques 
presque  exactes  au  National  Muséum  de  Munich,  aux  Gobelins  et  dans  l'an- 
cienne collection  Aynard.  Ces  répétitions,  toutefois,  comportent  des  variations 
si  notables  dans  le  détail  des  ornements  qu'il  ne  saurait  s'agir  de  pièces  exé- 
cutées pour  servir  de  pendants,  comme  les  deux  grands  tapis  d'Ardebil  (Soulh 
Kensington  et  vente  Yerkes).  L'esprit  est  inviuciblement  ramené  par  ces  répéti- 
tions aux  différentes  éditions  de  telle  ou  telle  tenture  célèbre  sur  les  métiers  de 
Beauvais  ou  des  Gobelins.  M.  Meyer  Riefstahl  nous  a  persuadé  ou  peu  s'en 
faut  que  ces  beaux  tapis  sortent  de  la  manufacture  royale  persane.  On 
aimerait  à  le  croire,  mais  on  voudrait  bien  en  avoir  la  preuve. 

Poursuivant  ses  recherches  sur  les  tapis  de  même  catégorie  dispersés  à  tra- 
vers les  musées,  M.  Meyer  Riefstahl  a  relevé  d'autres  exemples  de  duplication 
des  motifs  :  les  n«"  217  et  218  de  la  vente  Yerkes  ont  leurs  doublets  dans  le 
cabinet  Nathaniel  de  Rothschild  à  Vienne  et  dans  notre  Musée  des  Arts  décora- 
tifs. Chose  singulière,  mais  qu'explique  peut-être  la  rareté  de  ces  belles  œuvres  : 
en  aucun  cas  nous  ne  connaissons  plus  de  deux  exemplaires  de  la  même  com- 
position. Nous  devons  une  vive  reconnaissance  à  M.  Meyer  Riefstahl  d'avoir 
aiguillé  dans  une  voie  nouvelle  les  recherches  des  historiens  de  l'art*. 

Puisque  nous  en  sommes  aux  tapis,  signalons  un  charmant  volume  que  vient 
de  publier  le  Kensington  :  un  Guide  to  the  collection of  carpets  (1915),  rédigé 


1.  L'admirable  tapis  du  Palazzo  Torrigiani  à  Florence  n'appartient  pas,  comme 
le  croit  M.  Meyer-Riefstahl^  au  baron  Edmond  de  Rothschild,  mais  à  seu  fils 
Maurice;  il  provient  de  la  collection  Adolphe  de  Rothschild. 


462  REVUE   ARCHÉOLOGIQUE 

par  M.  A.  F.  Kendrick,  qui  nous  donne,  pour  la  somme  minime  de  deux  shil- 
lings, un  joli  album  de  47  planches  avec  100  pages  de  texte,  le  tout  dans  un  élé- 
gant cartonnage  de  pleine  toile.  Dans  nos  musées  nationaux,  par  le  dernier 
traité,  le  concessionnaire  de  la  vente  des  catalogues  est  autorisé  à  faire  15  0/0 
de  bénéfice  sur  le  prix  de  revient.  En  Angleterre,  les  catalogues  sont  vendus 
au-dessous  du  prix  de  fabrication.  Depuis  de  longues  années.  National  Gallery, 
British  Muséum  et  Kensington  nous  font  honte  sur  ce  chapitre.  Le  Louvre, 
depuis  peu,  semble  animé,  dans  certains  départements,  des  intentions  les 
meilleures;  mais  le  Musée  des  Arts  décorattfs  qui  est,  à  tant  d'égards,  un 
modèle,  est  bien  arriéré  en  ce  qui  concerne  les  catalogues.  Viennent  de  meil- 
leurs jours  et  les  savants  français  ne  manqueront  pas  d'ouvrage. 

S.  DE  Ricci. 

Panl  Esdouhard  d'Anisy.  Le  polyptyque  de  VHôtel-Dieu  de  Beaune.  Van 

Oest,  Bruxelles  et  Paris,  1916.  Gr.  in-8,  78  p.  —  L'Hospice  de  Beaune,  où 
figure  encore  le  polyptyque  de  Rogier,  fut  fondé  en  1443;  ce  chef-d'œuvre 
aurait  été  peint  entre  1443  et  1448.  Telle  est  l'opinion  courante  ;  mais  il  y  a 
une  difficulté,  signalée  pour  la  première  fois  par  M.  E.  d'Anisy  :  c'est  que  Phi- 
lippe le  Bon  n'y  porte  pas  le  collier  de  la  Toison  d'Or,  alors  que  les  statuts 
obligeaient  les  chevaliers  à  porter  toujours  cet  insigne.  Or,  l'ordre  a  été  fondé 
en  1430.  Il  résulterait  de  là  cette  conclusion  très  grave  que  le  polyptyque  n'a 
pas  été  fait  pour  l'hôpital  et  qu'il  a  été  peint  avant  1430,  probablement  vers 
1425,  tout  de  suite  après  le  mariage  du  duc  avec  Bonne  d'Artois.  En  1430, 
Rogier  était  déjà  célèbre,  puisque  le  17  novembre  1426  la  ville  de  Tournai  lui 
offre  huit  lots  de  vin  *,  alors  qu'elle  n'en  donnera,  un  peu  plus  tard,  que  quatre 
à  Jan  van  Eyck.  Mais  nous  avons  un  autre  texte  suivant  lequel  un  peintre 
nommé  Rogelet"  aurait  commencé,  le  5  janvier  1426,  son  apprentissage  chez 
Robert  Campin.  Rogelet  et  Rogier  sont-ils  identiques?  Y  a-t-il  eu,  comme  l'a 
encore  affirmé  Wurzbach  après  beaucoup  d'autres  (ça  été  même  l'opinion  cou- 
rante jusqu'à  Wauters),  deux  Rogier  de  la  Pasture,  peintres  contemporains,  l'un 
de  l'école  de  Bruges,  l'autre  de  celle  de  Tournai?  Cruelles  énigmes.  M.  E. 
d'Anisy  n'est  pas  au  courant  de  ces  controverses  ;  il  ne  connaît  ni  Wurzbach, 
ni  Basse,  ni  Winkler;  mais  il  n'en  a  pas  moins  tait  une  observation  très  intéres- 
sante au  sujet  du  collier  de  la  Toison  d'Or  et  donné  des  détails  nouveaux  sur 
les  restaurations  que  le  célèbre  polyptyque  a  dû  subir. 

S.  R. 

Osvald  Sirôn.  Leonardo  da  Vinci,  the  artist  and  the  man.  Newhaven, 
Yale  University  Press,  1916.  In-8.  xviii-325  p.  et  nombreux  pi.  en  phototypie. 
—  Les  Américains  sont  heureux  :  en  ces  temps  troublés,  on  publie  chez  eux  de 
beaux  livres  sur  des  sujets  paisibles.  Nous  ne  nous  en  plaindrons  pas,  puisque 
la  monographie  en  suédois  consacrée,  en  1911,  à  Léonard  de  Vinci,  par 
M.  Osvald-Sirén,  nous  est  aujourd'hui  accessible  en  anglais,  revue  et  augmen- 

1.  «  A  maistre  Rogier  de  la  Pasture.  » 

2.  «  Rogelet  de  la  Pasture.  » 


BIBLIOGRAPHIE  463 

tée,  mise  au  courant  des  plus  récentes  découvertes  et  ornée  d'une  riche  illus- 
tration. 

Deux  cents  phototypies  nous  fournissent  sur  l'œuvre  léonardesque  une  docu- 
mentation abondante  où  tiennent  une  ample  place  les  pièces  de  comparaison, 
telles  que  les  œuvres  parallèles  des  artistes  contemporains  du  maître. 

On  sera  heureux  de  trouver  reproduite  ici  la  Madone  Bénois  qui  prend  ainsi 
rang  officiellement  à  côté  des  huit  ou  dix  peintures  authentiques  de  Léonard, 
la  «  Ginevra  »  de  la  collection  Lichtenstein  (qui  ne  serait  pas  Ginevra  Benci), 
la  prétendue  «  Cecilia  Gallerani  »  de  la  galerie  Czartoryski  (qui  serait  l'œuvre 
de  Beltraffîo),  toute  la  série  des  Léda,  et  toutes  les  statuettes  de  chevaux 
inspirées  par  le  Cavallo  de  Léonard. 

Notons  la  théorie  nouvelle  d'après  laquelle  l'Annonciation  du  Louvre  serait 
postérieure  à  celle  de  Florence. 

Nous  permettra-t-on  de  reprocher  à  M.  Sirén  d'avoir  réduit  à  un  minimum 
les  renvois  bibliographiques;  de  ne  pas  même  citer  l'explication  proposée  par 
M.  Salomon  Reinach  pour  le  geste  de  l'Ange  dans  la  Vierge  aux  Rochers  ;  de 
traiter  la  Vierge  aux  Rochers  de  Londres  de  «  free  but  rather  feeble  copy  », 
ce  qui  est  peut-être  injuste  pour  une  œuvre  où  d'éminents  techniciens  ont  cru 
constater  des  pentimenti  bien  reconnaissables;  de  ne  faire  aucune  allusion 
même  discrète  aux  aventures  récentes  de  la  Joconde;  enfin,  de  continuer  à 
appeler  «  Belle  Ferronière  »  le  magnifique  portrait  de  femme  du  Louvre.  Sur 
cette  peinture  et  sur  les  autres  œuvres  léonardesques  de  notre  grand  musée, 
notre  notice  sur  les  peintures  des  écoles  italiennes  lui  aurait  fourni  plus  d'un 
renseignement. 

Enfin,  reproche  sérieux,  pourquoi  n'y  a-t-il  pas  d'index? 

Par  contre,  la  typographie  et  l'illustration  ne  méritent  que  des  éloges.  Le 
volume  comptera  parmi  les  contributions  les  plus  utiles  que  les  éditeurs  améri- 
cains aient  encore  apportées  à  l'histoire  de  l'art. 

Seymour  de  Ricci. 

E.  Michon.  Bibliographie  des  catalogues  du  Musée  des  Antiques  du 
Louvre  (extr.  du  Bibliographe  modernej  1914-15,  n®»  4  et  6).  Besançon, 
Demontrond,  1916.  In-8,  63  p.  —  Ceci  est  plus  et  mieux  qu'une  bibliographie  : 
c'est  presque  une  histoire  du  Musée  des  Antiques  de  1800  à  1816.  Cette  der- 
nière date  est  celle  d'un  catalogue  anglais  imprimé  par  John  Pillans,  sans 
nom  d'auteur,  ouvrage  très  rare  qui  indique,  mais  avec  toutes  sortes  d'inexac- 
titudes, les  reprises  des  Alliés.  L'auteur,  bien  qu'hostile  à  la  France,  fait 
observer  que  les  portes  du  Louvre  étaient  toujours  ouvertes  aux  antiquaires 
et  aux  artistes  (sans  droit  d'entrée  ni  rétribution).  D'autres  Anglais  ont  fait 
la  même  observation,  témoin  ce  qu'écrivait  le  major  Frye  à  Paris,  le  7  août 
1815  (voir  les  mémoires  de  cet  officier  que  j'ai  publiés  sous  le  titre  After 
WaterloOy  Londres,  1908,  p.  65)  :  «  Surely  nothing  could  be  more  Uberal  than 
the  use  made  of  the  Muséum  by  the  French  governement;  foreigners  were 
indeed  more  favoured  than  the  inhabitants  themselves...  and  ail  this  gratis.  » 
Tout  le  passage  sur  le  Louvre  est  à  lire  (p.  62-66). 

S.  R. 


464  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

Muséum  of  Fine  Arts,  Boston.  Rapport  pour  1915.  In-8,  179  p.  — 
Acquisitions  à  signaler  :  1*  Tête  colossale  de  Déméter  (?)  en  marbre  de  Paros, 
école  de  Praxitèle  (publiée  Muséum  of  Fine  Arts  Bulletin,  SiVT'û  1916)  ;  2»  deux 
statuettes  de  bronze  du  lac  de  Némi  (cf.  Rev.  archéol.,  1909,  II,  p.  177)  ;  3*  109 
peintures  persanes  et  indoues,  s'ajoutant  aux  42  peintures  données  précédem- 
ment par  le  D'  Ross  et  à  la  collection  Goloubew  acquise  en  1914;  4°  une  sculp- 
ture chinoise  en  pierre,  de  grande  dimension,  représentant  Kuan  Yin,  divinité 
de  la  Pitié.  —  Parmi  les  objets  exposés  à  titre  de  prêt,  je  signalerai  :  1"  une 
fibule  étrusque  en  or  du  vil"  siècle  [Journal  of  Roman  Studies^  1914,  IV,  pi.  1)  ; 
2®  une  pierre  gravée  avec  l'avant  corps  d'une  Néréide  (cf.  Furtwaengler, 
Gemmen,  pi.  XXXV,  13-15)  ;  3»  deux  amphores  colossales  de  Théra,  style 
géométrique  (Amer.  Journ.^  1914,  pi.  5  et  6)  ;  4*  Kylixattique  à  figures  rouges, 
peintes  de  la  main  de  Douris  suivant  le  possesseur,  M.  J.  G.  Hoppin  :  Silènes 
et  Ménades.  —  On  annonce  que  le  professeur  Chase  va  publier  incessamment 
un  catalogue  illustré  de  la  poterie  d'Arezzo. 

X. 

Léon  Tan  der  Essen.  A  short  history  of  Belgium.  Chicago,  University 
Press,  1916.  In-8,  168  p.,  avec  cartes  et  gravures.  —  Le  grand  ouvrage 
(d'ailleurs  inachevé)  de  M.  Pirenne  étant  plutôt  destiné  aux  spécialistes,  il  était 
utile  d'offrir  au  public  instruit  de  langue  anglaise,  surtout  en  ce  moment,  une 
histoire  sommaire  de  la  Belgique  jusqu'à  nos  jours.  Le  précis  de  M.  Van  der 
Essen  est  écrit  sans  prétention  ;  il  n'y  a  pas  d'indications  de  sources  et  la 
bibliographie  finale  est  assez  maigre  ;  un  ouvrage  aussi  important  que  celui  de 
Schayes  aurait  dû  être  mentionné.  Le  récit  est  clair  et  entre  dans  des  détails 
suffisants  pour  ne  pas  être  sec.  Quelques  inexactitudes  m'ont  frappé  au  passage. 
P.  11,  ce  n'est  pas  Clodion,  mais  Childéric  dont  la  tombe  a  été  découverte  en 
1653  à  Tournai  ;  p.  8,  il  n'est  pas  exact  de  dire  :  «  En  57  av.  J.-C,  la  Répu- 
blique romaine,  déjà  en  possession  de  la  plupart  des  pays  méditerranéens,  y 
compris  le  sud  de  la  Gaule,  se  décida  à  conquérir  aussi  le  reste  de  ce  pays  ». 
(ce  n'est  pas  ainsi  que  les  choses  se  sont  passées);  p.  161,  ce  n'est  pas  «  à  la 
veille  de  la  guerre  franco-allemande  »,  mais  au  début  de  cette  guerre  que  Bis- 
mark publia  le  fameux  projet  de  traité  visant  l'annexion  de  la  Belgique  à  la 
France,  Il  n'y  a  pas  d'index  ;  c'est  un  tort. 

S.  R. 


TABLES 

DU  TOME  I  DE  LA  CINQUIÈME  SÉRIE 


I.  —  TABLE  DES  MATIERES 

Pages. 

Astrologica,  par  Fraoz  Cumont 1 

Les  monuments  antiques  figurés  du  Musée  archéologique  de    Milan,  par 

Emile  EspÉRANDiEU 23 

Notes  archéologiques,  par  W.  Dkonna    .     .         74 

Les  collections  d'objets  d'art  du  Moyen-Age  et  de  la  Renaissance,  par 

Seymour  de  Ricci 98 

Les  fallacieux  détours  du  Labyrinthe,  par  le  capitaine  Robert  de  Launay 

{suite) : 116 

Le  puits  du  Gévaudan,  par  Salomon  Reinacb 121 

liulletin  mensuel  de  l'Académie  des  Inscriptions 135 

Nouvelles  archéologiques  et  correspondance  :  Michel  Bréai.  Charles  Ave- 

zou.  Sir  John   Rhys.  Noël   Valois.   Pablo   Bosch.  Salomon   Schechter. 

Adrien  Krebs.  Paul  Pierret.  Francesco  Novati.  JeanPottier.  — Montaigne 

et  la  bataille  de  Platées.  —  Un  récit  sumérien  du  Déluge  et  de  la  Chute. 

—  L'Érosde  Lemnos.  — Antiquités  de  l'Ionie.  —  Le  «  Muséum  Journal  » 
de  Philadelphie.  —  Statues  enclouées.  —  L'influence  de  la  littérature 
sur  les  mythes.  —  The  Antiquary.  —  Opinions  téméraires.  —  A  Galipoli. 

—  Couteaux  à  trancher.  —  L'Athenaeum  et  la  Revue  critique.  —  Un 
collaborateur  de  la  «  Revue  »  à  l'ordre  du  jour 139 

Bibliographie  :  W.  Dëonna.  Eugénie  Strono.  E.  Navillk.  E.  Peet.  H.  R.  Hall. 

H.  Hadden.  Morris  Jastrow.  Henri  Gkaillot.  H.  G.  Butler.  E.  Littmann. 

D.  Magie,  D.  R.  Stuart.  F.  Haverfield.  G.  Sghlumbergek  et  A.  Blanchet. 

A.  Merlin.  A.  Farault ,    .  163 

L'Alessandro  di  Cirene,  par  Ada  Maviolia 169 

Les  Isiaques  de  la  Gaule,  par  E.  Guiubt 184 

Outils  en  fer  du  Musée  de  Saint-Germain,  par  B.  Champion 211 

Mosaïque  de  Garthage  représentant  les  jeux  du  cirque,  par  L.-A.  Gomstans.  247 

Notes  archéologiques  (suite),  par  W.  Deonna 260 

La  Vierge  au  Donateur  du  Louvre  et  la  ville  de  Lyon,  par  F.  de  Mély.  .  272 
Les  fallacieux  détours  du  Labyrinthe,  par  le  capitaine  Robert  db  Launat 

{suite) 295 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  Inscriptions 301 

Nouvelles    archéologiques    et  correspondance   :  Le    commandant  Gros. 

C.-A.-M.  Fennell.  Marcel  Hébert.  Ernest-Charles  Babut.  Ugo  Balzani. 

Henri-François  Secrétan.  Auguste  Burdin.  —  La  tombe  royale  de  Solokha. 

—  Vases  retrouvés.  —  Art  and  the  Huns.  Autiquities  dug  from  the 
trenches.  —  Une  chaire  d*hébreu  rabbinique  à  l'Université  de  Madrid. 


466  ftEVtJE   ARCHÉOLOGIQUE 

Pages. 
—  Le  plus  ancien  pont.  —  Hannibal  fils  Hamilcar.  —  Le  cratère  Médicis 
et  la  suppliante  Barberini.  —  Les  théories  de  M.  Ettore  Pais.  —  Divi- 
nités celtiques  à  Avenches.  —  Comment  les  trésors  du  Louvre  sont 
partis  pour  Toulouse.  —  La  question  du  Mont  Saint-Michel.  —  Projet 
d'échange  d'antiquités  entre  l'Italie  et  le  Louvre.  —  L'épreuve  du  vin 

sur  l'eau.  —  L'affaire  A.  van  Gennep 307 

Bibliographie  :  W.  Ridgewat,  Juan  Cabré  et  Carlos  Estbban,  Juan  Cabré, 
Aguilo,  J.  Rendkl  Harris.  W.  Deonna,  G.  Chadvet,  R.  Maxwell  Woolley.  321 

Inscriptions  de  Sinope,  par  Théodore  Reinach 329 

Archéologie  thrace,  par  Georges  Selre  (suite) 359 

Les  fallacieux  détours  du  Labyrinthe,  par  le  capitaine  Robert  de  Launay 

(suite) 387 

De  quelques  prétendus  portraits  de  sculpteurs,  par  Salomon  Reinach.    .  399 

Bulletin  mensuel  de  l'Académie  des  Inscriptions 418 

Nouvelles  archéologiques  et  correspondance  :  Auguste  Barth.  Augustin- 
François  Imbert.  Giuseppe  Pitre.  René  de  Lageneste.  Léon  Cart.  Henri 
Heugel.  Alexis  Giraud-Teulou.  Ivan  Ivanovitch  Tolstoï.  —  M.  Raoul 
Warocqué.  —  A  Mytilène.  —  Rome  et  la  politique  d'annexion.  — 
L'exposition  des  chefs-d'œuvre  du  Louvre  à  Toulouse.  —  Chefs-d'œuvre 
à  l'abri.  —  L'archéologie  au  «  Journal  officiel  ».  —  La  collection  Cha- 
brières-Arlès.  —  La  donation  Rodin.  —  Le  musée  ashmoléen  d'Oxford. 

Hommage  à  la  mémoire  de  Joseph  Déchelette •    .  423 

Bibliographie  :  Otto  Tschcmi  et  Paul  Vouoa.  L.  Maybt  et  J.  Pissot.  G.  Pois- 
son. Jean  Stroobant.  Nils  Abkrg.  Léon  Coutil.  Arthur  Ungnad.  E.  Bell. 
G.  van  der  Leeuw.  A  van  Gbnnbp  et  G.  Jéquier.  Alfred  E.  Knight. 
M.  Vernes.  Eusèbe  Vassel.  Paul  Gauckler.  G.-G.  Porro.  Michel  Clbrg. 
E.  Babblon.  F.  Legge.  E.  Michon.  Bruce  Dickins.  Abbé  René  Aigrain. 
Sir  Thomas  Graham  Jackson.  Henry  Martin.  G.  Groslier.  Franck-Jeveett 
Mather,  J.-P.  Droop.  Art  in  America.  Paul  Esdouhard  d'ANrsY.  Osvald 
SiRÈN.  E.  MiCHON.  Muséum  of  Fine  Arts,  Boston.  Léon  van  der  Essen.  437 


IL  —  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

PAR   NOMS   d'auteurs 


Pages 

Champion  (B.).  — Outils  en  fer  du  Musée  de  Saint-Germain  ....  211 
GoNSTANs  (L.-A.).  —  Mosaïque  de  Carthage  représentant  les  jeux  du 

cirque 247 

CuMONT  (Franz).  —  Astrologica 1 

Deonna  (W.).  —  Notes  archéologiques 74,  260 

EsPBKANoiBu  (Emile).  —  Les  monuments  antiques  figurés  du  Musée 

archéologique  de  Milan 23 

GuiMET  (E.).  —  Les  Isiaques  de  la  Gaule 184 

Launat  (Robert  de).—  Les  fallacieux  détours  du  Labyrinthe.        116,  295,  387 

Maviglia  (Ada).  —  L'Alessandro  di  Cirene 169 

Mélt  (F.  de).  —  La  Vierge  au  Donateur  du  Louvre  et  la  ville  de  Lyon  272 

Reinach  (Salomon).  —  Le  puits  du  Gévaudan 127 

RsiNACH  (Salomon)  —  De  quelques  prétendus  portraits  de  sculpteurs.  399 

Reinach  (Théodore).  —  Inscriptions  de  Sinope 329 

Ricci  (Seymour  db).  —  Les  collections  d'objets  d'art  du  Moyen  Age 

et  de  la  Renaissance 98 

Skurb  (Georges).  —  Archéologie  thrace 359 


Le  Gérant  :  Ernest  Leroux. 


ANGERS.  —   IMPRIMERIE  A.   BURDIN  ET  C'»,   4,   RUE  OARNIER. 


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t.3 


Revue  archéologique 


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